Systématiquement, lorsque j’anime ma conférence « En leadership, quel est mon meilleur guide, mon ego ou mon intention ? », une personne dans la salle se dresse pour défendre l’ego et soutenir combien il est essentiel pour conforter son leadership… Voilà qui illustre le paradoxe de l'ego. Il est très malin puisqu’il a réussi à se faire une place prépondérante dans la tête de nombre de personnes qui croient qu’il est le socle de leur identité. En réalité, l’ego est un faux ami, un imposteur ! Il est une construction de notre mental faite de nos croyances et de nos peurs. N’est-il pas un peu risqué de bâtir notre leadership à partir de nos peurs ?
L’ego est partout ! Il s’immisce dans nos relations, est en embuscade dans nos postures, prend le dessus dans nos décisions… C’est la raison pour laquelle nous le confondons avec notre identité. Il se manifeste par cette petite voix que nous entendons dans notre tête et qui nous assène encore et encore « tu es trop ci », « tu n’es pas assez ça », en nous comparant en permanence.
Depuis notre plus tendre enfance, nous avons acquis le réflexe de nous comparer aux autres, à nos frères et sœurs, à nos camarades de classe… Ce réflexe s’est ancré avec les années, nous invitant à nous juger et nous conduisant à nous conformer à l’image de ce qui serait bien ou mal. C’est cela l’ego, un filtre que l’on s’est fabriqué pour ne pas se montrer tels que nous sommes vraiment, comme les filtres avec lesquels nous jouons sur notre téléphone pour nous montrer plus beaux, plus jeunes…
L’ego porte en lui la quintessence de nos blessures, de nos peurs et de nos croyances ! C’est une construction mentale, une représentation que l’on a de soi-même, des autres et du monde. L’ego est une fausse identité en quelque sorte, un imposteur né de notre besoin de nous protéger des menaces qui semblent planer comme des ombres sur notre vie.
Notre mental, nourri par nos peurs et nos croyances, nous conduit ainsi à endosser des rôles qui font écran à notre vraie nature, à nous affubler de masques pour nous montrer tels que nous devrions être et non pas tels que nous sommes réellement. Comme une partie de nous qui s’exprimerait à notre place, verrait et entendrait à notre place… Nous ne réalisons pas à quel point notre ego dirige notre vie ! Quand il prend le pouvoir, nous sommes dans notre mental, dans l'illusion, pas dans notre identité. [A lire aussi : « Soigner son intention, c’est dire STOP aux ruminations ! »]
« C’est un peu comme si vous n’habitiez plus votre corps, n’écoutiez plus votre cœur, ne ressentiez plus votre existence : vous interprétez la réalité, le plus souvent en la déformant, vous prêtez aux autres des intentions qui ne sont pas les leurs, vous projetez vos peurs, vos problèmes, vos doutes, vos attentes. Vous réfléchissez les événements au lieu de les vivre. Car le mental ne connaît que le passé et le futur. Le mental vous coupe du présent. » confie Laurent Gounelle dans son roman Et tu trouveras le trésor qui dort en toi.
Les philosophes, lorsqu’ils parlent de l’ego, le qualifie souvent du « moi ». Le philosophe Pierre Guenancia, dans son ouvrage L’homme sans moi, le dépeint comme ce personnage que nous croyons être, voire que nous jouons, comme un rôle que nous endossons.
Le « moi » est cette force qui tend à ramener tout à soi, ce « moi » tyrannique qui veut tout pour lui-même. Pour se sentir exister, il dépend du regard des autres et de la valeur qu’ils lui reconnaissent ; il se regarde lui-même dans le regard des autres. Avec les années, ce « moi » familier et rassurant, est devenu une sorte d’idole, à laquelle nous nous identifions, supérieure et unique. A tel point que nous venons à penser que si nous ne sommes pas ce « moi », nous ne sommes rien !
Victor Hugo, dans Les Misérables, évoque « le moi si enflé qu’il ferme l’âme ».
L’ego a besoin de se sentir unique et différent. En cela, il nous sépare des autres et nous éloigne de notre vraie nature qui, au contraire, tend à l’union. Notre ego peut même nous pousser à l’opposition, au conflit et à la division pour se sentir exister, comme en témoignent les jeux de pouvoirs auxquelles nous nous adonnons parfois dans nos relations.
En s’aimant lui-même, il s’empêche d’aimer une autre personne que lui, du moins d’un amour désintéressé. Pour le « moi », l’amour qu’il donne à l'autre n'est pas gratuit ; il doit lui revenir majoré du témoignage d’amour et de reconnaissance de la personne aimée.
Né de nos peurs, il exerce sur nous une grande emprise dont nous sommes prisonniers et qui nous empêche d’avoir le recul nécessaire et la liberté de nous voir autrement. Pourtant, il est possible de se libérer de sa tyrannie en comprenant qu’il n’est qu’un imposteur.
Pour sortir de l’emprise de l’ego, encore faut-il prendre conscience de son existence et des raisonnements erronés dans lesquels il nous confine.
Voici quelques exemples de manifestations de notre ego. Il est à l’œuvre lorsque :
Dès lors que nous avons démasqué notre ego, que nous avons mis à jour ces rôles qu’il nous presse de jouer pour nous montrer « plus ceci » ou « moins cela », ne soyons pas trop durs avec lui. Après tout, il n’a cherché qu’à nous protéger de notre peur d’être rejetés ! Il est incapable de connaître nos besoins profonds, c'est-à-dire ce qui nous rend vraiment heureux, car il n’est qu’une création mentale. Il revisite en permanence les expériences du passé et croit que nous allons toujours vivre la même souffrance dans le futur.
Observer notre vie, comme un témoin extérieur, est un bon moyen d'identifier les masques dont nous nous affublons depuis des années et de ne pas entrer dans son jeu. Lorsque nous détectons les filtres de notre ego à l’œuvre et que nous ressentons une forme de décalage, d’inconfort, le temps est venu de les déjouer. Cela signifie qu’à ce stade nous sommes capables de nous montrer tels que nous sommes vraiment, et prêts à en assumer les conséquences.
Sortir de ce « moi » dans lequel nous sommes restés enfermés toutes ces années demande du courage. Quitter le confort de l’ego pour s’aventurer à la découverte de soi requiert de l’audace et la curiosité d’aller explorer ce que cela fait d’être soi ! [A lire aussi : « En leadership, quel est mon meilleur guide, mon ego ou mon intention ? »]
S’entraîner sans cesse à ramener son attention vers le présent, ce qui se déroule « ici et maintenant », permet de distinguer la réalité, des scénarios inventés de toutes pièces par notre mental. Déconstruire les filtres de notre ego implique que nous les regardions bien en face, en étant à l’affût de nos comportements dissonants et inhibants, ceux-là même qui nous éloignent de notre vraie nature et nous empêchent d’exprimer qui nous sommes. C’est une discipline quotidienne qui nécessite beaucoup de patience et de détermination ; une poursuite de petits pas pour tester des comportements plus alignés, valider leur justesse et les ancrer durablement.
Cet entraînement à dépasser nos peurs et nos croyances pour nous aligner avec nos aspirations profondes est un formidable catalyseur d’énergie. Car l’ego est très consommateur de ressources pour parer aux menaces qu’il perçoit partout et tout le temps. Au fur et à mesure que nous nous libérons de son emprise, nous regagnons en énergie pour construire une vie plus compatible avec nos désirs.
Mes sources d'inspiration : L’homme sans moi - Pierre GUENANCIA Et tu trouveras le trésor qui dort en toi - Laurent GOUNELLE Qui dirige votre vie, vous ou votre ego ? - Ecoutetoncorps.com - Lise BOURBEAU