Dans sa définition, action de participer à une œuvre commune, la coopération ne traduit-elle pas l’origine même du travail ? Le travail est collectif, il tend vers un projet commun partagé au sein d’une organisation et la reconnaissance de chacun comme participant à cette œuvre commune. Le défi de l’entreprise aujourd’hui est de promouvoir la relation de coopération entre tous les acteurs de son écosystème : ses clients, ses salariés et ses actionnaires.
Telles sont les conclusions du colloque organisé en janvier 2018 par le Collège Supérieur et le cabinet Pleins Talents, dont les Actes ont été publiés dans un ouvrage intitulé L’art de coopérer, manager l’entreprise de demain.
Dans une société faite d’incertitudes et de complexité, où l’environnement de travail est de plus en plus tendu, la coopération s’impose comme un acte de bienveillance entre individus d’une même entité. Elle devient une ressource clé dans un nouveau modèle d’entreprise soucieux de son impact sociétal.
« Quand on considère ces écosystèmes qui sont les organisations de travail, quand on mesure leurs impacts psychologiques, on demande que les systèmes soient plus résilients, et pour qu’ils soient plus résilients, il faut qu’ils soient davantage fondés sur la coopération » souligne Bruno Roche, philosophe et directeur du Collège Supérieur.
Au sein de l’entreprise, le développement des relations de ressemblance s’impose comme une réponse, une réassurance face à un état de changement permanent et des réorganisations successives qui mettent à mal le collectif. Derrière ces relations de ressemblance se développe un sentiment irrésistible d’égalité. Egalité des conditions de travail, égalité des processus de reconnaissance. Avec un besoin de discuter entre égaux et de mettre le débat au-dessus de l’autorité.
Le consentement prend également une place prépondérante dans la société. Dans l’entreprise, dans la famille, dans le couple, on ne peut plus obliger quelqu’un à faire quelque chose en quoi il n’a pas consenti. Un consentement érigé en totem et associé à la question du sens. Désenchantés par un sens introuvable au niveau global de l’organisation, chacun va ainsi produire sa structure de sens localement, dans son collectif de travail.
Pour Bruno Roche : « Coopérer, c’est toujours coopérer localement, donner du sens localement, parce que cela suppose une relation vivante, une étreinte commune du réel. »
La coopération ne s’impose pas, elle s’invite. Et le premier fondement de la coopération est le partage d’un objectif commun, une œuvre à bâtir ensemble, une aventure à vivre en équipe.
« Qui dit coopération dit recherche d’une unité de vue, de moyens, d’objectifs, d’aspirations pour arriver à quelque chose » selon François Morinière, président du directoire du Groupe Labruyère.
Cette œuvre commune donne une finalité que l’on peut célébrer. Une réussite collective dans laquelle chacun se reconnaît, dans laquelle chacun identifie sa contribution, exprime ses talents, développe ses compétences, exerce ses responsabilités… Car dans chaque réussite collective, se dévoile une réussite individuelle.
Pour Thierry de La Tour d’Artaise, PDG du Groupe SEB : « L’enrichissement personnel naît de ce qu’on apprend par soi-même en participant à une œuvre collective. »
Cette œuvre commune va renforcer un lien essentiel à la coopération, le lien de confiance. La confiance doit être un prérequis en entreprise. Elle engage et favorise naturellement la coopération entre les collaborateurs dans le sens où elle donne une vision positive et optimiste de l’avenir. La confiance libère le dialogue au sein du collectif et ouvre des perspectives d’innovation et de performance.
Toutefois, la confiance et le dialogue nécessitent des règles de vie. Partageons-nous les mêmes règles pour ajuster nos relations ? Quelles règles nous-donnons-nous pour que nos échanges soient sereins et efficaces ? La coopération se fonde sur des règles claires, sur lesquelles on ne transige pas et partagées par tous.
Derrière, la vision, la confiance, les règles et l’équité, il y des managers qui incarnent une autorité et qui orientent dynamiquement les membres d’une communauté humaine vers le bien commun qu’ils poursuivent.
Pour Xavier Cail d’Artemare, fondateur de Pleins Talents : « Le chef, le patron, le manager est celui qui porte la responsabilité de l’équipe et qui veille à créer les conditions pour que chacun donne le meilleur. Celui qui échauffe le désir de ce bien commun. Celui qui guide, entraîne et soutient. Celui qui exerce son autorité pour faire progresser ses collaborateurs. Celui qui crée les conditions de la coopération pour mieux servir les clients. Celui qui institue les règles qui donne intérêt à bien faire. Celui qui reconnaît les services rendus, la contribution singulière, l’engagement du collaborateur, les mérites. »
Cela suppose que le manager connaisse les hommes et les femmes qui constituent le collectif de travail et pour chacun, ses talents et ses limites. Cela suppose également qu’il soit en mesure de discerner le possible du nécessaire.
« Un chef est celui qui n’agit pas seul mais qui agit en collaboration avec les autres. Il n’est pas celui qui fait tout mais il est celui qui veille sur tout » selon Pierre Durrande, philosophe.
La coopération demande une attention permanente et le rôle du manager consiste à la privilégier, l’encourager et la reconnaître pour que tout le monde y gagne.