Je fête aujourd’hui un bel anniversaire, celui de ma liberté professionnelle ! Voilà 3 ans que j’ai quitté le salariat et je savoure chaque jour un peu plus le goût de cette liberté nouvelle. Non pas la liberté de ne plus travailler mais la liberté de choisir ma route, mon histoire professionnelle. La liberté d’explorer de nouveaux horizons, de me tromper, de bifurquer et d’incarner pleinement ma contribution à l’œuvre que j’ai choisi d’accomplir.

Car c’est bien d’accomplissement dont il est question. Ça n’est pas la liberté que je suis allée chercher en premier lieu en quittant mon emploi de salariée ; c’est la nécessité de combler un désir d’accomplissement personnel dans ma vie professionnelle. Un désir d’expansion, de dépassement de soi littéralement ! La valeur « liberté » ne m’est apparue que récemment, comme la seule voie possible face à une crise que j’ai dû traverser.

« La liberté ne se définit pas par la quantité de choix, mais elle se construit à partir des obstacles qu'elle trouve sur son chemin... » souligne la philosophe Gabrielle Halpern.

La liberté n’est donc pas un acte posé là, une décision que l’on prend. Elle commence par s’insinuer dans notre vie, subtilement, dans les interstices de notre Désir de travail. Elle profite de l’espace que nous lui accordons pour s’y introduire et lorsque ce Désir de travail est bien clair, notre liberté peut s’exprimer pleinement.

Puiser à la source de notre Désir de travail

Quand on cherche à comprendre en quoi consiste la liberté dans le travail, il est utile de commencer à se questionner sur son Désir de travail. Cette notion a été développée par Roland Guinchard, psychologue et psychanalyste et Gilles Arnaud, psychosociologue et professeur de psychologie des organisations à l'ESCP, dans leur ouvrage Psychanalyse du lien au travail. Le désir de travail. [A lire aussi : « Savoir donner toute sa place à notre désir, dans le travail… »]

Pour les deux auteurs, la question du Désir de travail se pose à tous car il existe chez tout être humain une énergie pulsionnelle orientée vers l’action et la réalisation :

« Cette poussée énergétique brute, en s’intégrant à la psychologie de l’individu au cours des premières années de sa vie, se transforme alors en un désir d’agir et de faire à la recherche d’un accomplissement en ce monde… »

Dans leur ouvrage, ils proposent de changer de regard : plutôt que de chercher à mettre un peu de désir dans le travail, faire apparaître que le travail est partie intégrante du désir humain

Toute personne qui travaille ou souhaite travailler, doit donc s’attacher à ne jamais renoncer à son désir et s’engager à faire absolument quelque-chose de ce désir-là ! Pas seulement une petite place, ni n’importe quelle place car le désir de travail est exigeant. Chacun d’entre nous a donc la responsabilité de clarifier son Désir de travail pour lui donner toute sa place.

Alors que je m’efforçais en vain depuis des années de donner un nouveau souffle à ma carrière dans la communication, j’ai dû me rendre à l’évidence que mon Désir de travail était ailleurs… Il m’a fallu traverser de nombreux écueils pour, à chaque fois, être amenée à creuser un peu plus profondément en moi et trouver enfin la source de mon Désir de travail. Alors, le temps est venu d’en parler, à toutes les personnes susceptibles de m’aider à le préciser encore et encore, à le comprendre, à le rendre tangible, accessible… jusqu’à me sentir complètement au clair et alignée avec ce Désir de travail.

C’est à ce moment-là que les premiers indices de liberté sont apparus. A travers le sentiment que tout devenait possible grâce à la nouvelle activité que j’étais en train de me construire, au gré de rencontres et d’opportunités. [A lire aussi : « Quand tout devient possible ! »]

Assez naturellement, est né ensuite le besoin de nourrir ce désir de travail en s’aventurant dans de nouvelles contrées pour continuer à apprendre et ainsi, me dépasser. Car, selon Spinoza, le désir est un effort pour persévérer dans son être. Cette période où l’on explore le champ des possibles, où l'on se « jette à l’eau » pour apprendre encore et challenger ses capacités, est d’une richesse incroyable ! On repousse les limites toujours plus loin pour s’augmenter et tendre vers la liberté. Pour le penseur indien Jiddu Krichnamurti, apprendre est un mouvement qui libère l’esprit et qui ouvre en grand l’espace dans lequel notre Désir de travail peut s’exprimer.

Selon Jiddu Krichnamurti, la liberté intérieure est impossible sans cet espace intérieur.

« La liberté est un état d’esprit. Un état d’esprit qui ne peut être compris sans l’espace. La liberté exige de l’espace. L’esprit ne peut-il jamais être libre s’il ne possède pas à l’intérieur de lui-même un espace illimité ? »

A ce moment-là, après que j’ai créé l’espace permettant à mon Désir de travail de s’épanouir, j’ai pris conscience combien la valeur liberté était devenue cruciale pour moi.

Libérer les énergies dans le travail

Si l'on s’inspire de la conception énergétique du désir de Spinoza, faire toute sa place au Désir de travail revient à déployer une puissante énergie au service d’une mission qui nous tient à cœur.

L’enjeu pour l’entreprise et le management se situe dans leur capacité à donner aux personnes qui travaillent la liberté d’agir, de créer et de s’accomplir autant que possible dans leur activité professionnelle. Pour cela, il convient de prendre en compte la singularité de chaque individu et de reconnaître l’énergie humaine qui est à l’œuvre dans son travail. [A lire aussi : « Trouver sa juste place au travail, c’est permettre à sa singularité de s’exprimer pleinement »]

Récemment, Marie, une jeune manager que j’accompagne me partageait son intention de faire monter en compétence son équipe pour que chaque individu gagne en autonomie et prenne ses responsabilités dans ses missions. Et là, perplexe, elle constatait qu'en réaction, la plupart des membres de son équipe s’étaient mis en retrait de leurs responsabilités. Pour bien comprendre, il faut savoir que cette équipe a longtemps travaillé « sous cloche », dirigée par un manager omniprésent qui commandait la moindre tâche à effectuer. Cette liberté subitement offerte par leur nouvelle manager est apparue très effrayante pour une équipe qui a longtemps été maternée.

Pour permettre à ses collaborateurs de prendre la mesure de leurs responsabilités, Marie, doit donc veiller à faire émerger le Désir de travail de chacun des membres de son équipe. Inscrire ces désirs individuels dans une ambition commune et une exigence forte invitant au dépassement. Et rendre visible par la reconnaissance le chemin parcouru et le fruit des efforts consentis par chacun.

« Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité » Victor Hugo

Dans son ouvrage Travail, la soif de liberté, le DG de la Word Employment Confederation, Dennis Pennel milite pour un modèle plus organique d’entreprise, qui passe par une meilleure reconnaissance et un meilleur respect de la nature humaine, où l’être humain est considéré d’abord pour ce qu’il apporte plus que pour ce qu’il exécute.

Il pointe la naissance d’un nouvel âge du travail, réconcilié avec la liberté, pour répondre à une aspiration profonde des travailleurs vers plus d’autonomie et moins d’autorité. Il dépeint dans son livre le « besoin d’air » qu’éprouvent nombre de salariés face à des prescriptions de plus en plus contraignantes et une charge de travail de plus en plus stressante.

Denis Pennel accuse la « perte de soi-même » car beaucoup de travailleurs n'ont le sentiment d’être eux-mêmes qu’en dehors du travail ; dans le travail, ils se sentent en dehors d’eux-mêmes.

Donner le meilleur de soi, dans le travail

Denis Pennel nous invite à introduire une forme d’écologie humaine au travail : « tout comme l’écologie de la nature doit entendre le cri de la planète, celle du travail doit écouter le cri de hommes ! »

Le travail a connu de nombreux bouleversements ces dernières années. Tout d’abord avec le déploiement du télétravail, le travail est de moins en moins un endroit où se rendre qu'une activité à mener. Dans le même temps, les heures de bureau ont volé en éclat ! Autre phénomène observé par Josh Bersin, analyste pour Deloitte : « Dans le monde d’aujourd’hui, les gens ne sont plus embauchés pour un poste mais plus pour des rôles qu’ils vont occuper. Ils sont responsables de « missions » et de « projets » et plus simplement d’une fonction ».

Pour autant, même si aujourd’hui le travail s’est affranchi de l’espace, du temps, de la fonction, il étouffe encore dans un cadre trop rigide et coercitif conçu à l’ère industrielle, qu’est le modèle du salariat. Selon Denis Pennel, le salariat est devenu un choix par défaut, non pour ses caractéristiques intrinsèques mais plutôt pour la protection et la couverture sociale que son statut garantit. Il prône l’émergence d’un nouveau modèle, inspiré de la révolution du travail portée par les start-uppers, slaschers, co-workers : le « libertariat ».

Denis Pennel décrit le « libertariat » comme : « la recherche d’un marché du travail sans domination et sans exploitation, où les individus s’associent et coopèrent librement dans une dynamique de liberté et de respect mutuel tout en bénéficiant d’une protection juridique et sociale garantissant leurs droits fondamentaux ».

Selon l’auteur, nous ne règlerons pas les problèmes du XXIe siècle par des solutions inventées au XXe. Il invite plutôt à regarder du côté de ceux qui cherchent de nouvelles solutions permettant aux individus de redevenir acteurs et sujets de leur travail et d’accomplir une activité qui leur tient à cœur.

Il cite une interview du philosophe Bernard Stiegler en 2015 : « La société de demain devra tirer de chacun de nous le meilleur aussi souvent que possible. Or ce meilleur, c’est ce que nous faisons de bonne volonté. Lorsque je suis libre de mon temps et que je m’adonne à ce que j’aime, je donne le meilleur de moi-même ».

A l’heure où les robots libèrent l’homme du travail le plus pénible, pour Denis Pennel, il est essentiel de se recentrer sur l’humanité au travail, sur ce que seul l’homme peut accomplir face aux robots. Après les bras et le cerveau, c’est maintenant au cœur de prendre le dessus dans le travail.

Il nous partage l’extrait d’une interview du consultant américain Dov Seidman dans Les Echos : « nous sommes passés d’une économie industrielle – où on embauchait des bras – à une économie de la connaissance – où on embauchait des têtes – et maintenant une économie humaine – où on embauche des cœurs ».

Dans cette révolution du travail en marche, l'émergence des cœurs risque fort de chambouler les mécanismes de l’entreprise et la société toute entière. Pour ma part, je compte bien y contribuer, à mon échelle !

Mes sources d'inspiration
Psychanalyse du lien au travail. Le désir de travail de Roland GUINCHARD
Travail, la soif de liberté de Denis PENNEL
LES ECHOS - Quand les entreprises embaucheront des cœurs 

Ça y est ! Il semble que nous apercevions la lumière au bout du tunnel… Avec le calendrier de levée des restrictions sanitaires, le retour de certaines libertés se dessine enfin. Même si le télétravail reste encore de mise dans les organisations, on peut imaginer retrouver ses collègues, managers, clients, partenaires… que l’on n’a pas croisés physiquement depuis fort longtemps. A la rentrée peut être !

Pour autant, aujourd’hui, beaucoup de dirigeants s’interrogent sur la motivation de leurs collaborateurs à retrouver le chemin du bureau. Car depuis un an, le télétravail s’est installé dans beaucoup d’entreprises et les études montrent qu’il fait maintenant partie du paysage pour la plupart des salariés qui y ont trouvé un certain confort.

Même si cet attrait pour le travail à distance est à relativiser en fonction de la taille de l’entreprise, de l’activité télétravaillée, des conditions d’installation à son domicile…, avec la durée de la crise sanitaire, les salariés ont dû s’adapter et s’approprier de nouvelles pratiques dans lesquelles ils ont pu trouver quelques avantages. Un mode de travail qui leur a notamment permis de gagner en liberté d’action et d‘organisation. A tel point que le retour au bureau soulève des réticences pour nombre d’entre eux !

Et si c’était notre cerveau qui bloquait ?

Alors qu’est ce qui bloque ? Pourquoi certaines personnes rechignent à retourner au bureau tandis que d’autres n’aspirent qu’à retrouver leurs collègues ?

Il faut avouer qu’avec la mise en place du travail à distance dès le premier confinement, les managers ont été contraints d’accroître très tôt l’autonomie de leurs équipes. La responsabilisation de chacun sur ses missions a eu des effets très positifs sur l’organisation du travail et sur le développement des compétences : optimisation des tâches, plus de polyvalence, émergence de nouvelles capacités, rupture des routines professionnelles… Des bénéfices tangibles pour de nombreux salariés qui redoutent de perdre l’autonomie à laquelle ils ont largement goûté pendant plus d’un an et de retrouver la dimension contrôle qu’ils ont pu connaître par le passé.

Ces nouvelles méthodes de travail, qui jouent sur l’autonomie et la responsabilisation des personnes, participent directement à leur épanouissement. En l’espace d’une année, ces habitudes de travail ont eu largement le temps de s’ancrer dans le quotidien, à tel point que notre cerveau les a maintenant adoptées.

Pour le psychanalyste Saverio Tomasella, nous avons tout bêtement perdu l’habitude de supporter les inconvénients du travail : « La perte de l’habitude est très puissante neurologiquement et psychiquement. En télétravail, le cerveau a pris l’habitude de ne plus prendre les transports, de ne plus entendre de bruit en travaillant, de ne plus subir la pression directe des managers, les mauvaises relations avec les collègues... Donc instinctivement, le cerveau refuse de se forcer à travailler de manière moins agréable et moins confortable ».

Cette analyse dépasse la simple opposition entre travail en distanciel ou en présentiel. Il est avant tout question de sens du travail. Car pour donner envie aux collaborateurs de reprendre la direction du bureau, encore faut-il assurer un sens à leur travail. Et c’est là que le bât blesse car selon une enquête récente, pendant la crise, 40% des actifs ont remis en question le sens de leur travail. Un phénomène que nous avons tous observé dès le premier confinement, à travers l’expression d’une certaine confusion chez un grand nombre de salariés tiraillés entre la futilité de certains pans de leur activité et la nécessité soudaine de se concentrer sur l’essentiel…

Et si cet « essentiel » du travail, ce qui fait vraiment sens, devenait le cœur de l’activité au bureau ? Les organisations pourraient ainsi faire du bureau le lieu privilégié d’une nouvelle « expérience », centrée sur la collaboration et l’expérimentation.

Les travaux de M.Morin et B.Cherré (2008) sur l’importance du sens au travail pour promouvoir le bien-être psychologique, l’engagement des employés et prévenir la détresse psychologique, ont permis d’élaborer une liste de six caractéristiques qu’ils considèrent comme les prérequis du sens au travail :

Voici les ingrédients sur lesquels bâtir le sens et l'essentiel du travail, à travers une expérience positive et durable au bureau, qui donne envie aux collaborateurs de se retrouver dans un lieu privilégié et propice à l’émergence d’une nouvelle réalité du travail post-Covid.

Pour tendre vers cette expérience désirable au bureau, il est primordial aujourd’hui pour les dirigeants et leurs managers de prendre le temps d’écouter les ressentis et les besoins de leurs collaborateurs et d’explorer avec eux les attributs de cette nouvelle réalité du travail. Construire ensemble une nouvelle expérience à vivre au quotidien, avec une part en distanciel pour optimiser son temps de production sans les transports, avec des temps réduits de réunions…, à doser selon les capacités individuelles à télétravailler, et une part en présentiel pour développer le sens et « les sens » au travail, avec ses collègues. Faire du bureau un lieu où l’on se sent choyé, stimulé, où l’on renoue avec le plaisir de créer et d’apprendre ensemble.

Faire du bureau un espace expérientiel du travail

Chez ACT4 TALENTS, notre espace de coworking dédié au développement humain est un véritable laboratoire des nouvelles aspirations au travail. Notre communauté est constituée pour moitié de salariés d’associations et pour l’autre moitié d’indépendants. Tous ont pratiqué le travail hybride depuis le début de la crise et ont pris leurs marques avec le télétravail. Pour autant, nous observons tous les jours les bénéfices du présentiel pour échanger des idées et créer ensemble ou tout simplement pour partager des moments conviviaux dans notre kitchenette au moment du déjeuner ou au gré d’un café. Il ne se passe pas un jour sans que l’un de nos résidents exprime sa satisfaction de retrouver la dynamique communautaire du coworking après plusieurs jours passés dans le confinement de sa bulle de télétravail.

Evidemment, on peut difficilement comparer le travail dans un espace de coworking et dans une entreprise classique. Quoi que… Commet faire du bureau un espace désirable, humain, vivant et porteur de sens ?

Un espace pour dialoguer autour du travail

Le retour au bureau doit sonner comme un retour aux libertés fondamentales de travail, celles qui donnent du sens et qui stimulent les sens dans le pouvoir agir. Pour ce faire, les managers ont la responsabilité de créer l’espace pour un dialogue ouvert et sincère dans lequel chacun peut exposer son expérience du travail pendant cette période de crise. Dresser le bilan de ce que l’on a perdu et de ce que l’on a gagné individuellement et collectivement à travers cette épreuve. Tirer les enseignements de ce qui a fonctionné et de ce qui ne fonctionne plus aujourd’hui dans nos pratiques de travail pour construire ensemble un futur souhaitable.

Un espace centré sur l’essentiel

Cette crise sanitaire avec ses contraintes de distanciation sociale nous a amenés à réduire le périmètre du clan professionnel et à privilégier les groupes à taille humaine. L’occasion rêvée pour investir le « moins mais mieux » au bureau, à travers une ambiance chaleureuse et rassurante, une réelle proximité entre les équipes, synonyme d’échanges réguliers, de dialogues profonds, d’une meilleure connaissance des missions de chacun et du développement de l’entraide. Une hiérarchie moins complexe et un processus de prise de décision simplifié sont les garants d’une réactivité optimisée et l’assurance d’une plus grande autonomie pour les collaborateurs.

Un espace pour créer et apprendre ensemble

Pour trancher avec la monotonie du travail à distance, les temps au bureau doivent être ponctués par des séquences pour créer et apprendre ensemble. Stimuler les sens et faire vibrer l’équipe sur de nouveaux challenges, le recours à l’intelligence collective pour lancer de nouveaux projets et des opportunités régulières de déployer le co-développement pour apprendre les uns des autres.

Pour que le bureau redevienne ce lieu privilégié du travail pour tous, dirigeants comme managers doivent s’accorder sur l’expérience qu’ils veulent cultiver pour leurs collaborateurs. Si le modèle de travail hybride semble faire l’unanimité dans cette perspective de sortie de crise sanitaire, les entreprises devront faire preuve de créativité et offrir une alternative désirable au télétravail, synonyme de curiosité, de liberté d’organisation et de dialogue. En faisant du bureau un territoire d’engagement pour vivre ensemble le travail, retrouver la connivence, la convivialité et le lien, essentiels à la coopération.

Quelques lectures inspirantes
CADREMPLOI - Saverio Tomasella : « Le cerveau n’est pas toujours d’accord pour retourner au bureau »
CHALLENGES - Comment les salariés voient leur retour au bureau post-Covid
KANDU - Présentiel et télétravail : une organisation différente, mais complémentaire

La période que nous traversons est incroyable ! Jamais nos modes de vie n’ont connu autant de remises en question, à travers nos interfaces privées comme professionnelles. La crise sanitaire, subordonnée à un contrôle de nos mouvements et relations, ainsi qu’à une privation de libertés jamais vue dans notre société contemporaine, constitue un révélateur à très grande échelle du pouvoir de la contrainte sur la transformation. Car, à n’en pas douter, le corollaire de cette crise sera notre capacité à s’adapter à ces contraintes et à apprendre de ces nouvelles conditions de vie et de travail.

C’est pour comprendre ces mécanismes de transformation que nous avons entrepris d’analyser les dispositions des organisations et des individus à apprendre de leurs situations de travail pour s’adapter aux mutations qui les bousculent. Au sein d’Act4 Talents, nous avons ainsi créé l’Observatoire des mutations du travail avec une première étude inédite sur la crise de la Covid-19 !

Pendant plus de 15 semaines, du mois d’avril au mois de juillet 2020, nous nous sommes immergés au sein de 24 TPE-PME de la région Auvergne-Rhône-Alpes afin d'appréhender comment leur organisation et leur management étaient impactés à l’épreuve de la crise.

Pour bénéficier d’une perception la plus réaliste possible des situations vécues dans les entreprises, nous sommes allés chercher les regards croisés de dirigeants, de managers et de collaborateurs pour confronter leurs perceptions. Nous les avons invités à prendre un peu de hauteur de vue sur l’enchaînement des événements et leurs conséquences. Des paroles vibrantes d’un contexte exceptionnel et d’émotions exacerbées que nous retraçons dans cet observatoire et à la lumière desquelles nous avons identifié 5 enjeux pour se projeter positivement et initier des transformations porteuses de valeurs pérennes dans les organisations.

5 enjeux pour se projeter vers un futur souhaitable

  1. La durée et la complexité de la crise ont imposé une communication transparente et régulière à tous les échelons de l’entreprise pour informer au jour le jour des nouvelles mesures, rassurer les individus, maintenir la cohésion des équipes et l’efficacité organisationnelle. Une cohésion qui, si elle n’a pu être maintenue, appellera à retisser les liens en sortie de crise.
  2. Cette situation d’état d’urgence inédite a propulsé chacun des échelons de l’entreprise en dehors de sa zone de confort. Les efforts déployés pour maintenir l’activité ou anticiper les besoins du marché ont généré pour nombre d’individus un surplus de travail et une charge mentale qu’il faudra « soigner » afin de recharger les batteries et être prêt pour une relance efficiente de l’activité.
  3. Cette situation inédite a constitué pour les individus un révélateur de compétences insoupçonnées avec le développement de capacités nouvelles, notamment relationnelles, sur lesquelles ils convient d’investir pour construire la relance.
  4. Cette crise a activé une fierté forte et unanime d’avoir contribué individuellement et collectivement à « tenir la maison » et préservé l’activité au maximum de ce qui était possible. Une mobilisation à travers laquelle chacun a pu vivre une explosion de sens qui renforce le sentiment d’appartenance et qu’il faudra s’employer à entretenir quelles que soient les conditions de reprise de l’activité.
  5. La distanciation sociale a conduit la relation clients à se réinventer, avec l’émergence de nouveaux liens empreints de plus d’humanité, et déployés à partir de nouveaux outils numériques dans un objectif d’efficacité et de maîtrise du bilan carbone pour l’entreprise à plus long terme.

Pour aller plus loin dans la compréhension des enjeux, nous vous invitons à télécharger l’étude complète sur notre site Act4 Talents.

Au moment de nos échanges avec les entreprises, entre fin mars et juillet, personne ne pouvait présager de la durée et de l’impact de la crise. Il était impossible alors de considérer si les adaptations mises en place par les organisations pendant le confinement allaient contribuer à des transformations durables ou être vite oubliées au bénéfice d’un retour à la normale. Nous portions un espoir collectif que la situation d’état d’urgence que nous venions de traverser ne pouvait qu’être temporaire, que l’été balayerait les effets du virus et que progressivement, nous pourrions revenir à une activité quasi-normale en septembre…

La « trêve » a été de courte durée ! Si dans notre espace privé nous avons pu relâcher un peu les contraintes pendant les vacances estivales, se retrouver en famille, se dépayser et savourer une forme de liberté retrouvée ; dans la sphère professionnelle, point de relâchement. La plupart des entreprises ont dû maintenir un mix présentiel/distanciel pour répondre aux exigences de distanciation sociale, avec l’obligation du port du masque au bureau lors des échanges interpersonnels. Et très rapidement, fin septembre, le spectre d’une deuxième vague a été confirmé avec le durcissement des mesures sanitaires et pour finir l’annonce d’un retour au confinement…

Rendre la nouveauté désirable dans une société qui perd ses repères

Dans nombre d’organisations, la rentrée de septembre a été vécue comme une « gueule de bois ». Après des vacances en demi-teinte, sans liberté de voyager à notre gré, à moitié masquées, bercées par de nombreuses inconnues… Le retour au travail a été froid et atone, en présentiel, amputé d’une partie des collègues ou en distanciel sans la possibilité d’échanger autour d’un café sur les plaisirs de vacances… Dans un de ces récents articles, Pierre-Yves Gomez, économiste et professeur à EM Lyon, voit dans cette période les signes d’une dépression collective : « Le fait que les choses ne reprennent pas « comme d’habitude » est déroutant. La société semble perdre ses repères ».

Une dépression en cascade avec des salariés perdus et démotivés, des managers désemparés par l’ampleur de la tâche, et des dirigeants fragilisés par de longs mois de bataille pour maintenir leur entreprise à flot et engourdis par le poids des responsabilités à faire respecter les mesures barrières dans les bureaux. Car toutes ces contraintes qui entravent notre autonomie, ce contrôle de nos moindres faits et gestes pour endiguer l’épidémie, contribuent in fine à bloquer notre énergie. Après de années d’une course effrénée vers le « toujours plus », nous avons été brutalement stoppés dans notre élan le 17 mars 2020. Nous avons alors fait l’expérience de l’immobilisme, du sur place. Un changement de rythme déstabilisant qui nous a amenés à nous questionner sur les fondamentaux de la condition humaine et à observer, grâce à la prise de recul qui nous était offerte alors que nous étions confinés, la vacuité de notre vie en mode accéléré. Sept mois plus tard, alors que la crise s’éternise, nous sommes réduits à un mouvement fatalement ralenti et de plus en plus sujets à l’inconfort de la privation de liberté. Une nouvelle réalité qui vient percuter la réalité antérieure, celle de l’exhortation au mouvement.

Face à cette perte de repères qui peut être synonyme d’angoisses, Pierre-Yves Gomez nous engage à nous focaliser sur les habitudes prises dans cette nouvelle réalité. Comme nous vous y invitons dans notre étude Regards croisés : observer comment les circonstances ont fait évoluer nos pratiques de travail et créer l’espace pour un dialogue ouvert et sincère dans lequel chacun pourra exposer son expérience du travail pendant cette période de crise. Dresser le bilan de ce que l’on a perdu et de ce que l’on a gagné individuellement et collectivement à travers cette épreuve. Tirer les enseignements de ce qui a fonctionné et de ce qui ne fonctionne plus aujourd’hui dans nos pratiques de travail pour construire ensemble un futur souhaitable.

Selon Pierre-Yves Gomez, « Pour accompagner le changement, il faut ne pas se concentrer sur ce que l’on perd, le monde frénétique d’hier. Il faut rendre la nouveauté du monde désirable, appétissante. On n’assiste pas à l’effondrement du monde d’avant – d’ailleurs beaucoup de choses vont perdurer – mais à l’émergence de comportements nouveaux et intéressants. A ce que nous ferons des occasions qui nous sont offertes. »

Favoriser l’expression de récits collectifs autour des expériences vécues du travail

Les 5 enjeux qui ressortent de notre étude qualitative, constituent le socle de ce processus de dialogue qu’il nous semble impérieux d’animer au sein des équipes afin de favoriser l’expression des humanités du travail. De quoi parle-t-on lorsque l’on évoque les humanités du travail ? Pour comprendre quel est l’impact de cette crise sur les individus au travail, il faut développer une compréhension de la sensibilité des humains à l’égard des autres dans cette période exceptionnelle. Sans l’intégration de cette compréhension dans les modèles de management, aucun dirigeant ou manager ne sera en mesure d’appréhender l’explosion des émotions suscitées par ce contexte contraignant.

Boris Cyrulnik nous explique que donner l’occasion d’exprimer ses émotions, ses ressentis, modifie les perceptions du passé. Quand on est vulnérabilisé par un événement de la vie ou une situation particulière, on a la possibilité de remanier la représentation du réel par le récit que l’on en fait. On trouve ainsi la liberté d’agir par nos récits pour remanier intentionnellement le réel et mieux vivre ensemble. Lorsque ces récits sont collectifs, partagés avec quelqu’un ou un groupe en qui on a confiance, la parole a une fonction affective et socialisante. Cette parole est d’autant plus précieuse aujourd’hui, alors que nous travaillons dans un mix distanciel/présentiel et que nous ne communiquons plus avec nos collègues que derrière un écran ou à travers un masque. Des filtres à émotions particulièrement efficaces ! Il nous faut donc aller chercher les émotions masquées à travers le récit collectif et réapprendre à travailler ensemble en permanence.

Les entreprises ont la responsabilité d’investir pleinement ces territoires d’engagement que sont le management et l’organisation pour permettre à leurs collaborateurs de transformer l’épreuve qu’ils traversent actuellement en expérience dont chacun pourra tirer du positif. Pour commencer ce travail de co-construction, un temps de prise de recul s’impose. Un temps pour libérer la parole et écouter les besoins de chacun. Un temps pour permettre au collectif de se retrouver et à la coopération de reprendre corps sereinement. C’est sur le terrain de l’échange que l’on pourra explorer les impacts de la crise et tirer les enseignements sur ce qui a fonctionné et ce qui ne fonctionne plus. Reconsidérer et réajuster nos anciens modèles pour imaginer d’autres alternatives. Et enfin, accepter de désinvestir le superflu et de se recentrer sur l’essentiel.

A la lumière de nos 5 enjeux, quelles sont les questions à se poser collectivement pour se projeter positivement et initier des transformations porteuses de valeurs pérennes dans nos organisations ?

  1. La communication : quels rituels pour permettre aux collaborateurs de rester reconnectés entre eux et pour tisser les liens de la responsabilisation et de la confiance au niveau du management ?
  2. La gestion de la crise : comment prendre le pouls de l’organisation, adapter les objectifs individuels et collectifs aux moyens réellement disponibles, prioriser les activités et clarifier le « qui fait quoi » ?
  3. Les capacités nouvelles : comment permettre aux collaborateurs de révéler leur raison d’être au service du collectif et de s’illustrer à travers de nouveaux rôles au sein de l’entreprise ?
  4. Le sens : comment capitaliser sur les nouvelles pratiques de travail expérimentées pendant le confinement pour mettre en chantier une nouvelle architecture du travail pensée et modélisée par les collaborateurs pour les collaborateurs ?
  5. La relation clients : comment combiner « moments privilégiés en présentiel » et digital pour les échanges courants avec le client ?

Explorer ce regain d’humanité et l’envisager comme l’amorce d’un changement culturel vers plus d’entraide et de solidarité

Ce que nous révèle l’étude Regards croisés en premier lieu, c’est le formidable regain d’humanité qui a transcendé les organisations au travers de cette crise. Cohésion, adaptation, créativité, intelligence relationnelle, vouloir agir, sens, sentiment d’appartenance, liens, confiance… sont autant de termes qui illustrent ces vécus collectifs et témoignent de l’amorce d’un changement culturel vers plus d’entraide et de solidarité. Le prolongement de notre étude nous conduira à réinterroger dirigeants, managers et collaborateurs afin de déceler les apprentissages profonds qui se seront matérialisés au fil des mois. Nous serons ainsi en mesure de confirmer ou d'infirmer la tendance selon laquelle cette crise pousse vers une plus grande humanisation de la gestion des organisations.

Nous vivons aujourd’hui un véritable renversement de valeurs ! Alors que la plupart des pays d’Europe se mettent en situation de sacrifier leur économie pour sauver des vies humaines, comment ne pas réinterroger la place des hommes et des femmes dans les organisations. Cette crise « existentielle » qui impacte respectivement l’existence des entreprises et celle des humains, peut-elle être le terrain d’une réconciliation entre performance économique et réalisation humaine autour de nouvelles valeurs de travail ?

Quelques lectures et une vidéo inspirante :
L'OBS - Comment la crise du Covid a sonné la fin du « toujours plus »
THE CONVERSATION - Transformation numérique : comment ne pas manquer la phase qui s’ouvre dans le travail ?
YOUTUBE - Boris Cyrulnik - Le récit de soi

A l’heure du déconfinement, nous surfons sur un paradoxe. Si notre protection individuelle comme collective passe jusqu’à nouvel ordre par le port du masque, il est de la responsabilité des organisations de profiter de cette période de transition pour inviter leurs collaborateurs à « tomber les masques » ! Car le visage masqué porte sur lui l’image du risque et de l’incertitude. Il impose la distanciation sociale. Loin de moi l’idée d’inciter à l’abandon des masques de protection, mais plutôt d’aller explorer derrière ces barrières de protection…

Car derrière ces masques, se cachent des expériences variées de l’épreuve que nous a fait vivre le Covid-19 qu’il nous faut libérer. Les salariés ont certes eu l’occasion d’expérimenter de nouvelles façons de pratiquer leur travail ; pour autant, le contexte dans lequel ces expérimentations se sont déroulées, à marche forcée, a pu laisser des traces. Isolement, chômage partiel, travail « bricolé », sur un coin de table au milieu du salon et des enfants, avec un faible débit internet, un accès limité à certaines données… Les équipes ont « tenu le coup » et « relevé le défi » pour reprendre certaines expressions qui remontent du confinement. Mais à quel prix !

A l’heure où les collaborateurs reprennent doucement le chemin de l’entreprise, il semble illusoire d’essayer de laisser cette crise derrière soi comme un mauvais souvenir, tant elle a bouleversé notre réalité de vie et de travail. Au contraire, il est temps de transformer notre vécu en mots et de verbaliser l’éventail d’émotions qui nous ont gagnées pendant cette période de confinement. Un temps pour libérer la parole et écouter les besoins de chacun à l’issue de ce « stress test », comme l’a formulé Catherine Joly, directrice de l’exploitation du cabinet Chappuis Halder & Co.

« L'expérience du Covid-19 a été le « stress test » que nul n'aurait jamais imaginé, une plongée sans préparation dans le monde digitalisé de l'entreprise. »

Une transition pour s’interroger et apprendre

Sans empiéter sur le débat du « monde d’après », il me semble pertinent d’investir pleinement la période de transition actuelle. La zone grise que nous traversons aujourd’hui est une étape cruciale de cicatrisation et d’apprentissage pour nos systèmes humains et organisationnels, particulièrement traumatisés par la crise. Trop d’entreprises semblent pressées de tourner la page pour relancer leurs activités et préparer la reprise. Car cette préparation de la reprise doit prendre en compte les dégâts causés par le Covid-19. Dresser le bilan de ce que l’on a perdu et de ce que l’on a gagné individuellement et collectivement à travers cette épreuve. Tirer les enseignements de ce qui a fonctionné et de ce qui ne fonctionne plus aujourd’hui dans nos pratiques de travail. Reconnecter les collaborateurs et retisser les liens qui, au mieux se sont distendus pendant la période du confinement, au pire ont disparu bel et bien. Ces liens rompus au niveau managérial mettront du temps et nécessiteront beaucoup de dialogue pour se renouer.

Car il ne faut pas négliger que cette impressionnante adaptation des équipes pour soutenir l’activité des organisations a nécessité d’aller puiser profondément dans les ressources de chacun. En quelques jours, la grande majorité d’entre-nous a dû mobiliser son énergie pour sortir de sa zone de confort, se jeter à l’eau pour s’approprier de nouveaux outils, de nouvelles pratiques… dans un isolement plus ou moins soutenable en fonction de sa situation professionnelle comme personnelle.

C’est sur le terrain du dialogue que l’on pourra explorer les impacts de la crise sur les acteurs de l’entreprise. Un dialogue ouvert et sincère où chacun pourra témoigner librement et en toute sécurité pour confronter sa réalité vivante du travail pendant le confinement. Un dialogue horizontal en confiance au sein des équipes et avec le management pour laisser s’exprimer les émotions et les besoins non servis. Un dialogue constructif pour questionner nos anciens modèles, les reconsidérer et les réajuster pour imaginer d’autres alternatives.

Comme le souligne le philosophe et conseil en identité narrative Philippe Nassif : « La parole échangée est notre oxygène, et elle est notre véhicule. Elle nous précède et elle nous enveloppe. Elle nous restaure et elle nous transforme. »

©RashonMusik

Cette transition, faite d’écoute et de dialogue, est une occasion unique de regarder la réalité sous différents angles et de développer la capacité des individus et des entreprises à identifier les défis essentiels sur lesquels construire la relance.

Pour l'entrepreneur Patrick Lévy-Waitz, également président de la fondation Travailler Autrement : « Il faut identifier impérativement les combats décisifs, quitte à abandonner nos habitus. Les transitions à venir en sont une opportunité unique : saisissons-la ! »

Dans le dialogue, explorer la vérité sur les situations vécues

Pour identifier les défis dans lesquels cette crise nous a projetés, nous devons prendre le temps d’observer les processus de changement qui se sont opérés en réaction au confinement et aller chercher des réponses nouvelles. Peter Senge, professeur de management et directeur du Center for Organizational Learning (Centre pour les organisations apprenantes) du MIT, nous invite à voir la réalité de tous les jours comme un tremplin plutôt que comme un obstacle et utiliser les forces du changement au lieu de leur résister. Apprendre à nous fier à nos observations plutôt qu’à notre conception de la réalité, nos a priori. Pour reprendre la métaphore de l’arbre et de la forêt, nous devons regarder au-delà des problèmes immédiats générés par le Covid-19 et prendre un peu de recul sur la situation vécue pour en cerner l’essentiel.

Comme l’exprime très simplement Peter Senge, dans son ouvrage La cinquième discipline : « Ce dont nous avons le plus besoin c’est de savoir identifier ce qui est important de ce qui ne l’est pas, les données sur lesquelles se concentrer et celles qui ne le nécessitent pas – et de le réaliser de manière à ce que cela aide les équipes à développer une compréhension commune. »

Cette prise de recul est nécessaire pour avoir une vision élargie permettant de faire émerger les représentations d’un futur souhaitable, commun à tous, qui suscitera adhésion et engagement. Pour créer cette « tension créatrice » décrite par Peter Senge, entre la vision d’ensemble et l’analyse lucide de la réalité, nous devons apprendre à poser les bonnes questions. Dépasser l’urgence de trouver des solutions immédiates, au risque de passer à côté des vrais problèmes, cachés derrière les « petits détails » du quotidien. Changer de posture pour sonder les profondeurs de la réalité en questionnant toutes les dimensions de cette réalité.

Une posture que le chercheur François Taddeï décrit ainsi, dans son dernier ouvrage Apprendre au XXIe siècle : « Cesser de penser en ingénieur et apprendre à penser en chercheur. Le premier cherche une solution ; le second cherche la bonne question. Le premier se désole quand une expérience dysfonctionne ; le second s’en réjouit, dès lors que ce dysfonctionnement est inédit – cela signifie qu’il est en présence de nouveaux possibles, qu’il va pouvoir labourer de nouveau champs de savoir. »

Adopter une posture de chercheur pour apprendre à (se) poser les bonnes questions

Notre capacité à se mettre à la place de l’autre, base de l’empathie, à regarder la réalité sous différents angles, de manière multidimensionnelle, est le socle de cette posture de chercheur. Frédéric Falisse, le coach et formateur qui a théorisé l’art de poser des questions : la « questiologie », en a fait le socle de sa technique. La discipline qu’il a développée ambitionne d’éveiller notre intelligence à interroger de façon pertinente, dans le but de découvrir de nouvelles possibilités, de nouvelles perspectives de développement personnel, relationnel ou professionnel. Poser des questions pour réfléchir et éduquer. Il a constaté que dans notre quotidien, nous n’exploitons que 15% des questions possibles. Tout simplement car lorsque nous posons des questions, nous cherchons avant tout à obtenir des informations qui confirment notre vision du monde et notre perception d’une situation.

Pour expliquer sa théorie, il cite la formule d’Einstein : « Si j’avais une heure pour résoudre un problème dont ma vie dépendait, je passerais les 55 premières minutes à chercher la meilleure question à me poser, et lorsque je l’aurais trouvée, il me suffirait de 5 minutes pour y répondre ».

Pour appréhender la « questiologie », Frédéric Falisse nous invite à nous mettre dans la peau de celui à qui nous posons la question en lui proposant de prendre une certaine posture. Dans la posture d’acteur, il s’interroge sur sa participation. En tant qu’observateur, il regarde ce qui se passe. En prenant une posture introspective, il réfléchit à ce qu’il ressent. Et enfin, en prise de recul, il se projette par rapport à la situation.

Tout se joue dans la qualité des questions. En coaching, on les appelle les « questions puissantes ». Des questions qui ont le pouvoir de nous faire cheminer. Partant du principe que si nous ne trouvons pas de solution à un problème, c’est que nous ne cherchons pas au bon endroit. Les meilleures questions nous amènent donc à nous décentrer de nos certitudes, et sont ouvertes pour laisser la place au silence et ouvrir sur nos ressources intérieures profondes.

J’ai eu l’occasion d’expérimenter une technique particulièrement efficace pour cheminer dans son questionnement avec l’appui du collectif : « De la question brûlante à la question puissante ». L’exercice consiste en un dialogue de questions ouvertes, qui fait progresser la réflexion à partir d’une question de départ. Dans cet échange, aucune solution n’est proposée par le groupe, juste des portes qui ouvrent sur d'autres points de vue en lien avec la question initiale. Très rapidement, la reformulation de nouvelles questions nous permet d’entrevoir la problématique de départ sous un autre angle et d’envisager de nouvelles possibilités.

En invitant leurs collaborateurs à « tomber les masques » et à questionner leurs représentations de la réalité en confinement, à la croisée de leurs postures d’acteur, d’observateur, en introspection et en prise de recul, les entreprises s’ouvrent à l’exploration d’une vision élargie sur laquelle construire la relance de leur activité. Et elles se positionnent ainsi en organisations apprenantes capables de tirer parti des processus de changement qui les impactent pour répondre aux grands défis à venir.

Quelques lectures inspirantes
LES ECHOS - L'entreprise d'après, ses promesses et ses défis
LE FIGARO - Patrick Lévy-Waitz, entrepreneur :
« Attention au mythe de la seule industrie
lourde, modèle 20e siècle »
L'ADN - Les managers doivent-ils devenir des artisans de la conversation ?

Tiraillés, désorientés… les adjectifs sont nombreux pour traduire l’impact du déconfinement à venir, sur notre rapport au travail. Entre la perspective d’un retour au bureau, avec son lot de contraintes logistiques dans un contexte inédit de distanciation sociale et d’incertitudes : reprise de l’école, accès aux transports en commun, retour en open space, réunions en présentiel… et le maintien à domicile où une nouvelle réalité de travail s’est installée, tant sur le plan matériel que de l’organisation, pour beaucoup d’entre nous, la balance penche naturellement du côté de l’alternative rassurante du télétravail. Petit retour en arrière pour bien cerner la situation…

L’annonce du confinement à la mi-mars, à la fois prévisible et crainte, provoque sidération et chaos dans les organisations. Entre l’obligation de stopper certaines activités avec des mesures de chômage partiel à mettre en œuvre, et la poursuite du travail à coordonner, avec des sites de production à sécuriser et le déploiement massif du télétravail à marche forcée, les deux dernières semaines de mars ont mobilisé des trésors d’agilité et de créativité des équipes dans les entreprises. Une période de dérèglement s’ouvre alors, qui entraîne pour tout un chacun l’obligation de s’ajuster à de nouvelles règles de fonctionnement et à sortir de sa zone de confort. Une situation exceptionnelle qui va chercher profondément dans nos ressources adaptatives et face à laquelle nous ne sommes pas égaux. Elle provoque pour certains des postures de blocage et de résistance confortées par la durabilité des incertitudes, alors que pour d’autres, on assiste à un déblocage de potentiels et le développement de nouvelles possibilités. Cette phase d’apprentissage, qu’elle soit vécue positivement ou négativement, est déterminante pour s’engager dans le plan de déconfinement partiel annoncé à partir du 11 mai.

Car c’est à ce stade que les tiraillements se font les plus forts, notamment pour les collaborateurs qui ont quitté leur bureau le 16 mars dernier et qui depuis ont eu le temps de prendre leurs marques à leur domicile. Même si, pour la grande majorité d’entre eux, il a fallu au moins deux semaines pour organiser leur espace de travail, récupérer du matériel informatique, organiser les journées entre le temps consacré aux enfants, aux repas et au travail… ; après plus d’un mois, une nouvelle réalité, comme une forme de routine, s’est installée. Un cadre familier et sécurisant, bien que souvent précaire, chez soi, qui tranche avec les inconnues qui planent encore sur les conditions d’un retour au bureau, au-dehors.

Alors que le gouvernement a expressément demandé aux entreprises de maintenir le télétravail après le 11 mai, partout où c’est possible, au moins dans les trois prochaines semaines. Et que la pratique des horaires décalés est encouragée pour les personnes qui ne pourront pas télétravailler. Quelle perspective nous donne ce plongeon forcé dans les nouvelles formes de travail ?

Une accélération des transformations en mode « survie »

Aujourd’hui en confinement, 33% des salariés travaillent à leur domicile alors que seulement 6,6% étaient en télétravail avant la crise du Covid-19. Une continuité de travail qui tient plus du bricolage que du télétravail, certes ! Il peut d’ailleurs être utile de rappeler que la notion de « télétravail » est très normée en France. Si un salarié a l’opportunité de travailler à distance de son entreprise avec l’accord verbal de son employeur, il n’est pas techniquement en télétravail sauf à l’avoir formalisé contractuellement en précisant les conditions d’exécution du télétravail (jours, plages horaires…). Mais ne jouons pas sur les mots ! A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Et ce contexte que vivent actuellement au moins 8 millions de salariés, selon le ministère du Travail, s’apparente bien au télétravail, qu’il soit contraint, confiné, bricolé... Jusqu’ici, beaucoup d’entreprises n’avaient pas pris la mesure de ce qu’était le télétravail. Perçu comme un palliatif à une activité en présentiel, il n’était pas du tout pensé comme une nouvelle manière de pratiquer le travail. Il semble que cette perception soit en train de changer à l’épreuve du réel. Même les plus réfractaires, du côté des salariés, semblent avoir pris goût à l’exercice. Certains dirigeants y voient aussi un moyen de décrocher de leur quotidien bousculé pour échafauder des stratégies et construire des projets dans le calme de leur foyer. Quant aux entreprises, plutôt récalcitrantes, certaines études montrent que le travail à distance pourrait devenir la norme à mesure qu’elles se rendent compte qu'elles peuvent être aussi efficaces tout en économisant de l'argent sur l'immobilier commercial.

Et ce n’est qu’un début… Les effets collatéraux du travail à distance sont nombreux. Que dire de la démocratisation des outils numériques de visioconférence ou de webinar, de l’accélération de la dématérialisation de la relation clients et fournisseurs ? La transformation digitale, encore à la peine dans nombre de PME, est passée à la vitesse supérieure pour maintenir l’activité à distance. On a sorti les projets des tiroirs pour les déployer dans l’urgence, parfois même en profitant du confinement pour former les salariés à ces nouveaux outils, en distanciel, bien sûr !

C’est dire si tous les acteurs de l’entreprise ont su faire preuve de réactivité, d’adaptabilité, de créativité, voire de solidarité en s’épaulant pour se concentrer sur des missions vitales. Une situation inédite qui a mis tous les échelons de l’organisation, des dirigeants aux collaborateurs, en passant par les managers de proximité, dans une posture d’apprentissage inégalée. Chacun a été amené à revoir ses croyances, son périmètre d’intervention, ses modes de fonctionnement, pour les ajuster et trouver sa place dans cette nouvelle réalité. Un tournant dans l’organisation du travail qui a fait émerger un nouveau « patrimoine de compétences » sur lequel les entreprises devront capitaliser.

La question du management est également au cœur de ce grand chantier de transformations ouvert par la crise du Covid-19. Car pour maintenir la mobilisation des équipes, il a fallu être à l’écoute et prendre en compte les besoins individuels des uns et des autres. Et surtout, à travers l’autonomie libérée par le télétravail, les managers ont dû apprendre à faire confiance à leurs collaborateurs. Apprendre à laisser leurs talents s’exprimer en dehors d’un cadre contrôlant. Et adopter une posture de soutien et de créateur de liens pour maintenir le sens et la cohésion au quotidien.

Après avoir expérimenté le télétravail, à l’heure du déconfinement, les entreprises sont invitées par le gouvernement à pratiquer les horaires décalés afin d’éviter à leurs collaborateurs la promiscuité dans les transports en commun, notamment dans les grandes villes. Indépendamment des métiers nécessitant un travail de nuit et le week-end, coutumiers de cette pratique, ce test à grande échelle peut constituer une réelle ouverture pour des salariés qui aux « heures de bureau » sont systématiquement confrontés aux bouchons et bousculades dans les transports. Une opportunité de mesurer la compatibilité de leur mission avec un travail en décalage de temps avec leurs collègues.

Cette accélération des transformations qui saute aux yeux est éclairante sur un point : « en temps de crise, on n’attend pas le changement mais on saisit l’opportunité des nouvelles conditions de l’action pour le créer. »

Le « futur du travail », c’est maintenant !

Regardons le côté positif, cette épidémie du Covid-19, a contraint les individus à activer leur esprit critique et leur créativité pour ajuster leurs connaissances et contribuer à assurer, à leur échelle, la continuité de l’activité économique. A l’échelle des organisations, la crise a favorisé le déploiement d’un terrain d’expérimentation exceptionnel sur les nouvelles pratiques de travail et engagé les entreprises dans une transition que l’on peut entrevoir comme progressive, mais durable.

Comme le souligne Vincent Berthelot, consultant RH auprès des entreprises : « Ce formidable travail d’ajustement mutuel va nous faire gagner plusieurs années dans l’évolution des relations et modes de travail tant du point de vue du style de management, du sens du travail que de l’expérience salarié. Nul doute que les managers qui auront réussi avec leurs équipes à assurer une continuité dans le travail seront les premiers bâtisseurs de l’entreprise de demain basée sur la confiance, les compétences et l’engagement des salariés. »

Comment imaginer que les semaines cumulées de confinement puis de déconfinement n’auront pas marqué de leur empreinte notre vision individuelle et collective du travail. Que cette expérience ait été vécue positivement ou négativement, elle appelle nécessairement un changement.

« Il s’est passé trop de choses pour que tout revienne comme avant » souligne Philippe Silberzahn, professeur à emlyon business school et co-auteur de l’ouvrage Stratégie Modèle Mental. « Ce monde d’aujourd’hui va changer, ni révolution, ni retour en arrière, et il faut le construire. »

Et pour construire le monde d’aujourd’hui, nous allons devoir mobiliser beaucoup d’énergie et d’enthousiasme. Un simple effort de relance ne suffira pas. Les entreprises auront la responsabilité d’investir pleinement ces territoires d’engagement que sont le management et l’organisation pour permettre à leurs collaborateurs de transformer l’épreuve qu’ils viennent de traverser en expérience dont chacun pourra tirer du positif. Pour commencer ce travail de construction, un temps de prise de recul s’impose. Un temps pour libérer la parole et écouter les besoins de chacun. Un temps pour permettre au collectif de se retrouver et à la coopération de reprendre corps sereinement. C’est sur le terrain de l’échange que l’on pourra explorer les impacts de la crise et tirer les enseignements sur ce qui a fonctionné et ce qui ne fonctionne plus. Reconsidérer et réajuster nos anciens modèles pour imaginer d’autres alternatives. Et enfin, accepter de désinvestir le superflu et de se recentrer sur l’essentiel.

Nous pouvons aussi apprendre du formidable élan d’intelligence collective qui galvanise les milieux scientifiques du monde entier pour circonscrire l’épidémie de Covid-19. Une communauté massive aux compétences variées s’est mobilisée pour partager la connaissance : accès gratuit aux publications, plateformes ouvertes de travail collaboratif, équipes auto-organisées… Les entreprises de leur côté n’ont pas hésité à se mettre en réseau pour innover et répondre à l’urgence sanitaire. Des partenariats qui pourraient survivre à la crise et donner lieu à de nouvelles coopérations, généreuses et inspirantes, pour construire ce monde qui donne du sens et parle à nos valeurs.

Quelques lectures inspirantes
COURRIER CADRES - Coronavirus, confinement et management : Ceci n’est pas du télétravail !
Blog de Philippe Silberzahn - La course à « l’après » coronavirus: Le festival des lampadaires est ouvert
CADRE & DIRIGEANT MAGAZINE - Dépasser la crise COVID 19 en s’appuyant sur la dynamique et la puissance des équipes
FORBES - Télétravail Et Confinement : Dessiner Le Travail De Demain
THE CONVERSATION - Comment le coronavirus a réveillé l’intelligence collective mondiale

Lorsque l’on franchit la porte du « camp de base » d’Oslandia, en plein cœur de Lyon, on perçoit au premier coup d’œil ce qui fait la spécificité de cette entreprise : quelques postes de travail répartis en hexagone dans un open space , de grandes parois transparentes, un petit salon très cosy où sont installés les invités. Pas de téléphone qui sonne, pas de bruits de conversation, l’ambiance qui règne ce jour-là est particulièrement feutrée…

Je suis accueillie par Jeanne Cartillier, chief office manager (à défaut d’une appellation en français adaptée à la nature et la diversité de ses tâches), dont la mission est d’assurer le bon fonctionnement global de l’entreprise en pilotant notamment l’administration générale, les ressources humaines, les finances et la comptabilité, la communication, mais également l’organisation interne et la vie d’une équipe distribuée… Une fonction que Jeanne assume avec l’appui d’Inès, assistante Office Manager en contrat de professionnalisation, aux côtés de Vincent Picavet, cofondateur et CEO de l’entreprise, à partir du « camp de base » de Lyon.

Je reviens volontairement sur cette appellation de « camp de base », recueillie dans la bouche même de Jeanne, qui marque la singularité d’Oslandia. Et pour bien comprendre ce que traduit cette idée, j’ai cherché à quelle définition elle se rapportait… Après avoir écarté les notions de « lieu de stationnement d'une unité militaire » ou de « campement où l'on plante sa tente », je me suis arrêtée sur une définition bien plus conforme à l’environnement tel que je le découvrais : « partie, par opposition à une ou plusieurs autres parties »… Car ce « camp de base » n’est qu’une petite partie d’Oslandia ; le socle d’une « équipe distribuée », organisation très répandue dans le secteur de l’IT. Secteur dont est issue l’entreprise, spécialisée dans l’architecture de Systèmes d’Information Géographiques et le développement de logiciels cartographiques open source.

Pour comprendre le choix de cette organisation, il faut revenir à la création d’Oslandia, en 2009, par deux cofondateurs situés l’un à Paris et l’autre à Chambéry. Le travail à distance s’est naturellement imposé du fait de l’éloignement géographique des deux associés mais aussi comme un modèle d’entreprise naturel pour des profils de développeurs rompus au travail nomade. Depuis lors, la totalité des recrutements des fonctions de production (profils d’ingénieurs-développeurs) est assurée en 100% télétravail.

Si le recours au télétravail est courant dans l’IT, car il permet notamment d’attirer les meilleurs talents, quel que soit leur lieu de vie, et ainsi de consolider une richesse d'expertise ; les équipes qui travaillent 100% à distance sont néanmoins encore relativement rares. Et pour cause… L’impact de ce modèle est certes inestimable en termes d’agilité et de liberté d’action ; pour autant, il nécessite un cadre extrêmement structurant et une exigence suprême en matière d’organisation.

Un idéal d'ouverture et d'autonomie

Forte de 10 ans d’existence, Oslandia est une PME mature. Une maturité éprouvée jusque dans ses effectifs, dont la moyenne d’âge est de 35 ans, qui permet à l’entreprise de partager une vision et un socle de valeurs communes, fondés sur la responsabilité et l’autonomie.

L'équipe d'Oslandia s'est habituée au fait que l’entreprise soit régulièrement rangée du côté des startups dans les salons, et cela fait sourire : « Nous ne sommes pas une startup, non seulement du fait de nos dix ans d’existence, mais également car nous ne sommes pas dans une logique de levée de fonds. Notre modèle est celui d’une PME en croissance raisonnée. »

En qualité d’éditeur et d’expert en logiciels open source, Oslandia contribue activement à l’évolution des logiciels cartographiques libres et s’engage dans la communauté open source, via ses projets clients mais également par une politique d’entreprise affectant 10% du temps de travail de ses collaborateurs (soit environ 20 jours par an) à de la contribution open source laissée au libre choix de chacun.

La dimension open source chez Oslandia constitue à la fois un socle de valeurs communes, un modèle économique et un cercle vertueux qui favorisent l’excellence technique et l’émulation grâce à des modes de fonctionnement comme l’évaluation par les pairs (Peer Review).

« La culture open source façonne un état d’esprit d’humilité car elle encourage la contribution individuelle à un bien commun. Chez Oslandia, cela se traduit notamment par une posture d’ouverture à la discussion, à l’argumentation, et son corollaire : l’écoute et la capacité à se laisser convaincre. »

Libérer l'agilité avec le télétravail

Le télétravail participe aussi pleinement à un cadre de confiance revendiqué par Oslandia. Concrètement, le télétravail s’illustre par une auto-organisation du temps de travail et des horaires flexibles, à travers le forfait jour fixé par accord d’entreprise, qui offrent une grande liberté aux collaborateurs pour concilier leur vie professionnelle et personnelle. Le travail à distance est un aiguillon incitant à défricher et tester sans cesse de nouvelles méthodes de collaboration pour tendre vers l’efficience.

« C’est très stimulant car on invente des modes de fonctionnement adaptés à nos besoins au fur et à mesure qu’ils se dessinent, avec parfois des zones grises juridiques avec lesquelles nous devons composer ! Le télétravail est un défi quotidien à partir duquel nous avons bâti notre modèle managérial. Une hygiène de travail qui nous oblige à penser notre organisation avec le maximum d’attention. »

Chez Oslandia, l’autonomie et la responsabilisation de chacun des collaborateurs et collaboratrices s’adosse à un cadre et des process structurants, au prix d’une exigence forte. L’organisation et l’animation d’une équipe distribuée est synonyme de véritables défis managériaux, parmi lesquels : la cohésion d’équipe au quotidien, ainsi que le partage de l’information et la transparence.

L'attention au service de la dimension humaine et collective

Dans le cadre d’une organisation basée à 100% sur le travail à distance, sans interactions régulières en présentiel, comment permettre de tisser des liens étroits entre les collaborateurs et collaboratrices ? Le premier enjeu pour l’entreprise est donc de souder l’équipe autour de valeurs communes et de créer les conditions d’une interconnaissance approfondie et d’échanges réguliers, formels et informels, pour nourrir l’esprit d’équipe.

Si l’attention à la dimension humaine et collective est au cœur du modèle d’organisation en télétravail d’Oslandia, cette attention cultivée en continu est centrale dans les missions de Jeanne. Cela se traduit par une palette de rendez-vous et rituels aux objectifs complémentaires et structurants.

Les « sessions corpo », des séminaires résidentiels dans des lieux d’exception « au vert » qui réunissent trois fois par an l’ensemble des collaborateurs et collaboratrices, en constituent la pierre angulaire. D’ailleurs, sauf cas de force majeure, personne ne manque à l’appel de ces quatre jours intenses de cohésion et de co-production autour du projet d’entreprise.

« Les « sessions corpo » demandent un gros travail de préparation pour passer au tamis les sujets prioritaires à aborder que ce soit au niveau stratégique, technique, organisationnel… pour stimuler l’intelligence collective et coproduire des feuilles de route opérationnelles sur chacun des thèmes abordés. »

Indépendamment des temps de détente et de convivialité, chaque session se déploie autour de séquences rituelles qui constituent des repères dans la culture du travail en équipe :

Lorsqu’exceptionnellement un collaborateur vient à manquer à l’appel de ce temps fort de la vie de l'entreprise, un binôme se voit confier la mission de réaliser un vlog (courte vidéo) rétrospectif de chaque journée, mémoire vivante du séminaire.

L'équipe Oslandia réunie en "session corpo".

Ces « sessions corpo » sont précieuses pour consolider le sentiment d’appartenance et booster la motivation sur la durée. Pour autant, elles doivent être complétées de rituels de communication interne qui viennent jalonner le quotidien à distance, amplifier la fonction d’écoute et accompagner au jour le jour les besoins de chacun.

« Nous sommes attachés aux rituels quotidiens comme se dire bonjour le matin et au revoir en fin de journée sur le chat de l’équipe ».

Des rituels qui, chez Oslandia, peuvent prendre la forme de « pauses café virtuelles » lancées de façon inopinée par un collaborateur via le chat et auxquelles toute personne peut se joindre en fonction de ses disponibilités, comme nombre de salariés ont coutume de le faire autour de la machine à café…

Comme le souligne Jeanne : « Un des risques clairs du télétravail avec forte autonomie et responsabilisation des collaborateurs est le surinvestissement. Nous devons redoubler d’attention, notamment dans les phases de fin de sprint et de fin projet, où la gestion du temps peut être génératrice de stress, a fortiori quand on est seul devant son ordinateur. La fréquence des pauses café virtuelles est à ce titre un excellent indicateur du niveau de pression et de plan de charge de l'équipe ».

Pour appréhender les éventuels problèmes liés à la charge de travail, ou aborder toute question individuelle relative à l’activité, Jeanne anime tous les vendredis matin les « rendez-vous prise de pouls », un dialogue ouvert d’un quart d’heure avec chaque collaborateur. Menés en visioconférence, ces temps de discussion et d’écoute sont essentiels pour interroger les besoins de chacun et apporter du soutien le cas échéant. Sur les volets connaissance de soi et des autres, et communication interpersonnelle, l’entreprise est par ailleurs accompagnée par une psychologue-coach depuis plusieurs années.

Pour que ces temps d’échanges soient fluides et efficaces, et l’organisation optimisée, Oslandia a sélectionné avec exigence les outils de partage et de communication que sont wiki, chat, visioconférence… Des outils essentiels pour le travail en mode collaboratif et précieux au regard de la politique de transparence totale de l’entreprise tant sur l’activité commerciale que sur l’activité de production.

« Chez Oslandia, tout est très documenté, dans une logique de versioning chère à la production du code informatique et qui s’applique à tout type d’échange documentaire. Une activité qui génère en moyenne 50 à 100 notifications par jour ! On doit donc être très attentifs au « signal bruit » et à la charge mentale générée par ce souci de transparence ».

Au terme de cet entretien avec Jeanne Cartillier, deux mots se sont instantanément imposés pour traduire la nature du modèle organisationnel singulier d’Oslandia : « attention » et « humilité ». Une attention aux processus et aux signaux faibles pour contrecarrer et traiter le plus finement possible les défis quotidiens posés par le travail à distance. Et une humilité incarnée par un effort continu pour remettre le travail sur l’ouvrage, afin d’adresser de façon agile les problématiques d’une organisation vivante comme celle d’Oslandia.

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