A l’heure du déconfinement, nous surfons sur un paradoxe. Si notre protection individuelle comme collective passe jusqu’à nouvel ordre par le port du masque, il est de la responsabilité des organisations de profiter de cette période de transition pour inviter leurs collaborateurs à « tomber les masques » ! Car le visage masqué porte sur lui l’image du risque et de l’incertitude. Il impose la distanciation sociale. Loin de moi l’idée d’inciter à l’abandon des masques de protection, mais plutôt d’aller explorer derrière ces barrières de protection…
Car derrière ces masques, se cachent des expériences variées de l’épreuve que nous a fait vivre le Covid-19 qu’il nous faut libérer. Les salariés ont certes eu l’occasion d’expérimenter de nouvelles façons de pratiquer leur travail ; pour autant, le contexte dans lequel ces expérimentations se sont déroulées, à marche forcée, a pu laisser des traces. Isolement, chômage partiel, travail « bricolé », sur un coin de table au milieu du salon et des enfants, avec un faible débit internet, un accès limité à certaines données… Les équipes ont « tenu le coup » et « relevé le défi » pour reprendre certaines expressions qui remontent du confinement. Mais à quel prix !
A l’heure où les collaborateurs reprennent doucement le chemin de l’entreprise, il semble illusoire d’essayer de laisser cette crise derrière soi comme un mauvais souvenir, tant elle a bouleversé notre réalité de vie et de travail. Au contraire, il est temps de transformer notre vécu en mots et de verbaliser l’éventail d’émotions qui nous ont gagnées pendant cette période de confinement. Un temps pour libérer la parole et écouter les besoins de chacun à l’issue de ce « stress test », comme l’a formulé Catherine Joly, directrice de l’exploitation du cabinet Chappuis Halder & Co.
« L'expérience du Covid-19 a été le « stress test » que nul n'aurait jamais imaginé, une plongée sans préparation dans le monde digitalisé de l'entreprise. »
Sans empiéter sur le débat du « monde d’après », il me semble pertinent d’investir pleinement la période de transition actuelle. La zone grise que nous traversons aujourd’hui est une étape cruciale de cicatrisation et d’apprentissage pour nos systèmes humains et organisationnels, particulièrement traumatisés par la crise. Trop d’entreprises semblent pressées de tourner la page pour relancer leurs activités et préparer la reprise. Car cette préparation de la reprise doit prendre en compte les dégâts causés par le Covid-19. Dresser le bilan de ce que l’on a perdu et de ce que l’on a gagné individuellement et collectivement à travers cette épreuve. Tirer les enseignements de ce qui a fonctionné et de ce qui ne fonctionne plus aujourd’hui dans nos pratiques de travail. Reconnecter les collaborateurs et retisser les liens qui, au mieux se sont distendus pendant la période du confinement, au pire ont disparu bel et bien. Ces liens rompus au niveau managérial mettront du temps et nécessiteront beaucoup de dialogue pour se renouer.
Car il ne faut pas négliger que cette impressionnante adaptation des équipes pour soutenir l’activité des organisations a nécessité d’aller puiser profondément dans les ressources de chacun. En quelques jours, la grande majorité d’entre-nous a dû mobiliser son énergie pour sortir de sa zone de confort, se jeter à l’eau pour s’approprier de nouveaux outils, de nouvelles pratiques… dans un isolement plus ou moins soutenable en fonction de sa situation professionnelle comme personnelle.
C’est sur le terrain du dialogue que l’on pourra explorer les impacts de la crise sur les acteurs de l’entreprise. Un dialogue ouvert et sincère où chacun pourra témoigner librement et en toute sécurité pour confronter sa réalité vivante du travail pendant le confinement. Un dialogue horizontal en confiance au sein des équipes et avec le management pour laisser s’exprimer les émotions et les besoins non servis. Un dialogue constructif pour questionner nos anciens modèles, les reconsidérer et les réajuster pour imaginer d’autres alternatives.
Comme le souligne le philosophe et conseil en identité narrative Philippe Nassif : « La parole échangée est notre oxygène, et elle est notre véhicule. Elle nous précède et elle nous enveloppe. Elle nous restaure et elle nous transforme. »
Cette transition, faite d’écoute et de dialogue, est une occasion unique de regarder la réalité sous différents angles et de développer la capacité des individus et des entreprises à identifier les défis essentiels sur lesquels construire la relance.
Pour l'entrepreneur Patrick Lévy-Waitz, également président de la fondation Travailler Autrement : « Il faut identifier impérativement les combats décisifs, quitte à abandonner nos habitus. Les transitions à venir en sont une opportunité unique : saisissons-la ! »
Pour identifier les défis dans lesquels cette crise nous a projetés, nous devons prendre le temps d’observer les processus de changement qui se sont opérés en réaction au confinement et aller chercher des réponses nouvelles. Peter Senge, professeur de management et directeur du Center for Organizational Learning (Centre pour les organisations apprenantes) du MIT, nous invite à voir la réalité de tous les jours comme un tremplin plutôt que comme un obstacle et utiliser les forces du changement au lieu de leur résister. Apprendre à nous fier à nos observations plutôt qu’à notre conception de la réalité, nos a priori. Pour reprendre la métaphore de l’arbre et de la forêt, nous devons regarder au-delà des problèmes immédiats générés par le Covid-19 et prendre un peu de recul sur la situation vécue pour en cerner l’essentiel.
Comme l’exprime très simplement Peter Senge, dans son ouvrage La cinquième discipline : « Ce dont nous avons le plus besoin c’est de savoir identifier ce qui est important de ce qui ne l’est pas, les données sur lesquelles se concentrer et celles qui ne le nécessitent pas – et de le réaliser de manière à ce que cela aide les équipes à développer une compréhension commune. »
Cette prise de recul est nécessaire pour avoir une vision élargie permettant de faire émerger les représentations d’un futur souhaitable, commun à tous, qui suscitera adhésion et engagement. Pour créer cette « tension créatrice » décrite par Peter Senge, entre la vision d’ensemble et l’analyse lucide de la réalité, nous devons apprendre à poser les bonnes questions. Dépasser l’urgence de trouver des solutions immédiates, au risque de passer à côté des vrais problèmes, cachés derrière les « petits détails » du quotidien. Changer de posture pour sonder les profondeurs de la réalité en questionnant toutes les dimensions de cette réalité.
Une posture que le chercheur François Taddeï décrit ainsi, dans son dernier ouvrage Apprendre au XXIe siècle : « Cesser de penser en ingénieur et apprendre à penser en chercheur. Le premier cherche une solution ; le second cherche la bonne question. Le premier se désole quand une expérience dysfonctionne ; le second s’en réjouit, dès lors que ce dysfonctionnement est inédit – cela signifie qu’il est en présence de nouveaux possibles, qu’il va pouvoir labourer de nouveau champs de savoir. »
Notre capacité à se mettre à la place de l’autre, base de l’empathie, à regarder la réalité sous différents angles, de manière multidimensionnelle, est le socle de cette posture de chercheur. Frédéric Falisse, le coach et formateur qui a théorisé l’art de poser des questions : la « questiologie », en a fait le socle de sa technique. La discipline qu’il a développée ambitionne d’éveiller notre intelligence à interroger de façon pertinente, dans le but de découvrir de nouvelles possibilités, de nouvelles perspectives de développement personnel, relationnel ou professionnel. Poser des questions pour réfléchir et éduquer. Il a constaté que dans notre quotidien, nous n’exploitons que 15% des questions possibles. Tout simplement car lorsque nous posons des questions, nous cherchons avant tout à obtenir des informations qui confirment notre vision du monde et notre perception d’une situation.
Pour expliquer sa théorie, il cite la formule d’Einstein : « Si j’avais une heure pour résoudre un problème dont ma vie dépendait, je passerais les 55 premières minutes à chercher la meilleure question à me poser, et lorsque je l’aurais trouvée, il me suffirait de 5 minutes pour y répondre ».
Pour appréhender la « questiologie », Frédéric Falisse nous invite à nous mettre dans la peau de celui à qui nous posons la question en lui proposant de prendre une certaine posture. Dans la posture d’acteur, il s’interroge sur sa participation. En tant qu’observateur, il regarde ce qui se passe. En prenant une posture introspective, il réfléchit à ce qu’il ressent. Et enfin, en prise de recul, il se projette par rapport à la situation.
Tout se joue dans la qualité des questions. En coaching, on les appelle les « questions puissantes ». Des questions qui ont le pouvoir de nous faire cheminer. Partant du principe que si nous ne trouvons pas de solution à un problème, c’est que nous ne cherchons pas au bon endroit. Les meilleures questions nous amènent donc à nous décentrer de nos certitudes, et sont ouvertes pour laisser la place au silence et ouvrir sur nos ressources intérieures profondes.
J’ai eu l’occasion d’expérimenter une technique particulièrement efficace pour cheminer dans son questionnement avec l’appui du collectif : « De la question brûlante à la question puissante ». L’exercice consiste en un dialogue de questions ouvertes, qui fait progresser la réflexion à partir d’une question de départ. Dans cet échange, aucune solution n’est proposée par le groupe, juste des portes qui ouvrent sur d'autres points de vue en lien avec la question initiale. Très rapidement, la reformulation de nouvelles questions nous permet d’entrevoir la problématique de départ sous un autre angle et d’envisager de nouvelles possibilités.
En invitant leurs collaborateurs à « tomber les masques » et à questionner leurs représentations de la réalité en confinement, à la croisée de leurs postures d’acteur, d’observateur, en introspection et en prise de recul, les entreprises s’ouvrent à l’exploration d’une vision élargie sur laquelle construire la relance de leur activité. Et elles se positionnent ainsi en organisations apprenantes capables de tirer parti des processus de changement qui les impactent pour répondre aux grands défis à venir.
Quelques lectures inspirantes LES ECHOS - L'entreprise d'après, ses promesses et ses défis LE FIGARO - Patrick Lévy-Waitz, entrepreneur : « Attention au mythe de la seule industrie lourde, modèle 20e siècle » L'ADN - Les managers doivent-ils devenir des artisans de la conversation ?
Tiraillés, désorientés… les adjectifs sont nombreux pour traduire l’impact du déconfinement à venir, sur notre rapport au travail. Entre la perspective d’un retour au bureau, avec son lot de contraintes logistiques dans un contexte inédit de distanciation sociale et d’incertitudes : reprise de l’école, accès aux transports en commun, retour en open space, réunions en présentiel… et le maintien à domicile où une nouvelle réalité de travail s’est installée, tant sur le plan matériel que de l’organisation, pour beaucoup d’entre nous, la balance penche naturellement du côté de l’alternative rassurante du télétravail. Petit retour en arrière pour bien cerner la situation…
L’annonce du confinement à la mi-mars, à la fois prévisible et crainte, provoque sidération et chaos dans les organisations. Entre l’obligation de stopper certaines activités avec des mesures de chômage partiel à mettre en œuvre, et la poursuite du travail à coordonner, avec des sites de production à sécuriser et le déploiement massif du télétravail à marche forcée, les deux dernières semaines de mars ont mobilisé des trésors d’agilité et de créativité des équipes dans les entreprises. Une période de dérèglement s’ouvre alors, qui entraîne pour tout un chacun l’obligation de s’ajuster à de nouvelles règles de fonctionnement et à sortir de sa zone de confort. Une situation exceptionnelle qui va chercher profondément dans nos ressources adaptatives et face à laquelle nous ne sommes pas égaux. Elle provoque pour certains des postures de blocage et de résistance confortées par la durabilité des incertitudes, alors que pour d’autres, on assiste à un déblocage de potentiels et le développement de nouvelles possibilités. Cette phase d’apprentissage, qu’elle soit vécue positivement ou négativement, est déterminante pour s’engager dans le plan de déconfinement partiel annoncé à partir du 11 mai.
Car c’est à ce stade que les tiraillements se font les plus forts, notamment pour les collaborateurs qui ont quitté leur bureau le 16 mars dernier et qui depuis ont eu le temps de prendre leurs marques à leur domicile. Même si, pour la grande majorité d’entre eux, il a fallu au moins deux semaines pour organiser leur espace de travail, récupérer du matériel informatique, organiser les journées entre le temps consacré aux enfants, aux repas et au travail… ; après plus d’un mois, une nouvelle réalité, comme une forme de routine, s’est installée. Un cadre familier et sécurisant, bien que souvent précaire, chez soi, qui tranche avec les inconnues qui planent encore sur les conditions d’un retour au bureau, au-dehors.
Alors que le gouvernement a expressément demandé aux entreprises de maintenir le télétravail après le 11 mai, partout où c’est possible, au moins dans les trois prochaines semaines. Et que la pratique des horaires décalés est encouragée pour les personnes qui ne pourront pas télétravailler. Quelle perspective nous donne ce plongeon forcé dans les nouvelles formes de travail ?
Aujourd’hui en confinement, 33% des salariés travaillent à leur domicile alors que seulement 6,6% étaient en télétravail avant la crise du Covid-19. Une continuité de travail qui tient plus du bricolage que du télétravail, certes ! Il peut d’ailleurs être utile de rappeler que la notion de « télétravail » est très normée en France. Si un salarié a l’opportunité de travailler à distance de son entreprise avec l’accord verbal de son employeur, il n’est pas techniquement en télétravail sauf à l’avoir formalisé contractuellement en précisant les conditions d’exécution du télétravail (jours, plages horaires…). Mais ne jouons pas sur les mots ! A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Et ce contexte que vivent actuellement au moins 8 millions de salariés, selon le ministère du Travail, s’apparente bien au télétravail, qu’il soit contraint, confiné, bricolé... Jusqu’ici, beaucoup d’entreprises n’avaient pas pris la mesure de ce qu’était le télétravail. Perçu comme un palliatif à une activité en présentiel, il n’était pas du tout pensé comme une nouvelle manière de pratiquer le travail. Il semble que cette perception soit en train de changer à l’épreuve du réel. Même les plus réfractaires, du côté des salariés, semblent avoir pris goût à l’exercice. Certains dirigeants y voient aussi un moyen de décrocher de leur quotidien bousculé pour échafauder des stratégies et construire des projets dans le calme de leur foyer. Quant aux entreprises, plutôt récalcitrantes, certaines études montrent que le travail à distance pourrait devenir la norme à mesure qu’elles se rendent compte qu'elles peuvent être aussi efficaces tout en économisant de l'argent sur l'immobilier commercial.
Et ce n’est qu’un début… Les effets collatéraux du travail à distance sont nombreux. Que dire de la démocratisation des outils numériques de visioconférence ou de webinar, de l’accélération de la dématérialisation de la relation clients et fournisseurs ? La transformation digitale, encore à la peine dans nombre de PME, est passée à la vitesse supérieure pour maintenir l’activité à distance. On a sorti les projets des tiroirs pour les déployer dans l’urgence, parfois même en profitant du confinement pour former les salariés à ces nouveaux outils, en distanciel, bien sûr !
C’est dire si tous les acteurs de l’entreprise ont su faire preuve de réactivité, d’adaptabilité, de créativité, voire de solidarité en s’épaulant pour se concentrer sur des missions vitales. Une situation inédite qui a mis tous les échelons de l’organisation, des dirigeants aux collaborateurs, en passant par les managers de proximité, dans une posture d’apprentissage inégalée. Chacun a été amené à revoir ses croyances, son périmètre d’intervention, ses modes de fonctionnement, pour les ajuster et trouver sa place dans cette nouvelle réalité. Un tournant dans l’organisation du travail qui a fait émerger un nouveau « patrimoine de compétences » sur lequel les entreprises devront capitaliser.
La question du management est également au cœur de ce grand chantier de transformations ouvert par la crise du Covid-19. Car pour maintenir la mobilisation des équipes, il a fallu être à l’écoute et prendre en compte les besoins individuels des uns et des autres. Et surtout, à travers l’autonomie libérée par le télétravail, les managers ont dû apprendre à faire confiance à leurs collaborateurs. Apprendre à laisser leurs talents s’exprimer en dehors d’un cadre contrôlant. Et adopter une posture de soutien et de créateur de liens pour maintenir le sens et la cohésion au quotidien.
Après avoir expérimenté le télétravail, à l’heure du déconfinement, les entreprises sont invitées par le gouvernement à pratiquer les horaires décalés afin d’éviter à leurs collaborateurs la promiscuité dans les transports en commun, notamment dans les grandes villes. Indépendamment des métiers nécessitant un travail de nuit et le week-end, coutumiers de cette pratique, ce test à grande échelle peut constituer une réelle ouverture pour des salariés qui aux « heures de bureau » sont systématiquement confrontés aux bouchons et bousculades dans les transports. Une opportunité de mesurer la compatibilité de leur mission avec un travail en décalage de temps avec leurs collègues.
Cette accélération des transformations qui saute aux yeux est éclairante sur un point : « en temps de crise, on n’attend pas le changement mais on saisit l’opportunité des nouvelles conditions de l’action pour le créer. »
Regardons le côté positif, cette épidémie du Covid-19, a contraint les individus à activer leur esprit critique et leur créativité pour ajuster leurs connaissances et contribuer à assurer, à leur échelle, la continuité de l’activité économique. A l’échelle des organisations, la crise a favorisé le déploiement d’un terrain d’expérimentation exceptionnel sur les nouvelles pratiques de travail et engagé les entreprises dans une transition que l’on peut entrevoir comme progressive, mais durable.
Comme le souligne Vincent Berthelot, consultant RH auprès des entreprises : « Ce formidable travail d’ajustement mutuel va nous faire gagner plusieurs années dans l’évolution des relations et modes de travail tant du point de vue du style de management, du sens du travail que de l’expérience salarié. Nul doute que les managers qui auront réussi avec leurs équipes à assurer une continuité dans le travail seront les premiers bâtisseurs de l’entreprise de demain basée sur la confiance, les compétences et l’engagement des salariés. »
Comment imaginer que les semaines cumulées de confinement puis de déconfinement n’auront pas marqué de leur empreinte notre vision individuelle et collective du travail. Que cette expérience ait été vécue positivement ou négativement, elle appelle nécessairement un changement.
« Il s’est passé trop de choses pour que tout revienne comme avant » souligne Philippe Silberzahn, professeur à emlyon business school et co-auteur de l’ouvrage Stratégie Modèle Mental. « Ce monde d’aujourd’hui va changer, ni révolution, ni retour en arrière, et il faut le construire. »
Et pour construire le monde d’aujourd’hui, nous allons devoir mobiliser beaucoup d’énergie et d’enthousiasme. Un simple effort de relance ne suffira pas. Les entreprises auront la responsabilité d’investir pleinement ces territoires d’engagement que sont le management et l’organisation pour permettre à leurs collaborateurs de transformer l’épreuve qu’ils viennent de traverser en expérience dont chacun pourra tirer du positif. Pour commencer ce travail de construction, un temps de prise de recul s’impose. Un temps pour libérer la parole et écouter les besoins de chacun. Un temps pour permettre au collectif de se retrouver et à la coopération de reprendre corps sereinement. C’est sur le terrain de l’échange que l’on pourra explorer les impacts de la crise et tirer les enseignements sur ce qui a fonctionné et ce qui ne fonctionne plus. Reconsidérer et réajuster nos anciens modèles pour imaginer d’autres alternatives. Et enfin, accepter de désinvestir le superflu et de se recentrer sur l’essentiel.
Nous pouvons aussi apprendre du formidable élan d’intelligence collective qui galvanise les milieux scientifiques du monde entier pour circonscrire l’épidémie de Covid-19. Une communauté massive aux compétences variées s’est mobilisée pour partager la connaissance : accès gratuit aux publications, plateformes ouvertes de travail collaboratif, équipes auto-organisées… Les entreprises de leur côté n’ont pas hésité à se mettre en réseau pour innover et répondre à l’urgence sanitaire. Des partenariats qui pourraient survivre à la crise et donner lieu à de nouvelles coopérations, généreuses et inspirantes, pour construire ce monde qui donne du sens et parle à nos valeurs.
Quelques lectures inspirantes COURRIER CADRES - Coronavirus, confinement et management : Ceci n’est pas du télétravail ! Blog de Philippe Silberzahn - La course à « l’après » coronavirus: Le festival des lampadaires est ouvert CADRE & DIRIGEANT MAGAZINE - Dépasser la crise COVID 19 en s’appuyant sur la dynamique et la puissance des équipes FORBES - Télétravail Et Confinement : Dessiner Le Travail De Demain THE CONVERSATION - Comment le coronavirus a réveillé l’intelligence collective mondiale
A mi-chemin du confinement imposé par l’épidémie COVID-19, une question s’impose. Qu’avons-nous appris de ce séisme qui touche de façon systémique tous les piliers de notre vie : santé, famille, travail, nourriture, loisirs… ?
Un questionnement fortement inspiré des ouvrages qui ont accompagné mon confinement. Car j’ai amorcé ma quarantaine avec la lecture du dernier ouvrage de François Taddeï, Apprendre au XXIème siècle, au sous-titre évocateur : Révolutionner nos apprentissages pour faire face aux défis de demain… Je ne pouvais que poursuivre ma réflexion avec la lecture du classique du management de Peter Senge, La cinquième discipline. Un livre tellement d’actualité, qui nous apprenait il y a 25 ans déjà, lors de sa première édition, que « pour toute organisation, l’avantage concurrentiel durable se trouve dans la capacité à apprendre plus vite que la concurrence. »
Qu’avons-nous appris ? Je pose la question au présent, alors que le confinement se poursuit jusqu’au 11 mai, car la réflexion ne saura attendre que nous retrouvions la liberté d’agir à notre gré. Saisissons-nous de ce temps suspendu qui nous est offert pour observer, comprendre et expérimenter. Si nous attendons de reprendre le chemin du travail et le train-train habituel..., les urgences du quotidien nous renverront à la réalité d’avant le confinement. Comme un élastique qui revient systématiquement à son état de départ. Alors il sera trop tard pour se poser les bonnes questions, et construire à partir de cette nouvelle réalité qui émerge de la situation extrême que nous vivons aujourd’hui ! Comme l’illustre très bien François Taddeï, en sa qualité de biologiste : « Les virus ont quasiment toujours un temps d’avance sur les systèmes de protection ».
La vie nous soumet à des épreuves qui peuvent être violentes. Ces chocs font bouger nos lignes et remettent en question nos certitudes. Ils créent une sorte de séisme intérieur qui irradie jusqu’à l’extérieur et bouscule notre écosystème. L'épreuve que nous traversons aujourd'hui est d'autant plus rare qu'elle se déploie à une très grand échelle et touche dans un même temps le monde tout entier. Une épidémie qui marque non seulement les corps, mais aussi les esprits. Car la rupture de nos routines et la réduction de nos contacts sociaux occasionnent frustration, ennui et un sentiment profond d'isolement du reste du monde.
Après trois semaines de confinement, j’ai trouvé ma fille de 18 ans complètement abattue alors qu’elle venait de réaliser qu’elle ne ressentait plus de sentiment de manque vis-à-vis de son petit ami qu’elle n’avait pas revu depuis le début de la quarantaine. Comme si ses sentiments pour son amoureux avaient été mis en veille pour éviter de trop souffrir de la séparation imposée. Il est question-là du fonctionnement adaptatif qui nous permet de vivre en nous adaptant aux exigences et aux contraintes de notre environnement.
Ces comportements d’adaptation évoluent avec l’âge, avec l’apprentissage et selon l’expérience accumulée, permettant à l’individu d’atteindre un certain niveau d’autonomie. Le fonctionnement adaptatif peut également être positivement ou négativement influencé par différents facteurs tels que l’éducation, la personnalité, l’expérience, la motivation, les possibilités socioprofessionnelles.
Nous ne sommes pas égaux dans la gestion de cette crise qui altère notre rapport au temps, aux événements, à la famille, au travail, aux autres d’une manière générale…, notre rapport à la réalité en quelques sortes.
« Le confinement, c'est une amputation de la réalité, qui remet en cause bien des fonctionnements de nos sociétés. » Boris Cyrulnik
A peine deux semaines après le début du confinement, une amie manager en télétravail partageait la perte de sens qu’elle ressentait face à l’état d’urgence déployé dans son entreprise pour maintenir l’activité économique. Elle exprimait un besoin impérieux, dans cette nouvelle perspective de sa mission, de prendre de la hauteur par rapport à ses habitudes de travail et allait même jusqu’à remettre en question sont engagement professionnel. D’ailleurs, cette réaction extrême la mettait dans une grande confusion. Après réflexion, j’ai compris qu’elle était confrontée à deux réalités de vie qui se percutaient. L’ancienne réalité, avant le confinement, emprunte de superficialité, et la nouvelle, à l’épreuve du confinement, centrée sur l’essentiel. En conséquence, elle cherchait à ajuster sa compréhension de cette « nouvelle » réalité dans son rapport au travail. Être soudainement confronté à la futilité de certains piliers de notre existence provoque nécessairement confusion et amertume.
Pour Boris Cyrulnik, « C’est l’occasion de prendre durablement conscience de ces vérités humaines que nous connaissons tous, mais qui sont refoulées dans notre subconscient : que l’amour, l’amitié, la communion, la solidarité sont ce qui font la qualité de la vie. »
Si le confinement est une protection physique nécessaire pour la survie, elle constitue en même temps une redoutable agression psychique. Pour atténuer les troubles du confinement liés à cette distanciation sociale, Boris Cyrulnik nous invite à prendre en compte dans notre quotidien trois dimensions : l'action, l'affection et la réflexion. Avoir une discipline d’action consiste à bouger au moins une heure par jour pour sécréter des endorphines et percevoir un sentiment de bien-être. L’affection est l’occasion de déclarer notre attachement à nos proches et de renforcer les liens. Quant à la réflexion, c’est une plongée intérieure, favorisée par la lecture, l’écriture, la méditation…, qui nous permet de retrouver de la liberté et des ressources qui aideront à la résilience.
« L’arrivée de ce virus doit nous rappeler que l’incertitude reste un élément inexpugnable de la condition humaine. […] Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille… » Edgar Morin
Dans ces périodes de crise qui s’inscrivent dans la durée avec leur lot d’incertitudes, des réalités inhibées se révèlent et on assiste à un déblocage de ressources jusqu’alors inexploitées. Des ressources qu’il nous revient de cultiver pour trouver matière à s’adapter. Cette nouvelle réalité qui s’installe dans le temps avec la prolongation du confinement, nous sort de notre zone de confort. Un bouleversement de notre quotidien ordinaire qui peut donner lieu à deux types de réactions.
La crise, génératrice de perturbations et de désordres, peut favoriser la manifestation de comportements de rejet et la recherche de boucs émissaires. Comme le décrit le syndrome « l’ennemi est au-dehors », qu’évoque Peter Senge pour justifier qu’il y a chez chacun d’entre nous « une propension à trouver quelqu’un ou quelque chose à blâmer quand cela ne va pas ». Comme si la perfection nous était due et l’erreur impardonnable. Un phénomène exacerbé par la contrainte du confinement que certains peuvent vivre comme un schéma inversé du Huis Clos de Jean-Paul Sartre. La distanciation sociale nous extrait d’un environnement menaçant où l’Autre est synonyme de danger pour mieux nous replier dans un entre-soi rassurant.
Face à ce système complexe dans lequel nous enferme la crise, une autre réponse est d’activer notre esprit critique et notre créativité pour ajuster nos connaissances à cette nouvelle réalité et développer des comportements adaptés. Nous pouvons apprendre de ces perturbations et désordres comment percevoir les développements possibles ou souhaitables. Comme nous y invite Peter Senge, il s’agit « d’utiliser les forces du changement au lieu de leur résister. » Et apprendre à désapprendre les anciens modèles. Accepter d’être perturbé par cette nouvelle réalité et finalement être disposé à changer notre mode de pensée. Et profiter de cette épidémie, où la préservation de l’humain est au centre des préoccupations, pour transformer nos milieux de confinement en espaces de liberté propices à l’observation, l’imagination, la création, l’expérimentation… Un espace où l’erreur est non seulement un droit mais surtout une responsabilité.
« À chaque épidémie, ou catastrophe naturelle, il y a eu changement culturel. Après le trauma, on est obligé de découvrir de nouvelles règles, de nouvelles manières de vivre ensemble. » Boris Cyrulnik
Pour François Taddeï, « Dans un monde en mouvement, l’immobilisme est une régression ».
Et si nous faisions de cette contrainte au repli sur soi et de ce recentrage sur l’essentiel une formidable opportunité de se connaître soi-même. De s’interroger sur ce que nous sommes et la place que nous avons envie d’occuper dans ce monde qui évolue toujours plus vite. Cette période de confinement est non seulement utile pour revoir le juste équilibre que nous accordons à nos vies personnelle et professionnelle, mais elle est aussi l’occasion de mettre à profit cette obligation à vivre en autonomie pour pratiquer des activités qui ont du sens pour nous et nous apportent du plaisir. Certains vont s’adonner au bricolage ou à la pâtisserie, d’autres à la lecture, à la peinture ou à l’écriture. Des activités dans lesquelles nous allons trouver un épanouissement personnel et apprendre, en testant de nouvelles recettes, en s’essayant à des travaux plus complexes, en apprenant de nouveaux points de couture…
« La recherche scientifique montre qu’on n’apprend jamais mieux que lorsque motivation et plaisir se nourrissent mutuellement » nous rappelle François Taddeï.
Ce temps suspendu est inespéré pour apprendre, notamment à travers ce formidable champ des possibles que nous offre le numérique. Outre la multitude de vidéos et autres tutos disponibles pour faire évoluer nos savoirs, nous voyons fleurir sur les réseaux sociaux pléthore de webinars dédiés au développement de nos savoir-faire et savoir-être. Ce décloisonnement des savoirs est une aubaine pour apprendre les uns des autres. Et devenir nous-mêmes des passeurs d’apprentissage. Je suis éblouie de constater combien nombre d’indépendants qui ont vu leur activité se réduire à néant pendant le confinement ont su se réinventer en transformant leurs accompagnements en formations numériques gratuites pour maintenir le lien avec leurs clients et déployer plus largement leurs connaissances. De nouvelles approches précieuses pour anticiper la sortie du confinement et préparer la reprise. Je ne parle pas ici de construire le monde d’après, mais d’assurer le monde d'aujourd’hui, porteur de nombreuses inconnues.
Comme le souligne François Taddeï : « Si nul ne sait comment le monde va changer, on sait au moins que la capacité à s’adapter au changement constituera une des compétences les plus précieuses. Celles et deux qui auront été initiés à cette forme d’intelligence auront de meilleures chances de s’en sortir. »
Alors apprenons ici et maintenant ! « Le futur est déjà là ; il n’est seulement pas réparti de manière équitable » assure Peter Senge. Apprenons à questionner notre réalité et à dépasser nos certitudes. C’est ce qu’avais compris Socrate : mieux vaut accepter le questionnement et l’incertain que de tenir pour vraies des certitudes qui n’en sont pas. Les chercheurs eux-mêmes savent que leurs certitudes sont par nature provisoires. Pour François Taddeï, « Nous sommes tous nés chercheurs ». Ce comportement est inné. « Notre développement cognitif dès le plus jeune âge procède de processus identiques à ceux que les scientifiques mettent en œuvre pour faire progresser le savoir ». Il nous faut retrouver cette posture de « chercheur » héritée de notre petite enfance, avoir le cran d’avouer notre ignorance et chercher les bonnes questions. Et accepter « qu’il n’y ait pas de réponse définitive à de bonnes questions ».
Dans cet immobilisme confiné, nous pouvons « réfléchir de manière multidimensionnelle » et regarder notre réalité sous des angles différents. « Si on ne connait qu’un système, on a du mal à en concevoir un autre, mais si on a eu l’occasion de voir d’autres manières de faire, on peut en imaginer toujours plus ». Cette gymnastique intellectuelle fait appel à une compétence essentielle : la capacité à se mettre à la place de l’autre, base de l’empathie. Une invitation à sortir du jugement pour essayer de trouver des solutions originales.
Nous pouvons également échanger sur ce que nous avons appris individuellement et collectivement avec le confinement, notamment sur nos modes de travail. Nous gagnerons à faire connaître ce que nous avons expérimenté pour nous inspirer les uns des autres et adopter les expériences vertueuses qui ont germé de cette crise. Car partager ces connaissances, c’est contribuer à créer une société plus apprenante.
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« L’un des principaux enjeux de la Qualité de Vie au Travail se matérialise dans la communication au cœur du travail. » Voilà en substance ce que m’avait répondu une ancienne dirigeante de l’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail) lorsque je lui avais fait part de mon souhait d’apporter ma contribution au bien-être en entreprise. A l’époque, j’étais au tout début de mon exploration des déterminants de la Qualité de Vie au Travail et je n’ai saisi que plus tard combien le fait que mon parcours dans la communication m’amène sur ce champ d’action n’était pas le fruit du hasard.
Après avoir consacré près de deux ans à m’instruire sur ce vaste sujet, je suis aujourd’hui convaincue que le bien-être en entreprise est une équation à deux variables : le travail et la communication. Pour illustrer mon propos, je ferai référence à deux ouvrages qui me semblent très complets et structurants. A la fois pour comprendre ce qui se joue actuellement dans les entreprises et pour permettre au management d’adopter une posture nouvelle.
Quand j’évoque le travail, je parle de l’activité, du métier dans lequel je mets de moi, le travail dans lequel j’accompli une « œuvre », le travail dans lequel je noue des relations et j’apprends des autres. Ce travail-là, est admirablement dépeint par Pierre-Yves Gomez, professeur à EM Lyon business school, où il dirige l’Institut français de gouvernement des entreprises, dans son ouvrage Le Travail invisible, enquête sur une disparition.
Quant à la communication, elle a aujourd’hui un formidable rôle à jouer au cœur du travail pour redonner du sens et tisser du lien entre les salariés. J’avais l’intime conviction que les entreprises devaient adopter une nouvelle conception de la communication pour attirer et engager leurs talents durablement. Cette conviction a trouvé sa confirmation dans le livre publié récemment par Jean-Marie Charpentier et Jacques Viers, tous deux consultants-formateurs en communication, Communiquer en entreprise, retrouver du sens grâce à la sociologie, la psychologie, l’histoire…
Je vous invite à cheminer entre travail et communication, deux adjuvants à la très actuelle question de l’engagement humain durable, que toutes les entreprises devraient se poser aujourd’hui.
Cette expression empruntée à Pierre-Yves Gomez me semble à elle-seule résumer tout l’enjeu à reconsidérer le travail en entreprise. Son postulat : « Nous devons voir le travail comme la ressource qui donne sens à l’activité économique et sociale et regarder le travailleur dans son effort et dans sa dignité. »
L’auteur fait ici référence au travail réel, le travail que fournissent les hommes et les femmes dans leurs activités quotidiennes. Et pour comprendre la nature du travail réel, il nous propose une représentation en trois dimensions :
Tarir une de ces expériences du travail revient à diminuer l’impact de l’ensemble. Le travail est une épreuve d’humanisation, ou de déshumanisation, selon que l’on en prend soin ou pas.
Et c’est bien là que le bât blesse car avec l’hyper-financiarisation de l’économie ces trente dernières années, le travail est devenu invisible. Invisible sur les radars des gestionnaires qui ne pointent que des résultats et des rendements rangés dans des tableaux… Car en prenant le pouvoir sur les ingénieurs, les techniciens, les commerciaux ou les responsables des ressources humaines, les représentants de la finance ont fait du profit le marqueur principal de ce langage chiffré.
« Il y a financiarisation lorsque la finance n’est plus une ressource pour réaliser les objectifs économiques mais devient l’objectif lui-même. L’atteinte du résultat financier est le but que se donne l’organisation, sa raison d’être ».
Les financiers aux manettes ont ainsi contribué à transformer les organisations en financiarisant le travail lui-même, réduit à des données chiffrées abstraites et globales dans des tableaux de bord. En accélérant les changements de cap et en construisant des stratégies éloignées du fonctionnement pratique des organisations, ils ont produit de la perte de sens et de l’inquiétude.
Selon Pierre-Yves Gomez, le travail a été altéré : « Or il constitue une dimension de l’être humain que l’on ne peut mépriser ou nier sans précipiter l’ensemble de la société dans une névrose inguérissable. Au point de détruire, finalement, même la valeur économique qu’il produit. »
Le travail est le prolongement de soi-même, une activité dans laquelle on se reconnaît. En rendant le travailleur invisible, on appauvrit la nature même du travail. Dans la vie, le travail n’est pas un détail. Il donne à chacun de nous sa place, sa responsabilité et sa dignité dans la fabrication du monde.
« C’est le travail des « vrais » hommes et des « vraies » femmes, leurs efforts, le temps qu’ils y consacrent et leur engagement personnel qui produisent les richesses et les profits. L’économie financiarisée a voulu ignorer ce principe de base : le travail humain est la source de la création de valeur économique. »
L’enjeu désormais consiste donc à construire une société où le travail est de nouveau visible, celui des salariés ordinaires comme celui des managers, des dirigeants... Car le travail est une expérience de vie. Il fabrique de l’humain. Et lorsque nous parlons de notre travail, nous parlons de nous et de la façon dont il nous façonne.
Pour recréer de la valeur économique grâce au travail, Pierre-Yves Gomez nous invite à revisiter chacune des trois expériences qu’il nous fait vivre.
« Le travail ne permet pas uniquement la croissance des capacités personnelles ou l’expression de talents individuels. Il met au monde des produits et des services qui alimentent des communautés. Les objets autorisent des usages et configurent des relations humaines, une façon de vivre ensemble. »
L’expérience subjective du travail est ce que nous mettons de notre individualité dans le travail. Quelle que soit notre fonction, caissière, ouvrier, ingénieur, manager, elle est nuancée par la personnalité avec laquelle nous accomplissons le travail.
Cette expérience subjective crée une valeur économique qui est valorisée par la reconnaissance. Pour bien travailler, le travailleur demande à être considéré, c’est-à-dire être vu pour lui-même, en tant que personne agissante et unique, révélée par le travail accompli. Sans reconnaissance, le travail est anonyme et donc vidé d’une partie de sa réalité, comme s’il avait été accompli par n’importe qui.
Le travail produit quelque chose. A l’issue de l’effort, il y a un objet, un service, qui le matérialise, l’inscrit dans une réalité commune, l’objective donc. Et pour que le fruit du travail puisse être valorisé et ne reste pas dans sa dimension subjective, il doit être apprécié selon des critères d’évaluation partagés.
Cette valorisation de l’expérience objective du travail est plus couramment appelée performance. Quel que soit son contenu concret, la performance exprime toujours l’adéquation entre le résultat du travail et l’objet tel qu’il fallait le réaliser. Rendre la performance manifeste est ce qui fait la valeur du travail.
Une tâche peut être réalisée seule mais pas un travail. Le travail nous inscrit dans un effort collectif. Cette expérience collective du travail se construit à partir des multiples liens humains qui se tissent, à la fois complexes et fabuleux, quand on prend conscience de l’ensemble des interactions qui ont favorisé la production d’un produit ou d’un service.
L’expérience collective du travail se traduit par la solidarité. Dans leur effort collectif, les travailleurs sont solidaires d’autres travailleurs. Cette solidarité est ce qui donne de la valeur au travail entrepris collectivement. C’est la raison pour laquelle elle doit être valorisée. Car prendre conscience de cette solidarité crée une confiance entre les travailleurs indispensable à la poursuite de leur coopération dans la durée. Sans elle, le réseau d’efforts se tarit et le travailleur isolé s’épuise.
Avec la financiarisation de l’économie et la compétition qu’elle a engendré, Pierre-Yves Gomez a constaté une hypertrophie de la dimension objective du travail. Les critères de performance ont pris le dessus sur les autres formes de valorisation du travail réel. Ainsi, l’expérience subjective a été dévalorisée par l’intensification du travail et la normalisation des procédures. Le travailleur n’étant plus perçu en tant que personne au travail mais uniquement au travers de sa production. Parallèlement, la dimension collective du travail a pâti elle aussi des outils techniques de gestion déployés pour intensifier les rythmes, contrôler et évaluer les résultats individuels. Ces outils ont affaibli le sentiment du faire ensemble en introduisant une compétition entre les membres de l’entreprise, les salariés comparant mutuellement leurs efforts et leurs rémunérations pour s’auto-évaluer.
Pour revaloriser cette triple expérience du travail, le rôle du management est aujourd’hui à repenser. Sa place ne se situe pas dans son cockpit à piloter des indicateurs et des données chiffrées abstraites, loin du travail réel. Elle n’est pas davantage sur le dos de ses collaborateurs à contrôler la moindre fraction de leur activité en pointant l’objectif visé. Le management de la performance ne peut être dissocié d’un management humain.
« Il nous faut recruter des managers réconciliés avec leur propre métier […] pour redevenir ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être : des meneurs d’hommes. »
Le rôle du manager est littéralement de soigner les expériences subjectives, objectives et collectives que vivent leurs collaborateurs dans le travail réel. Le manager est celui qui permet au travailleur d’exercer sa liberté au cœur du travail ; liberté nécessaire pour que la part normalisée du travail soit acceptable. Elle permet de s’ajuster, de s’adapter quand il le faut et donc d’assumer son engagement personnellement. Elle exprime aussi sa dignité, la capacité d’agir de lui-même, malgré la contrainte de processus complexes. La mission du manager est également de donner du sens au travail de remettre de la cohérence globale dans des tâches éclatées, en pouvant dire à tout travailleur à quoi et à qui son travail est utile, suscitant ainsi le désir de la réaliser. Enfin, le rôle du manager est de savoir, quand il le faut, être fier de ses collaborateurs. En considérant la personne au travail et en la valorisant comme telle, en regardant objectivement sa performance, qui l’engage indépendamment des objectifs et en étant solidaire d’elle dans un travail commun.
« Mais changer les managers ne sera pas suffisant, il faudra aussi que les organisations les accueillent et les valorisent. »
L’entreprise est un organisme vivant qui construit sa valeur économique sur l’expérience vécue du travail réel par ses salariés et les multiples connexions tissées entre ses différentes parties prenantes. Échanger avec un collègue sur un projet, prendre la parole en réunion, conduire son entretien annuel avec son manager… la communication est partout. Et c’est dans la proximité que se joue la plus importante transformation de la communication en entreprise.
Pour bien comprendre quelle place occupe la communication dans les organisations aujourd’hui, Jean-Marie Charpentier et Jacques Viers, nous apportent l’éclairage des sciences sociales. La communication en entreprise hérite en France d’un lourd passé. Pour trois raisons au moins selon le sociologue Philippe Zarifian :
Un triple héritage qui pèse lourdement sur les volontés à ouvrir la communication tant il est ancré dans l’organisation du travail et dans la culture managériale. Pourtant, l’urgence à communiquer n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui dans les entreprises pour répondre à une tendance grandissante à la coopération dans le travail et au besoin de « faire société » face à une altération des liens sociaux et une perte de solidarité.
« Pour être crédible et acceptée, la communication doit faire le pont entre l’opérationnel et le stratégique en mettant à jour, pour les résoudre, les difficultés – voire les conflits – liées à l’activité quotidienne des salariés. La communication se transforme par le bas en quelque sorte. »
Pour accompagner le changement perpétuel qui bouscule les entreprises et les nouvelles aspirations des salariés, la communication doit changer de registre. Elle doit sortir du monologue descendant inspiré de sa fonction de relais d’information et repenser ses moyens d’action. La place du communicant est sur le terrain pour comprendre le travail et interagir avec les équipes et les managers. Il devient activateur de sens et pour cela doit inventer des formes renouvelées de dialogue. Car la construction du sens au travail doit être collective et, surtout, le sens doit pouvoir s’inscrire dans le travail quotidien.
Pour Guy Lochard, chercheur en sciences de l’information et de la communication : « L’important, pour que cela fasse sens, se situe notamment dans l’articulation entre les projets des entreprises et ce que chacun vit comme sujet dans son activité quotidienne. »
Le sens est une affaire de langage et, plus encore, de parole. Échanger sur le sens que chacun met dans son action est le préalable à l’engagement à travers un sens commun.
L’acquisition des talents et l’engagement des salariés font désormais partie des préoccupations centrales des dirigeants ; il importe donc de créer les conditions d’une attractivité et d’un engagement durable dans les entreprises. « Hier, on calculait les gestes. On mesure désormais l’engagement. »
C’est en proximité, au cœur du travail, que les enjeux de communication sont les plus forts dans les organisations, à travers la parole des salariés et les échanges au sein des équipes avec le management. Car si la parole de l’entreprise est en apparence foisonnante et l’information omniprésente, la parole sur le travail au quotidien fait trop souvent défaut.
La communication dans le travail s’articule autour de deux dimensions fondamentales : l’écoute et la discussion. Elles ne vont pas de soi, d’une part parce qu’elles engagent les acteurs et d’autre part parce qu’elles appellent une suite. « On ne parle vraiment que si on est écouté, remarque François Hubault, ergonome. Et on sait bien aujourd’hui en entreprise que si ça ne remonte pas, c’est parce qu’on n’écoute pas ». L’organisation et son management doivent se mettre en situation d’écoute, c’est-à-dire entendre ce qui est dit pour en faire quelque chose.
Le rôle de la communication est ici d’ouvrir un dialogue permanent entre les acteurs de l’entreprise pour confronter les objectifs stratégiques avec les réalités opérationnelles. Ouvrir le débat au sein des équipes sur les différentes façons d’envisager l’activité et partager sur les critères du travail bien fait. En somme, créer des lieux d’expression sur l’activité dédiés à la coopération et permettant à chacun de développer son pouvoir d’agir dans une optique de résolution de problèmes.
Pour coopérer, selon Philippe Zarifian : « …il faut partager la compréhension des problèmes, confronter leur analyse, se projeter ensemble dans l’avenir et anticiper les actions à mener, voire coélaborer, coécrire en quelque sorte la conception de ce que l’on doit entreprendre ensemble. »
Un dialogue permanent avec les équipes qui ne peut s’inscrire que dans un management de proximité centré sur la question du travail.
Dans des organisations souvent hyper-hiérarchisées, le manager de proximité a pris sa place au plus près du terrain. Paradoxalement, en matière de communication, s’il est attendu dans son rôle classique de relais, voire d’interprète des orientations de l’entreprise, il manque trop souvent à l’appel lorsqu’il s’agit d’être en relation avec ses collaborateurs et de tisser du lien au sein de son équipe, en proximité. « Plus la mondialisation gagne du terrain, plus les technologies suppriment les distances, plus on a besoin de retrouver du local et de la relation proche. »
Happés par le pilotage des indicateurs de performance et le suivi des process internes, les managers ont pris de la distance vis-à-vis du travail de leurs collaborateurs. Conséquence directe, ayant une connaissance plus limitée du travail réel de leurs équipes, ils sont moins en confiance pour en parler avec eux.
Cet éloignement managérial produit un triple effondrement : un effondrement du sens, de la reconnaissance et de l’autorité. « Il faut connaître pour reconnaître », résume Mathieu Detchessahar, professeur en sciences de gestion. Si on ne connaît pas le travail, on est dans l’incapacité de le reconnaître, avec les bons mots adressés à « ceux du métier ». Le « bravo » du chef distant, sans autorité, non reconnu, ne vaut rien. Il est considéré comme une manipulation. L’autorité, c’est la reconnaissance d’une parole qui fait avancer, « qui va m’augmenter ». L’autorité augmente la capacité d’action et suscite l’obéissance volontaire. »
C’est donc dans le dialogue, la discussion avec les salariés à propos du travail que se joue l’essentiel de la communication du manager. Pour être crédible au regard des collaborateurs, cette communication managériale se déploie en deux dimensions :
Discuter du travail, c’est bien souvent appeler à sa transformation pour s’adapter à de nouvelles contraintes, de nouvelles tendances du marché… C’est le fait de communiquer qui produit le changement, en confrontant les points de vue, en inventant de nouvelles façons de faire, en co-construisant le changement. « Communiquer dans le travail, c’est se mettre d’accord sur quelque chose à faire en commun et agir avec d’autant plus de force que cet accord est profond. »
Il revient au manager d’organiser le dialogue sur le travail pour produire non seulement des mots, mais des solutions. Cependant, trop souvent, le manager n’est pas investi de ce rôle qui demande un ajustement de l’organisation.
Combien de dirigeants sont prêts aujourd’hui à incarner cette nouvelle communication, plus humaine qu’instrumentale, orientée relations plus qu’outils, soutenue par la proximité plus que par la hiérarchie ?
Combien d’organisations sont prêtes à transformer leur communication au bénéfice d'une véritable culture du dialogue sur le travail ?
Avez-vous déjà expérimenté le changement, le vrai ? Celui qui s’impose à vous comme une évidence. Comme un mouvement qui vient de l’intérieur. Cette intuition que rien ne changera autour de vous si vous ne commencez pas par vous-même. Nombre de grands penseurs ou écrivains ont manifesté cette conviction profonde et inspirante, tels Gandhi : « Soyez vous-même le changement que vous voudriez voir dans le monde », Jacques Salomé : « La porte du changement ne peut s’ouvrir que de l’intérieur, chacun en détient la clé » ou encore Pierre Rabhi : « Tant que l’être humain ne s’est pas mis en chantier comme le premier maillon à partir duquel il peut provoquer le changement du monde, on va perdre son temps... »
Aujourd’hui, nous devons adopter le changement comme donnée d’entrée de notre quotidien, dans notre environnement professionnel comme personnel. Que le changement soit contraint par une réalité nouvelle ou qu’il soit libre et inspiré, il marque, pour le moins, un glissement d’une situation à une autre, bien souvent une transition plus nette, voire même une transformation radicale. Assimiler le changement devient donc une capacité déterminante pour laquelle il nous faut acquérir de l’entraînement. Comme une discipline sportive qui nécessite que nous entraînions notre corps, nos tendons et nos muscles à supporter un effort, voire à dépasser nos limites physiques ; le changement impose une gymnastique psychique régulière qui va permettre à notre cerveau de créer des connexions nouvelles et de réguler positivement nos émotions.
Nous devons expérimenter une nouvelle posture face au changement, ajuster notre réflexe de résistance et stimuler notre conscience et notre esprit critique pour transformer chaque surprise en opportunité.
La vie est une expérience. Elle implique donc le changement, à une petite comme à une grande échelle. A chaque étape de notre vie, des changements s’opèrent, souvent modestes, sans que nous y prêtions attention. Toutefois, la vie nous met parfois à l’épreuve et nous soumet à des chocs qui peuvent être violents. Ces chocs font bouger nos lignes et remettent en question nos certitudes. Ils créent une sorte de séisme intérieur qui irradie jusqu’à l’extérieur et bouscule notre écosystème. Pour autant, n’est-il pas possible de considérer le changement comme un phénomène positif ?
Pour Pierre-Marie Lledo, neurobiologiste qui dirige le département neurosciences de l’Institut Pasteur « L’homme a commencé à s’épanouir lorsqu’il a été confronté à l’inconnu, à de nouveaux obstacles. »
Selon lui, notre cerveau se nourrit du changement et se détruit de la routine. Avec comme raison d’être de nous permettre de nous adapter à des ruptures. Un constat scientifique complété par une étude du psychologue K. Anders Ericsson selon laquelle au-delà de 10 000 heures de pratique et d’expérience d’une activité, quel que soit le domaine (échecs, sport, musique…), notre cerveau change et franchit une nouvelle étape. A un moment donné, notre cerveau accumule tellement d’informations qu’il est capable de faire des connections instantanément. Ainsi, notre créativité est plus aiguisée et nous sommes plus inspirés pour dépasser nos capacités.
On parle souvent de « dépassement de soi ». Cette formule nous enjoint à aller « plus haut, plus vite ou plus loin », à dépasser nos limites et améliorer nos performances. La notion de « dépassement de soi » est très liée à une culture de compétition et de comparaison qui nous incite à compenser nos manques et peut nous amener à porter un regard plus négatif sur nous-même. Je lui préfère l’idée de « se réinventer », qui insinue que l’on part de notre état d’origine pour tendre vers un nouveau « moi » en devenir, en mettant l’accent sur ce qui nous distingue, notre unicité, nos talents et les ressources insoupçonnées que nous portons en nous.
Le changement personnel répond à une tension entre l’idéal et le réel. Chacun d’entre-nous aspire à un idéal de vie, formule des projets, lance des idées pour améliorer sa condition dans le monde et être aligné avec sa personnalité profonde. L’incarnation de cet idéal nous donne des ailes pour nous transcender et dépasser les obstacles. Car nécessairement, il y a des obstacles, réels ou fabriqués. Notre rapport à la réalité, nos croyances et nos peurs héritées de la plus tendre enfance viennent challenger cet idéal. Ces certitudes acquises dès notre plus jeune âge, familières et rassurantes, nous protègent d’un avenir aléatoire et incertain. Ces schémas, comme on les nomme en psychologie cognitive, nous aident à nous sentir en sécurité. Et c’est là tout le paradoxe, ces schémas ont forgé notre identité et nous nous accrochons à eux, même s’ils freinent notre développement personnel et nous font souffrir. Voilà pourquoi les praticiens de la psychologie cognitive estiment que les schémas sont si difficiles à enrayer.
Pour concilier le réel et l’idéal et avancer avec confiance vers nos idéaux, il nous faut faire preuve d’audace. L’audace est la capacité à affronter nos croyances et nos peurs et à prendre des décisions courageuses pour se dépasser et se réinventer.
Pour le médecin psychiatre Carl Gustav Jung, le véritable changement personnel et social n’est possible que par l’augmentation du niveau de conscience des individus : il faut assumer son « Ombre » plutôt que de la projeter sur les autres. C’est en ces termes qu’est introduit l’ouvrage Je réinvente ma vie, signé de deux spécialistes de la psychologie cognitive, Jeffrey E.Young et Janet S.Klosko. Ce livre, très pratique, est une réponse à la psychologie moderne qui encourage toute personne à faire des changements par elle-même, dans la mesure du possible.
Ce livre nous éclaire sur les schémas qui façonnent notre identité, qui influencent toutes les facettes de notre existence : nos relations interpersonnelles, notre travail, notre bonheur, nos humeurs, notre santé...
« Il faut regarder un schéma en face et le comprendre. S’en débarrasser requiert aussi beaucoup de discipline. Il faut être à l’affût de ses comportements et les modifier jour après jour. On ne saurait réussir du premier coup : le succès ne nous est donné qu’à force de travail et de persévérance. »
Pas à pas, cet ouvrage nous invite à mettre un nom sur le ou les principaux schémas cognitifs qui influencent nos comportements au quotidien, afin de mieux nous y confronter et les invalider par notre raisonnement. La première étape nous permet de déceler nos schémas et découvrir la façon dont ils affectent notre vie, afin d’être en mesure de les modifier. L’étape suivante consiste à ressentir les effets du schéma. Il est très difficile de guérir une douleur ancienne sans d’abord la revivre car nous disposons de mécanismes de défense. La dernière étape vise à attaquer le schéma rationnellement. Il s’agit de démontrer qu’il y a matière à changement. Pour invalider un schéma, nous devons avant tout énumérer tous les arguments pour et contre lui et ce, depuis notre naissance.
Il existe un réel parallèle entre les schémas cognitifs et les modèles mentaux détaillés dans mon article précédent [Crackez vos modèles mentaux, le pouvoir d’agir est en vous], inspiré de l’ouvrage Stratégie Modèle Mental. Ces deux approches désignent les croyances de base à partir desquelles une personne – pour les schémas cognitifs – ou une organisation – pour les modèles mentaux - se perçoit elle-même, perçoit le monde et les autres et dont elle finit par être prisonnière. Individuellement ou collectivement, nous avons la responsabilité de prendre conscience de ces croyances et de les exposer, de questionner leur utilité par rapport à la réalité de notre existence ou de notre entreprise et, le cas échéant, de les ajuster. Le point de départ de toute transformation, c’est nous. Et dans les organisations, c’est nous avec les autres, ceux qui veulent en faire partie.
Notre approche volontaire et audacieuse du changement et notre capacité à se transformer personnellement, vont être déterminantes pour essaimer la culture du changement dans notre entourage, comme dans notre organisation. On ne parle pas ici d’une quelconque forme d’autorité, mais plutôt d’une posture inspirante, que nos amis canadiens qualifient de « leadership transformationnel », rapportée au monde de l’entreprise.
Dans le MOOC développé par l’Université Laval au Québec, le « management responsable », qui compose avec la triple contrainte sociale, économique et environnementale du développement durable, suppose de repenser nos habitudes et nos préjugés et de modifier nos valeurs. Le déploiement de ce management responsable n’est possible que par la transformation des personnes, des entreprises et de la société dans son ensemble.
Transformer la culture d’une entreprise et susciter l’engagement des équipes demande un style de leadership transformationnel. Les managers qui affichent ce genre de leadership, par leur exemple et leur implication, élèvent le niveau de maturité, d’idéalisme et d’engagement de leurs collaborateurs. Ces managers misent sur l’accroissement de la conscience collective et sur le partage de leurs valeurs et de leurs préoccupations pour assurer l’atteinte d’objectifs collectifs.
Le leadership transformationnel se distingue par quatre grandes capacités :
1) L’influence charismatique signifie que la leader sert de modèle. Il donne l’exemple en s’investissant dans les enjeux de l’équipe, accepte les contraintes et s’approprie les intérêts collectifs, quitte à mettre ses intérêts personnels de côté. Ce rôle de modèle crée une vision partagée par les collaborateurs de l’entreprise qui se reconnaissent unis par une mission commune.
2) La motivation inspirationnelle relève de la capacité à donner du sens au travail et donc à favoriser le dépassement de soi et le fonctionnement en équipe. Le manager qui prend soin d’expliciter chaque tâche et de souligner son importance favorise la prise de conscience des collaborateurs de leur contribution à l’épanouissement de l’entreprise.
3) La stimulation intellectuelle consiste à inciter les collaborateurs à remettre en question leurs façons de faire, ce qui favorise l’engagement et l’autodétermination. Un manager faisant preuve de leadership transformationnel invite les employés à proposer de nouvelles idées et de nouvelles solutions, il valorise leurs points de vue et s’assure que leurs contributions sont reconnues. Il ouvre des espaces réservés à l’autocritique et à l’inventivité raisonnée, de manière à faire participer personnellement son équipe dans la définition des objectifs.
4) La considération individuelle renvoie à la capacité à porter une attention particulière aux intérêts et aux besoins de chacun de ses collaborateurs. Être attentif aux spécificités des personnes les rend plus habiles et plus autonomes. Le rôle du leader transformationnel est de les soutenir, sans toutefois mettre de pression. Il accorde une attention personnelle à ses collègues en fonction des besoins de réussite et de croissance.
Si cette dynamique est entretenue, elle nourrit la cohérence du groupe en développant des relations de confiance réciproque.
Face aux bouleversements qui s’annoncent en matière de compétences et de métiers, notamment du fait des technologies, les organisations doivent entreprendre un énorme effort de reconversion. Mais pour transformer en profondeur les pratiques professionnelles, les réponses traditionnelles en termes de formation sont aujourd’hui insuffisantes. Les entreprises doivent immerger leurs talents dans une culture de l’apprentissage en continu et mobiliser leurs ressources dans des situations de travail capacitantes. Elles doivent devenir « apprenantes ». Ce néologisme dépeint la volonté de rester continuellement en phase avec son environnement ; ce qui implique d’apprendre constamment pour évoluer de concert avec les changements qui surviennent autour de nous.
Comme en témoigne Gilles Verrier, Directeur Général du cabinet de conseil en ressources humaines Identité RH, dans son excellent article publié sur le site RH info [L’entreprise apprenante, enfin !] : « La vraie rupture pour le collaborateur serait d’apprendre en faisant et en comprenant comment et pourquoi il l’a fait ainsi. Avec cette approche, le travail lui-même est repensé et réorganisé comme activité apprenante. L’entreprise œuvre à engager ses collaborateurs dans des situations professionnelles où ils vont se développer. La formation classique est déplacée vers l’apprentissage au sein de l’activité. »
Pour modéliser l’entreprise apprenante dans son MOOC Le management responsable, l’Université Laval pointe cinq pratiques exemplaires à mettre en application :
1) Que l’entreprise réponde aux problèmes auxquels elle fait face de manière systématique plutôt qu’en fonction de ses intuitions ou ses habitudes. Elle tire ainsi profit de toutes les pistes de solutions disponibles.
2) Expérimenter continuellement de nouvelles façons de faire le travail, d’améliorer les processus, soit pour apporter des améliorations incrémentales, soit pour envisager des modifications radicales.
3) Tirer les leçons de ses erreurs. L’entreprise apprenante accorde une attention particulière aux échecs ou aux initiatives qui fonctionnent moins bien. En analysant les causes des échecs, elle détermine des méthodes qui peuvent se révéler utiles dans d’autres contextes.
4) Chercher activement à apprendre des autres, de ses concurrents et de toutes ses parties prenantes.
5) Savoir transférer les connaissances là où elles sont utiles en faisant voyager l’expertise à l’intérieur de l’entreprise et en encourageant la discussion et le partage.
Ce MOOC s’inspire des écrits de Rosabeth Moss Kanter, professeur en management à la Harvard Business School et auteur de nombreux ouvrages relatifs à la conduite du changement. Selon Rosabeth Moss Kanter, la créativité dans une entreprise est alimentée par l’interconnexion de ses parties prenantes internes et externes. Il faut multiplier les occasions d’être en contact avec le travail des autres, en prenant connaissance des besoins exprimés par les collaborateurs et les clients et en discutant de manière ouverte des enjeux soulevés. Il est aussi important de favoriser les échanges à l’extérieur de l’entreprise afin d’explorer ce qui se fait ailleurs et entrer en contact avec des idées et des méthodes de travail différentes (participer à des formations, assister à des colloques, créer des groupes de codéveloppement…).
Pour Rosabeth Moss Kanter, le manager doit faciliter l’implication et la motivation des collaborateurs face au changement. Un manager facilitateur de changement encourage le partage des connaissances et l’apprentissage organisationnel et motive les collaborateurs à mettre à profit leur savoir et leurs talents pour contribuer pleinement à l’atteinte des objectifs de l’entreprise.
L’accélération du changement dans notre environnement a favorisé un mouvement permanent qui nous embarque individuellement et collectivement, inexorablement. Notre capacité à accepter ce mouvement et enclencher une véritable dynamique intrinsèque de changement, conscientisée et audacieuse, rend l’aventure encore plus forte et engageante. Comme une invitation à se réinventer, chaque jour, par petite touche, et à faire grandir ceux qui nous sont proches, dans la sphère privée comme professionnelle.
Lorsque j’ai imaginé La Cité du travail libéré, au fil de mes recherches sur les leviers du changement, une expression revenait souvent : « le pouvoir d’agir ». Que l’on évoque une transformation dans une organisation, dans une activité, un changement de métier…, à chaque fois le « pouvoir d’agir » résonnait comme une formule puissante, j’oserais dire une formule magique à partir de laquelle tout devenait possible. L’idée a fait son chemin et j’ai cherché comment activer cette formule magique pour faire circuler l’énergie créative et amorcer le changement.
C’est sur mon vélo que m’est apparue la première manifestation du pouvoir d’agir ! Pressée par un besoin irrépressible de me mettre en mouvement et d’entrer en action. Dévorée par une urgence nouvelle de partager mes découvertes, d’exprimer mes idées, j’ai décidé… de créer un blog. Pour autant, au-delà du sentiment grisant, presque ensorcelant, qui m’a gagnée au moment où j’ai pris conscience que c’était possible, que c’était à ma portée et que je n’avais qu’à me lancer ; j’ai eu du mal à mettre des mots sur le phénomène qui venait de me toucher de plein fouet. Quelle formule magique avais-je prononcée pour que le pouvoir d’agir me gagne, comme par enchantement ?
C’est en lisant Stratégie Modèle Mental, le dernier ouvrage de Béatrice Rousset, coach de dirigeants, et Philippe Silberzahn, professeur à emlyon business school, que j’ai compris comment « débloquer » ce pouvoir d’agir et où se trouvait la clé d’action décisive pour rester en prise avec une réalité faite de ruptures, de surprises et d’incertitudes. Car ce livre s’adresse à celles et ceux qui vivent une frustration face à l’impossibilité d’agir pour faire bouger les choses dans leur organisation. Et les auteurs nous annoncent que pour opérer avec succès une transformation, individuelle ou collective, la solution ne réside pas dans une méthode de plus, mais dans la libération de l’action.
« Le point de départ de la transformation c’est vous, et pas les autres. Ou plutôt, c’est vous avec les autres, ceux qui veulent en faire partie. On peut se lamenter sur ce que les chefs devraient faire, mais il vaut mieux faire quelque-chose, n’importe quoi, si petit cela soit-il, car il n’est pas nécessaire de viser grand pour commencer. La méthode, c’est vous. Et la bonne nouvelle, c’est que vous l’avez entre les mains ! »
Voilà de quoi nous donner des ailes…
Je ne reviendrai par sur la nécessité de se transformer, que l’on soit dirigeant, manager ou collaborateur, en réponse aux ruptures qui agitent le monde aujourd’hui. Et pour guider notre démarche de transformation, tout naturellement, nous sommes tentés de fixer un objectif à atteindre.
« Dès l’âge de 10 ans, on nous demande de savoir ce qu’on veut faire quand on sera grand, dans 20 ans. Plus tard, on nous demande notre plan de carrière. On nous demande nos objectifs pour l’année. »
Le « pourquoi » et l’objectif sont systématiquement au cœur de tous les schémas de transformation, avec comme étendard une vision, un idéal à partager. Et comme postulat que la vision est le préalable pour embarquer une organisation et mener une transformation avec succès.
Pourtant, comme l’ont expérimenté Béatrice Rousset et Philippe Silberzahn dans leurs fonctions respectives, inspirés des programmes conçus par « l’industrie de la transformation », le modèle de transformation basé sur une approche « Mission, vision, objectifs, mise en œuvre » ne marche pas. Le constat est sans appel : le plan est logique, mais rien ne se passe. Après beaucoup d’énergie et d’enthousiasme investis dans le projet, les effets restent limités et les équipes sont démoralisées.
Les raisons évoquées pour expliquer les échecs successifs de ces plans de transformation sont multiples : manque de vision ou de communication, lacune du leadership ou du management, ou encore résistance au changement ; diagnostic qui tombe comme une fatalité.
Et si le problème reposait plutôt sur la façon même dont la transformation est abordée ? Et si c’était notre conception de la transformation qui ne marchait pas ? Cette logique qui nous fait penser qu’une méthode résoudra tout. Et si pour favoriser le changement nous devions revoir notre rapport à la réalité, notre relation au monde ?
« Dans le monde causal, la vision est tout. Elle est l’objectif ultime qui guide l’action. Mais dans un monde qui change en permanence, déterminer une vision et s’y tenir devient de plus en plus difficile et surtout dangereux. On finit par essayer de tordre le cou à la réalité pour qu’elle rentre dans notre modèle alors qu’il faudrait faire l’inverse. Dans un monde effectual, la vision n’est pas absente, mais elle prend un sens différent. Elle se définit comme la façon dont nous pensons le monde et dont nous nous le représentons, c’est-à-dire un modèle mental. »
C’est en modifiant leurs angles de vue respectifs que Béatrice Rousset et Philippe Silberzahn ont rencontré l’évidence : le changement est difficile, non pas parce que l’environnement extérieur est incompris ou invisible, mais parce qu’il oblige à remettre fondamentalement en question un ensemble de croyances qui forgent l’identité des individus comme des organisations. Des modèles mentaux profondément ancrés et invisibles.
Parce que toute transformation est une affaire d’humains, elle vient naturellement se confronter à des valeurs, des hypothèses individuelles et collectives que nous formons sur le monde qui nous entoure. Et c’est là, que ça bloque. Nous devons être conscients que la vision du monde qui est la nôtre est un modèle mental et pas une vérité universelle.
« La vision du monde, ce n’est pas le monde. Chacun se représente le monde et se construit sa propre vision, son propre modèle mental. C’est au travers de ce modèle que nous captons la réalité, que nous percevons le monde, puis que nous lui donnons un sens pour agir en fonction de cette perception et de cette interception. C’est également au travers d’un modèle que nous partageons la vision du monde, que nous construisons un modèle partagé qui permet une vision collective. »
Ce qui pose problème, c’est qu’au fil du temps, les modèles mentaux deviennent des automatismes, des lunettes invisibles à travers lesquelles nous interprétons le monde et dont nous finissons par être prisonniers. A l’épreuve des révolutions technologiques, scientifiques, sociales et politiques qui nous bousculent aujourd’hui et d’une réalité qui change de plus en plus rapidement et de plus en plus profondément, nos modèles mentaux deviennent obsolètes très rapidement. Il existe donc un décalage croissant entre le modèle mental et la réalité.
« Ce décalage existe à la fois parce que la réalité sur laquelle s’est construit le modèle change à toute vitesse et parce que les organisations ne se préoccupent pas de leurs modèles mentaux – elles ne savent même pas qu’ils existent – et de l’ajustement qu’ils nécessitent. Progressivement, elles se déconnectent de la réalité. »
Il devient donc essentiel de rendre visibles les modèles mentaux pour mieux se connaître individuellement et collectivement. Et ensuite d’agir sur eux pour ne plus en être prisonnier et ainsi rester en lien avec la réalité du monde. Pour cela, il faut d’abord comprendre comment ils fonctionnent.
Le modèle mental est le code de l’individu, de l’organisation, le point d’entrée pour tout changement. Il est aussi ce qui bloque la transformation, à plus forte raison lorsqu’il faut faire évoluer le modèle mental de centaines, voire de milliers de collaborateurs, reliés depuis des années par des convictions, une culture d’entreprise bien établie, des processus rodés. Car en entreprise, le modèle mental est indispensable pour donner du sens à ce que nous faisons et pour accomplir un travail avec d’autres. Le changement nécessite donc la remise en question de valeurs qui ont fait le succès de l’organisation parfois durant des décennies.
En conséquence, nous devons aspirer à faire naître et se développer la transformation partout dans l’organisation. Favoriser le changement par petites touches et en continu comme pour un organisme vivant, sans big bang déstabilisateur et stressant pour les collaborateurs.
« Les modèles mentaux sont donc la base du travail, le problème qui constitue le point de départ et la matière première de la transformation. C’est d’eux qu’il faut partir, c’est eux que l’on transforme et c’est à eux que l’on aboutit. L’enjeu est d’élargir cette base pas à pas, en suivant les principes d’action effectuale. »
Pour cracker le code, Beatrice Rousset et Philippe Silberzahn ont pris exemple sur les entrepreneurs dans leur capacité à ajuster les modèles mentaux pour rester en lien avec une réalité économique en changement permanent. Ils se sont notamment inspirés des travaux de la chercheuse indo-américaine Saras Sarasvathy, ayant démontré que les entrepreneurs qui transforment le monde sont souvent des gens parfaitement normaux. Ce qui les distingue, c’est qu’ils appliquent cinq principes d’action, qu’elle a regroupés sous le nom d’effectuation.
« Ces principes correspondent à cinq modèles mentaux alternatifs fondamentaux qui permettent d’agir en restant en prise avec la réalité. »
La force des modèles mentaux des entrepreneurs est qu’ils partent de la réalité pour la transformer. En permettant aux collaborateurs de pratiquer régulièrement ces modèles mentaux, l’organisation peut libérer l’action et ainsi se remettre en lien avec son environnement changeant.
« Avec ces modèles, la transformation ne dépend plus (ou plus seulement) de la direction générale ou de ses consultants, ni de quelques super-héros. Au contraire, en disant en substance à tous les acteurs de l’entreprise « La méthode c’est vous ; et le plan, c’est l’action », ces modèles remettent la balle dans votre camp et vous fournissent des principes concrets d’action. »
Le modèle n°1 : « Démarrer avec ce qu’on a » nous permet d’agir par nous-même, quels que soient nos moyens. Pas besoin d’objectif pour commencer, l’action s’engage immédiatement. Elle n’est pas bloquée puisqu’elle ne repose que sur nos propres ressources. Elle a également plus de chance de réussir pour la même raison.
Le modèle n°2 : « Agir en perte acceptable » invite à agir pas à pas, modestement ; on avance et on voit… On passe de la protection de ses moyens, qui peut paralyser, à l’action. En matière de transformation comme en matière d’entrepreneuriat, il faut souvent commencer petit pour pouvoir transformer en grand.
Le modèle n°3 : « Obtenir des engagements » incite à penser en termes de relations plutôt qu’en termes de moyens. Les entrepreneurs créent des marchés en convainquant des parties prenantes de s’engager dans leur projet. On crée ainsi une dynamique collective en co-construisant les nouveaux modèles mentaux. Comme tout organisme vivant, l’organisation doit favoriser les relations internes et externes pour maintenir le système alerte et connecté à la réalité. Pour transformer une organisation, on doit donc se demander : « Comment entraîner les parties prenantes ? ».
Le modèle n°4 : « Tirer parti des surprises » invite à embrasser la surprise, qu’elle soit positive ou négative, pour comprendre ce qu’elle signifie pour nous. Car dans un environnement stable, l’erreur est une menace. Mais dans un environnement dynamique, elle est au contraire porteuse de la promesse de progrès. A trop se protéger des surprises, on se coupe de la réalité et des opportunités qu’elle peut apporter.
Le modèle n°5 : « Créer le contexte » permet de se remettre dans le jeu en rendant le contexte plus important que l’objectif. Il s’agit de crée un contexte dans lequel les solutions nouvelles à un problème entièrement nouveau pourront être inventées. La performance ne s’obtient que par une bonne adéquation entre les talents individuels et le contexte créé pour qu’ils s’expriment.
En agissant sur ces cinq modèles mentaux, chacun d’entre-nous peut libérer l’action, retrouver un sentiment de vitalité qui recrée l’engagement, facteur premier de performance, et ouvre de nouvelles perspectives.
Cette approche est modeste, elle ne dit pas ce que nous devons faire, mais ce que vous pouvons faire.
L'application de ces modèles mentaux n’est que la première étape pour permettre à la dynamique de changement de s’enclencher. Pour véritablement « recoder » l’organisation, Béatrice Rousset et Philippe Silberzahn proposent l’approche META pour « Modèles mentaux, Exposer, Tester, Ajuster ».
« Il s’agit de partir des modèles mentaux existants, c’est-à-dire de les exposer, s’assurer qu’ils sont utiles par rapport à la réalité, les tester pour faire apparaître des conflits et le cas échéant, les ajuster. »
Les modèles mentaux les plus importants sont profondément enfouis et sont constitutifs de notre identité, à tel point qu’ils sont devenus invisibles. Nous les prenons pour la réalité alors qu’ils ne sont basés que sur des croyances. Il nous faut donc les rendre visibles et mettant en perspective nos croyances : « Dans notre organisation, nous pensons que… mais il pourrait en être autrement. » En exposant les modèles mentaux, au lieu de subir leur résistance, nous bénéficions de leur force.
Il s’agit d’explorer quels sont les avantages et les inconvénients du modèle en lien avec la réalité d’aujourd’hui. Il est extrêmement important à ce stade de ne pas tomber dans la dichotomie « Bon/Pas bon ». Si un modèle mental a perduré jusqu’à aujourd’hui, c’est probablement qu’il présente des avantages. Il s’agit de prendre conscience qu’il présente aussi des inconvénients dans certaines circonstances.
Les cinq modèles mentaux des entrepreneurs offrent une panoplie d’alternatives qui rend cette étape d’ajustement possible afin de se remettre progressivement en prise avec la réalité.
Il nous reste maintenant à acquérir et pratiquer cette discipline qui consiste à mobiliser nos modèles mentaux de façon régulière. Car si ce programme de mise en action semble modeste et progressif, il peut s’avérer puissant dans une dimension systémique appliquée à toute l’organisation. Faire bouger les choses à notre niveau, c’est bien. Mais encourager d’autres collaborateurs à adopter la même discipline à l’échelle d’une organisation, c’est se donner toutes les chances de tirer parti des changements du monde et des formidables opportunités qu’ils nous offrent.
L’Expérience Client est aujourd’hui au cœur des préoccupations des entreprises. L’idée originelle de ce concept est que pour gagner des parts de marché et imposer sa marque, il ne s’agit plus seulement de proposer des produits et services utiles au client, mais des expériences uniques permettant de distinguer une marque de ses concurrents en créant un engagement fort et durable.
L’acte de consommer prend une nouvelle dimension en répondant à la fois à la satisfaction de besoins fondamentaux autour de la valeur et des usages du produit, mais surtout en suscitant le plaisir et l’émotion. L’Expérience Client est donc le résultat de l’ensemble des perceptions et des émotions ressenties lors des interactions entre le client et la marque.
Alors que les entreprises mobilisent leurs forces vives pour délivrer au client la meilleure expérience possible, l’alignement avec l’expérience vécue en interne par les collaborateurs s’impose à son tour comme vecteur d’engagement.
Un parallèle parfaitement démontré dans « Boostez l’Expérience Collaborateur », un ouvrage écrit à quatre mains par Séverine Loureiro et Myriam Lepetit-Brière. Leur objectif : au-delà du postulat selon lequel Expérience Client et Expérience Collaborateur sont les deux faces d’une même marque, nous donner la méthode et les clés pour passer à l’action et façonner une Expérience Collaborateur alignée avec les enjeux de son organisation.
A l’origine de cette conviction, la Symétrie des attentions (une marque déposée par l’Académie du Service) pose comme principe fondamental que la qualité de la relation entre une entreprise et ses clients est symétrique de la qualité de la relation de cette entreprise avec l’ensemble de ses collaborateurs.
La qualité de l’Expérience Client dépend de la perception des clients à chacun de leurs points d’interaction avec la marque avant, pendant et après l’achat (site web, point de vente, call-center, réseaux sociaux…). Et si on considère que chacun de ses points de contact avec les clients est le fruit de la compétence, de l’expertise et du travail des collaborateurs, on perçoit aisément les enjeux à adresser les deux pans de l’expérience proposée par l’entreprise. La finalité est de donner une image globale cohérente de l’entreprise et de la marque.
« Comment attendre des collaborateurs qu’ils délivrent une expérience optimale aux clients quand ils perçoivent la leur comme négative ? »
« L’Expérience Collaborateur est le résultat des émotions et des perceptions ressenties par le collaborateur dans ses interactions avec l’entreprise : ses process, son environnement physique, son organisation, son management, ses collègues, ses valeurs ».
L’Expérience Collaborateur regroupe donc ce que les collaborateurs perçoivent, pensent, vivent, ressentent dans les moments clés de leur parcours au sein de l’entreprise et dans leur quotidien (intégration, évolution professionnelle, collaboration, management…). Et ce sont bien les émotions qui sont au cœur de l’Expérience Collaborateur.
L’émotion est un message envoyé à notre cerveau pour nous pousser à réagir, à décider et à agir. C’est aussi la pièce maîtresse de la motivation. Alors que les émotions ont longtemps été considérées en entreprise comme un obstacle à l’exécution d’une tâche, nul ne peut ignorer aujourd’hui leur pouvoir sur l’engagement des collaborateurs. Et il est de la responsabilité des managers, en véritable « régulateurs des émotions », de prendre en compte la dimension émotionnelle individuelle et collective au sein de leurs équipes et de s’attacher à faire émerger des émotions positives.
« A l’instar du client dont l’attachement à une marque va se faire à travers des émotions et sentiments ressentis au cours de ses interactions avec la marque, le collaborateur pourra développer une expérience positive et mémorable grâce au lien émotionnel que l’entreprise saura créer ».
Il est également fondamental pour les managers de reconnaître pour tout collaborateur le besoin essentiel de se sentir en sécurité émotionnelle à chaque point de contact avec l’organisation.
« Une entreprise, c’est avant tout une histoire d’hommes et de femmes qui vont unir leurs idées, parfois leurs moyens, leurs compétences, leurs savoir-faire, pour atteindre des objectifs communs. Une entreprise, c’est une aventure humaine ».
L’Expérience Collaborateur adresse donc tous ceux qui ont des points de contact avec la vie de l’entreprise et ses projets. Les salariés, bien entendu, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, mais aussi les différentes partenaires : prestataires, fournisseurs, consultants… Pour chaque acteur, il faudra calibrer le degré d’attention en fonction de sa proximité avec l’entreprise et de son influence interne ou externe.
A l’image des « moments de vérité » qui rythment l’expérience vécue par un client, l’Expérience Collaborateur accompagne les salariés à chaque moment-clé de leur parcours au sein de l’entreprise.
AVANT : pour attirer les talents
L’Expérience Collaborateur commence avant même l’intégration du candidat. Cette expérience amont est l’expérience Candidat qui désigne l’ensemble des perceptions que vont ressentir les candidats dans leur parcours de recrutement jusqu’à leur intégration. Les points de contact sont les réseaux sociaux, le site carrières, l’annonce d’emploi, le processus de recrutement, l’entretien avec le manager, l’arrivée au bureau…
PENDANT : pour fidéliser et engager les collaborateurs
Avoir des collaborateurs fidèles, c’est bien, mais avoir des collaborateurs engagés, c’est mieux ! L’Expérience Collaborateur, en adressant notamment le management, l’organisation du travail, les process, l’environnement de l’entreprise, est un levier puissant d’engagement.
APRES : pour prolonger la réputation et l’attractivité
Faire durer l’expérience au-delà de l’entreprise est un moyen unique de prolonger sa réputation et de faire des anciens collaborateurs les meilleurs ambassadeurs d’une marque.
L’Expérience Collaborateur repose sur cinq dimensions. La dimensions socle est le SENS, la mission commune. La mission vers laquelle l’ensemble des équipes doit tendre et qui constitue une sorte de super-macro-objectif de l’organisation. La mission est donc le « pourquoi », le sens qui mobilise le collectif.
Parce que la « réalisation de soi » professionnelle et personnelle des salariés est indispensable à leur bien-être et source d’émotions positives l’EPANOUISSEMENT est une dimension fondamentale de l’Expérience Collaborateur. L’organisation doit favoriser l’autonomie et la responsabilisation, alimentés par le développement continu des compétences et la reconnaissance exprimée par le management.
Les CONNEXIONS désignent les relations entre les collaborateurs et l’organisation (orientations stratégiques, circulation de l’information…), entre les collaborateurs et le management (proximité, reconnaissance, feedback positif…) et entre les collaborateurs et leurs collègues (partage de valeurs, ambiance, solidarité…). Ces relations doivent générer la confiance et le plaisir d’être ensemble. Elles participent à la perception globale positive qu’ont les collaborateurs de l’entreprise et de leur expérience en interne.
L’IMAGE que l’entreprise renvoie en interne comme en externe concourt au sentiment de fierté et d’appartenance des collaborateurs et par là même à la perception de leur expérience. Cette image doit être alignée avec la réalité de l’expérience vécue par les collaborateurs.
L’ECOSYSTEME de l’entreprise, qui désigne l’environnement physique, technologique et organisationnel dans lequel les collaborateurs évoluent, permet de fluidifier et d’optimiser leur parcours et contribue ainsi positivement à la perception de leur expérience.
Dans leur ouvrage, les auteures proposent aux organisations des outils et une méthode pour booster leur Expérience Collaborateur. Avec pour démarrer, un autodiagnostic en 25 questions permettant d’évaluer le niveau de maturité de l’entreprise sur le sujet, basé sur les 5 dimensions évoquées précédemment. Cette évaluation permet d’obtenir un score de maturité sur 3 niveaux et en fonction du niveau de maturité de son organisation de se rapporter à une matrice d’actions pour accompagner l’entreprise pas-à-pas vers une Expérience Collaborateur réussie.
Cette méthode est également illustrée de témoignages de dirigeants et de DRH, de bonnes pratiques et d’outils pour s’inspirer et oser expérimenter de nouvelles pratiques.
Et surtout, ce livre rappelle que l’Expérience Collaborateurs n’est pas un gadget. Une telle démarche exige un changement de posture à l’échelle de toute l’entreprise.
Organisation, managers, DRH et collaborateurs doivent réussir à réinventer ensemble leur rôle et à trouver chacun la bonne posture.
A la lumière des conclusions de l’étude de l’assureur Malakoff Médéric sur l’absentéisme, je viens de mettre un nom sur un phénomène que nous côtoyons tous, et que nous pratiquons pour certains, le présentéisme.
Le présentéisme désigne un comportement qui prend de plus en plus d’ampleur dans le monde du travail. Cela consiste à venir travailler malgré un état de santé dégradé qui peut être lié à différents facteurs : insatisfaction au travail, fatigue extrême, surinvestissement…et qui aurait mérité de s’arrêter. Ce comportement peut aller jusqu’à l’inobservance des arrêts maladie. Selon Malakoff Médéric, 23% des salariés ont renoncé à leur arrêt de travail en 2018, contre 19% en 2016 ! Le présentéisme touche plus largement les cadres et les dirigeants, par « déni de fragilité », par crainte du regard des autres ou tout simplement pour éviter de reporter le poids de son travail sur les autres membres de l’équipe.
« Le présentéisme est souvent le révélateur de dysfonctionnements organisationnels : définition imprécise ou excessive des missions et objectifs, mauvaise répartition de la charge de travail, organisation des tâches déficiente, effectifs insuffisants...» selon l’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail)
Si venir travailler en étant malade réduit le taux d’absentéisme sur le court terme, les conséquences sur le long terme peuvent être plus lourdes avec le risque de devoir faire face à des pathologies et des épuisements plus graves nécessitant un arrêt maladie supérieur à 30 jours.
Le présentéisme apparaît donc comme les prémisses de l’absentéisme. Pour prévenir ce phénomène, il convient d’en comprendre les caractéristiques et les manifestations, au plus près du terrain, afin d’agir efficacement sur les mécanismes qui conduisent à ce phénomène.
Pour le présentéisme, comme pour l’absentéisme, le rôle et les conditions de travail ne doivent jamais être sous-estimées, les causes étant toutefois spécifiques à chaque entreprise. Si l’absentéisme génère désorganisation et dysfonctionnements au sein de l’entreprise, il est aussi un révélateur de l’état de santé des salariés et de l’impact des conditions de travail sur celui-ci.
C’est la raison pour laquelle, l’ANACT sensibilise les organisations afin qu’elles fassent de l’absentéisme un objet de préoccupation partagé qu’il devient ainsi possible de prévenir et de réduire.
« L’absentéisme caractérise toute absence qui aurait pu être évitée par une prévention suffisamment précoce des facteurs de dégradation des conditions de travail entendus au sens large : les ambiances physiques mais aussi l’organisation du travail, la qualité de la relation d’emploi, la conciliation des temps professionnel et privé,… »
Chaque entreprise présente un profil particulier d’absentéisme que les indicateurs permettent de dresser. Outre le calcul du taux d’absentéisme, il convient donc d’analyser la durée moyenne des absences par salariés pour être pertinent et de vérifier la progression des absences dans les 3 à 5 dernières années. Il est également nécessaire de recouper ces informations avec d’autres critères : âge et sexe des salariés, type de poste et de métier, situation personnelle, distance domicile-travail… Ces hypothèses permettent d’approcher la situation spécifique de l’entreprise.
« Un absentéisme court peut caractériser une entreprise qui fait face à des surcharges de travail ou à des restructurations ponctuelles ou mal vécues. Un absentéisme plus long et avec une fréquence plus faible pourrait indiquer un vieillissement de la population salariée et la possible apparition de pathologies en lien ou non avec l’environnement professionnel. »
Selon l’ANACT, l’absentéisme comporte plusieurs aspects : administratifs, économiques, sociaux et sanitaires. Il est révélateur du fonctionnement de l’organisation, de son attrait pour les salariés mais aussi de l’état de santé global d’une population donnée et de ses caractéristiques. D’où l’importance de recourir à une démarche collective réunissant les acteurs pertinents : la direction, les services RH, les services opérationnels, l’encadrement de proximité, le personnel et ses représentants, la médecine du travail. Pour mener un bon diagnostic et appréhender des solutions concrètes et efficaces, il faut favoriser une démarche participative et pluridisciplinaire en 6 étapes :
Pour aller plus loin dans la démarche, je vous invite à télécharger le guide de l’ANACT « 10 questions sur l’absentéisme ».
Un hamster occupait ses journées en longues siestes et collectes de graines. Toutefois, son activité favorite consistait à courir énergiquement dans une grande roue qui trônait au milieu de sa cage. Curieux de nature, son attention fût un jour attirée par un faible craquement à proximité de sa cage. Là, il découvrit un œuf énorme en train de se fissurer. Au bout de quelques heures, un bec jaune-orangé fit son apparition, puis une tête, et enfin, le corps tout entier émergea de la coquille.
Le hamster n’avait jamais vu un oiseau aussi laid, avec son grand corps et son plumage gris hirsute. Les deux bêtes s’ignorèrent un long moment, le hamster trop occupé à poursuivre sa course folle et l’oiselet épuisé par son éclosion. Finalement, après avoir repris ses esprits, l’oiseau s’adressa au hamster : « Vers quoi cours-tu dans ta roue ? ». Le rongeur, tout à sa course, l’ignora copieusement. Mais l’oiseau insista : « Eh, oh ! Ne t’arrêtes-tu jamais de courir ? ». Et le hamster de lui répondre, haletant : « Tu vois bien que je suis occupé là ! Je n’ai pas le temps de bavarder. » Ainsi rabroué, l’oiselet mis un peu d’ordre dans ses plumes et agita ses ailes naissantes, comme pour en tester l’usage. Et sans cesser de courir, le hamster continua de l’invectiver : « Ne peux-tu pas aller secouer tes plumes ailleurs ? Tu ne vois pas que tu me déranges ? » Et l’oiseau, piqué au vif, de lui répondre : « Te voilà bien agacé ! Oublie ta mauvaise humeur. Sors de ta cage et viens prendre l’air avec moi. » « Mais pour qui te prends tu avec ton cou étroit et tes pattes palmées ? » éructa le hamster. « Tu serais incapable d’aligner deux tours de roue sans trébucher… » Alors même que le hamster enchaînait ses sarcasmes, il fut subitement interrompu par le frottement de dizaines de paires d’ailes. Et l’oiselet prit son envol pour rejoindre une nuée immaculée de cygnes et disparaître au loin dans le ciel, laissant le rongeur perplexe en tête-à-tête avec sa roue.
Evidemment, toute ressemblance avec des personnes existantes n’est pas fortuite… Est-il bien utile de préciser la morale de cette histoire ?
Nombre de managers se reconnaîtront dans la caricature de ce hamster, étourdis par la course effrénée du travail désincarné, vidé de son sens. Et pourtant, il nous reste la possibilité de changer de rôle et de devenir ce majestueux cygne, l’oiseau libre. Ou peut-être vous reconnaissez-vous plutôt dans le petit colibri qui veut faire sa part, ou le grand albatros qui voyage au gré des esquifs… Quel que soit l’oiseau que vous incarnez, il est temps de sortir de votre coquille, de déployer vos ailes et de prendre votre envol vers la Cité du travail libéré.
Cette cité n’est pas une utopie. C’est un espace ouvert à tous les managers qui souhaitent apprendre ou réapprendre la nature du travail « bien fait ». Celui qui inspire, celui qui engage, celui qui relie les collaborateurs de l’entreprise.
Cette cité, je l’ai trouvée par hasard, après m’être perdue… Égarée dans un dédale : baisses de ressources, attentisme, agitations vaines, injonctions contradictoires, injustices organisationnelles... Autant de murailles infranchissables pour un hamster épuisé par sa course sans fin. Mais lorsque l’on change de perspectives… on déploie ses ailes, on prend de la hauteur, et sortir de ce labyrinthe devient possible, comme découvrir, au-delà de ces murailles, le pouvoir de la Cité du travail libéré.
Soyez les bienvenu(e)s et suivez le guide...
Les organisations sont marquées par de nombreuses incertitudes, tant économiques que managériales. Le changement est devenu la règle et il faut s’adapter continuellement. Dans ce contexte, les solutions aux problèmes ne peuvent s’élaborer que dans un effort commun, par le partage de l’information, par un dialogue permanent pour confronter les objectifs stratégiques avec les réalités opérationnelles.
Pourquoi est-il important pour chacun de parler de son travail ?
Parler de son travail est un besoin essentiel dans son activité professionnelle. Cela participe à une meilleure régulation collective, en discutant avec ses collègues et/ou son manager du décalage entre le travail prescrit et le travail réel. Cela favorise la reconnaissance de son travail, ainsi qu’une dynamique de développement professionnel, en prenant conscience des compétences acquises par l’expérience du travail. Et bien évidemment, cela permet de résoudre des problèmes ponctuels.
D’où la mise en place de démarches facilitant l’expression des salariés : les espaces de discussion, avec la volonté de renouer le dialogue autour des problématiques liées au travail. Selon l’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail) les espaces de discussion constituent de formidables leviers de performance pour les salariés, l’entreprise et le travail.
Les espaces de discussion sont la colonne vertébrale d’une démarche de Qualité de Vie au Travail.
Qu’est-ce qu’un espace de discussion ?
C’est un espace collectif qui permet une discussion centrée sur l’expérience du travail et ses enjeux, les règles de métier, le sens de l’activité, les ressources, les contraintes… Cette discussion, dont le vecteur principal est la parole, se déroule suivant un cadre et des règles co-construites avec les parties prenantes. C’est un espace inscrit dans l’organisation du travail, qui vise à produire des propositions d’amélioration ou des décisions concrètes sur la façon de travailler.
Pour en savoir plus sur les finalités pour lesquelles une entreprise peut mettre en place un espace de discussion, sur les facteurs qui favorisent la discussion sur le travail, et comment s’y prendre pour mettre en place un espace de discussion, je vous invite à consulter le guide édité par l’ANACT « 10 questions sur les espaces de discussion ».