A mi-chemin du confinement imposé par l’épidémie COVID-19, une question s’impose. Qu’avons-nous appris de ce séisme qui touche de façon systémique tous les piliers de notre vie : santé, famille, travail, nourriture, loisirs… ?
Un questionnement fortement inspiré des ouvrages qui ont accompagné mon confinement. Car j’ai amorcé ma quarantaine avec la lecture du dernier ouvrage de François Taddeï, Apprendre au XXIème siècle, au sous-titre évocateur : Révolutionner nos apprentissages pour faire face aux défis de demain… Je ne pouvais que poursuivre ma réflexion avec la lecture du classique du management de Peter Senge, La cinquième discipline. Un livre tellement d’actualité, qui nous apprenait il y a 25 ans déjà, lors de sa première édition, que « pour toute organisation, l’avantage concurrentiel durable se trouve dans la capacité à apprendre plus vite que la concurrence. »
Qu’avons-nous appris ? Je pose la question au présent, alors que le confinement se poursuit jusqu’au 11 mai, car la réflexion ne saura attendre que nous retrouvions la liberté d’agir à notre gré. Saisissons-nous de ce temps suspendu qui nous est offert pour observer, comprendre et expérimenter. Si nous attendons de reprendre le chemin du travail et le train-train habituel..., les urgences du quotidien nous renverront à la réalité d’avant le confinement. Comme un élastique qui revient systématiquement à son état de départ. Alors il sera trop tard pour se poser les bonnes questions, et construire à partir de cette nouvelle réalité qui émerge de la situation extrême que nous vivons aujourd’hui ! Comme l’illustre très bien François Taddeï, en sa qualité de biologiste : « Les virus ont quasiment toujours un temps d’avance sur les systèmes de protection ».
La vie nous soumet à des épreuves qui peuvent être violentes. Ces chocs font bouger nos lignes et remettent en question nos certitudes. Ils créent une sorte de séisme intérieur qui irradie jusqu’à l’extérieur et bouscule notre écosystème. L'épreuve que nous traversons aujourd'hui est d'autant plus rare qu'elle se déploie à une très grand échelle et touche dans un même temps le monde tout entier. Une épidémie qui marque non seulement les corps, mais aussi les esprits. Car la rupture de nos routines et la réduction de nos contacts sociaux occasionnent frustration, ennui et un sentiment profond d'isolement du reste du monde.
Après trois semaines de confinement, j’ai trouvé ma fille de 18 ans complètement abattue alors qu’elle venait de réaliser qu’elle ne ressentait plus de sentiment de manque vis-à-vis de son petit ami qu’elle n’avait pas revu depuis le début de la quarantaine. Comme si ses sentiments pour son amoureux avaient été mis en veille pour éviter de trop souffrir de la séparation imposée. Il est question-là du fonctionnement adaptatif qui nous permet de vivre en nous adaptant aux exigences et aux contraintes de notre environnement.
Ces comportements d’adaptation évoluent avec l’âge, avec l’apprentissage et selon l’expérience accumulée, permettant à l’individu d’atteindre un certain niveau d’autonomie. Le fonctionnement adaptatif peut également être positivement ou négativement influencé par différents facteurs tels que l’éducation, la personnalité, l’expérience, la motivation, les possibilités socioprofessionnelles.
Nous ne sommes pas égaux dans la gestion de cette crise qui altère notre rapport au temps, aux événements, à la famille, au travail, aux autres d’une manière générale…, notre rapport à la réalité en quelques sortes.
« Le confinement, c'est une amputation de la réalité, qui remet en cause bien des fonctionnements de nos sociétés. » Boris Cyrulnik
A peine deux semaines après le début du confinement, une amie manager en télétravail partageait la perte de sens qu’elle ressentait face à l’état d’urgence déployé dans son entreprise pour maintenir l’activité économique. Elle exprimait un besoin impérieux, dans cette nouvelle perspective de sa mission, de prendre de la hauteur par rapport à ses habitudes de travail et allait même jusqu’à remettre en question sont engagement professionnel. D’ailleurs, cette réaction extrême la mettait dans une grande confusion. Après réflexion, j’ai compris qu’elle était confrontée à deux réalités de vie qui se percutaient. L’ancienne réalité, avant le confinement, emprunte de superficialité, et la nouvelle, à l’épreuve du confinement, centrée sur l’essentiel. En conséquence, elle cherchait à ajuster sa compréhension de cette « nouvelle » réalité dans son rapport au travail. Être soudainement confronté à la futilité de certains piliers de notre existence provoque nécessairement confusion et amertume.
Pour Boris Cyrulnik, « C’est l’occasion de prendre durablement conscience de ces vérités humaines que nous connaissons tous, mais qui sont refoulées dans notre subconscient : que l’amour, l’amitié, la communion, la solidarité sont ce qui font la qualité de la vie. »
Si le confinement est une protection physique nécessaire pour la survie, elle constitue en même temps une redoutable agression psychique. Pour atténuer les troubles du confinement liés à cette distanciation sociale, Boris Cyrulnik nous invite à prendre en compte dans notre quotidien trois dimensions : l'action, l'affection et la réflexion. Avoir une discipline d’action consiste à bouger au moins une heure par jour pour sécréter des endorphines et percevoir un sentiment de bien-être. L’affection est l’occasion de déclarer notre attachement à nos proches et de renforcer les liens. Quant à la réflexion, c’est une plongée intérieure, favorisée par la lecture, l’écriture, la méditation…, qui nous permet de retrouver de la liberté et des ressources qui aideront à la résilience.
« L’arrivée de ce virus doit nous rappeler que l’incertitude reste un élément inexpugnable de la condition humaine. […] Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille… » Edgar Morin
Dans ces périodes de crise qui s’inscrivent dans la durée avec leur lot d’incertitudes, des réalités inhibées se révèlent et on assiste à un déblocage de ressources jusqu’alors inexploitées. Des ressources qu’il nous revient de cultiver pour trouver matière à s’adapter. Cette nouvelle réalité qui s’installe dans le temps avec la prolongation du confinement, nous sort de notre zone de confort. Un bouleversement de notre quotidien ordinaire qui peut donner lieu à deux types de réactions.
La crise, génératrice de perturbations et de désordres, peut favoriser la manifestation de comportements de rejet et la recherche de boucs émissaires. Comme le décrit le syndrome « l’ennemi est au-dehors », qu’évoque Peter Senge pour justifier qu’il y a chez chacun d’entre nous « une propension à trouver quelqu’un ou quelque chose à blâmer quand cela ne va pas ». Comme si la perfection nous était due et l’erreur impardonnable. Un phénomène exacerbé par la contrainte du confinement que certains peuvent vivre comme un schéma inversé du Huis Clos de Jean-Paul Sartre. La distanciation sociale nous extrait d’un environnement menaçant où l’Autre est synonyme de danger pour mieux nous replier dans un entre-soi rassurant.
Face à ce système complexe dans lequel nous enferme la crise, une autre réponse est d’activer notre esprit critique et notre créativité pour ajuster nos connaissances à cette nouvelle réalité et développer des comportements adaptés. Nous pouvons apprendre de ces perturbations et désordres comment percevoir les développements possibles ou souhaitables. Comme nous y invite Peter Senge, il s’agit « d’utiliser les forces du changement au lieu de leur résister. » Et apprendre à désapprendre les anciens modèles. Accepter d’être perturbé par cette nouvelle réalité et finalement être disposé à changer notre mode de pensée. Et profiter de cette épidémie, où la préservation de l’humain est au centre des préoccupations, pour transformer nos milieux de confinement en espaces de liberté propices à l’observation, l’imagination, la création, l’expérimentation… Un espace où l’erreur est non seulement un droit mais surtout une responsabilité.
« À chaque épidémie, ou catastrophe naturelle, il y a eu changement culturel. Après le trauma, on est obligé de découvrir de nouvelles règles, de nouvelles manières de vivre ensemble. » Boris Cyrulnik
Pour François Taddeï, « Dans un monde en mouvement, l’immobilisme est une régression ».
Et si nous faisions de cette contrainte au repli sur soi et de ce recentrage sur l’essentiel une formidable opportunité de se connaître soi-même. De s’interroger sur ce que nous sommes et la place que nous avons envie d’occuper dans ce monde qui évolue toujours plus vite. Cette période de confinement est non seulement utile pour revoir le juste équilibre que nous accordons à nos vies personnelle et professionnelle, mais elle est aussi l’occasion de mettre à profit cette obligation à vivre en autonomie pour pratiquer des activités qui ont du sens pour nous et nous apportent du plaisir. Certains vont s’adonner au bricolage ou à la pâtisserie, d’autres à la lecture, à la peinture ou à l’écriture. Des activités dans lesquelles nous allons trouver un épanouissement personnel et apprendre, en testant de nouvelles recettes, en s’essayant à des travaux plus complexes, en apprenant de nouveaux points de couture…
« La recherche scientifique montre qu’on n’apprend jamais mieux que lorsque motivation et plaisir se nourrissent mutuellement » nous rappelle François Taddeï.
Ce temps suspendu est inespéré pour apprendre, notamment à travers ce formidable champ des possibles que nous offre le numérique. Outre la multitude de vidéos et autres tutos disponibles pour faire évoluer nos savoirs, nous voyons fleurir sur les réseaux sociaux pléthore de webinars dédiés au développement de nos savoir-faire et savoir-être. Ce décloisonnement des savoirs est une aubaine pour apprendre les uns des autres. Et devenir nous-mêmes des passeurs d’apprentissage. Je suis éblouie de constater combien nombre d’indépendants qui ont vu leur activité se réduire à néant pendant le confinement ont su se réinventer en transformant leurs accompagnements en formations numériques gratuites pour maintenir le lien avec leurs clients et déployer plus largement leurs connaissances. De nouvelles approches précieuses pour anticiper la sortie du confinement et préparer la reprise. Je ne parle pas ici de construire le monde d’après, mais d’assurer le monde d'aujourd’hui, porteur de nombreuses inconnues.
Comme le souligne François Taddeï : « Si nul ne sait comment le monde va changer, on sait au moins que la capacité à s’adapter au changement constituera une des compétences les plus précieuses. Celles et deux qui auront été initiés à cette forme d’intelligence auront de meilleures chances de s’en sortir. »
Alors apprenons ici et maintenant ! « Le futur est déjà là ; il n’est seulement pas réparti de manière équitable » assure Peter Senge. Apprenons à questionner notre réalité et à dépasser nos certitudes. C’est ce qu’avais compris Socrate : mieux vaut accepter le questionnement et l’incertain que de tenir pour vraies des certitudes qui n’en sont pas. Les chercheurs eux-mêmes savent que leurs certitudes sont par nature provisoires. Pour François Taddeï, « Nous sommes tous nés chercheurs ». Ce comportement est inné. « Notre développement cognitif dès le plus jeune âge procède de processus identiques à ceux que les scientifiques mettent en œuvre pour faire progresser le savoir ». Il nous faut retrouver cette posture de « chercheur » héritée de notre petite enfance, avoir le cran d’avouer notre ignorance et chercher les bonnes questions. Et accepter « qu’il n’y ait pas de réponse définitive à de bonnes questions ».
Dans cet immobilisme confiné, nous pouvons « réfléchir de manière multidimensionnelle » et regarder notre réalité sous des angles différents. « Si on ne connait qu’un système, on a du mal à en concevoir un autre, mais si on a eu l’occasion de voir d’autres manières de faire, on peut en imaginer toujours plus ». Cette gymnastique intellectuelle fait appel à une compétence essentielle : la capacité à se mettre à la place de l’autre, base de l’empathie. Une invitation à sortir du jugement pour essayer de trouver des solutions originales.
Nous pouvons également échanger sur ce que nous avons appris individuellement et collectivement avec le confinement, notamment sur nos modes de travail. Nous gagnerons à faire connaître ce que nous avons expérimenté pour nous inspirer les uns des autres et adopter les expériences vertueuses qui ont germé de cette crise. Car partager ces connaissances, c’est contribuer à créer une société plus apprenante.
Quelques lectures inspirantes LA PROVENCE - Coronavirus - Boris Cyrulnik : « Il y aura des transformations profondes » CNRS LE JOURNAL - Edgar Morin: « Nous devons vivre avec l'incertitude » THE CONVERSATION - Débat : Pour faire face aux crises, développons des « communautés apprenantes » THE CONVERSATION - Qu’est-ce qu’une « crise » ? THE CONVERSATION - Quelles leçons philosophiques tirer de la crise sanitaire ? THE CONVERSATION - Penser l’après : En quoi Camus est-il indispensable pour nous aider à sortir de la crise ?
Depuis plus de 20 ans, j’ai eu l’occasion d’expérimenter toutes les facettes de la communication, externe, interne, écrite, orale, digitale, institutionnelle, produit, événementielle… Pourtant, depuis quelques années, j’ai le sentiment que quelque chose sonne faux ! En confrontant mes pratiques professionnelles en communication à l’exercice du management de terrain au quotidien, j’ai constaté combien nous nous étions éloignés des règles de base de la communication interpersonnelle en entreprise. Et combien il était urgent de repenser le management à partir de l’essence même de la communication humaine. A partir des sens sur lesquels toute communication humaine exerce son influence.
Parce que l’entreprise est une affaire d’humains, elle se construit sur les multiples connexions tissées entre ses différentes parties prenantes. Échanger avec un collègue dans le couloir, négocier avec un client, prendre la parole en réunion, conduire son entretien annuel avec son manager… la communication est partout. Elle irrigue le système nerveux de l’organisation, alimente ses centres de ressources
Au XXe siècle, les chercheurs de l'Ecole de Palo Alto en Californie ont jeté les bases d’une approche systémique et interactionniste des phénomènes humains et modélisé ainsi les 5 grands principes de la communication interpersonnelle. Une découverte très utile pour comprendre l’impact de notre communication sur nos interlocuteurs.
1 – On ne peut pas ne pas communiquer
Lorsque nous communiquons, notre interlocuteur perçoit trois types de communication :
La congruence, quand notre corps est en phase avec ce que l’on dit, est donc primordiale pour une bonne communication. Il est également impossible de ne pas communiquer car « ne pas parler » constitue en soi une forme de communication et renvoie à un message de refus ou de rejet. Tout comportement, conscient ou non, constitue donc une communication.
2 – Toute communication présente 2 aspects : le contenu et la relation
Le message transmis par l'émetteur est le contenu. La façon dont ce message est reçu - compris et entendu - constitue la relation. C'est cette dernière - ou tout du moins la manière dont le récepteur s'implique dans celle-ci - qui traduit l’impact du message. Chacun interprète les informations qu'il reçoit en fonction de ses propres références. Dans le cadre d'une relation saine et de confiance, les protagonistes se concentrent sur l'information. A l'inverse, l'information sera déformée, ignorée, voire rejetée si la relation n'est pas sereine. Le récepteur s’impliquera donc dans la relation en fonction de son interprétation et non en fonction de l’intention première de l’émetteur.
3 – La nature de la relation dépend de la ponctuation des séquences de communication
Le mode de communication de l'émetteur influe sur le récepteur et vice versa. La relation est donc basée sur le para-verbal et le non-verbal, bien plus que sur les mots en tant que tels. Chacun interprète les messages transmis et reçus selon ses propres références : sa personnalité, son vécu, ses expériences passées... ainsi que le lien de pouvoir - hiérarchique ou non - ressenti face à son interlocuteur et les réactions - comportements - de ce dernier. Pour qu'une communication soit fluide et efficace, il est ainsi primordial de rendre explicites les messages émis ou reçus, par la reformulation par exemple, afin d’éviter toute interprétation erronée.
4 – La communication est simultanément digitale et analogique
L'être humain utilise deux modes pour communiquer :
Le contenu informationnel d’une communication est digital tandis que la relation ou les sentiments sont définis par la communication analogique.
5 – Tout échange de communication est symétrique ou complémentaire selon qu’il repose sur l’égalité ou la différence
Lors d'un échange entre deux personnes, chacun des protagonistes se positionne dans la relation :
Ce positionnement peut différer, de façon explicite ou implicite, en fonction du statut social, de la position hiérarchique, de l’âge, du niveau de compétences… Pour qu'une communication soit positive, chacun des protagonistes doit comprendre et accepter ce positionnement. Si tel n'est pas le cas, la communication a toutes les chances d'être de mauvaise qualité.
Voilà de quoi nous rafraîchir la mémoire sur le sens profond de la communication. Tout être humain est communication dans sa relation à l’autre. Rapporté à l’entreprise, au nombre et à la variété des connexions humaines qui s’y tissent chaque jour, ça laisse dubitatif sur le soin que nous apportons à notre communication interpersonnelle.
Quel professionnel de la communication ne s’est jamais vu répliquer : « Ah, mais vous à la Com’, vous ne pensez qu’à communiquer ! » ? En effet, pour reprendre l’un des principes de l’Ecole Palo Alto, nous, communicants, avons acté que « nous ne pouvons pas ne pas communiquer ». Et que se taire renvoie à un message de refus ou de rejet.
Un simple exemple pour illustrer mon propos. Il nous est tous arrivé de voir notre train s’arrêter en rase campagne et subir une - trop - longue attente avant de connaître, a minima le motif de cet arrêt, idéalement une estimation du délai avant un redémarrage. Quel a été votre ressenti pendant tout le temps où vous êtes resté sans la moindre information ? D’abord de l’agacement lié aux conséquences que cet incident sur votre programme. Ensuite, de la colère provoquée par le sentiment de ne pas être considéré. Enfin, une perception altérée de l’image de l’organisation à l’origine de votre retard.
Toute communication - ou absence de communication - parle à nos sens et suscite une émotion, neutre, positive ou négative. Il est aisé de faire le parallèle avec le monde de l’entreprise. Une organisation qui ne prend pas soin de jalonner ses projets stratégiques de phases de communication, notamment auprès de ses collaborateurs, risque de céder la place à « radio moquette » et de susciter défiance et désengagement.
Ainsi, la communication s’est professionnalisée jusqu’à devenir un instrument sophistiqué, multiforme, au service de la stratégie des entreprises et de leur management. Tour à tour institutionnelle pour porter l’image d’une organisation, marketing pour vanter les mérites de nouveaux produits, événementielle pour mobiliser des publics, interne pour faire adhérer les collaborateurs, de crise pour réagir à une situation complexe… la communication s’est dotée d’outils toujours plus affutés pour toucher leurs cibles avec le maximum d’impact, à grands renforts de slogans et de storytelling.
Cette notion technique de la communication a petit à petit pris le pas sur l’approche authentique de la communication qu’est la relation humaine, notamment au sein des organisations. Elle a ainsi accompagné le management vertical de l’entreprise, déroulant une information top-down destinée à intégrer, faire adhérer et animer des collaborateurs souvent cantonnés dans leur posture de récepteurs de messages, avec leurs managers comme prescripteurs. Un modèle de communication dont nous voyons les limites aujourd’hui. Bousculés par l’émergence de nouveaux codes qui ont investi le monde de l’entreprise et contribué à émanciper les salariés.
Internet et les réseaux sociaux ont véritablement bouleversé notre rapport à l’information et à la communication, en offrant à tout un chacun un espace de liberté illimité pour diffuser et surtout partager une information qu’il a soigneusement sélectionnée, voire produite. Cette parole libérée sur la Toile appelle aujourd’hui une communication plus authentique. Elle invoque un changement de ton qui frôle la connivence, avec sobriété et humilité dans une posture d’égal à égal.
Cette remise en cause d’une communication « instrumentalisée » orchestrée par un émetteur « sachant » vers sa cible « candide » est à mettre en perspective des nouveaux rapports des marques avec leurs clients et des nouvelles aspirations des collaborateurs de l’entreprise en matière de management, avec comme valeur commune : la confiance.
Une quête de confiance qui rend clients et collaborateurs solidaires dans leur engagement vis-à-vis de l’entreprise. La recherche de sens et de transparence, le besoin d’écoute et de reconnaissance des parties prenantes de l’entreprise ont ainsi fait tomber les frontières entre communication externe et communication interne.
Cette nouvelle communication s’érige en pivot de la « symétrie des attentions » et soutient ce principe fondamental selon lequel la qualité de la relation entre une entreprise et ses clients est symétrique de la qualité de la relation de cette entreprise avec ses collaborateurs. [à lire aussi : Collaborateur vs Client ? Et si on visait plutôt l’alignement des expériences…] Avec comme objectif de susciter auprès des clients et des collaborateurs, via la parole de l’entreprise, des émotions positives, ferment de leur motivation à agir et à s’engager en faveur de celle-ci.
Une nouvelle communication qui donne à voir l’entreprise, et qui l’incarne en transparence en réinvestissant le potentiel humain. [à lire aussi : L'Entreprise Incarnée dans toutes ses dimensions] Une communication ouverte sur le dialogue, où les marques échangent avec leurs clients et les managers débattent avec leurs équipes. Bref, une communication qui prend soin de la relation, à l’écoute des besoins des clients comme des salariés, et qui porte leur voix, comme signe d’appartenance et gage de confiance.
Selon le baromètre 2019 Paris Workplace, « La qualité des relations au travail est LE facteur le plus décisif pour générer du bien-être et de la performance. Les interactions, lorsqu’elles sont de qualité, facilitent la circulation de l’information, la transmission des savoirs et l’adhésion des collaborateurs. Ce faisant, elles deviennent un véritable levier de performance et d’attachement des salariés à leur entreprise ».
Et l’enjeu est bien là pour l’entreprise, dans cette nouvelle relation, plus horizontale, qu’elle tisse avec ses parties prenantes, en passant d’une simple logique d’adhésion à une véritable dynamique d’appropriation. D’une stratégie de communication à une culture du dialogue.
Un dialogue ouvert et sincère qui doit prendre sa source au cœur de l’entreprise, sur les questions du travail. Car donner la parole aux collaborateurs pour débattre des règles, des contraintes, des ressources…de leur activité, c’est les reconnaître dans leur autorité sur leur métier et c’est leur donner le pouvoir d’agir au sein de l’organisation. Dans un contexte où le changement est devenu la règle, il faut s’adapter continuellement. Et les solutions ne peuvent s’élaborer que dans un effort commun, par un dialogue permanent pour confronter les objectifs stratégiques avec les réalités opérationnelles.
Dans son ouvrage « Le travail à cœur », Yves Clot, psychologue du travail, insiste sur l’importance du collectif pour débattre du travail « bien fait » : « Une communauté de pratiques qui forme un cercle d’échanges dans lequel on s’intéresse moins aux limites de chacun qu’aux limites de l’activité elle-même… ».
La culture du dialogue sur le travail constitue un formidable accélérateur de progrès et un moyen d’irriguer toute l’organisation d’un souffle d’innovation. Une pratique susceptible de réconcilier performance sociale et performance économique. [à lire aussi : Les espaces de discussion sur le travail]
L’enjeu de la qualité du dialogue sur le travail dépasse d’ailleurs le cadre de l’entreprise et rejailli sur la société toute entière.
« Quand il est vécu à un bon niveau de dialogue, le travail devient une véritable « école de la citoyenneté » où l’on s’entraîne à examiner des problèmes de façon partagée et critique, où l’on est invité à cultiver les vertus de la dépendance assumée : écoute, prudence, maîtrise de soi, respect d’autrui… » - L’entreprise délibérée. Refonder le management par le dialogue, Mathieu Detchessahar
L’entreprise n’est pas en dehors de la société, elle est la société ! C’est pourquoi elle a un rôle déterminant à jouer dans l’organisation de la vie au travail. Constituée d’hommes et de femmes animés par des aspirations sociales renouvelées et portés par un élan de « vivre ensemble » inégalé, l’entreprise est responsable de la qualité du lien social qui s’y inscrit.
En invitant ses collaborateurs au dialogue sur le travail, elle leur donne l’espace pour se confronter à la réalité vivante du travail, et légitimer leur action dans la construction d’un bien commun auquel chacun donne du sens et à l’origine de toute communauté harmonieuse et solidaire. Car aujourd’hui, le sens ne se délivre plus comme une prescription élaborée par une figure d’autorité. La transmission hiérarchisée des valeurs et du sens a cédé la place à l’échange et l’apprentissage entre pairs.
Une relation plus horizontale qui vient bouleverser la nature du lien managérial. Aujourd’hui, manager prend une nouvelle dimension et requiert par-dessus tout des capacités empruntes d’humanité.
« Il nous faut recruter des managers réconciliés avec leur propre métier […] pour redevenir ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être : des meneurs d’hommes. » - Le travail invisible, Pierre-Yves Gomez
Un leadership ramené à ses vertus essentielles : créateur de lien social, révélateur d’intelligence collective, catalyseur de décisions, contribuant simultanément au développement des personnes et de l’organisation.
Que vous soyez collaborateur ou manager, vous avez nécessairement éprouvé ce souffle d’énergie positive que procure un acte de reconnaissance. Un sentiment puissant et stimulant qui touche aussi bien l’émetteur que le récepteur et qui confère à la reconnaissance un pouvoir unique. A la frontière entre don et devoir, la reconnaissance s’impose aujourd’hui comme un outil de management à part entière avec ses pratiques et ses règles. Un outil qui mérite d’être lui aussi reconnu par tous les acteurs de l’entreprise et déployé à tous les niveaux hiérarchiques.
« Le pouvoir de la reconnaissance au travail » est admirablement décrit dans un ouvrage signé Jean-Pierre Brun et Christophe Laval. On y découvre que la notion de reconnaissance est bien plus large qu’on ne peut l’imaginer et qu’au-delà des augmentations de salaires ou des primes, il existe une multitude de pistes pour développer la motivation individuelle et la mobilisation collective. Pour les auteurs, il existe peu d’outils RH qui ont un aussi large éventail de retombées positives.
En effet, la reconnaissance :
- agit sur la motivation au travail, sur l'engagement et l'autonomie des personnes ;
- améliore le bien-être ;
- favorise une culture organisationnelle saine ;
- génère de la fierté et un sentiment d’appartenance.
Ce livre a pour objectif de démontrer que la reconnaissance a un pouvoir sur l’estime de soi, le bien-être, la santé, mais également sur l’investissement dans le travail, l’efficacité du travail, la productivité et donc la performance des organisations. Un ouvrage tourné vers l’action qui aborde 30 facettes de la reconnaissance au travail et qui s’adresse tant aux managers, aux employés, aux responsables de ressources humaines qu’aux dirigeants d’entreprises.
« La reconnaissance peut se comparer au couteau suisse du management. »
On constate une divergence persistante entre la perception qu’ont les dirigeants et les salariés des facteurs de motivation. Les études montrent que pour les dirigeants, les salariés sont motivés par le salaire, alors que les salariés se disent motivés par l’appréciation du travail accompli. Quand les patrons disent que leurs collaborateurs sont reconnus car ils sont bien payés, il faut leur rappeler que la rémunération est seulement la contrepartie du travail prévue dans le contrat et que la reconnaissance est tout autre chose… Une augmentation de salaire motive quelques semaines seulement ; il faut donc trouver d’autres leviers que la rémunération.
Aujourd’hui, les ressources financières sont plus rares et on observe qu’en entreprise, les incitatifs financiers sont minces, voire nuls ou distribués à tour de rôle. A tel point que le système de rémunération, qui était une source de motivation, devient une source de démotivation pour certains, ou une dimension du travail qui ne suscite aucune attente.
Il est de plus en plus clair que la rémunération est surtout liée à l’idée de s’assurer d’avoir un niveau de vie en rapport avec son travail ; alors que les besoins de reconnaissance, eux, doivent être comblés par d’autres leviers organisationnels. Bien sûr, il faut s’assurer de l’équité interne et externe en matière de rémunération. Mais en plus d’une rémunération acceptable en échange de leur travail, les salariés attendent un management efficace, des perspectives de carrière et de la reconnaissance.
Pour être efficace, la reconnaissance au travail doit donc être partie prenante de la stratégie de l’entreprise et doit faire l’objet d’un investissement humain à tous les niveaux. La reconnaissance est d’abord et avant tout un devoir humain, elle n’est pas liée à un statut ou à une position hiérarchique dans l’entreprise. Elle n’est pas à sens unique, ni réservée à un groupe restreint de personnes que l’on doit motiver alors que d’autres n’en auraient pas besoin. Elle doit concerner tout le monde.
« Le manager doit reconnaître ses collaborateurs, les collaborateurs doivent se reconnaître entre eux ; ils doivent aussi reconnaître leur manager et le dirigeant doit reconnaître ses managers… »
En fait, l’approche doit être systémique :
- tenir compte des besoins personnels des personnes pour prendre soin de leur bien-être ;
- améliorer le climat de l’équipe pour offrir un environnement où il fait bon travailler ;
- encourager le soutien de la hiérarchie et entre collègues ;
- offrir les moyens et les ressources pour permettre aux personnes de bien faire leur travail ;
- faire en sorte que les dirigeants de l’entreprise expriment clairement et avec authenticité de la reconnaissance et de la considération envers leurs salariés.
Une entreprise ne part jamais de zéro en matière de reconnaissance. Pour mieux valoriser la reconnaissance au travail dans son organisation, commencer par identifier les pratiques existantes. Il s’agit de cartographier la culture de la reconnaissance au travail. Pour faire cette cartographie, rassembler entre huit et dix personnes qui auront pour mission de faire un premier recensement des pratiques de reconnaissance en fonction des quatre principales formes de reconnaissance dont voici quelques exemples.
Une fois la cartographie complétée par le groupe de travail, la faire valider par un cercle élargi de collaborateurs afin de s’assurer qu’elle fait consensus. Une fois l’inventaire validé, il peut être édité sous la forme d’une plaquette qui sera diffusée à l’ensemble du personnel et remise aux nouveaux arrivants avec le livret d’accueil.
Pour reconnaître ses collaborateurs, il faut les connaître et donc être capable d’identifier leurs attentes personnelles en matière de reconnaissance. Car la reconnaissance s’exprime à travers des relations humaines et des processus peu formels. Il est préférable de favoriser l’expression de la reconnaissance en face à face et de faire un usage modéré de la reconnaissance publique. Les moments privilégiés entre manager et collaborateur, tels que les entretiens annuels, peuvent être l’occasion de solliciter chaque membre de son équipe sur ses besoins de reconnaissance. Une autre option, consiste à donner à ses collaborateurs l’opportunité d’échanger entre eux sur leurs attentes en la matière.
Pour être authentiques et sonner juste, les gestes de reconnaissance doivent cadrer avec ses propres valeurs. L’impact sera d’autant plus fort, s’ils sont exprimés dans un délai court et s’ils soulignent le plus précisément possible une réalisation, un effort ou un événement particulier.
Pour être considérée comme crédible, authentique et donc avoir de l’impact, la reconnaissance doit être manifestée de façon proportionnée. Il est donc indispensable de porter un jugement sur ce qui est bon ou moins bon, bien ou mal, adéquat ou inadéquat, efficace ou inefficace. Il faut viser l’équité, pas l’égalité.
« Reconnaître un salarié, c’est aussi lui dire ce qui ne va pas. »
Parler de ce qui ne va pas, avec bienveillance, favorise l’apprentissage et permet à la personne de s’améliorer. C’est le rôle du manager de poser un jugement critique sur le travail de l’un de ses collaborateurs et de s’assurer de la qualité du travail ou du service. Il est de la responsabilité de l’organisation d’aider les personnes à s’améliorer. Offrir de l’aide, c’est aussi reconnaître la personne. Cela permet de montrer que l’on souhaite investir sur elle et que l’on croit en ses capacités à se développer pour améliorer une situation.
« L’expérience montre que dans tous les cas, il y a un retour de l’ascenseur : une personne qui reconnaît est reconnue à son tour ! »
Les personnes qui font un bon usage de la reconnaissance au travail sont considérées comme possédant des qualités sociales fortes et génèrent un sentiment de confiance, de loyauté et un désir de travailler à leur côté.
Lorsque j’ai lancé mon moteur de recherche sur le sujet de la vérité, sans surprise, j’ai trouvé de nombreux articles sur l’approche philosophique de la vérité, mais aucun sous le registre de l’entreprise. C’est dire si la proposition de Jean-Jacques Montlahuc, dans son ouvrage Se dire la vérité en entreprise, est singulière. Singulière mais frappée au coin du bon sens, à l’heure où les dirigeants doivent s’inscrire dans l’un des plus grands défis de notre société contemporaine : requalifier la place de l’homme dans son rapport au travail, au cœur d’une entreprise bousculée par les nouveaux usages et la nécessité de se transformer toujours plus vite, toujours plus loin. Face aux nombreuses inconnues qui déstabilisent les organisations, l’enjeu pour les dirigeants et les managers est d’instiller la confiance à travers un cap clair, stimuler la fierté d’appartenance et créer les conditions d’une saine coopération. Dans ce contexte, existe-t-il valeur plus forte que la vérité pour mettre en lien et en mouvement les acteurs de l’entreprise ?
Pour Jean-Jacques Montlahuc : « S’intéresser à la vérité, c’est répondre à des enjeux plus que jamais d’actualité : clarifier les contributions, donner du sens, accélérer l’engagement et, par ce biais, augmenter la performance individuelle et collective. »
La vérité n’est pas une finalité mais un cheminement, un véritable cercle vertueux qui sert la performance de l’entreprise. Et si une telle approche naît généralement sous l’impulsion du dirigeant, elle est une démarche puissante pour accompagner des changements au sein d’une organisation.
« La vérité, c’est ce qui simplifie le monde et non ce qui crée le chaos», Antoine de Saint-Exupéry
Pratiquer la vérité en entreprise est un vecteur de lien et d’opportunités pour tous les acteurs en présence. En premier lieu, être en vérité avec les autres est une ligne de conduite qui engage personnellement, car elle exige du courage, de la détermination et beaucoup d’humilité. C’est oser parler de son expérience personnelle et de sa représentation de la réalité, c’est aussi oser partager son opinion et son ressenti avec sincérité face à une situation.
La vérité d’un système émerge ensuite par la rencontre de vérités individuelles. Nous avons tous déjà expérimenté, dans le cercle professionnel comme dans le cercle privé, combien la vérité de l’un appelle inconditionnellement la vérité de l’autre. Et pour être vertueuse, cette posture requiert des dirigeants, directeurs, managers qu’ils reconnaissent leurs collaborateurs dans leur singularité, leurs forces et leurs faiblesses.
Comme le rappelle J-J. Montlahuc : « Dans la mesure où elle permet des relations directes et franches, une circulation de la parole plus libre, la vérité est également une source réelle d’harmonie dans les relations interpersonnelles. Dire et se dire la vérité favorise une vision partagée et permet de faciliter les relations, de travailler de façon ouverte et de « faire corps » à l’égard des enjeux communs à tous. »
La vérité libère, la parole, les peurs, les émotions. Elle décongestionne et met en lumière la réalité des problèmes rencontrés, voire les dysfonctionnements, parce qu’elle autorise l’expression des besoins, la révélation pour chacun de ses envies et de ses fragilités. La démarche conduit également à une simplification des relations dans la mesure où tout peut être dit, dans la bienveillance et au moment opportun.
« La démarche de vérité conduit les individus à oser. Oser faire des propositions puisque tout est « entendable ». Oser essayer puisqu'il est autorisé d’essayer et de se tromper. Cet alignement et cette absence de peur de se tromper génèrent alors une puissance d’audace et de créativité qui sont au service de l’entreprise et de l’individu. »
Certes, la vérité ne peut pas tout résoudre mais elle est une condition essentielle pour construire et mobiliser l’intelligence collective du groupe, moteur de performance des entreprises, en donnant du sens aux décisions prises et aux actions engagées.
La vérité est exigeante, elle nous met face à nos rigidités, sources de dysfonctionnement et de souffrance en entreprise ! Agir en vérité impose donc de porter un regard honnête sur soi-même et sur les autres, être lucide face à ses peurs et ses blocages. Le manager doit être exemplaire, s’accepter et accepter les autres dans leur authenticité.
Il est donc essentiel de considérer les résistances de nos collaborateurs comme des informations à prendre en compte, comme l’expression d’un besoin à satisfaire pour créer une relation constructive de coopération.
Pour J-J. Montlahuc : « Nos rigidités sont de véritables protections qu’il ne s’agit pas de nier, mais de chercher à contourner en construisant des espaces de discussion sécurisés, dans lesquels nos vérités, et en particulier nos peurs, peuvent être exprimées et accueillies. Car si elles ne sont pas canalisées, nos rigidités finissent, à plus ou moins long terme, par parasiter la vie de l’équipe. Les jeux de pouvoir deviennent alors l’enjeu numéro un de la vie de l’équipe. »
Les jeux de pouvoir dont nos entreprises sont trop souvent le théâtre, et qui nuisent à l’épanouissement de la vérité, ont un lien direct avec le besoin d’asseoir son autorité, voire de pallier son manque d'autorité. En revanche, plus l’autorité est forte et saine, plus elle autorise l’accès à un espace de vérité. La place de la vérité dans les organisations dépend donc de notre rapport au pouvoir et à l’autorité. Et il n’existe pas de contradiction entre la pratique de la vérité et l’autorité. Au contraire, lorsqu'un manager crée un espace de vérité, il favorise le développement des membres de son équipe. Il est ainsi plus légitime et renforce son autorité.
La démarche de vérité en entreprise est une méthode globale et progressive. Sa réussite suppose un changement de regard sur l’organisation et la mise en œuvre d’un véritable projet managérial. Car moins que l’acquisition de techniques ou de savoir-faire, elle requiert l’appropriation d’une nouvelle posture qui appelle un travail sur son savoir-être relationnel, individuel et collectif.
Pour que cet engagement de vérité ne soit pas qu’une belle promesse ou un effet de communication, il faut proposer un nouveau « contrat social » aux équipes qui remplisse trois conditions. Tout d’abord, une volonté politique portée par le top management, dans un esprit de co-construction avec les équipes. Ensuite, une cohérence entre les enjeux organisationnels et humains. Car le management « en vérité » doit répondre à des enjeux humains tels que les besoins de reconnaissance, de bien-être au travail ou de sentiment de contribution, mais également à des enjeux organisationnels qui sont de partager une même ambition et servir un projet d’entreprise, fidéliser et embarquer les équipes. Enfin, toute démarche de vérité nécessite de s’appuyer sur des instances de régulation sécurisées dans lesquelles l’incarnation du projet pourra se vérifier, voir s’ajuster.
Ce nouveau contrat s’appuie sur une démarche articulée autour de huit principes validés et mis en œuvre :
La relation de vérité se construit dans le temps. Trois années sont nécessaires pour installer le concept et l’intégrer dans une pratique régulière.
La vérité est un chemin et une belle aventure qui relie ceux qui le suivent. Alors, laissez-vous conduire par la vérité. Elle vous surprendra !
Dans sa définition, action de participer à une œuvre commune, la coopération ne traduit-elle pas l’origine même du travail ? Le travail est collectif, il tend vers un projet commun partagé au sein d’une organisation et la reconnaissance de chacun comme participant à cette œuvre commune. Le défi de l’entreprise aujourd’hui est de promouvoir la relation de coopération entre tous les acteurs de son écosystème : ses clients, ses salariés et ses actionnaires.
Telles sont les conclusions du colloque organisé en janvier 2018 par le Collège Supérieur et le cabinet Pleins Talents, dont les Actes ont été publiés dans un ouvrage intitulé L’art de coopérer, manager l’entreprise de demain.
Dans une société faite d’incertitudes et de complexité, où l’environnement de travail est de plus en plus tendu, la coopération s’impose comme un acte de bienveillance entre individus d’une même entité. Elle devient une ressource clé dans un nouveau modèle d’entreprise soucieux de son impact sociétal.
« Quand on considère ces écosystèmes qui sont les organisations de travail, quand on mesure leurs impacts psychologiques, on demande que les systèmes soient plus résilients, et pour qu’ils soient plus résilients, il faut qu’ils soient davantage fondés sur la coopération » souligne Bruno Roche, philosophe et directeur du Collège Supérieur.
Au sein de l’entreprise, le développement des relations de ressemblance s’impose comme une réponse, une réassurance face à un état de changement permanent et des réorganisations successives qui mettent à mal le collectif. Derrière ces relations de ressemblance se développe un sentiment irrésistible d’égalité. Egalité des conditions de travail, égalité des processus de reconnaissance. Avec un besoin de discuter entre égaux et de mettre le débat au-dessus de l’autorité.
Le consentement prend également une place prépondérante dans la société. Dans l’entreprise, dans la famille, dans le couple, on ne peut plus obliger quelqu’un à faire quelque chose en quoi il n’a pas consenti. Un consentement érigé en totem et associé à la question du sens. Désenchantés par un sens introuvable au niveau global de l’organisation, chacun va ainsi produire sa structure de sens localement, dans son collectif de travail.
Pour Bruno Roche : « Coopérer, c’est toujours coopérer localement, donner du sens localement, parce que cela suppose une relation vivante, une étreinte commune du réel. »
La coopération ne s’impose pas, elle s’invite. Et le premier fondement de la coopération est le partage d’un objectif commun, une œuvre à bâtir ensemble, une aventure à vivre en équipe.
« Qui dit coopération dit recherche d’une unité de vue, de moyens, d’objectifs, d’aspirations pour arriver à quelque chose » selon François Morinière, président du directoire du Groupe Labruyère.
Cette œuvre commune donne une finalité que l’on peut célébrer. Une réussite collective dans laquelle chacun se reconnaît, dans laquelle chacun identifie sa contribution, exprime ses talents, développe ses compétences, exerce ses responsabilités… Car dans chaque réussite collective, se dévoile une réussite individuelle.
Pour Thierry de La Tour d’Artaise, PDG du Groupe SEB : « L’enrichissement personnel naît de ce qu’on apprend par soi-même en participant à une œuvre collective. »
Cette œuvre commune va renforcer un lien essentiel à la coopération, le lien de confiance. La confiance doit être un prérequis en entreprise. Elle engage et favorise naturellement la coopération entre les collaborateurs dans le sens où elle donne une vision positive et optimiste de l’avenir. La confiance libère le dialogue au sein du collectif et ouvre des perspectives d’innovation et de performance.
Toutefois, la confiance et le dialogue nécessitent des règles de vie. Partageons-nous les mêmes règles pour ajuster nos relations ? Quelles règles nous-donnons-nous pour que nos échanges soient sereins et efficaces ? La coopération se fonde sur des règles claires, sur lesquelles on ne transige pas et partagées par tous.
Derrière, la vision, la confiance, les règles et l’équité, il y des managers qui incarnent une autorité et qui orientent dynamiquement les membres d’une communauté humaine vers le bien commun qu’ils poursuivent.
Pour Xavier Cail d’Artemare, fondateur de Pleins Talents : « Le chef, le patron, le manager est celui qui porte la responsabilité de l’équipe et qui veille à créer les conditions pour que chacun donne le meilleur. Celui qui échauffe le désir de ce bien commun. Celui qui guide, entraîne et soutient. Celui qui exerce son autorité pour faire progresser ses collaborateurs. Celui qui crée les conditions de la coopération pour mieux servir les clients. Celui qui institue les règles qui donne intérêt à bien faire. Celui qui reconnaît les services rendus, la contribution singulière, l’engagement du collaborateur, les mérites. »
Cela suppose que le manager connaisse les hommes et les femmes qui constituent le collectif de travail et pour chacun, ses talents et ses limites. Cela suppose également qu’il soit en mesure de discerner le possible du nécessaire.
« Un chef est celui qui n’agit pas seul mais qui agit en collaboration avec les autres. Il n’est pas celui qui fait tout mais il est celui qui veille sur tout » selon Pierre Durrande, philosophe.
La coopération demande une attention permanente et le rôle du manager consiste à la privilégier, l’encourager et la reconnaître pour que tout le monde y gagne.
Au cœur des questions d’engagement et d’épanouissement, le sentiment d’être traité justement est primordial. Pour autant, le bien-être au travail dépend davantage de la manière dont, nous managers, décidons et informons nos collaborateurs que de la décision elle-même.
N’ayez crainte, si certains managers sont naturellement doués pour être juste, pour les autres, la bonne nouvelle est que la justice organisationnelle s’apprend et se développe avec la pratique. Autre bonne nouvelle, Thierry Nadisic, l’un des experts français de la psychologie des organisations, vous dévoile la méthode dans son ouvrage Le Management juste. Un concentré de témoignages et d’exemples retranscrits de façon claire et simple pour illustrer cette alchimie qu’est la justice en entreprise.
Pour être considéré comme digne de confiance par ses collaborateurs, un manager doit non seulement faire la preuve de sa compétence professionnelle, mais il doit également démontrer sa capacité à être juste en toute occasion.
"Un salarié qui se sent justement traité déclare être plus confiant, plus satisfait et épanoui, reste plus longtemps dans l'entreprise, a des comportements de citoyenneté organisationnelle, coopère plus avec ses collègues et produit un service de meilleure qualité. On a même montré un effet de cascade : un manager qui est juste avec un salarié rend celui-ci plus susceptible d'agir justement envers ses clients."
Pour Thierry Nadisic, un manager juste est celui qui sait mettre en interaction quatre sentiments de justice :
Ces compétences sont d’autant plus utiles dans les cas de plus en plus courants où les ressources sont rares et doivent être partagées.
Evidemment, il reste difficile pour un manager au quotidien d’être juste sur ces quatre dimensions. Lorsque l’organisation ou le manager sont faibles sur une ou plusieurs d'entre elles, des phénomènes tels que la réévaluation, la compensation ou le renforcement peuvent s’exercer
Mais, à ce stade, pour bien comprendre, les exemples s’imposent… Il ne vous reste donc plus qu’à découvrir et expérimenter Le management juste.
Un hamster occupait ses journées en longues siestes et collectes de graines. Toutefois, son activité favorite consistait à courir énergiquement dans une grande roue qui trônait au milieu de sa cage. Curieux de nature, son attention fût un jour attirée par un faible craquement à proximité de sa cage. Là, il découvrit un œuf énorme en train de se fissurer. Au bout de quelques heures, un bec jaune-orangé fit son apparition, puis une tête, et enfin, le corps tout entier émergea de la coquille.
Le hamster n’avait jamais vu un oiseau aussi laid, avec son grand corps et son plumage gris hirsute. Les deux bêtes s’ignorèrent un long moment, le hamster trop occupé à poursuivre sa course folle et l’oiselet épuisé par son éclosion. Finalement, après avoir repris ses esprits, l’oiseau s’adressa au hamster : « Vers quoi cours-tu dans ta roue ? ». Le rongeur, tout à sa course, l’ignora copieusement. Mais l’oiseau insista : « Eh, oh ! Ne t’arrêtes-tu jamais de courir ? ». Et le hamster de lui répondre, haletant : « Tu vois bien que je suis occupé là ! Je n’ai pas le temps de bavarder. » Ainsi rabroué, l’oiselet mis un peu d’ordre dans ses plumes et agita ses ailes naissantes, comme pour en tester l’usage. Et sans cesser de courir, le hamster continua de l’invectiver : « Ne peux-tu pas aller secouer tes plumes ailleurs ? Tu ne vois pas que tu me déranges ? » Et l’oiseau, piqué au vif, de lui répondre : « Te voilà bien agacé ! Oublie ta mauvaise humeur. Sors de ta cage et viens prendre l’air avec moi. » « Mais pour qui te prends tu avec ton cou étroit et tes pattes palmées ? » éructa le hamster. « Tu serais incapable d’aligner deux tours de roue sans trébucher… » Alors même que le hamster enchaînait ses sarcasmes, il fut subitement interrompu par le frottement de dizaines de paires d’ailes. Et l’oiselet prit son envol pour rejoindre une nuée immaculée de cygnes et disparaître au loin dans le ciel, laissant le rongeur perplexe en tête-à-tête avec sa roue.
Evidemment, toute ressemblance avec des personnes existantes n’est pas fortuite… Est-il bien utile de préciser la morale de cette histoire ?
Nombre de managers se reconnaîtront dans la caricature de ce hamster, étourdis par la course effrénée du travail désincarné, vidé de son sens. Et pourtant, il nous reste la possibilité de changer de rôle et de devenir ce majestueux cygne, l’oiseau libre. Ou peut-être vous reconnaissez-vous plutôt dans le petit colibri qui veut faire sa part, ou le grand albatros qui voyage au gré des esquifs… Quel que soit l’oiseau que vous incarnez, il est temps de sortir de votre coquille, de déployer vos ailes et de prendre votre envol vers la Cité du travail libéré.
Cette cité n’est pas une utopie. C’est un espace ouvert à tous les managers qui souhaitent apprendre ou réapprendre la nature du travail « bien fait ». Celui qui inspire, celui qui engage, celui qui relie les collaborateurs de l’entreprise.
Cette cité, je l’ai trouvée par hasard, après m’être perdue… Égarée dans un dédale : baisses de ressources, attentisme, agitations vaines, injonctions contradictoires, injustices organisationnelles... Autant de murailles infranchissables pour un hamster épuisé par sa course sans fin. Mais lorsque l’on change de perspectives… on déploie ses ailes, on prend de la hauteur, et sortir de ce labyrinthe devient possible, comme découvrir, au-delà de ces murailles, le pouvoir de la Cité du travail libéré.
Soyez les bienvenu(e)s et suivez le guide...
Arrêtez de vous torturer à longueur de journée, à vouloir toujours « mieux faire », parce que vous êtes persuadés que les autres, eux, savent « bien faire ». Vous vous agitez et vous oubliez l’essentiel. Arrêtez, c’est le seul moyen d’agir et d’oser. Autorisez-vous à être tout simplement.
Attention, en vous invitant à vous « foutre la paix », Fabrice Midal, philosophe et fondateur de l’Ecole Occidentale de la méditation, ne vous propose pas un bonheur sucré et confortable mais « une véritable aventure, avec son côté héroïque, ses épisodes inattendus, les peurs qu’elle réveille parfois, le sentiment de liberté qu’elle nous procure et les victoires qu’elle nous fait vivre. »
Fabrice Midal vous propose de prendre confiance en la vie et de vous autoriser à vous émerveiller.
Dans cet ouvrage, il est beaucoup question de méditation mais sans contraintes, de façon subtile. Pas comme une technique, mais comme un art de vivre.
« Méditer, c’est rester un débutant. Ouvert et curieux. On ne fait rien et pourtant, il se passe plein de choses. »
Il est aussi question d’enthousiasme, celui qui « par l’ardeur qu’il contient, guérit et change le monde », de paix et du désir qui nous fait nous dépasser.
Il est question du temps, de l’importance de l’attente active et de rester attentif, ouvert et présent à ce qui se passe.
Se « foutre la paix », c’est aussi accepter ses imperfections : « faites de votre mieux, à partir de ce que vous êtes, à partir de la réalité que vous avez en face de vous ». Accepter l’incertitude et laisser place à l’intuition. En ne cherchant pas à tout comprendre, une force s’ouvre en nous : la créativité. C’est aussi refuser la dictature de l’efficacité en toute circonstance.
Et surtout, cessez de vous comparer, soyez vous-mêmes. Sentez-vous libres de vous aimer et d’être vulnérable.
« Regardez et vivez vos émotions avec douceur et humour. »
Devenez votre meilleur ami ! Apprenez la bienveillance, envers vous et vos proches.
Une belle entrée en matière à l’art de la « pleine présence », comme aime à l’appeler Fabrice Midal. Et qui pourra être approfondie avec la lecture du Pouvoir du moment présent d’Eckhart Tolle.