Cette période de vacances estivales est propice au lâcher prise, soit parce que le rythme ralentit du fait des personnes en congés, soit parce qu’il est temps de s’accorder un temps de pause prolongé. Pourtant, nous avons un mal fou à ralentir, à réduire la cadence. Je me souviens avoir régulièrement souffert de vertiges la première semaine de mes vacances d’été. Comme si la tension dans laquelle j’avais entraîné tout mon organisme pendant des mois provoquait un choc d’équilibre au moment de m’arrêter pour me reposer. Lancés dans ce mouvement irrépressible de « faire », nous en avons presque oublié comment ne rien faire…
Voilà des mois que je m’entraîne à lâcher prise. Un exercice difficile lorsque l’on est indépendant car les lendemains sont incertains ; on a peu de visibilité. Alors, comme beaucoup, j’ai tendance à m’étourdir dans le « faire », pour être visible, pour susciter l’engagement, pour me sentir exister. Ce phénomène, je le côtoie également auprès des personnes que je rencontre ou que j’accompagne.
En transition professionnelle par exemple, à peine sorties de leur ancienne activité, elles se lancent dans une course effrénée pour rebondir, dans une nouvelle activité, dans un nouveau projet, sans se laisser le temps de se ressourcer, de faire le bilan, de s’inspirer et de faire la place à leur désir émergeant.
Combien de fois je m’entends répondre par mes interlocuteurs en entreprise que, oui, il est crucial d’aller questionner le désir de travail auprès de leurs collaborateurs, en profondeur. Mais dans un environnement en flux tendu, il n’y a pas l’espace, pas le temps… Et on reprend la course folle, la gesticulation incessante, faire toujours plus de la même chose, pour quel résultat ?
Cette semaine, j’ai été frappée par la publication d’un sauveteur en mer qui alertait sur le danger des courants de baïnes à l’océan. Les baïnes sont des bassines d’eau calme en surface, qui masquent des courants sous-marins très puissants emportant les nageurs vers le large sans qu’ils puissent y résister. Les personnes qui se font piéger par une baïne ont tendance à nager de plus en plus fort à contre-courant pour regagner le sable et finissent pas s’épuiser, voire se noyer. La seule solution lorsque l’on est piégé par une baïne est de se laisser porter par le courant, sans faire d’efforts, jusqu’à ce qu’il diminue. Les forces ainsi préservées nous permettent de nager en retour jusqu’à la plage.
Cette situation me touche d’autant plus que je l’ai vécue lorsque j’avais dix ans au Portugal, avec une grosse peur à la clé ! Cette croyance qu’il faut nager à corps perdu pour sortir de l’incertitude est encore profondément ancrée et me poursuit dans ma vie professionnelle. J’ai donc décidé de la remplacer par un sentiment plus puissant à travers cette image : sentir la légèreté de me laisser porter par le courant de la vie que j’ai créée.
À l’aube des vacances, j’ai envie de vous partager cette énergie-là. Je sens qu’il est temps de me reposer sur tout ce que j’ai construit jusqu’ici avec patience, toutes les graines que j’ai semées avec application, toutes les personnes que j’ai rencontrées avec conviction. Moi qui adore profiter de l’été pour nager en mer, j’ai hâte d’y replonger pour sentir combien je suis légère, dans ce courant porteur et puissante à traverser la force des vagues.
C’est ça, apprendre à se laisser porter par le courant de la vie, être dans une tension dynamique entre robustesse et vulnérabilité. Sentir s’il est temps de faire appel à notre robustesse pour se maintenir debout face aux perturbations de notre environnement ou si la vulnérabilité est de mise, pour nous adapter aux événements. En me laissant porter par le courant, je m’adapte aux éléments tout en étant consciente des signaux faibles pour me remettre en mouvement, dans la direction qui est bonne pour moi.
Nous pensons, à tort, qu’être dans l’action, c’est être robuste. Or, si nous oublions d’« être » dans le « faire », nous prenons le risque de nous épuiser, comme le hamster dans sa roue. Récemment, j’ai croisé la route d’une personne en transition professionnelle, très occupée à tester des outils, à se former à de nouvelles applications…, pour rebondir dans sa vie professionnelle. Plus elle se rapprochait de la fin de ses droits à France Travail et plus son appétit de « faire » devenait frénétique. Or, au fil de la discussion, j’ai découvert que pendant cette période de transition, elle avait négligé de se questionner sur qui elle voulait « être » dans sa nouvelle activité.
Pour la plupart, le monde du travail nous a formatés à être performants. La course à la performance nous a ainsi conduits dans des logiques d’optimisation où le temps court s’est imposé. Nous avons appris à être toujours dans le coup d’après, dans une tension du « faire » irrépressible, pour cocher les cases des tableaux de bord, pour être au même rythme que les autres - car il est de bon ton d’être très occupé -, pour être reconnus par un management indifférent…
Bref, en faisant, nous avons l’impression d’exister. Car, aux yeux de la société, plane l’idée qu’être « inactif » revient à être « inutile ». Or, nous avons besoin de vide pour créer. Nous avons besoin d’une page blanche pour imaginer un ailleurs. L’horizon doit être dégagé pour percevoir les signaux faibles. Dans notre course effrénée à faire, tous nos cerveaux sont focus sur l’action en cours. Nous sommes à moitié aveugles et sourds.
Ne craignons pas le vide, le rien. Ils sont nos alliés pour se laisser porter par le courant et sentir où est notre place, s’envisager autrement. S’extraire de l’injonction du « faire » nous permet d’« être » pleinement soi, d’entrevoir un au-delà de soi, de dépasser notre cadre de référence. Cet état suspendu donne une hauteur de vue pour surplomber le champ des possibles, une forme de souplesse pour s’agrandir et voir à hauteur de nos rêves.
Le sens est un puissant levier d’engagement et de joie… Pourquoi je me lève chaque matin ? Pourquoi j’ai choisi ce métier ? Pourquoi je prends cette décision ? Cette quête de sens qui rythme votre quotidien de travail n’est pourtant pas un long fleuve tranquille car le sens ne se décrète pas ! Ni par votre entreprise, ni par votre manager. Pas davantage par vos clients.
La quête de sens est une chasse au trésor dont vous êtes l’explorateur central. Le sens est une pépite, le carburant qui entraîne votre moteur, l’élan qui vous propulse dans l’action avec énergie et enthousiasme. Cette pépite est nichée dans les profondeurs de votre « mine » intérieure. Vous êtes un gisement de sens et pourtant ne savez pas comment extraire cette matière précieuse. Ne cherchez pas à l’extérieur, vous détenez tous les outils à l’intérieur. Cela demande juste un peu d’apprentissage et d’entraînement. Et surtout de mobiliser toutes vos intelligences… jusqu’à les mettre en cohérence, les aligner en quelque sorte.
En conjuguant toutes vos intelligences, vous êtes capable de percevoir la vie en 4 dimensions et de prendre les décisions les plus justes, celles qui font sens pour vous.
Vous avez toutes et tous déjà fait l’expérience de l’alignement, c’est certain. Souvenez-vous de ce moment intense où vous avez ressenti une incroyable énergie qui a irradié du bout de vos orteils jusqu’à la pointe de vos cheveux et vous a procuré une joie indicible. Un moment suspendu pendant lequel vous vous êtes senti.e puissant.e et porté.e vers l’action.
Vivre de telles sensations reste un événement rare et fugace. Pourtant, tout être humain est doté des ressources dont il a besoin pour sentir le sens dans sa vie et discerner avec clarté ce qui est juste et bon pour lui. Nous le sentions distinctement lorsque nous étions enfant, tout à notre joie de vivre le moment présent. Puis, en traversant l’adolescence, nous avons oublié ; nous avons perdu le contact avec la légèreté, avec la fluidité des émotions. La gravité du cerveau rationnel a pris le dessous jusqu’à nous détourner des autres cerveaux auxquels nous étions connectés dès le plus jeune âge.
Avec les études, le travail, les responsabilités, les contraintes diverses, les expériences de la vie, nous nous sommes forgé un mental fort, car la société met sur un piédestal l’intelligence rationnelle. Depuis l’école, nous avons appris qu’en développant cette intelligence, nous allions accroître nos capacités intellectuelles, obtenir des diplômes, évoluer professionnellement et ainsi réussir dans la vie.
En mettant toute notre énergie à entretenir notre intelligence rationnelle, nous avons fait de notre mental le radar principal pour analyser les situations et prendre des décisions, en nous dissociant des autres intelligences humaines dont nous étions dotés depuis la naissance. Nous avons ainsi occulté des dimensions essentielles pour percevoir distinctement les événements de la vie dans notre monde complexe et incertain.
En ne percevant les situations, qu’à travers notre cerveau rationnel, nous nous limitons à une seule dimension. Alors qu’en conjuguant nos intelligences rationnelle, émotionnelle, sensorielle et spirituelle, nous sommes capables de voir la vie en quatre dimensions !
Les neurosciences ont démontré qu’il n’y a pas de cerveau sans corps. Il est par conséquent impossible de prendre une décision juste sans avoir pris en compte notre ressenti et les émotions qui y sont liées, au niveau corporel.
Nos émotions sont le fruit d’une coopération entre le corps et la tête ! C’est dans notre corps qu’elles se font vibrantes, si nous savons y prêter attention. En se focalisant sur la sensation physique qui fait écho à une émotion, dans les recoins de notre corps, en accueillant et en reconnaissant cette sensation, qu’elle soit agréable ou désagréable, confortable ou inconfortable, nous devenons capables d’en comprendre le sens.
L’intelligence spirituelle, quant à elle, nous permet d’élever notre niveau de conscience sur les événements que nous vivons, c’est-à-dire, les regarder avec l’esprit critique, le recul, la prise de hauteur nécessaires pour les appréhender en toute neutralité, comme un observateur extérieur. Ce cerveau nous autorise également à élargir notre champ des possibles, à voir plus grand et ainsi à nous dépasser. Moins pollués par les peurs, les doutes, les croyances et les limitations de notre mental, nous devenons plus créatifs. Nous nous ouvrons à la nouveauté et à l’inconnue.
Synchroniser tous nos cerveaux nous procure une forme de limpidité intellectuelle qui est littéralement la porte d’entrée de notre intuition.
Nous entraîner régulièrement à solliciter nos quatre cerveaux, en accueillant, écoutant, ressentant profondément, nous permet d’affuter notre perception des signaux faibles et de contacter le sens en nous.
En mettant en cohérence l’ensemble de nos ressources intérieures nous sommes plus à même de faire face aux défis qui nous animent avec énergie, enthousiasme et impact. Nous développons une conscience profonde des choses : sentir et ressentir les événements, les situations, de l’intérieur favorise le développement d’une acuité et d’un discernement très fins.
Dans le monde complexe et impermanent dans lequel nous évoluons, sortir de l’incertitude et avancer dans nos projets avec confiance requiert une grande humilité et beaucoup de tâtonnements. Savoir que l’on ne sait pas nous ouvre à un immense espace de liberté pour s’ajuster, inspirer du nouveau, et ainsi, s’adapter en permanence.
En alignant tous nos cerveaux, nous créons un état de cohérence dans lequel toutes les informations et tous les choix deviennent accessibles, toutes les réponses à nos questions sont disponibles. Avec un entraînement régulier à l’art du discernement, nous sommes en mesure d’ausculter nos mouvements intérieurs pour décoder et comprendre le sens qui est juste pour nous et prendre les décisions en conséquence.
Face à un événement que nous vivons, une situation que nous traversons, un projet que nous construisons, nos intelligences synchronisées se mettent au diapason de notre raison et de notre désir, les conjuguent pour peser leurs poids respectifs chargés de sens. Peser ces pépites de sens nous permet de jauger de quel côté penche notre balance intérieure, de sentir ce qui se qui se manifeste en nous pendant cette pesée, ce qui s’est éventuellement déplacé par rapport à notre position initiale, ou ce qui, au contraire, s’est confirmé.
La décision est prise « du dedans », à partir de notre identité singulière. Il n’y a pas ici de « bon choix en soi », mais un « bon choix pour soi ». La confirmation de ce choix éclot en nous dans un mouvement de paix intérieure, une sensation de stabilité émotionnelle, un élan de confiance. L’action qui en découle est fluide, juste, emprunte d’évidence. Elle ne demande aucun effort, elle ne suscite aucune peur, aussi audacieuse soit-elle.
Harmoniser nos capacités sensorielles et psychiques fait de nous des êtres pleinement incarnés, avec un sens du discernement aiguisé, pour acquérir un haut degré de performance, une maîtrise de soi et une capacité d’adaptation permettant de traverser les difficultés imprévues.
Mes sources d'inspiration :
Et si je libérais mon intelligence intuitive et spirituelle - Valérie SEGUIN
Foi et neurosciences - Thierry MAGNIN
Eloge de la métamorphose - Alain de VULPIAN
Dans un monde empreint d’incertitude et d’impermanence, il vous arrive certainement d’éprouver des difficultés à vous orienter dans votre vie professionnelle comme personnelle. Vous vous sentez chahuté(e) dans tous les sens, impuissant(e) face à cette agitation. Vous avez le sentiment de maîtriser peu de choses. Naturellement, pour trouver un peu de sérénité, vous avez tendance à chercher dans votre environnement des perspectives rassurantes, des signaux qui semblent vous indiquer la direction à prendre… Il est cependant superflu de chercher très loin, car vous seul(e) portez le sens qui vous mettra en mouvement avec énergie et impact. La boussole est en vous ; encore faut-il en connaître le mode d’emploi.
Dans le tumulte du monde d’aujourd’hui, gouverné par l’incertitude et une certaine dictature de la vitesse, nous faisons face à de profonds dérèglements, d’ordre écologique, social, économique… et individuel. Nos repères sont ébranlés et il nous est difficile de nous projeter avec confiance dans l’avenir.
Pourtant, au-delà de ce tableau inquiétant, il existe des voix porteuses d’espoir qui discernent d’immenses potentiels dans l’époque que nous vivons. Otto Scharmer, maître de conférences au MIT et cofondateur du Presencing Institute, y voit le berceau de transformations profondes. Pour lui, nous assistons au passage d’un mode de pensée ego-systémique, centré sur le « moi d’abord » et le « toujours plus », à un mode de pensée éco-systémique, plus sobre et incluant le bien-être de tous.
Pour sa part, le sociologue et ethnologue Alain de Vulpian considère que nous avons organisé notre société, nos entreprises, nos systèmes de gouvernance et nos relations de façon rationnelle. Nous avons construit une économie rationnelle dont nous avons été incapables de piloter le développement et qui s’est emballée. En réaction, il voit s’esquisser une société plus fraternelle pour affronter les défis du XXIe siècle. Une nouvelle société, plus organique qu’organisée, pleine de vitalité, douée pour panser ses blessures et prendre soin de son bien-être. Une société qui, en s’épanouissant prépare un futur plein de sens pour l’espèce humaine.
Tous deux évoquent les formidables capacités dont tous les êtres humains sont dotés pour transformer ces obstacles en opportunités et nous invitent individuellement et collectivement à nous connecter aux ressources insoupçonnées que nous procure notre « plasticité du vivant » pour trouver le sens, la direction qui est juste pour chacun d’entre nous.
Comment prendre ma place dans ma nouvelle activité ? Comment engager mon équipe dans un nouveau projet, une nouvelle organisation ? Comment retisser des liens avec un collègue, un collaborateur, un ami, un membre de ma famille ? Quelle nouvelle orientation professionnelle envisager ?
Ces interrogations que je vois régulièrement émerger lors de mes accompagnements illustrent le besoin de sens qui nous étreint sur les grandes questions de notre existence. Que l’on soit dirigeant pour s’adapter aux bifurcations des marchés et des règlementations, que l’on soit manager pour accompagner les défis de son équipe, à titre individuel pour prendre sa place dans un nouveau projet…
Dans un environnement instable, complexe, incertain ; face à un horizon bouché, le principal indicateur sur lequel nous pouvons compter, c’est nous-même ! Pour faire le parallèle avec les indicateurs de pilotage ou de qualité en entreprise, nous pouvons mesurer au quotidien quel est le niveau de nos indicateurs humains afin d’apprécier la justesse de nos décisions, de nos actions et se réguler le cas échéant.
Selon Otto Scharmer, nous sommes aveugles à la dimension profonde de notre leadership. Pourtant, comme ses recherches auprès de dirigeants et d’athlètes le montrent, être à l’écoute de l’état intérieur, à la source de nos décisions, de nos actions, permet d’accroître son acuité et donc ses performances. Il nous invite ainsi à mettre en lumière ce « point aveugle » en approfondissant notre expérience de l’écoute « de l’intérieur vers l’extérieur ».
Otto Scharmer nous propose trois chemins pour accéder à nos territoires profonds :
Pour Alain de Vulpian, dans notre environnement vivant, impermanent, fragile et robuste à la fois, nous ne pouvons pas prévoir ni commander les évolutions. Nous pouvons tout juste percevoir les tendances, en cultivant le vivant, et anticiper prudemment des bifurcations. Ce sont les mécanismes naturels du vivant beaucoup plus que les volontés et les initiatives des acteurs qui produisent des changements structurels majeurs.
Ainsi, il nous invite à être à l’affût des réactions du système afin d’ajuster notre intervention, et nous propose d’adopter une « posture tâtonnante ». Pour cela, il nous faut développer notre conscience de nous-même, de la façon dont nous fonctionnons et de notre évolution continue. C’est-à-dire mieux comprendre le vivant en augmentant notre « plasticité du vivant ».
Nous devons apprendre à être en prise directe sur nos émotions, nos sensations et nos intuitions, tout en restant connectés à notre raison. En mobilisant tout notre potentiel humain et en reliant toutes nos intelligences : rationnelle, émotionnelle, sensorielle et spirituelle, nous pouvons faire face aux problèmes complexes de la vie. Nous devenons ainsi plus aptes à repérer les signaux faibles annonçant des blocages ou des opportunités, des fluctuations ou des bifurcations à engager pour avoir plus d’impact dans ce que nous créons et plus d’énergie pour passer à l’action.
En nous découvrant plus grands, plus profonds, plus multiples que nous le croyions, nous prenons conscience de la richesse des ressources dont le vivant nous a dotés. Et nous trouvons la faculté de mieux sentir le sens de notre vie et la voie à suivre. Cette connexion augmentée à nous même et à notre environnement fait de nous des êtes « socioperceptifs », à la fois sensibles et connectés aux autres.
Sentir le sens, c’est donc vivre une expérience des sens, de tous les sens. Pas seulement le sens rationnel fabriqué par notre mental, porté par nos croyances, nos habitudes, nos modèles mentaux, nos peurs… mais aussi le sens issu de notre intelligence émotionnelle et corporelle. Car le corps pense et nous ne comprenons une situation distinctement qu’à travers ce que nous ressentons. Notre corps est notre ami intime, notre boussole intérieure, notre indicateur de sens.
Par exemple, la joie nous fait vivre des sensations délicieuses qui courent dans notre sang jusqu’au fond de notre cœur et qui traversent notre esprit le plus pur dans une impression de calme. Notre esprit et notre corps se mêlent en harmonie. La tristesse s’accompagne d’une sensation de rétrécissement intérieur, voire de verrouillage de certaines parties de notre corps. Notre esprit et notre corps se trouvent comme entravés et notre respiration peut être altérée jusqu’à l’apnée. Chacune de ces informations délivrées par notre corps est précieuse pour comprendre notre état intérieur.
Comme l’évoque la psychologue et psychothérapeute Jeanne Siaud-Facchin, ressentir, c’est rendre nos vies pleines de sens, au sens propre et avec tous nos sens. Ressentir, c’est se sentir vivant, c’est donner de la vie à la vie.
C’est avec tous nos sens que l’on discerne clairement ce qui est bon pour nous. Je le sens, je le sais. Nous savons avec nos sens, juste avant de comprendre avec notre tête. Ressentir nous libère du besoin de maîtriser, a fortiori dans un environnement incertain et impermanent. D’ailleurs, nous conservons la trace d’un souvenir, agréable comme désagréable à travers ce que nous avons ressenti, au-delà des mots échangés. Nous sommes un tout, une alchimie.
En ressentant le sens avec tous nos sens, un champ des possibles s’ouvre à nous avec clarté. Ainsi, nos pensées, nos mémoires, nos émotions, nos sensations s’accordent pour entrevoir un futur souhaitable vers lequel se mettre en chemin et faire les meilleurs choix. S’entraîner chaque jour à activer cette « plasticité du vivant », nous permet de développer notre acuité et d’affuter notre discernement en étant pleinement connectés à notre boussole intérieure.
Mes sources d'inspiration : Théorie U, l'essentiel d'Otto SCHARMER Eloge de la métamorphose d'Alain de VULPIAN Happinez.fr - Jeanne SIAUD-FACCHIN - Ressentir Le ressort invisible ou comment survivre aux situations extrêmes - Philippe SILBERZAHN
A l’heure de la sobriété énergétique, je vous propose de vous connecter à une ressource inépuisable et pourtant méconnue, vecteur de joie et d’épanouissement : votre désir ! Il fait partie des ressources encore mal connues car accéder à son désir requiert d’aller explorer au plus profond de son cœur. Et pour la plupart, nous n’avons pas appris à écouter notre cœur, à sonder au-delà du bruit de fond produit par notre ego… Car je ne parle pas ici de notre désir de posséder toujours plus, guidé par notre mental, mais du désir comme moteur de notre vie et guide pour nous réaliser ! Pour vous montrer le chemin, je me suis inspirée des philosophes, car ils ont observé que le désir tient un rôle essentiel dans la vie et que notre bonheur, le nôtre et celui de notre entourage, dépend de sa maîtrise.
Pour vous mettre sur la piste de votre désir, j’ai trouvé un formidable manuel d’éducation au désir signé par le philosophe et sociologue Frédéric Lenoir à travers son dernier livre Le désir, une philosophie.
Frédéric Lenoir est convaincu que nous ne trouverons notre liberté et une joie véritable qu’en cultivant nos désirs les plus personnels et en les orientant vers des objets qui nous font grandir, qui donnent du sens à nos vies, qui nous permettent de nous réaliser pleinement selon notre nature singulière.
En revisitant les philosophes de l’Antiquité d’Orient et d’Occident à aujourd’hui, il pointe deux clés de compréhension du désir humain dont nous faisons tous l’expérience : le désir-manque, qui nous apporte du plaisir, mais qui peut aussi nous conduire à la convoitise, à l’envie et à l’insatisfaction permanente ; et le désir-puissance, qui nous élève jusqu’à la joie parfaite, mais qui peut aussi nous conduire à une forme de domination ou d’excès s’il n’est pas réglé par la raison. Selon F. Lenoir, notre existence oscille bien souvent entre les deux et si nous aspirons à la sérénité et à la joie, il est nécessaire de se concentrer sur le désir-puissance, d’apprendre à le discerner et à bien l’orienter.
C’est avec Platon, que nous découvrons le désir-manque. Il présente l’être humain comme un perpétuel insatisfait qui ne cesse de désirer ce qu’il n’a pas. Nous sommes tous familiers de ce processus sans fin : nous désirons jusqu’à ce que nous obtenions l’objet de notre désir pour finalement nous en lasser et reporter notre désir sur un nouvel objet à désirer, dont nous allons également finir par nous lasser… Le désir-manque est largement exploité par la société de consommation dans laquelle nous évoluons !
Pour expliciter ce processus, F. Lenoir met en lumière les travaux du chercheur en neurosciences Sébastien Bohler qui propose une synthèse des recherches scientifiques sur le cerveau humain dans son lien avec le désir et le plaisir. Il met en cause une partie archaïque de notre cerveau : le striatum, programmé depuis des millions d’année pour la survie de l’individu et de l’espèce. Chaque fois que notre quête de nourriture, de sexe, de pouvoir ou d’information est couronnée de succès, le striatum libère de la dopamine, la molécule du plaisir. Motivés par notre cerveau, nous sommes donc naturellement en quête de ce plaisir occasionné par la satisfaction de nos désirs.
« Notre cerveau est configuré pour en demander toujours plus, même quand ses besoins sont satisfaits » précise Sébastien Bohler (XXIe siècle)
Le striatum nous pousse ainsi, de manière compulsive, à désirer toujours plus ! Cette tendance au toujours plus est renforcée par la comparaison sociale, inscrite dans nos gènes, qui nous incite à nous comparer à nos semblables et à vouloir posséder davantage qu’eux. Nous désirons ce que les autres désirent (désir mimétique), ce que les autres possèdent (convoitise) et nous comparons notre bonheur au leur (envie).
Dans l’expression de ce désir-manque, conduit par notre striatum vers une insatisfaction permanente, se joue la manifestation de notre ego. Pour enrayer cet appauvrissement du désir et contourner les effets de notre cerveau, il nous appartient de nous connecter à nos désirs profonds, porteurs de notre singularité et de notre élan vital.
C’est le philosophe hollandais Baruch Spinoza qui constate la place centrale que tient le désir dans notre existence. Le désir est une force qu’il faut cultiver pour nous sentir de plus en plus vivants, pour augmenter notre puissance d’action et pour grandir dans la joie. Il définit le désir-puissance comme cet appétit conscient qui nous pousse à persévérer dans notre être et à augmenter sans cesse notre puissance vitale.
« Le désir est l’essence de l’homme » écrivait Spinoza au XVIIe siècle.
L’être humain est selon lui un être désirant qui jouit pleinement de la vie grâce au désir. Un être humain qui ne ressent plus aucun désir est un mort-vivant. Lorsque nous sommes sourds à notre désir, nous diminuons notre puisse d’être et d’action et nous ressentons de la tristesse. Lorsque nous écoutons notre désir, nous augmentons notre puissance vitale et nous ressentons de la joie.
Pour grandir dans la joie, il nous revient d’orienter nos désirs vers des idées, des choses, des personnes, des aliments qui sont bons pour nous et qui s’accordent bien avec notre nature singulière. Pour cela, nous devons soumettre nos désirs au discernement de notre raison, voire de notre intuition si nous l’avons développée. C’est par l’observation minutieuse de nous-même, par l’introspection, par l’expérience de la vie, que nous parvenons à déceler et à nous connecter aux désirs qui sont bons pour nous et font notre bonheur.
Nietzsche, quant à lui, emprunte à Spinoza cette force désirante de l’être humain qui le pousse à grandir, à prospérer et à agir, qu’il baptise « volonté de puissance ». Comme Spinoza, il admet que pulsions, désirs et passions peuvent nous avilir, c’est pourquoi, il convient selon lui de les spiritualiser, de les embellir, de les élever par la raison et par les effets les plus nobles que sont l’amour, la gratitude et la joie.
Nietzsche dépeint l’être humain désirant comme un surhomme qui assume pleinement la vie, qui dit « un grand oui sacré » à la vie, car il l’aime telle qu’elle est, et non pas telle qu’il voudrait qu’elle soit.
« Nietzsche nous invite donc à affirmer notre volonté de puissance, à désirer pleinement, à nous dépasser, à développer notre créativité, mais aussi à acquiescer au monde et à la vie » nous partage F. Lenoir.
Avec le philosophe Henri Bergson, nous continuons à marcher dans les pas de Spinoza et de Nietzsche, à travers sa théorie de « l’élan vital » qui désigne ce mouvement créateur permanent qui accompagne l’évolution de la vie et des êtres. Il permet non seulement à la vie de dépasser les obstacles qui se présentent, mais aussi de migrer continuellement en créant de la nouveauté.
Cet élan de vie se caractérise par une « formidable poussée intérieure ». Nous sommes tous soutenus, traversés, tirés par l’élan vital, qui nous incite à progresser, à grandir, à nous adapter, à évoluer, à créer et à nous inventer.
Pour F. Lenoir, cultiver notre puissance vitale, comme le soulignent Spinoza et Nietzsche, ou cultiver l’élan vital, à l’invitation de Bergson, nous conduit à désirer en nous sentant pleinement vivants. Mais, plus que l’objet du désir, c’est le mouvement même du désir qui importe dans le sens où il nous inspire, nous fait agir, nous rend créatifs.
« Malheur à celui qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. » Jean-Jacques Rousseau (1761)
Les philosophent nous engagent ici à oser désirer et à écouter nos désirs. Or, bien souvent, nous n’avons pas conscience de nos désirs profonds et ne savons pas comment nous y connecter. Si nous sommes conscients de notre désir, nous pouvons avoir des difficultés à les exprimer et le chemin vers leur réalisation est donc bloqué. Alors, comment identifier ces désirs qui pourraient nous mettre dans la joie ?
Le médecin et penseur suisse Carl Gustav Jung a placé ces questions au cœur de sa pratique thérapeutique et de sa réflexion. Pour lui, la question du sens de la vie et centrale. Selon Jung, il existe deux grandes voies pour répondre à ce besoin vital de sens : la religion et le processus d’individuation. Une croyance religieuse structurante fournit en effet à l’être humain un dispositif de sens qui l’aide à vivre et qui répond à son besoin fondamental d’avoir une représentation du monde et de son existence qui satisfasse la totalité de son être (conscient et inconscient). Ce besoin peut aussi provenir, pour des individus non religieux, d’un travail psychologique et spirituel, que Jung appelle le « processus d’individuation », et qui consiste à devenir l’individu singulier que nous sommes, à accéder à notre véritable personnalité. Il s’agit d’accueillir et de faire grandir ce qui pousse en soi, de conscientiser le mouvement singulier de notre puissance vitale et d’identifier ainsi nos désirs les plus profonds et personnels. A la suite de Spinoza, Nietzsche et Bergson, Jung est donc convaincu que chaque individu est mû par une force intérieure qui le pousse à s’accomplir, à se réaliser de manière unique, d’où le mot « individuation ».
« Il s’agit de dire oui à soi-même », écrit Jung.
Pour y parvenir, Jung nous invite à écouter les messages de notre inconscient, notamment à travers nos rêves et les synchronicités (les troublantes coïncidences qui se manifestent parfois dans nos vies), à faire tomber le masque social que nous portons et qui dissimule notre véritable personnalité et à identifier nos désirs les plus intimes et les plus forts, ceux qui nous mettent dans la joie.
Jung a ainsi mis à jour une loi universelle de l’être humain : ce besoin de s’accomplir de manière singulière en réalisant sa personnalité, en accomplissant sa vocation profonde. S’aligner avec nos désirs, nous procure une joie et une énergie intenses, et la détermination à aller jusqu’au bout de ce que nous entreprenons.
« Plus l’âme désire avec intensité, plus elle rend les choses agissantes, et le résultat est semblable à ce qu’elle a souhaité » écrivait le grand théologien médiéval Saint Albert le Grand (XIIIe siècle).
Dans sa carrière, F. Lenoir nous confie avoir expérimenté cette vérité absolue : l’univers répond bien souvent aux désirs les plus profonds et les plus justes de notre cœur. J’observe combien ce constat se vérifie, à titre personnel, en osant prendre ma place dans une nouvelle trajectoire professionnelle, et via le chemin parcouru par les personnes que j’accompagne dans la clarification de leur intention. Lorsque nous sommes alignés avec nos désirs, tout s'aligne !
« La manière dont nous orientons nos désirs n’a pas seulement un effet sur notre vie personnelle : elle impacte aussi notre entourage, la société dans laquelle nous vivons et aujourd’hui la planète entière » souligne l’auteur.
En matière de désir, la question essentielle à se poser est la suivante : mon désir s’exprime-t ’il dans « l’être » ou « l’avoir » ? Si nous plaçons essentiellement notre désir dans le domaine de l’avoir, nous demeurons éternellement insatisfaits et restons prisonniers des pulsions de notre cerveau primaire. A l’inverse, si nous sommes mus par un accroissement de notre être, nous ne sommes jamais frustrés car la connaissance, l’amour, la contemplation de la beauté, le progrès intérieur nous comblent.
Dans son livre Avoir ou être. Un choix dont dépend l’avenir de l’homme (1976), le psychanalyste et sociologue américain Erich Fromm affirme que du choix que l’humanité fera entre ces deux modes d’existence dépend sa survie même. « Pour la première fois dans l’histoire, la survie physique de la race humaine dépend du changement radical du cœur humain ».
Un rééquilibrage entre l’avoir et l’être, entre l’extériorité et l’intériorité, entre les besoins du corps et les besoins de l’âme, entre la conquête du monde et la conquête de soi, est plus que jamais nécessaire. Pour mener une existence juste et bonne, nous devons mettre de la conscience sur nos désirs. Cela suppose une très grande soif de vérité. C’est parce que j’ai un très grand désir de vérité que je serai capable de dépasser mes désirs-manque, mes peurs et mes croyances et de les soumettre objectivement à la vérité des faits et du réel. Cette urgence à bien penser est devenue vitale pour F. Lenoir.
« La survie de nos sociétés dépend de cette juste orientation de nos désirs et cela ne peut se faire sans qu’ils soient polarisés par le respect du vivant, le souci d’autrui et la recherche de vérité. Il est donc plus que jamais nécessaire de mettre de la conscience sur nos désirs. Tel est sans doute le plus grand défi de notre époque. »
Personnellement, je m'emploie chaque jour à conscientiser mes désirs et à les expliciter, pour comprendre et me faire comprendre de mon entourage sur ce qui m'anime dans ma vie. Cet entrainement quotidien à cultiver, nourrir et m'aligner avec mes désirs est un processus puissant qui me met en mouvement avec détermination et efficacité, et me procure une joie immense !
Pour diffuser la puissance du désir et stimuler le pouvoir d'agir autour de moi, j'ai choisi de guider les individus et les collectifs qui souhaitent se connecter à leur nature profonde en contribuant à faire émerger leur singularité et à se réaliser dans l'action avec énergie et impact.
Et vous, mettez-vous de la conscience sur vos désir ?
Le besoin de trouver du sens dans son activité professionnelle peut s’exprimer à différents moments de notre vie. Il est très prégnant auprès des jeunes générations qui aspirent de plus en plus à choisir une voie en accord avec leurs valeurs. La question du sens peut également se poser face aux difficultés rencontrées dans le cadre du travail ou à certains moments charnières de l’existence : la crise de la quarantaine, le départ des enfants... Elle n’épargne pas non plus certaines personnes qui ont tout réussi dans leur vie professionnelle et ressentent soudain un besoin de motivation supplémentaire, comme de s’aligner avec de nouveaux challenges.
« La question se pose tout au long de notre vie professionnelle, au moment de notre orientation ou en début de carrière, mais aussi à chaque évolution professionnelle, qu’elle soit voulue ou subie, et de manière plus aigüe lorsque nous ressentons une grande insatisfaction dans notre travail » précise Marguerite Chevreul dans son ouvrage Ta vie est une mission.
Ces questionnements se sont encore accélérés avec la crise sanitaire que nous venons de traverser et les bouleversements qu’elle a suscités à travers l’émergence d’une quête de sens inégalée.
Si ce besoin de sens, inhérent à notre nature humaine, est particulièrement fort aujourd’hui, c’est vraisemblablement parce que beaucoup d’entre nous n’ont jamais pris conscience de l’importance de se connecter à leurs ressources profondes, de connaître leurs talents innés, leurs capacités à réaliser quelque chose dans quoi ils se sentent utiles et qui les rendent uniques. Car nos capacités sont des trésors qui ne demandent qu’à être découverts !
Faire émerger ses talents est essentiel ; c’est une source de joie et d’épanouissement personnel car ils sont une composante importante de l’estime de soi. C’est un véritable cercle vertueux : plus nous exerçons nos talents, plus nous réussissons, plus nous sommes confiants, plus nous osons les développer encore, et plus nous sommes épanouis. La prise en compte de nos talents est donc essentielle dans nos choix professionnels car elle nous aide à déterminer si nous sommes épanouis ou pas dans notre activité.
Cette responsabilité incombe naturellement à tout individu au travail, comme elle peut être assumée par l’organisation elle-même, qui, en challengeant les aspirations personnelles de ses collaborateurs, leur permet de s’illustrer sur des capacités nouvelles à travers de nouveaux rôles par exemple, favorisant ainsi le développent de la polyvalence, de l’engagement et d’une performance durable. Pour nombre d’entre-nous, trouver sa juste place se décline au pluriel et nécessite de se déployer à travers différentes activités, d’exprimer plusieurs talents, de croiser plusieurs disciplines, d’hybrider les champs de compétences...
Dans cet article, je vous propose une chasse aux trésors, une plongée dans les profondeurs de vos capacités, à travers l’éclairage de deux ouvrages très inspirants : Ta vie est une mission de Marguerite Chevreul et Eloge des métiers hybrides d’Audrey Chapot.
Comme nous le rappelle Audrey Chapot : « Anthropologiquement, nous, êtres humains avons besoin de nous réaliser individuellement ; nous avons aussi besoin de contribuer au groupe, d’être utile pour le collectif, de faire notre part pour la communauté. L’activité professionnelle est à notre époque la manière la plus fréquente et la plus évidente de contribuer socialement ».
Notre travail fait partie intégrante de notre vocation humaine. Il est le premier lieu où nous développons nos talents, pas seulement pour nous mais pour participer à une œuvre de création. Dans son ouvrage, l’auteure souhaite réhabiliter la noblesse du métier, celui pratiqué par nos ancêtres qui combinaient de nombreux rôles car ils maîtrisaient un large éventail de savoir-faire artisanaux, en général très pointus, transmis de génération en génération. Au fil des années, avec l’apparition de la production industrielle, la notion de « travail » a pris le pas sur les métiers, avec une fragmentation des activités professionnelles et le développement d’une hyperspécialisation qui a conduit inévitablement à la perte d’autonomie des individus. Cette hyperspécialisation, bien que favorisant l’intégration de la personne qui travaille à une famille de spécialistes et sa reconnaissance par une communauté de pairs, le réduit également à une simple étiquette. Une étiquette qui peut aussi l’enfermer et la maintenir à distance de ses capacités profondes.
C’est là qu’A.Chapot introduit la question de l’hybridation, en partant d’un constat : « Nombreux sont ceux qui savent faire beaucoup plus que ce que nécessite leur poste. Professionnellement, ils se sentent en sous-régime, limités par leur champ d’action, en manque de sens, et s’en épuisent. Ils se questionnent sur les raisons de ce mal être et de leur insatisfaction chronique. Ils en souffrent pudiquement. Ils vaquent désespérément vers un type d’activité qui les nourrisse suffisamment. Leur quête les guide souvent vers une évolution de poste ou une reconversion. Ils espèrent simplement une activité qui les satisfasse pleinement, où leur potentiel sera mobilisé ».
Si elle n’est pas la norme dans beaucoup d’organisations encore très silotées, l’hybridation des talents est une réalité pour nombre d’individus qui s’y développent. Elle se matérialise à travers quatre qualités : le besoin de diversité, l’appétence de la nouveauté, la stimulation à explorer et la connaissance approfondie de plusieurs domaines. L’hybridation a ainsi la double vertu de nourrir chaque personne qui se voit, de fait, reconnue dans la diversité de ses talents et dans sa singularité, et d’enrichir son activité professionnelle. L’hybridation se traduit donc par :
Bien souvent, l’hybridation de nos talents et de nos capacités se révèle au fil des années et de nos expériences professionnelles. Elle se construit souvent avec ce qui est à disposition et des croisements de compétences inattendus. Elle émerge ainsi imperceptiblement, puis elle nous embarque, suscitant un enthousiasme débordant à être et à faire !
Comme l'évoque A.Chapot : « Les pièces du puzzle sont là, prêtes à s'emboiter pour constituer une identité professionnelle qui fait de plus en plus sens. [...] Ce qui importe est de faire un premier pas, puis un second, et ainsi de suite... Il s'agit de créer ses propres expériences, sa mosaïque, son hybridation, pas à pas. Il s'agit de se trouver ou au contraire de se perdre, plutôt que de se mouler ».
Dès notre plus tendre enfance, nos parents et nos enseignants, et par la suite nos dirigeants et managers, nous ont engagés à progresser en insistant sur nos manques et nos limites. Une vision négative qui a eu bien souvent pour conséquence de nous forger des croyances limitantes et de développer un regard très sévère sur nous-même. Par ailleurs, nous avons plus facilement tendance à voir les talents des autres, en cherchant à leur ressembler, plutôt que d’être attentif à nos propres talents.
Selon M. Chevreul, la meilleure façon de découvrir nos talents est de rechercher des exemples de nos réalisations significatives : « Il s’agit de recenser des actions dont nous sommes légitimement fiers – des pépites dans notre parcours – et que nous avons été heureux d’accomplir, que ce soit dans notre vie professionnelle ou dans nos activités personnelles ou associatives ».
A travers ce récit de nos actions marquantes, nous pouvons identifier quels sont les talents qui se sont révélés. Bien souvent, ces forces se répètent d’une action à l’autre. Nos talents sont là, ils se manifestent dans nos réussites et dans le plaisir que nous avons éprouvé à réaliser ces activités. Demander des feedbacks à sa hiérarchie, à ses collègues ou à ses collaborateurs, peut également nous apporter des indications complémentaires sur ce qui est apprécié dans notre contribution à l’organisation.
Pour sa part, A. Chapot propose d’imaginer notre propre archipel, en faisant émerger des îles correspondant à nos talents et capacités ; en imaginant comment ces îles peuvent être reliées les unes aux autres, leur propre écosystème, ce à quoi elles nous invitent… Considérer notre activité professionnelle comme un archipel permet de la réguler et de l’ajuster à l’envi, en jouant sur les variables, les frontières et ce que nous en faisons. « Libre à chacun de renoncer à des savoir-faire, d’en ajouter de nouveaux, d’en approfondir certains, ou d’investir de nouveaux champs d’activité. […] Notre archipel est notre signature unique et modulable. »
La prise en compte de nos talents dans nos choix professionnels est essentielle pour que nous puissions nous épanouir dans notre activité : « Être dans son élément, c’est changer d’état de conscience, être sur une fréquence en totale résonnance avec ce qui est juste pour vous ». Pour trouver la « fréquence juste » et reconnaître si notre activité professionnelle est en pleine résonnance avec nos talents et capacités, nous pouvons nous fier aux signaux suivants :
Si la recherche de nos talents est déjà en soi une activité qui nous apporte de la joie, plus encore, ce sont nos talents eux-mêmes qui sont source de joie car ils sont une composante de l’estime de soi qui nous est essentielle. M. Chevreul nous invite donc à éprouver de la gratitude vis-à-vis de nos talents, à savoir :
Pour M. Chevreul, la joie grandit lorsque l’on utilise et développe nos talents : « Plus nous exerçons nos talents, plus nous réussissons, plus nous sommes confiants, plus nous osons les développer encore, et plus nous sommes épanouis. »
Cette plénitude que nous procure le développement de nos talents et capacités produit une forme d’enthousiasme selon A. Chapot : « Un carburant infini, une force qui nous donne des ailes et nous permet de tout envisager et de tout accomplir. […] Il facilite les apprentissages, il accélère la maîtrise de la compétence, il nous stimule, il nourrit notre légitimité ».
Toutes deux nous invite donc à OSER ! « Oser bousculer les règles du jeu, oser faire, oser changer la donne. Oser s’accepter et accepter ce qui se présente. Oser se faire plaisir aussi. S’autoriser à concrétiser et matérialiser ce qui nous enthousiasme. »
Il convient donc de défaire ce qui ne nous convient pas pour faire ce qui nous inspire. Pour cela, plusieurs possibilités s’offrent à nous :
En se fixant comme intention suprême d'être « épanoui, dans le sens d'être régulièrement et suffisamment nourri. C'est une voie de liberté. [...] Ce n'est pas uniquement bon pour soi-même, c'est bon aussi pour la société dans laquelle nous vivons ! [...] Ce sont nos actions et nos engagements individuels qui amorcent les évolutions de la société. [...] Oser, c'est aussi ne pas attendre que la société fasse d'abord. C'est proposer un nouveau regard, initier une ouverture, faire sa part ».
Pour compléter avec quelques lectures inspirantes CAPITAL - Et si cumuler plusieurs métiers était la clé pour s'épanouir dans sa vie professionnelle ? HBR - Se manager soi-même CADREMPLOI - CV : faut-il un profil T-shaped pour se distinguer en 2021 ?
A l’aube de cette nouvelle année, je peux clairement affirmer que ne me suis jamais sentie autant exister ! L’année qui vient de s’écouler, aussi singulière qu’elle ait été, a agi sur moi comme un véritable révélateur. Comme si quelqu’un avait ouvert en grand les vannes de mon subconscient et avait libéré des capacités enfouies que je n’avais jamais jusqu’ici eu l’audace d’explorer. Comme si j’avais enfin trouvé la clé pour me connecter à moi-même. Comme si soudain, tout devenait possible et que l’univers s’ouvrait devant moi, que les planètes s’alignaient et m’invitaient à m’accomplir dans une mission fondamentale, pour moi, bien sûr, mais surtout, une mission dont je puisse partager le sens avec d’autres. En entraînant une communauté de valeurs et de vision avec qui construire un projet plus grand que moi.
Car en l’espace d’une année, j’ai croisé la route de nombreuses personnes qui, comme moi, ont éprouvé l’urgence d’une transformation profonde et durable pour assouvir leur besoin de se réaliser. Une prise de conscience révélée par l’épidémie de Covid-19 et activée par le désordre hérité de cette crise inédite. Un chaos qui a profondément bousculé nos certitudes, ébranlé nos habitudes et fait émerger de nouvelles manières de vivre ensemble. Et lorsque je regarde en arrière, j’observe que cette crise, tel un tsunami, a libéré une vague d’humanité exceptionnelle !
Ce phénomène m’a donné envie de comprendre quel processus amenait un individu à enclencher une transformation profonde et vitale. Et à la lumière de ma propre expérience, dérouler la trajectoire d’une transformation personnelle qui allait prendre un tournant collectif.
Alors, êtes-vous prêt.e pour ce rendez-vous avec vous-même ? Quand tout devient possible…
Nous sommes au printemps 2019 et depuis quelques années, trop sans doute, j’ai l’impression que quoi que j’entreprenne dans mon activité professionnelle, je finis toujours par me fracasser contre un mur. J’utilise le mot « fracasser » à dessein car au fil des ans, l’impact contre le mur se fait de plus en plus violent. Et donc, naturellement, à force de prendre des murs, on se blesse. Une blessure qui atteint d'abord le psychologique et qui finit par frapper le physique. Elle est le fruit d’une frustration qui, gonflée jusqu’à l’implosion, atteint les moindres recoins de la confiance en soi et freine l’élan des plus engagé.es.
Baisse des ressources, défaut de stratégie, déficience managériale… peu importe la cause, le résultat est là, l’impression de régresser et que personne ne peut rien pour vous, pas même vous ! Car c’est là que la machine s’enraye. Bloqué.e dans vos prérogatives à l’intérieur de l’organisation, votre système de défense vous incite à en sortir et à tendre vers de nouvelles opportunités. Mais là encore, l’horizon semble bouché. Trop typé.e, trop cher.e, réduit.e à un métier saturé… Avec comme corollaire, la difficulté à se projeter vers un projet professionnel nouveau. Et c’est bien là le drame ! Quand on se trouve enfermé.e dans un cadre trop étroit depuis trop longtemps, on peine à s’imaginer à l’extérieur du cadre. Donc, rien ne se passe ni dedans, ni dehors. Alors, vous remplissez le vide en faisant le plein. Le plein d’activité pour vous rendre utile, à défaut d’être épanoui.e. Et comme un hamster dans sa roue, vous vous étourdissez jusqu’à l’épuisement. C’est à ce moment que la blessure physique apparaît. Elle peut prendre différentes formes : insomnies, maux divers, manque d’appétit… On l’appelle burn-out ; un terme hérité de l’aérospatial, qui désigne une fusée au décollage dont le carburant vient à s’épuiser avec comme conséquence la surchauffe du moteur et l’explosion de l’engin. Nous voilà donc rendus au chaos que j’évoquais plus haut, celui qui se manifeste juste après l’explosion.
Il s’agit là de chocs auxquels nous soumet la vie, à titre professionnel ou privé. Des épreuves plus ou moins violentes qui font bouger nos lignes et remettent en question nos certitudes. Ils créent une sorte de séisme intérieur qui irradie jusqu’à l’extérieur et bouscule notre écosystème. Ces chocs sont tels des marqueurs qui jalonnent le développement de chaque individu, comme le symbolise l’ennéagramme introduit par le philosophe et ésotériste Georges I. Gurdjieff au début du XXème siècle. Gurdijieff pensait qu'il était possible de passer à un état supérieur de conscience et d'atteindre le plein potentiel humain. Son ennéagramme symbolise ainsi la dynamique du développement de l’individu et son passage d’une étape à une autre. Il nous guide vers l’étape ultime : « qui nous sommes véritablement » !
L’ennéagramme est composé de sept niveaux et de deux chocs qui tout en étant indépendants, se complètent et contribuent au développement de la personne. Ces deux chocs sont la source de la transformation humaine. Ils participent simultanément à notre déconstruction par la remise en cause de notre nature humaine et à notre construction par l’énergie qu’ils nous apportent. Le premier choc, qui survient par surprise est très déstabilisateur. Vécu comme un traumatisme, il permet d’entreprendre un travail sur soi pour sortir de cette perturbation. A ce stade, l’individu cherche à mieux comprendre le but de son existence et par le fruit d’une réflexion personnelle amorce une première transformation. Le deuxième choc intervient alors qu’un travail de développement personnel a déjà été entamé. Il fait suite à l’acquisition de connaissances permettant de vivre de nouvelles expériences et ainsi, engendre des modifications profondes dans notre personnalité pouvant conduire à un état de « pleine conscience » proche de la réalisation de soi.
Personnellement, ces deux chocs se sont matérialisés très distinctement. Le premier, de façon totalement inattendue et avec une grande violence. Il a irradié longtemps mon environnement professionnel comme personnel, laissant derrière lui une faille béante. Jusqu’au second choc, dix ans plus tard, comme l’aboutissement d’une transformation inéluctable, avec à la clé un changement de vie professionnelle parfaitement assumé. Il s’est suffi d’un déclic, un fait loin d’être anodin, la suppression d’un poste au sein de mon équipe pour que tout devienne évident. Avec un collaborateur en moins, le hamster dans sa roue courait à sa perte. Il fallait sortir de cette situation, c’était une question de survie. Ce déclic a enclenché une sorte de reset au niveau de mon cerveau avec à la clé un grand vide... C'est ce grand vide qui a permis de faire émerger des solutions nouvelles en me libérant de mes modèles mentaux et de mes croyances auto-limitantes les plus profondes. Tout en débloquant un « pouvoir d’agir » que je n’avais encore jamais expérimenté. Comme si j’avais prononcé la formule magique qui laissait enfin libre court à mon énergie créative.
Dans son ouvrage Renaître chaque jour, l’auteur et orateur indien Jiddu Krishnamurti l’évoque ainsi : « La création ne peut se produire qu’en présence d’une énergie jamais entachée de volonté, qui n’est pas le résultat de l’effort, une énergie que l’action elle-même fait naître. »
J’ai compris soudain que je ne devais pas changer de métier mais changer ma façon d’appréhender mon métier. J’ai surtout compris que, si j’avais choisi de mener une carrière dans la communication, ça n’était pas pour me perdre dans une vision de plus en plus instrumentalisée de mon activité mais pour créer du lien entre les gens, favoriser le dialogue et ainsi contribuer à bonifier les relations entre les individus. Une révélation ! J’avais trouvé mon objectif supérieur et les clés de ce changement étaient entre mes mains…
Le changement personnel s’opère dans une tension entre l’idéal et le réel. Lorsque cet alignement avec notre personnalité profonde se matérialise enfin, l’incarnation de notre idéal nous donne des ailes pour nous transcender et dépasser les obstacles. Nous libérons alors une forme d’intelligence intuitive, comme une boussole intérieure, qui nous guide vers les bonnes décisions, les bonnes personnes…
Pour la neurologue Régine Zékri-Hurstel, auteure avec le philosophe du goût Jacques Puisais du Temps du goût : « notre intuition est connectée à notre banque de données sensorielles, toujours en mouvement, et s’adapte en permanence pour percevoir le moindre changement. Les plus intuitifs sont donc ceux qui ont le mieux développé leurs qualités sensorielles. L’émotion vient des sens, elle est essentielle dans la capacité intuitive ».
Les chocs et le chaos qui en a résulté ont mis tous mes sens en éveil. Et ont fait voler en éclat bon nombre de peurs, notamment la croyance selon laquelle je n’étais pas faite pour l’entrepreneuriat. J’ai été gagnée par une confiance et une audace que je ne me connaissais pas, portée par une certitude fulgurante qui m’attirait, comme un aimant dans la bonne direction et vers les bonnes personnes. A ce stade de mon développement, les rencontres ont été déterminantes.
C’est à ce moment-là que la Covid-19 a fait son apparition début 2020. D’abord comme une ombre qui planait au-dessus de nos têtes, nous laissant avancer dans nos projets avec insouciance. Stimulée par l’énergie créatrice qui m’habitait alors, j’ai croisé la route de personnes très inspirantes. Ces rencontres ont été vibrantes d’émotions tant nous parlions le même langage et partagions les mêmes aspirations.
Très vite, nous avons exprimé l’envie de construire ensemble pour avoir un impact sur le reste du monde en nous mettant au service de l’humain et de la transformation sociale. Nos énergies associées ont ainsi donné à notre entreprise un élan et une résonnance incroyables qui se sont trouvés freinés brutalement avec l’annonce du confinement. Une crise inédite dans sa nature et dans l’amplitude de son impact qui a révélé chez nombre d’individus des réalités inhibées et a débloqué des ressources jusqu’alors inexploitées.
Face à ce système complexe dans lequel nous a enfermé la crise, nous avons pu activer notre esprit critique et notre créativité pour ajuster nos connaissances à cette nouvelle réalité et développer des comportements adaptés.
Nous avons appris de ces perturbations comment percevoir les développements possibles ou souhaitables, « utiliser les forces du changement au lieu de leur résister », comme nous y invite l’auteur et directeur du Center for Organizational Learning du MIT Peter Senge.
Et profiter de cette épidémie, où la préservation de l’humain est au centre des préoccupations, pour transformer nos environnements de travail en espaces de liberté propices à l’observation, l’imagination, la création, l’expérimentation…
Un terreau idéal pour se réinventer et entraîner dans notre sillon un collectif d’acteurs à la fois diversifié et relié par une aspiration profonde à faire bouger les lignes. Cette crise, comme un accélérateur de changement, a fait émerger des « communautés restauratrices », centrées sur un idéal à construire collectivement et mobilisant des énergies incroyables au bénéfice d’une mission transcendante pour remettre l’humain au cœur des organisations. Dans un monde fragilisé par l’épidémie de Covid-19, en perte de repères et poussant à l’individualisme, ces communautés ont permis à de très nombreux individus de trouver du sens, de générer de l’engagement et d’offrir de la solidarité. Elles ont pris des formes très évoluées d’organisations humaines et se sont maillées bien au-delà de leurs missions et espaces géographiques pour partager l’entraide et la connaissance. Résilientes, résolument ouvertes, bienveillantes et fraternelles, elles sont le présent et l’avenir de la réalisation des individus et des organisations.
Génératrices de coopérations, d’idées nouvelles et d’innovations, elles augmentent le champ des possibles et se déploient dans une perspective utilitaire. Aussi anciennes que l’humanité, elles marquent aujourd’hui encore l’histoire du développement des individus et contribuent tous les jours à la création d’un nouveau monde. Un monde où tout devient possible…
Alors que l’heure de Noël est sur le point de sonner, je suis gagnée par un drôle de sentiment… L’impression que ce Noël pas tout à fait comme les autres inaugure une nouvelle façon de célébrer, plus intime, plus sobre, plus profonde. Resserré autour du noyau familial - tout en gardant les distances – ce moment de partage n’aurait-il pas cette année une saveur particulière ? Noël sera-t-il plus « light » ? Moins de monde autour de la table, mais quitte à être moins nombreux, n’est-ce-pas aussi l’occasion de célébrer la famille plus intensément, avec le cœur grand ouvert ?
Personnellement, en plein lancement de mon activité, avec un mari dirigeant absorbé par ses affaires, une jeune adulte exaltée par de nouvelles libertés et un adolescent cloué devant son ordinateur…, j’avoue être depuis quelques temps désemparée devant l’éclatement de mon cher noyau familial ! A force de se croiser sans se voir, de s’écouter sans s’entendre dans le tourbillon du quotidien, la perspective de ce Noël confidentiel vient réveiller chez moi le besoin de serrer dans mes bras ceux que j’aime. De célébrer ma famille en cette période de fêtes. De prendre le temps de redécouvrir chaque membre de mon clan à la lumière d’un feu de cheminée, au coin du sapin. Un Noël pour retisser les liens qui nous unissent, se témoigner de la gratitude et se dire combien chacun compte.
Le besoin de témoigner de la gratitude en cette veille de Noël, alors que la crise sanitaire couve toujours, semble d’ailleurs avoir gagné la sphère professionnelle. En effet, j’entendais cette semaine à la radio que les entreprises avaient particulièrement choyé leurs collaborateurs cette année pour les remercier de leur contribution exceptionnelle en cette période de Covid. Au-delà du principe de gratification, n’est-ce pas là avant tout l’occasion de célébrer le « clan professionnel » ?
Partout, on entend que la troisième vague de Covid-19 sera celle de la santé mentale, avec une forte hausse des états dépressifs liés aux bouleversements induits par la crise sanitaire. Incapacité de voir le bout du tunnel, solitude, perte de repères…, les sujets d’inquiétude sont nombreux et avec la répétition du confinement et la durée de la crise, les ressources pour s'adapter s'épuisent.
Alors comment profiter de la magie de Noël pour redonner le moral aux troupes ? En célébrant la communauté professionnelle, en retissant les liens de l’équipe, qu’elle soit en télétravail, en chômage partiel ou en petit comité. Rien d’ostentatoire cette année et c’est tant mieux car en entreprise comme au sein de la famille, la proximité est de mise. Il est temps de bannir les grands discours impersonnels déployés à grands renforts d’outils de communication : vidéo du dirigeant, carte de vœux corporate... L’heure est à la simplicité, à l’écoute, à la solidarité. Pour stimuler la bonne humeur, pourquoi ne pas colorer la dernière réunion de l’année, a plus forte raison en visio, en invitant chacun à décorer son environnement de travail aux couleurs de Noël. Et pour les collaborateurs en présentiel, le traditionnel « Secret Santa » qui favorise l’échange de petits cadeaux de façon anonyme constitue également une occasion de se retrouver et d’exalter le plaisir de donner et de recevoir.
Comme en témoignent les dirigeants, managers et collaborateurs de TPE-PME que notre collectif de professionnels de l'accompagnement humain Act4 Talents a interviewés lors du premier confinement dans son étude « Regards croisés », l’humour et la bonne humeur ont été déterminants dans cette période de forte incertitude. L’objectif étant de souder les équipes et de favoriser un contexte propice au dialogue, entre collègues et aussi avec le manager de proximité, pour mieux prendre le pouls de chacun. Parmi les bonnes pratiques qui sont ressorties de l’étude, certains managers ont d'ailleurs eu l’idée de constituer des binômes pour éviter l’isolement en télétravail, stimuler le soutien et la coopération.
Cette crise sanitaire avec ses contraintes de distanciation sociale nous amène nécessairement à revoir le périmètre du clan familial comme professionnel et à privilégier les groupes à taille humaine. Finalement, la Covid ne précipiterait-elle pas un mouvement déjà amorcé depuis plusieurs années selon lequel il fait bon travailler dans les petites structures ?
Les TPE et les PME ont la cote car elles sont réputées pour leur ambiance familiale et rassurante ; la proximité qui y règne est le gage d’échanges plus réguliers et d’une meilleure connaissance des missions de chacun. Les méthodes de travail y sont plus transversales et bien souvent les tâches qui sont confiées aux salariés demandent plus de polyvalence. Grâce à une hiérarchie moins complexe et un processus de prise de décision simplifié, les entreprises à taille humaine peuvent être plus réactives et octroient plus d’autonomie et de liberté à leurs collaborateurs.
Ambiance rassurante, proximité, échanges plus réguliers, polyvalence, réactivité, autonomie… Ce sont précisément les enjeux qui ont émergé de notre étude sur les évolutions du management et de l’organisation à l’épreuve de la crise sanitaire. En travaillant à distance ou au sein d’équipes très resserrées, il a fallu créer des rituels plus réguliers pour rassurer, pour partager sur les besoins de chacun. Afin de maintenir l’activité tout en palliant l’absence de certains de leurs collègues, les salariés ont dû faire preuve de polyvalence. Et tester leur autonomie, en distanciel, loin de leur hiérarchie. Avec à la clé, une explosion de sens pour des individus qui ont ainsi pu activer leur « pouvoir agir » et développer à cette occasion des compétences relationnelles fortes telles que l’écoute, l’empathie et la solidarité.
Cette nouvelle humanité que beaucoup ont pu expérimenter dans cette crise inédite a permis d’exacerber le sentiment d’appartenance et l’engagement au sein des organisations. Elle a porté le sens à un niveau inégalé et révélé des ressources insoupçonnées chez les individus. Elle est à n’en pas douter le meilleur vaccin contre l’épidémie de dépression qui nous menace ! Alors, apprenons à célébrer cette humanité nouvelle au sein de nos clans professionnels. Sachons distribuer la gratitude avec sincérité et générosité à nos collaborateurs les plus proches. Car la gratitude est contagieuse ; elle pourrait bien gagner les moindres recoins de nos organisations !!!
A mi-chemin du confinement imposé par l’épidémie COVID-19, une question s’impose. Qu’avons-nous appris de ce séisme qui touche de façon systémique tous les piliers de notre vie : santé, famille, travail, nourriture, loisirs… ?
Un questionnement fortement inspiré des ouvrages qui ont accompagné mon confinement. Car j’ai amorcé ma quarantaine avec la lecture du dernier ouvrage de François Taddeï, Apprendre au XXIème siècle, au sous-titre évocateur : Révolutionner nos apprentissages pour faire face aux défis de demain… Je ne pouvais que poursuivre ma réflexion avec la lecture du classique du management de Peter Senge, La cinquième discipline. Un livre tellement d’actualité, qui nous apprenait il y a 25 ans déjà, lors de sa première édition, que « pour toute organisation, l’avantage concurrentiel durable se trouve dans la capacité à apprendre plus vite que la concurrence. »
Qu’avons-nous appris ? Je pose la question au présent, alors que le confinement se poursuit jusqu’au 11 mai, car la réflexion ne saura attendre que nous retrouvions la liberté d’agir à notre gré. Saisissons-nous de ce temps suspendu qui nous est offert pour observer, comprendre et expérimenter. Si nous attendons de reprendre le chemin du travail et le train-train habituel..., les urgences du quotidien nous renverront à la réalité d’avant le confinement. Comme un élastique qui revient systématiquement à son état de départ. Alors il sera trop tard pour se poser les bonnes questions, et construire à partir de cette nouvelle réalité qui émerge de la situation extrême que nous vivons aujourd’hui ! Comme l’illustre très bien François Taddeï, en sa qualité de biologiste : « Les virus ont quasiment toujours un temps d’avance sur les systèmes de protection ».
La vie nous soumet à des épreuves qui peuvent être violentes. Ces chocs font bouger nos lignes et remettent en question nos certitudes. Ils créent une sorte de séisme intérieur qui irradie jusqu’à l’extérieur et bouscule notre écosystème. L'épreuve que nous traversons aujourd'hui est d'autant plus rare qu'elle se déploie à une très grand échelle et touche dans un même temps le monde tout entier. Une épidémie qui marque non seulement les corps, mais aussi les esprits. Car la rupture de nos routines et la réduction de nos contacts sociaux occasionnent frustration, ennui et un sentiment profond d'isolement du reste du monde.
Après trois semaines de confinement, j’ai trouvé ma fille de 18 ans complètement abattue alors qu’elle venait de réaliser qu’elle ne ressentait plus de sentiment de manque vis-à-vis de son petit ami qu’elle n’avait pas revu depuis le début de la quarantaine. Comme si ses sentiments pour son amoureux avaient été mis en veille pour éviter de trop souffrir de la séparation imposée. Il est question-là du fonctionnement adaptatif qui nous permet de vivre en nous adaptant aux exigences et aux contraintes de notre environnement.
Ces comportements d’adaptation évoluent avec l’âge, avec l’apprentissage et selon l’expérience accumulée, permettant à l’individu d’atteindre un certain niveau d’autonomie. Le fonctionnement adaptatif peut également être positivement ou négativement influencé par différents facteurs tels que l’éducation, la personnalité, l’expérience, la motivation, les possibilités socioprofessionnelles.
Nous ne sommes pas égaux dans la gestion de cette crise qui altère notre rapport au temps, aux événements, à la famille, au travail, aux autres d’une manière générale…, notre rapport à la réalité en quelques sortes.
« Le confinement, c'est une amputation de la réalité, qui remet en cause bien des fonctionnements de nos sociétés. » Boris Cyrulnik
A peine deux semaines après le début du confinement, une amie manager en télétravail partageait la perte de sens qu’elle ressentait face à l’état d’urgence déployé dans son entreprise pour maintenir l’activité économique. Elle exprimait un besoin impérieux, dans cette nouvelle perspective de sa mission, de prendre de la hauteur par rapport à ses habitudes de travail et allait même jusqu’à remettre en question sont engagement professionnel. D’ailleurs, cette réaction extrême la mettait dans une grande confusion. Après réflexion, j’ai compris qu’elle était confrontée à deux réalités de vie qui se percutaient. L’ancienne réalité, avant le confinement, emprunte de superficialité, et la nouvelle, à l’épreuve du confinement, centrée sur l’essentiel. En conséquence, elle cherchait à ajuster sa compréhension de cette « nouvelle » réalité dans son rapport au travail. Être soudainement confronté à la futilité de certains piliers de notre existence provoque nécessairement confusion et amertume.
Pour Boris Cyrulnik, « C’est l’occasion de prendre durablement conscience de ces vérités humaines que nous connaissons tous, mais qui sont refoulées dans notre subconscient : que l’amour, l’amitié, la communion, la solidarité sont ce qui font la qualité de la vie. »
Si le confinement est une protection physique nécessaire pour la survie, elle constitue en même temps une redoutable agression psychique. Pour atténuer les troubles du confinement liés à cette distanciation sociale, Boris Cyrulnik nous invite à prendre en compte dans notre quotidien trois dimensions : l'action, l'affection et la réflexion. Avoir une discipline d’action consiste à bouger au moins une heure par jour pour sécréter des endorphines et percevoir un sentiment de bien-être. L’affection est l’occasion de déclarer notre attachement à nos proches et de renforcer les liens. Quant à la réflexion, c’est une plongée intérieure, favorisée par la lecture, l’écriture, la méditation…, qui nous permet de retrouver de la liberté et des ressources qui aideront à la résilience.
« L’arrivée de ce virus doit nous rappeler que l’incertitude reste un élément inexpugnable de la condition humaine. […] Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille… » Edgar Morin
Dans ces périodes de crise qui s’inscrivent dans la durée avec leur lot d’incertitudes, des réalités inhibées se révèlent et on assiste à un déblocage de ressources jusqu’alors inexploitées. Des ressources qu’il nous revient de cultiver pour trouver matière à s’adapter. Cette nouvelle réalité qui s’installe dans le temps avec la prolongation du confinement, nous sort de notre zone de confort. Un bouleversement de notre quotidien ordinaire qui peut donner lieu à deux types de réactions.
La crise, génératrice de perturbations et de désordres, peut favoriser la manifestation de comportements de rejet et la recherche de boucs émissaires. Comme le décrit le syndrome « l’ennemi est au-dehors », qu’évoque Peter Senge pour justifier qu’il y a chez chacun d’entre nous « une propension à trouver quelqu’un ou quelque chose à blâmer quand cela ne va pas ». Comme si la perfection nous était due et l’erreur impardonnable. Un phénomène exacerbé par la contrainte du confinement que certains peuvent vivre comme un schéma inversé du Huis Clos de Jean-Paul Sartre. La distanciation sociale nous extrait d’un environnement menaçant où l’Autre est synonyme de danger pour mieux nous replier dans un entre-soi rassurant.
Face à ce système complexe dans lequel nous enferme la crise, une autre réponse est d’activer notre esprit critique et notre créativité pour ajuster nos connaissances à cette nouvelle réalité et développer des comportements adaptés. Nous pouvons apprendre de ces perturbations et désordres comment percevoir les développements possibles ou souhaitables. Comme nous y invite Peter Senge, il s’agit « d’utiliser les forces du changement au lieu de leur résister. » Et apprendre à désapprendre les anciens modèles. Accepter d’être perturbé par cette nouvelle réalité et finalement être disposé à changer notre mode de pensée. Et profiter de cette épidémie, où la préservation de l’humain est au centre des préoccupations, pour transformer nos milieux de confinement en espaces de liberté propices à l’observation, l’imagination, la création, l’expérimentation… Un espace où l’erreur est non seulement un droit mais surtout une responsabilité.
« À chaque épidémie, ou catastrophe naturelle, il y a eu changement culturel. Après le trauma, on est obligé de découvrir de nouvelles règles, de nouvelles manières de vivre ensemble. » Boris Cyrulnik
Pour François Taddeï, « Dans un monde en mouvement, l’immobilisme est une régression ».
Et si nous faisions de cette contrainte au repli sur soi et de ce recentrage sur l’essentiel une formidable opportunité de se connaître soi-même. De s’interroger sur ce que nous sommes et la place que nous avons envie d’occuper dans ce monde qui évolue toujours plus vite. Cette période de confinement est non seulement utile pour revoir le juste équilibre que nous accordons à nos vies personnelle et professionnelle, mais elle est aussi l’occasion de mettre à profit cette obligation à vivre en autonomie pour pratiquer des activités qui ont du sens pour nous et nous apportent du plaisir. Certains vont s’adonner au bricolage ou à la pâtisserie, d’autres à la lecture, à la peinture ou à l’écriture. Des activités dans lesquelles nous allons trouver un épanouissement personnel et apprendre, en testant de nouvelles recettes, en s’essayant à des travaux plus complexes, en apprenant de nouveaux points de couture…
« La recherche scientifique montre qu’on n’apprend jamais mieux que lorsque motivation et plaisir se nourrissent mutuellement » nous rappelle François Taddeï.
Ce temps suspendu est inespéré pour apprendre, notamment à travers ce formidable champ des possibles que nous offre le numérique. Outre la multitude de vidéos et autres tutos disponibles pour faire évoluer nos savoirs, nous voyons fleurir sur les réseaux sociaux pléthore de webinars dédiés au développement de nos savoir-faire et savoir-être. Ce décloisonnement des savoirs est une aubaine pour apprendre les uns des autres. Et devenir nous-mêmes des passeurs d’apprentissage. Je suis éblouie de constater combien nombre d’indépendants qui ont vu leur activité se réduire à néant pendant le confinement ont su se réinventer en transformant leurs accompagnements en formations numériques gratuites pour maintenir le lien avec leurs clients et déployer plus largement leurs connaissances. De nouvelles approches précieuses pour anticiper la sortie du confinement et préparer la reprise. Je ne parle pas ici de construire le monde d’après, mais d’assurer le monde d'aujourd’hui, porteur de nombreuses inconnues.
Comme le souligne François Taddeï : « Si nul ne sait comment le monde va changer, on sait au moins que la capacité à s’adapter au changement constituera une des compétences les plus précieuses. Celles et deux qui auront été initiés à cette forme d’intelligence auront de meilleures chances de s’en sortir. »
Alors apprenons ici et maintenant ! « Le futur est déjà là ; il n’est seulement pas réparti de manière équitable » assure Peter Senge. Apprenons à questionner notre réalité et à dépasser nos certitudes. C’est ce qu’avais compris Socrate : mieux vaut accepter le questionnement et l’incertain que de tenir pour vraies des certitudes qui n’en sont pas. Les chercheurs eux-mêmes savent que leurs certitudes sont par nature provisoires. Pour François Taddeï, « Nous sommes tous nés chercheurs ». Ce comportement est inné. « Notre développement cognitif dès le plus jeune âge procède de processus identiques à ceux que les scientifiques mettent en œuvre pour faire progresser le savoir ». Il nous faut retrouver cette posture de « chercheur » héritée de notre petite enfance, avoir le cran d’avouer notre ignorance et chercher les bonnes questions. Et accepter « qu’il n’y ait pas de réponse définitive à de bonnes questions ».
Dans cet immobilisme confiné, nous pouvons « réfléchir de manière multidimensionnelle » et regarder notre réalité sous des angles différents. « Si on ne connait qu’un système, on a du mal à en concevoir un autre, mais si on a eu l’occasion de voir d’autres manières de faire, on peut en imaginer toujours plus ». Cette gymnastique intellectuelle fait appel à une compétence essentielle : la capacité à se mettre à la place de l’autre, base de l’empathie. Une invitation à sortir du jugement pour essayer de trouver des solutions originales.
Nous pouvons également échanger sur ce que nous avons appris individuellement et collectivement avec le confinement, notamment sur nos modes de travail. Nous gagnerons à faire connaître ce que nous avons expérimenté pour nous inspirer les uns des autres et adopter les expériences vertueuses qui ont germé de cette crise. Car partager ces connaissances, c’est contribuer à créer une société plus apprenante.
Quelques lectures inspirantes LA PROVENCE - Coronavirus - Boris Cyrulnik : « Il y aura des transformations profondes » CNRS LE JOURNAL - Edgar Morin: « Nous devons vivre avec l'incertitude » THE CONVERSATION - Débat : Pour faire face aux crises, développons des « communautés apprenantes » THE CONVERSATION - Qu’est-ce qu’une « crise » ? THE CONVERSATION - Quelles leçons philosophiques tirer de la crise sanitaire ? THE CONVERSATION - Penser l’après : En quoi Camus est-il indispensable pour nous aider à sortir de la crise ?
Un hamster occupait ses journées en longues siestes et collectes de graines. Toutefois, son activité favorite consistait à courir énergiquement dans une grande roue qui trônait au milieu de sa cage. Curieux de nature, son attention fût un jour attirée par un faible craquement à proximité de sa cage. Là, il découvrit un œuf énorme en train de se fissurer. Au bout de quelques heures, un bec jaune-orangé fit son apparition, puis une tête, et enfin, le corps tout entier émergea de la coquille.
Le hamster n’avait jamais vu un oiseau aussi laid, avec son grand corps et son plumage gris hirsute. Les deux bêtes s’ignorèrent un long moment, le hamster trop occupé à poursuivre sa course folle et l’oiselet épuisé par son éclosion. Finalement, après avoir repris ses esprits, l’oiseau s’adressa au hamster : « Vers quoi cours-tu dans ta roue ? ». Le rongeur, tout à sa course, l’ignora copieusement. Mais l’oiseau insista : « Eh, oh ! Ne t’arrêtes-tu jamais de courir ? ». Et le hamster de lui répondre, haletant : « Tu vois bien que je suis occupé là ! Je n’ai pas le temps de bavarder. » Ainsi rabroué, l’oiselet mis un peu d’ordre dans ses plumes et agita ses ailes naissantes, comme pour en tester l’usage. Et sans cesser de courir, le hamster continua de l’invectiver : « Ne peux-tu pas aller secouer tes plumes ailleurs ? Tu ne vois pas que tu me déranges ? » Et l’oiseau, piqué au vif, de lui répondre : « Te voilà bien agacé ! Oublie ta mauvaise humeur. Sors de ta cage et viens prendre l’air avec moi. » « Mais pour qui te prends tu avec ton cou étroit et tes pattes palmées ? » éructa le hamster. « Tu serais incapable d’aligner deux tours de roue sans trébucher… » Alors même que le hamster enchaînait ses sarcasmes, il fut subitement interrompu par le frottement de dizaines de paires d’ailes. Et l’oiselet prit son envol pour rejoindre une nuée immaculée de cygnes et disparaître au loin dans le ciel, laissant le rongeur perplexe en tête-à-tête avec sa roue.
Evidemment, toute ressemblance avec des personnes existantes n’est pas fortuite… Est-il bien utile de préciser la morale de cette histoire ?
Nombre de managers se reconnaîtront dans la caricature de ce hamster, étourdis par la course effrénée du travail désincarné, vidé de son sens. Et pourtant, il nous reste la possibilité de changer de rôle et de devenir ce majestueux cygne, l’oiseau libre. Ou peut-être vous reconnaissez-vous plutôt dans le petit colibri qui veut faire sa part, ou le grand albatros qui voyage au gré des esquifs… Quel que soit l’oiseau que vous incarnez, il est temps de sortir de votre coquille, de déployer vos ailes et de prendre votre envol vers la Cité du travail libéré.
Cette cité n’est pas une utopie. C’est un espace ouvert à tous les managers qui souhaitent apprendre ou réapprendre la nature du travail « bien fait ». Celui qui inspire, celui qui engage, celui qui relie les collaborateurs de l’entreprise.
Cette cité, je l’ai trouvée par hasard, après m’être perdue… Égarée dans un dédale : baisses de ressources, attentisme, agitations vaines, injonctions contradictoires, injustices organisationnelles... Autant de murailles infranchissables pour un hamster épuisé par sa course sans fin. Mais lorsque l’on change de perspectives… on déploie ses ailes, on prend de la hauteur, et sortir de ce labyrinthe devient possible, comme découvrir, au-delà de ces murailles, le pouvoir de la Cité du travail libéré.
Soyez les bienvenu(e)s et suivez le guide...
Ce livre a été pour moi une révélation. Rien d’exceptionnel me direz-vous ; nous sommes des millions à le considérer comme un ouvrage de référence pour s’ouvrir à la pleine conscience. Plus qu’un effet de mode, n’est-ce-pas là le signe d’un besoin universel de créer un changement positif dans notre quotidien ?
Eckhart Tolle nous dévoile l’auteur de tous nos maux, la source de nos souffrances psychiques. Cette petite musique négative qui trotte insidieusement dans notre tête ; c’est notre mental. Ce refrain malsain qui tourne en boucle et s’empare de nos petits tracas tel un miroir grossissant ; c’est encore lui, notre mental. Ce bruit parasite qui hante nos jours et nos nuits et nous empêche d’accéder au royaume de notre calme intérieur ; ce sont les balivernes du mental. Tous nos problèmes sont des illusions du mental.
« La plus grande partie de la souffrance humaine est inutile. On se l’inflige à soi-même aussi longtemps que, à son insu, on laisse le mental prendre le contrôle de sa vie ».
Alors, comment se libérer de notre mental ?
Nos pensées compulsives agissent comme un épais brouillard qui nous empêche de vivre le présent. Elles nous retiennent dans le passé ou nous pressent vers le futur, ainsi pris au piège entre regrets et appréhension.
Pour se libérer du mental, il faut donc s’extraire du temps. Se réapproprier sa conscience, détourner son attention de la pensée pour la diriger vers le corps physique et énergétique. Pour expérimenter ce nouvel état de conscience, Eckhart Tolle nous invite à être présent en tant qu’observateur de notre mental, de nos pensées, de nos émotions. Devenir le témoin de ces pensées et de ces émotions permet de les reconnaître pour mieux les accepter et ainsi briser le mécanisme de résistance qui nous fait souffrir.
« Lâcher-prise est la chose la plus importante que vous puissiez faire pour amener un changement positif. »
Le lâcher-prise que préconise l’auteur cache une grande force intérieure. Il ne signifie pas endurer une situation passivement. Il permet d’accepter cette situation, en désamorçant la négativité qu’elle porte, avant de passer à l’action en toute sérénité.
Faire l’expérience du corps subtil
Lorsque vous être parvenu à faire taire votre mental, vous pouvez prendre conscience de votre corps et vous ancrer dans le présent.
« Habiter votre corps, c’est sentir le corps de l’intérieur, sentir la vie en vous… »
En maintenant son attention à l’intérieur de son corps, en le sentant vivant, en l’habitant totalement, il est possible de ressentir le champ énergétique qui vitalise chaque organe et chaque cellule. C’est le corps subtil. La clé est d’être en contact permanent avec son corps subtil pour tenir à distance le bruit du mental et éprouver une sensation profonde de paix.
Mettre en pratique le pouvoir du moment présent
Pour aller plus loin et vivre pleinement l’expérience du moment présent, Eckhart Tolle propose un livre d’exercices pratiques et de lectures méditatives : Mettre en pratique le pouvoir du moment présent. Une bonne introduction au Pouvoir du moment présent pour ceux qui ne l’ont pas encore lu.