16 novembre 2022

Mon travail, ma liberté !

Je fête aujourd’hui un bel anniversaire, celui de ma liberté professionnelle ! Voilà 3 ans que j’ai quitté le salariat et je savoure chaque jour un peu plus le goût de cette liberté nouvelle. Non pas la liberté de ne plus travailler mais la liberté de choisir ma route, mon histoire professionnelle. La liberté d’explorer de nouveaux horizons, de me tromper, de bifurquer et d’incarner pleinement ma contribution à l’œuvre que j’ai choisi d’accomplir.

Car c’est bien d’accomplissement dont il est question. Ça n’est pas la liberté que je suis allée chercher en premier lieu en quittant mon emploi de salariée ; c’est la nécessité de combler un désir d’accomplissement personnel dans ma vie professionnelle. Un désir d’expansion, de dépassement de soi littéralement ! La valeur « liberté » ne m’est apparue que récemment, comme la seule voie possible face à une crise que j’ai dû traverser.

« La liberté ne se définit pas par la quantité de choix, mais elle se construit à partir des obstacles qu'elle trouve sur son chemin... » souligne la philosophe Gabrielle Halpern.

La liberté n’est donc pas un acte posé là, une décision que l’on prend. Elle commence par s’insinuer dans notre vie, subtilement, dans les interstices de notre Désir de travail. Elle profite de l’espace que nous lui accordons pour s’y introduire et lorsque ce Désir de travail est bien clair, notre liberté peut s’exprimer pleinement.

Puiser à la source de notre Désir de travail

Quand on cherche à comprendre en quoi consiste la liberté dans le travail, il est utile de commencer à se questionner sur son Désir de travail. Cette notion a été développée par Roland Guinchard, psychologue et psychanalyste et Gilles Arnaud, psychosociologue et professeur de psychologie des organisations à l'ESCP, dans leur ouvrage Psychanalyse du lien au travail. Le désir de travail. [A lire aussi : « Savoir donner toute sa place à notre désir, dans le travail… »]

Pour les deux auteurs, la question du Désir de travail se pose à tous car il existe chez tout être humain une énergie pulsionnelle orientée vers l’action et la réalisation :

« Cette poussée énergétique brute, en s’intégrant à la psychologie de l’individu au cours des premières années de sa vie, se transforme alors en un désir d’agir et de faire à la recherche d’un accomplissement en ce monde… »

Dans leur ouvrage, ils proposent de changer de regard : plutôt que de chercher à mettre un peu de désir dans le travail, faire apparaître que le travail est partie intégrante du désir humain

Toute personne qui travaille ou souhaite travailler, doit donc s’attacher à ne jamais renoncer à son désir et s’engager à faire absolument quelque-chose de ce désir-là ! Pas seulement une petite place, ni n’importe quelle place car le désir de travail est exigeant. Chacun d’entre nous a donc la responsabilité de clarifier son Désir de travail pour lui donner toute sa place.

Alors que je m’efforçais en vain depuis des années de donner un nouveau souffle à ma carrière dans la communication, j’ai dû me rendre à l’évidence que mon Désir de travail était ailleurs… Il m’a fallu traverser de nombreux écueils pour, à chaque fois, être amenée à creuser un peu plus profondément en moi et trouver enfin la source de mon Désir de travail. Alors, le temps est venu d’en parler, à toutes les personnes susceptibles de m’aider à le préciser encore et encore, à le comprendre, à le rendre tangible, accessible… jusqu’à me sentir complètement au clair et alignée avec ce Désir de travail.

C’est à ce moment-là que les premiers indices de liberté sont apparus. A travers le sentiment que tout devenait possible grâce à la nouvelle activité que j’étais en train de me construire, au gré de rencontres et d’opportunités. [A lire aussi : « Quand tout devient possible ! »]

Assez naturellement, est né ensuite le besoin de nourrir ce désir de travail en s’aventurant dans de nouvelles contrées pour continuer à apprendre et ainsi, me dépasser. Car, selon Spinoza, le désir est un effort pour persévérer dans son être. Cette période où l’on explore le champ des possibles, où l'on se « jette à l’eau » pour apprendre encore et challenger ses capacités, est d’une richesse incroyable ! On repousse les limites toujours plus loin pour s’augmenter et tendre vers la liberté. Pour le penseur indien Jiddu Krichnamurti, apprendre est un mouvement qui libère l’esprit et qui ouvre en grand l’espace dans lequel notre Désir de travail peut s’exprimer.

Selon Jiddu Krichnamurti, la liberté intérieure est impossible sans cet espace intérieur.

« La liberté est un état d’esprit. Un état d’esprit qui ne peut être compris sans l’espace. La liberté exige de l’espace. L’esprit ne peut-il jamais être libre s’il ne possède pas à l’intérieur de lui-même un espace illimité ? »

A ce moment-là, après que j’ai créé l’espace permettant à mon Désir de travail de s’épanouir, j’ai pris conscience combien la valeur liberté était devenue cruciale pour moi.

Libérer les énergies dans le travail

Si l'on s’inspire de la conception énergétique du désir de Spinoza, faire toute sa place au Désir de travail revient à déployer une puissante énergie au service d’une mission qui nous tient à cœur.

L’enjeu pour l’entreprise et le management se situe dans leur capacité à donner aux personnes qui travaillent la liberté d’agir, de créer et de s’accomplir autant que possible dans leur activité professionnelle. Pour cela, il convient de prendre en compte la singularité de chaque individu et de reconnaître l’énergie humaine qui est à l’œuvre dans son travail. [A lire aussi : « Trouver sa juste place au travail, c’est permettre à sa singularité de s’exprimer pleinement »]

Récemment, Marie, une jeune manager que j’accompagne me partageait son intention de faire monter en compétence son équipe pour que chaque individu gagne en autonomie et prenne ses responsabilités dans ses missions. Et là, perplexe, elle constatait qu'en réaction, la plupart des membres de son équipe s’étaient mis en retrait de leurs responsabilités. Pour bien comprendre, il faut savoir que cette équipe a longtemps travaillé « sous cloche », dirigée par un manager omniprésent qui commandait la moindre tâche à effectuer. Cette liberté subitement offerte par leur nouvelle manager est apparue très effrayante pour une équipe qui a longtemps été maternée.

Pour permettre à ses collaborateurs de prendre la mesure de leurs responsabilités, Marie, doit donc veiller à faire émerger le Désir de travail de chacun des membres de son équipe. Inscrire ces désirs individuels dans une ambition commune et une exigence forte invitant au dépassement. Et rendre visible par la reconnaissance le chemin parcouru et le fruit des efforts consentis par chacun.

« Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité » Victor Hugo

Dans son ouvrage Travail, la soif de liberté, le DG de la Word Employment Confederation, Dennis Pennel milite pour un modèle plus organique d’entreprise, qui passe par une meilleure reconnaissance et un meilleur respect de la nature humaine, où l’être humain est considéré d’abord pour ce qu’il apporte plus que pour ce qu’il exécute.

Il pointe la naissance d’un nouvel âge du travail, réconcilié avec la liberté, pour répondre à une aspiration profonde des travailleurs vers plus d’autonomie et moins d’autorité. Il dépeint dans son livre le « besoin d’air » qu’éprouvent nombre de salariés face à des prescriptions de plus en plus contraignantes et une charge de travail de plus en plus stressante.

Denis Pennel accuse la « perte de soi-même » car beaucoup de travailleurs n'ont le sentiment d’être eux-mêmes qu’en dehors du travail ; dans le travail, ils se sentent en dehors d’eux-mêmes.

Donner le meilleur de soi, dans le travail

Denis Pennel nous invite à introduire une forme d’écologie humaine au travail : « tout comme l’écologie de la nature doit entendre le cri de la planète, celle du travail doit écouter le cri de hommes ! »

Le travail a connu de nombreux bouleversements ces dernières années. Tout d’abord avec le déploiement du télétravail, le travail est de moins en moins un endroit où se rendre qu'une activité à mener. Dans le même temps, les heures de bureau ont volé en éclat ! Autre phénomène observé par Josh Bersin, analyste pour Deloitte : « Dans le monde d’aujourd’hui, les gens ne sont plus embauchés pour un poste mais plus pour des rôles qu’ils vont occuper. Ils sont responsables de « missions » et de « projets » et plus simplement d’une fonction ».

Pour autant, même si aujourd’hui le travail s’est affranchi de l’espace, du temps, de la fonction, il étouffe encore dans un cadre trop rigide et coercitif conçu à l’ère industrielle, qu’est le modèle du salariat. Selon Denis Pennel, le salariat est devenu un choix par défaut, non pour ses caractéristiques intrinsèques mais plutôt pour la protection et la couverture sociale que son statut garantit. Il prône l’émergence d’un nouveau modèle, inspiré de la révolution du travail portée par les start-uppers, slaschers, co-workers : le « libertariat ».

Denis Pennel décrit le « libertariat » comme : « la recherche d’un marché du travail sans domination et sans exploitation, où les individus s’associent et coopèrent librement dans une dynamique de liberté et de respect mutuel tout en bénéficiant d’une protection juridique et sociale garantissant leurs droits fondamentaux ».

Selon l’auteur, nous ne règlerons pas les problèmes du XXIe siècle par des solutions inventées au XXe. Il invite plutôt à regarder du côté de ceux qui cherchent de nouvelles solutions permettant aux individus de redevenir acteurs et sujets de leur travail et d’accomplir une activité qui leur tient à cœur.

Il cite une interview du philosophe Bernard Stiegler en 2015 : « La société de demain devra tirer de chacun de nous le meilleur aussi souvent que possible. Or ce meilleur, c’est ce que nous faisons de bonne volonté. Lorsque je suis libre de mon temps et que je m’adonne à ce que j’aime, je donne le meilleur de moi-même ».

A l’heure où les robots libèrent l’homme du travail le plus pénible, pour Denis Pennel, il est essentiel de se recentrer sur l’humanité au travail, sur ce que seul l’homme peut accomplir face aux robots. Après les bras et le cerveau, c’est maintenant au cœur de prendre le dessus dans le travail.

Il nous partage l’extrait d’une interview du consultant américain Dov Seidman dans Les Echos : « nous sommes passés d’une économie industrielle – où on embauchait des bras – à une économie de la connaissance – où on embauchait des têtes – et maintenant une économie humaine – où on embauche des cœurs ».

Dans cette révolution du travail en marche, l'émergence des cœurs risque fort de chambouler les mécanismes de l’entreprise et la société toute entière. Pour ma part, je compte bien y contribuer, à mon échelle !

Mes sources d'inspiration
Psychanalyse du lien au travail. Le désir de travail de Roland GUINCHARD
Travail, la soif de liberté de Denis PENNEL
LES ECHOS - Quand les entreprises embaucheront des cœurs 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Je suis Valérie Charrière-Villien

Je suis une exploratrice ! Animée par la communication humaine et l'engagement, j'aime faire émerger ce qui se joue dans l'organisation et les relations au travail, en clarifiant les intentions personnelles qui sont à l'œuvre. Et ainsi, permettre à chacun.e de passer du JE au NOUS avec énergie et impact.
Connecter les individus et les équipes à leurs aspirations profondes est un formidable accélérateur dans l'accomplissement de leurs projets professionnels comme personnels, et un véritable levier de performance.

Mon dernier article directement dans votre boîte mail !

Inscrivez-vous pour être averti lorsqu'un nouvel article est en ligne
Votre adresse de messagerie est uniquement utilisée pour vous envoyer notre lettre d'information ainsi que des informations concernant nos activités. Vous pouvez à tout moment utiliser le lien de désabonnement intégré dans chacun de nos mails.

Allons plus loin ensemble

linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram