Et vous, que faites-vous de vos émotions lorsqu’elles vous assaillent !? Vous les cachez sous le tapis pour les occulter ? Vous « mettez le couvercle » pour éviter qu’elles ne débordent ? Vous les subissez et vous laissez submerger ? Vous les regardez en coin en attendant qu’elles passent ? Ou peut-être vous prend-il l’audace de traverser vos émotions, d’en devenir l’explorateur.rice et de les prendre à bras-le-corps, comme on enlace une amie. Pour ma part, je leur donne de petits noms : ma « petite tristesse », ma « gardienne de peur », ma « renversante colère »… Car aussi inconfortables soient-elles, nos émotions sont de précieuses alliées pour identifier les situations incompatibles avec notre état d’équilibre et donc notre bien-être. Plus encore, nos émotions sont la porte d’entrée vers nos sentiments et notre cœur.
Nos émotions nous embarrassent, nous mettent mal à l'aise... Et pour cause, nous ne savons pas les décrypter. Tout comme une langue étrangère qui nous est inconnue, l'expression de nos émotions provoque en nous perplexité et confusion. Notre première réaction consiste donc tout naturellement à les ignorer !
Pourtant, lorsque l'on prend la peine de les explorer, on découvre que chacune de nos émotions recèle un trésor enfoui. Elles sont un passage vers une dimension complètement privée, qui nous est inaccessible sans une écoute profonde de nous-même : nos sentiments. Eprouver nos sentiments est un privilège, une clé qui ouvre toutes les portes de la reconnaissance de notre vraie nature.
Pour comprendre le mécanisme de nos émotions, j’aimerais vous partager ici trois regards très éclairants et complémentaires. Le regard de la psychologue et psychothérapeute Jeanne Siaud-Facchin éclaire le chemin vers La guérison émotionnelle. L’éclairage scientifique est celui du neurologue Antonio R. Damasio dans un ouvrage où il mêle également la dimension philosophique : Spinoza avait raison. Joie et tristesse, le cerveau des émotions. Et enfin, Stéphane Drouet, psycho-praticien et thérapeute quantique nous amène à comprendre nos émotions avec L’intelligence quantique du cœur.
Emotion vient du latin « emovere » qui signifie mouvement. Une émotion est donc une force qui nous met en mouvement. Être traversé par une émotion se rapporte à faire l’expérience d’une énergie circulant dans notre corps, nous projetant vers l’action. Elles créent de la vie en nous. Elles nous façonnent et nous donnent le sentiment d’exister, d’être en lien avec ce qui se manifeste dans le présent. Voilà pourquoi nous y sommes tellement attachés. Car notre besoin profond est existentiel. En apprenant à accueillir nos émotions, nous nous ouvrons donc au mouvement de la vie.
En soi, l’énergie émotionnelle est neutre. C’est la sensation générée et la réaction physiologique qui rendent une émotion positive ou négative et ce sont les pensées qu’elle suscite, en miroir, qui lui donnent un sens. Que les émotions soient positives ou négatives, c’est l’affaire du mental. Il va aller chercher les expériences et croyances héritées du passé ou de l’éducation pour étiqueter chaque émotion.
Nous sommes littéralement sous influence émotionnelle car nos émotions circulent à une vitesse qui dépasse largement celle de nos pensées. Il nous est donc impossible de contrôler les émotions par la pensée. Bien au contraire, nous sommes sous le joug d’un véritable tourbillon intérieur, un ballet perpétuel : chaque émotion fait émerger une pensée, consciente ou inconsciente et chaque pensée déclenche une émotion, ressentie ou non. Les deux sont indissociables et ne peuvent s’exprimer qu’en écho l’une de l’autre.
Dans leur mode automatique, les émotions nous coupent de notre liberté d’être et de penser. Nous sommes alors soumis à leur diktat, victimes d’un fonctionnement souterrain auquel nous n’avons pas accès.
Si chaque émotion suscite une réaction automatique et stéréotypée de la part de notre organisme, elle n’en reste pas moins un processus complexe et élaboré. Ainsi, les émotions constituent le moyen naturel pour le cerveau d’évaluer notre environnement à l’intérieur et hors de notre corps, afin d’y répondre de façon adaptée.
Il existe principalement deux sources d’émotions : l’une est la peur et toutes les émotions qui en découlent ; l’autre est l’amour ainsi que les sentiments qui en résultent. Nous vibrons tous à travers ces deux polarités émotionnelles, mais celle qui nous assaille le plus souvent est la peur. Notre vie tout entière est émaillée par la peur, une peur aux mille visages, alimentée par notre mental, celui-là même qui a forgé nos blessures et nos schémas. En conséquence, nos relations se fondent majoritairement sur la peur et minoritairement sur l’amour.
Les émotions issues de la peur déclenchent des turbulences qui ébranlent tout notre corps et notre cœur. Nous avons tendance à les subir, comme des ennemies, en résistant aux réactions qu’elles suscitent en nous. Alors que, comme des amies intimes, elles viennent tambouriner par toutes les cellules de notre corps pour nous mettre en alerte sur une situation inconfortable pour nous.
Le signal émotionnel que nous ressentons entraîne un grand nombre de tâches importantes, consciemment ou inconsciemment. Il attire l’attention sur certains aspects du problème et améliore ainsi la qualité du raisonnement à son propos. Quand le signal est explicite, il produit des signaux d’alarme automatisés concernant les options d’action susceptibles de donner des résultats, à la lumière des expériences que nous avons vécues antérieurement. Le signal émotionnel marque les options et les résultats d’un indice positif ou négatif qui réduit l’espace de prise de décision et augmente la probabilité pour que l’action se conforme à l’expérience passée.
Plus nous sommes conscients de ces turbulences intérieures et de leur signification, meilleure sera notre réponse. Nous avons donc la responsabilité d’accueillir nos émotions et de les écouter, pour les comprendre. Nous entraîner à reconnaître nos ressentis, dans les recoins de notre corps, nous redonne de l’espace pour agir et la liberté de réguler notre monde intérieur.
« Je ressens – pause – j’agis »
Jeanne Siaud-Facchin
La pause, c’est l’espace entre le stimulus de l’émotion, ou signal émotionnel, et la réponse. C’est notre espace de liberté pour souffler, prendre notre température intérieure et peser ce qui semble juste pour nous en écho avec nos ressentis.
Cette respiration nous permet de nous dégager de l’influence de ces « shoots émotionnels » et de sortir du circuit fermé émotions-pensées en restant centrés sur nos sensations corporelles. L’idée n’est pas ici de chercher à nommer les émotions que nous vivons mais de ressentir ce qu’elles produisent en nous, de les explorer avec curiosité. Une gorge nouée, un thorax comprimé, un poids dans le ventre, sont autant de sensations qui parlent de notre émotion. Accueillir ces tensions et écouter le tumulte de notre corps avec attention permet d’apaiser l’émotion et de retrouver le calme nécessaire à la résolution de la situation.
Lorsque nos émotions créent de l’inconfort, notre vision de la vie est déformée. Rééquilibrer notre état émotionnel passe donc par la recherche d’une cohérence intérieure ; un état qui nous est accessible si nous prenons la peine de traverser ces émotions pour voir au-delà, dans le repli de notre cœur, dans la grandeur de nos sentiments.
Les émotions et les sentiments sont si intimement liés qu’ils forment ensemble un processus continu qui nous donne à penser qu’ils ne sont qu’une seule et même chose. Pourtant, il serait plus juste de dire qu’ils sont jumeaux ! Le premier né étant l’émotion…
Pour comprendre la chaîne complexe des événements qui s’amorcent avec l’émotion et mènent au sentiment, il est utile d’observer la partie de ce processus qui est rendue publique et celle qui reste privée. En effet, les émotions sont des mouvements qui se déploient de façon publique, qui sont visibles pour autrui dès lors qu’ils se manifestent sur le visage, dans la voix et à travers des comportements spécifiques. A l’opposé, les sentiments sont toujours cachés, comme toutes les images mentales. Seul celui qui les possède peut les voir et ils constituent la propriété la plus privée de l’organisme.
« Les émotions se manifestent sur le théâtre du corps ; les sentiments sur celui de l’esprit. »
Antonio R. Damasio
Chaque shoot émotionnel ouvre une brèche et sert d’onde porteuse à tout le spectre des sentiments, entre bien-être et souffrance. Les sentiments résonnent comme la musique qui habite sans cesse notre esprit, une mélodie qui se fait tantôt chant d’allégresse lorsque nous sommes envahis par la joie, tantôt requiem funèbre quand la tristesse nous gagne.
Si quelque chose dans notre existence peut être un révélateur à la fois de notre faiblesse et de notre grandeur, ce sont bien les sentiments. Ils sont l’expression de l’épanouissement et de la détresse humaine, tels qu’ils se produisent dans notre esprit et notre corps. Ils révèlent l’état vécu au sein de notre organisme tout entier, dans le langage de l’esprit.
Le sentiment de joie s’apparente à des sensations délicieuses qui courent dans notre sang jusqu’au fond de notre cœur et qui traversent notre esprit le plus pur dans une impression de calme. Notre esprit et notre corps se mêlent en harmonie. Tout conflit intérieur s’apaise.
Le sentiment de tristesse s’accompagne d’une sensation de rétrécissement intérieur, voire de verrouillage de certaines parties de notre corps. Notre esprit et notre corps se trouvent comme entravés et notre respiration peut être altérée jusqu’à l’apnée.
Les sentiments sont des sentinelles. Ils font savoir à notre conscience quel est l’état vécu par notre organisme à un moment donné. Ce sont des manifestations mentales de l’équilibre et de l’harmonie, du déséquilibre et de la discorde vécus en nous.
Persévérer dans notre être requiert des efforts constants ; c’est même la destination première de notre existence.
« L’être humain n’a pas été créé en priorité pour le bonheur, mais essentiellement pour l’évolution. »
Stéphane Drouet
Tout ce qui nous arrive dans la vie est orienté dans ce sens. Le bonheur n’étant que la conséquence heureuse de notre trajectoire d’évolution.
Pour nous aligner avec notre juste place, nous attirons à nous, dans notre vie, des situations, des personnes, qui nous renvoient à nos excès, qui résonnent avec nos conditionnements. Lorsque nous ressentons une résistance, un inconfort, voire une souffrance, c’est le signe que la vie nous lance un défi, nous invitant à nous remettre en mouvement afin d’entrer en harmonie avec notre vraie nature.
Nous sommes donc responsables de tout ce que nous créons par nos pensées, nos émotions et nos sentiments en construisant un champ de cohérence en nous et autour de nous. Cette cohérence a également un rôle déterminant dans nos prises de décisions car notre mental, nos émotions et nos sentiments synchronisés s’accordent pour faire les meilleurs choix pour nous dans un discernement et une clairvoyance aiguisés. C’est dans cet état d’alignement profond que tous les choix deviennent accessibles, que toutes les réponses à nos questions sont disponibles.
En nous connectant à la grandeur de nos sentiments, nous ouvrons en grand notre corps et notre esprit et nous dilatons notre cœur. Alors, tout peut exister car nous avons un espace infini en nous.