Avant-propos
A l’heure où je rédigeais cet article, fin février 2020, l’épidémie de Covid-19 semblait un phénomène distant pour bon nombre d’entre nous, aveuglés par nos préoccupations quotidiennes. Puis tout s’est accéléré. Emportés par une vague d’urgence, il nous a fallu revoir nos priorités, réorganiser nos activités, distendre nos relations, et accepter de suspendre le temps… Face à cette urgence qui nous étreint encore, distorsion entre la course immobile des confinés pour contenir l’évolution de l’épidémie et la course folle des soignants pour prendre en charge ses victimes, je reste étourdie. Alors, je choisis l’espoir et l’optimisme et je me prends à rêver… à la sortie de cette crise. En publiant cet article, sans en changer le moindre mot depuis son écriture, je prends le risque que tous ceux emprisonnés dans l’urgence du moment ne le lisent pas. Mais peut-être ne l’auraient-ils pas lu en temps normal ! Et je fonde l’espoir que tous ceux qui, comme moi, aspirent à rêver à demain, y trouvent matière à s’inspirer pour des jours meilleurs. Car il y est question de valeurs d’actualité, sécurité, excellence, respect et surtout d’humanisme… Bonne lecture.

J’ai découvert l’entreprise GGB au détour d’une newsletter, inspirée par l’objectif affiché par cette société industrielle, leader mondial dans la fabrication de paliers lisses hautes performances dont le siège français est basé à Annecy : « libérer le potentiel humain afin d’atteindre l’excellence ». Une raison d’être dont l’origine se trouve aux Etats-Unis, berceau d’un groupe industriel coté NYSE : EnPro Industries.

Pour bien comprendre comment une culture d’entreprise développée aux Etats-Unis peut trouver un ancrage local dans des sites de production implantés aux quatre coins du monde, je vous invite à un voyage entre l’Amérique du Nord et les bords du lac d’Annecy. Je vous invite à retracer les liens entre un groupe industriel comptant plus de 6 000 salariés dans le monde, EnPro Industries, et sa filiale, GGB France, un site de production regroupant près de 250 collaborateurs.

Une culture inspirée des standards industriels et portée par une figure humaniste

Revenons aux racines d’une posture made in EnPro Industries. Le groupe s’est structuré autour de valeurs répondant à la fois aux standards industriels internationaux et aux aspirations humanistes de ses dirigeants. Des valeurs contribuant au développement des possibilités de chaque collaborateur, pour atteindre l’excellence et établir des environnements de travail ouverts et créatifs, conformes aux normes de sécurité les plus élevées de l’industrie : la sécurité, l’excellence et le respect.

En introduisant une culture de la sécurité et de la santé dans ses valeurs de base, l’objectif d’EnPro est d’offrir à ses salariés les conditions de travail les plus sûres de l’industrie. Pour sa part, la quête d’excellence se reflète chaque jour dans la pratique des métiers du groupe, aux services client, production, commercial comme à l’innovation, pour construire une entreprise de premier ordre qui soit la meilleure en tout et partout. Enfin, pour EnPro, le respect va de pair avec le développement personnel des individus et des équipes, quelles que soient leurs origines, nationalités ou fonctions, favorisant ainsi la diversité et l’apprentissage entre pairs.

En 2012, cette culture s’est traduite par un mouvement baptisé Dual Bottom Line, porté par un CEO emblématique, Steve E. Macadam, et déployé au sein de chaque entreprise du groupe. Ce programme, basé sur un objectif de Double Résultat, accorde autant d’importance aux résultats financiers qu’aux réalisations et au bien-être de chaque salarié. Partant du constat que les collaborateurs centrés sur leur développement sont déterminés à atteindre l’excellence. Et par extension, que lorsque les salariés visent l’excellence, les résultats financiers de l’entreprise s’améliorent.

« Notre objectif est de créer pour nos employés un environnement propice à l’apprentissage, favorisant l’échange des connaissances et de l’information, afin de promouvoir l’indépendance et la liberté de pensée qui sont indispensables pour libérer le potentiel humain. » Extrait du site www.ggbearings.com

Au-delà d’un affichage très corporate de cette philosophie sur l’ensemble des sites entreprises du groupe, comment se décline-elle de façon très opérationnelle sur le terrain ? Comment ces valeurs trouvent-elles un terreau culturel propice à leur déploiement ?

Quittons les Etats-Unis et le groupe EnPro Industries pour s’immerger dans sa filiale française GGB France, au cœur du siège d’Annecy. Laetitia Bertin, responsable RH, est mon guide. Nous sommes vendredi soir en cette fin février 2020 et l’empreinte du groupe industriel mondial n’est pas loin… A peine passées les portes de l’entreprises, les valeurs mères s’invitent à mon rendez-vous. Sécurité oblige, un flacon de gel hydroalcoolique attend chaque visiteur à son arrivée. L’ombre lointaine du coronavirus plane sur l’entreprise dont le site GGB Suzhou en Chine vient tout juste de rouvrir pour reprendre progressivement son activité. Les valeurs de sécurité et de respect sont bien présentes, immédiatement visibles à mon arrivée. La sécurité est posée en responsabilité personnelle et partagée avec comme enjeu de veiller à son propre bien-être autant qu’à celui des autres.

Mais revenons au cœur du sujet qui m’a amenée à rencontrer Laetitia Bertin : comment s’y prend-on chez GGB France pour libérer le potentiel humain afin d’atteindre l’excellence ?

Une approche systémique de l’apprentissage

Le programme Dual Bottom Line est le socle d’un ensemble d’outils standardisés, une véritable Tool Box favorisant le partage de bonnes pratiques et l’apprentissage tout au long de la vie au service du développement personnel et professionnel de l’ensemble des collaborateurs.

Pour libérer le potentiel humain, la formation est un élément fondateur de la culture d’entreprise EnPro. Elle s’inscrit au cœur d’un système éducatif interne où chacun a la possibilité d’enseigner et d’apprendre des autres.

Dès leur recrutement, les salariés intègrent un plan de formation de deux jours, Building Our Workplace (BOW), pour les acculturer à l’esprit Dual Bottom Line. Depuis 2012, près de 6 000 salariés dans le monde ont ainsi été formés aux savoir-faire et savoir-être requis pour travailler dans les entreprises du groupe EnPro.

La fidélisation de la nouvelle génération d’ingénieurs d’application est au cœur des priorités avec le Strategic Workforce Development Application Engineer project. Ce programme en cours de développement vise à accompagner l’évolution de carrière et ainsi favoriser l’engagement de cette population clé pour GGB. Le projet s’articule autour de quatre grands enjeux. Tout d’abord la reconnaissance et la valorisation de cette catégorie de salariés. Ensuite, le développement de leur carrière et compétences dès l’onboarding à travers du mentorat, du coaching et des formations techniques, comme soft skills. Enfin, ce programme comprend l’animation d’une communauté dédiée aux ingénieurs d’application et la création d’une Leadership Team pour manager cette communauté.

Des modules de formation sont également proposés en interne comme en externe pour permettre à chaque salarié de construire sa carrière et de gérer son évolution au sein de l’entreprise, sur des thèmes très variés : comment bien communiquer, résoudre les conflits, développer l’esprit d’équipe ou encore affirmer son leadership.

Libérer les potentialités de chaque salarié

« La Tool Box nous apporte des réponses opérationnelles et éprouvées pour conduire avec succès le développement de nos collaborateurs. Toutefois, la liberté est donnée à chaque entité du groupe de déployer ces outils en les adaptant à sa propre culture pays » souligne Laetitia Bertin.

Cette notion de liberté est omniprésente dans la culture EnPro ; elle se matérialise à tous les échelons du groupe, au sein des entités comme des individus. Avec comme parti pris que les personnes au plus près du terrain et de l’activité sont les plus à même de définir les axes et les méthodes de travail. Une confiance est ainsi donnée aux individus leur permettant d’exercer leur autonomie et leur pouvoir d’agir, et de s’affirmer au travers de zones de responsabilisation.

« GGB donne à chaque employé la liberté de fixer ses propres objectifs et de décider de ce qu’il souhaite accomplir afin qu’il puisse se réaliser pleinement. » Extrait du site www.ggbearings.com

Chez GGB France comme dans les autres entités du groupe, c’est culturel, les salariés définissent leurs propres objectifs. Concrètement, en amont de l’entretien annuel, chaque collaborateur soumet à son manager les objectifs qu’il s’est défini pour l’année. Ces objectifs sont ensuite discutés et validés lors de l’entretien annuel. Une responsabilisation de l’ensemble des acteurs de l’entreprise qui a indéniablement fait son succès et participé à la création de gains à long terme.

C’est pourquoi, en 2020, avec sa démarche Better Works, GGB France a pris le parti d’abandonner les entretiens annuels au bénéfice de rencontres mensuelles orientées développement personnel. Ces conversations préparées par le collaborateur lui permettront chaque mois d’évoquer avec son manager ses réussites et ses points d’amélioration. Le pas suivant étant d’intégrer à ces échanges ouverts entre salariés et managers la dimension collective du travail, notamment au travers des objectifs d’équipe.

Une politique des petits pas vers le déploiement de l’intelligence collective

« Nous croyons qu’en développant un esprit de communauté, nous pouvons générer un degré d’engagement plus grand, maintenir un environnement ouvert à la discussion, et encourager une plus grande participation individuelle et collective dans les décisions journalières qui impactent notre activité. Privilégier la motivation, la prise de responsabilité et l’appropriation des projets, bénéficie autant à l’individu qu’à GGB. » Extrait du site www.ggbearings.com

La dimension communautaire chère au groupe mondial trouve son expression à travers des activités spécifiques à chaque pays, des challenges sportifs ou encore le soutien d’opérations caritatives. Pour Laetitia Bertin, cet esprit de communauté est moins adapté à la culture française qu’à d’autres nationalités. GGB France a donc choisi d’investir l’intelligence collective pour consolider une dynamique d’équipe porteuse d’innovations et d’amélioration continue, en s’appuyant sur les managers comme courroie de transmission.

Le déploiement de l’intelligence collective au sein de l’entreprise s’inscrit au plus haut niveau de la stratégie comme dans la diffusion de nouvelles façons de coopérer au sein des équipes opérationnelles à travers deux actions phares.

Le premier enjeu visait à associer un collectif de quarante managers à la co-construction du plan stratégique annuel avec le comité de direction. L’exercice, qui a consisté en année 1 à challenger les idées exposées par la Direction, s’est naturellement imposé comme une démarche vertueuse qui a permis d’aller plus loin en année 2, en invitant les managers à être davantage force de proposition sur les axes stratégiques à développer.

Pour Laetitia Bertin : « Nous avançons pas à pas, notre ambition étant d’aller plus loin avec ce collectif, dans un souci d’excellence et de performance, en élargissant cette réflexion stratégique aux collaborateurs. »

Aujourd’hui, GGB fait face à une population en fort renouvellement du fait de nombreux départs à la retraite et avec l’arrivée concomitante dans l’entreprise des nouvelles générations, notamment parmi les ingénieurs. Ces nouveaux acteurs ont de fortes aspirations en termes de compréhension des enjeux de l’entreprise et de coopération. La formation des managers à la facilitation et aux outils d’intelligence collective est une réponse à ce mouvement qui s’opère vers une meilleure auto-régulation du travail et la construction d’une dynamique collaborative. Des sessions de co-développement sont également proposées aux managers d’équipes et de projet. Un groupe de co-développement au féminin s’est même spontanément structuré pour revisiter certains freins ou résistances et explorer de nouvelles perspectives.

Le chemin tracé par le groupe EnPro Industries pour ses filiales est éclairant. Lorsqu’elles sont portées au plus haut niveau et matérialisées dans des actions structurantes et à fort impact pour les salariés, les valeurs irriguent toutes les entités et toutes les strates de l’entreprise, au-delà des frontières. Les moyens déployés par EnPro pour soutenir les capacités d’apprentissage de ses collaborateurs, assortis d’une culture de la confiance porteuse d’autonomie et de responsabilisation, confèrent indéniablement à ses filiales un fabuleux terrain de jeu pour développer leurs talents. Dans un environnement industriel pourtant marqué par de hautes exigences en termes de sécurité et d’excellence, force est de constater que la liberté donnée à chaque individu de se réaliser dans son travail agit comme un exhausteur et stimule les performances.

L’exemplarité en management repose sur une idée simple : s’appliquer à soi-même ce que l’on attend de ses collaborateurs. Mais pour qu’elle agisse pleinement et puissamment sur une équipe ou une organisation, l’exemplarité doit être considérée comme une exigence comportementale majeure à cultiver et à développer. L’exemplarité est indissociable de l’activité managériale, a fortiori dans les environnements incertains et complexes dans lesquels nous évoluons aujourd’hui. Car un comportement exemplaire stimule l’engagement et la volonté de coopérer. A l’inverse, un défaut d’exemplarité peut compromettre projets et performances.

« Il est nécessaire d’apprendre l’exemplarité pour devenir un bon manager. »

Pour bien comprendre les clés de cette attitude essentielle et exigeante, Tessa Melkonian, professeur à emlyon business school, a partagé le fruit de ses recherches dans un ouvrage très pragmatique dans lequel elle s’attache à expliquer Pourquoi un leader doit être exemplaire.

Manager c’est incarner un « modèle » comportemental

Dans son livre, Tessa Melkonian utilise le terme leader pour refléter la pluralité des figures d’autorité concernées par la question de l’exemplarité. Car c’est dans une relation d’autorité que la notion d’exemplarité prend tout son sens. C’est montrer à travers ses propres comportements ce qui est attendu de ses collaborateurs et le chemin à suivre. Cette définition porte l’image d’un modèle qui s’incarne dans l’alignement de ses comportements avec son discours. Une approche qui revient à l’idée simple de ne pas demander aux autres de faire quelque chose tout en montrant l’inverse. Pour être considéré comme digne de confiance par ses collaborateurs, un manager doit donc non seulement faire la preuve de sa compétence professionnelle, mais il doit également démontrer sa capacité à être exemplaire en toute occasion.

A l’heure où les efforts demandés aux salariés sont de plus en plus importants et où les leviers traditionnels de motivation s’amenuisent (rémunération, évolution professionnelle, sécurité de l’emploi…), l’exemplarité managériale n’est plus une option. Suivre les comportements d’une figure d’autorité est un bon moyen de réduire l’incertitude. Dans ce contexte, plus que jamais, les collaborateurs observent les comportements de leur hiérarchie et de leurs dirigeants pour déterminer s’ils répondront aux demandes d’adaptation et de coopération de l’organisation ou si, au contraire, ils ne feront que le strict minimum…

Pour Gaston Courtois, dans L’art d’être chef (1958) : « … la vie du chef parle toujours plus fort que sa voix et si sa vie est en contradiction avec ses paroles, il y a un illogisme qui scandalise les faibles et révolte les forts ».

Les bienfaits de l’exemplarité…

La recherche a démontré l’impact majeur des figures légitimes d’autorité sur les comportements des salariés, notamment sur leur capacité d’apprentissage, leur état d’esprit et leur volonté de coopérer.

… sur l’apprentissage

En observant les figures d’autorité jugées légitimes, les individus identifient les comportements à adopter et ceux à bannir. Ce phénomène est particulièrement marqué en période d’incertitude et de changement. Le leader permet ainsi aux collaborateurs d’être plus rapidement dans l’apprentissage ou l’adoption du comportement attendu dans une situation donnée, avec un coût cognitif associé plus léger.

« Dans le contexte incertain et instable d’aujourd’hui, il faut adopter des comportements inédits, notamment en matière de créativité, d’autonomie et d’influence. Et pouvoir observer une personne adopter un tel comportement dans son environnement permet à l’individu de penser que c’est réalisable. »

… sur la satisfaction

Les études montrent clairement que dans un contexte de changement générateur d’incertitude pour les individus, repérer de l’exemplarité chez les leaders renforce la satisfaction des équipes et leur capacité à voir le changement de manière positive. Du même coup, l’exemplarité permet de réduire les réactions cyniques face au changement. Sans oublier les dirigeants et membres de comités exécutifs, qui ont eux aussi besoin que le président soit exemplaire quand le changement les concerne...

… sur la confiance et la coopération

Si les salariés se sentent justement traités, ils développent de la confiance vis à vis de l'organisation quant au fait qu'ils peuvent coopérer dans le cadre des changements qui se profilent. L'exemplarité du leader joue alors comme un signal sur le fait que la coopération est la meilleure option. Quand un leader légitime adopte des comportements de coopération, les individus sont beaucoup plus enclins à coopérer et à mettre au second plan leur intérêt personnel à court terme.

Comment cultiver et développer son exemplarité ?

Tout leader est exposé en permanence au regard de ses collaborateurs qui vont sonder s’ils peuvent lui faire confiance et capitaliser sur ses comportements ou s’ils doivent se méfier de lui et se protéger. Cette exposition est renforcée par l’incertitude actuelle et la somme des efforts d’ajustements auxquels tout un chacun est soumis dans les organisations. D’autant qu’avec les réseaux sociaux, les collaborateurs partagent de plus en plus rapidement leurs observations sur les comportements non-exemplaires de leurs leaders. Pour développer son exemplarité, un leader doit donc prendre conscience et accepter cette relation de transparence, fortement intensifiée par les réseaux sociaux.

L’exemplarité repose sur le respect des autres, l’exigence vis-à-vis de soi-même et une forme d’humilité qui encourage le leader à se soumettre aux mêmes exigences que les autres. Pour permettre aux leaders de renforcer leur exemplarité auprès de leurs équipes, Tessa Melkonian propose plusieurs leviers. L’idéal étant bien sûr de les combiner pour un effet positif maximum.

Choisir stratégiquement les comportements sur lesquels être exemplaire

Il est important de garder une forme d’humilité dans l’exercice de l’exemplarité : on ne peut pas être exemplaire sur tout. Il est donc vital pour le leader de choisir stratégiquement les comportements particuliers qu’il souhaite promouvoir auprès de ses collaborateurs et s’astreindre à les incarner au quotidien. Le leader doit s’engager uniquement dans les actions qu’il est en capacité de réaliser. Pour ne par perdre en crédibilité, mieux vaut aligner ses paroles avec ses actes et tenir au maximum ses engagements, ou ne pas s’engager.

Maintenir le lien avec le terrain et être à l'écoute de ses collaborateurs

L’exercice du pouvoir peut faire perdre le sens des réalités même aux plus vertueux. En conséquence, il est important pour tout leader de s’assurer de la présence de garde-fous qui lui permettent de maintenir le lien avec la réalité.

Préserver son écologie personnelle pour consacrer l’énergie nécessaire à l’exemplarité

L’exercice de l’exemplarité demande d’importantes ressources énergétiques au leader. Il doit veiller à préserver son écologie personnelle, c’est-à-dire maintenir le juste équilibre entre ses ressources et ses dépenses énergétiques. Il doit donc identifier les leviers à sa disposition pour maintenir cet équilibre délicat et chaque jour menacé.

Comme le disait Albert Schweitzer, Prix Nobel de la paix en 1952, « l’exemplarité n’est pas une façon d’influencer, c’est la seule ».

Il est donc essentiel de sensibiliser managers et dirigeants à l’impact de leurs propres comportements sur leurs collaborateurs et les effets produits en matière d’engagement. Les leaders doivent donner l’exemple de ce qui est attendu de tous, avec humilité et détermination.

Lorsque l’on franchit la porte du « camp de base » d’Oslandia, en plein cœur de Lyon, on perçoit au premier coup d’œil ce qui fait la spécificité de cette entreprise : quelques postes de travail répartis en hexagone dans un open space , de grandes parois transparentes, un petit salon très cosy où sont installés les invités. Pas de téléphone qui sonne, pas de bruits de conversation, l’ambiance qui règne ce jour-là est particulièrement feutrée…

Je suis accueillie par Jeanne Cartillier, chief office manager (à défaut d’une appellation en français adaptée à la nature et la diversité de ses tâches), dont la mission est d’assurer le bon fonctionnement global de l’entreprise en pilotant notamment l’administration générale, les ressources humaines, les finances et la comptabilité, la communication, mais également l’organisation interne et la vie d’une équipe distribuée… Une fonction que Jeanne assume avec l’appui d’Inès, assistante Office Manager en contrat de professionnalisation, aux côtés de Vincent Picavet, cofondateur et CEO de l’entreprise, à partir du « camp de base » de Lyon.

Je reviens volontairement sur cette appellation de « camp de base », recueillie dans la bouche même de Jeanne, qui marque la singularité d’Oslandia. Et pour bien comprendre ce que traduit cette idée, j’ai cherché à quelle définition elle se rapportait… Après avoir écarté les notions de « lieu de stationnement d'une unité militaire » ou de « campement où l'on plante sa tente », je me suis arrêtée sur une définition bien plus conforme à l’environnement tel que je le découvrais : « partie, par opposition à une ou plusieurs autres parties »… Car ce « camp de base » n’est qu’une petite partie d’Oslandia ; le socle d’une « équipe distribuée », organisation très répandue dans le secteur de l’IT. Secteur dont est issue l’entreprise, spécialisée dans l’architecture de Systèmes d’Information Géographiques et le développement de logiciels cartographiques open source.

Pour comprendre le choix de cette organisation, il faut revenir à la création d’Oslandia, en 2009, par deux cofondateurs situés l’un à Paris et l’autre à Chambéry. Le travail à distance s’est naturellement imposé du fait de l’éloignement géographique des deux associés mais aussi comme un modèle d’entreprise naturel pour des profils de développeurs rompus au travail nomade. Depuis lors, la totalité des recrutements des fonctions de production (profils d’ingénieurs-développeurs) est assurée en 100% télétravail.

Si le recours au télétravail est courant dans l’IT, car il permet notamment d’attirer les meilleurs talents, quel que soit leur lieu de vie, et ainsi de consolider une richesse d'expertise ; les équipes qui travaillent 100% à distance sont néanmoins encore relativement rares. Et pour cause… L’impact de ce modèle est certes inestimable en termes d’agilité et de liberté d’action ; pour autant, il nécessite un cadre extrêmement structurant et une exigence suprême en matière d’organisation.

Un idéal d'ouverture et d'autonomie

Forte de 10 ans d’existence, Oslandia est une PME mature. Une maturité éprouvée jusque dans ses effectifs, dont la moyenne d’âge est de 35 ans, qui permet à l’entreprise de partager une vision et un socle de valeurs communes, fondés sur la responsabilité et l’autonomie.

L'équipe d'Oslandia s'est habituée au fait que l’entreprise soit régulièrement rangée du côté des startups dans les salons, et cela fait sourire : « Nous ne sommes pas une startup, non seulement du fait de nos dix ans d’existence, mais également car nous ne sommes pas dans une logique de levée de fonds. Notre modèle est celui d’une PME en croissance raisonnée. »

En qualité d’éditeur et d’expert en logiciels open source, Oslandia contribue activement à l’évolution des logiciels cartographiques libres et s’engage dans la communauté open source, via ses projets clients mais également par une politique d’entreprise affectant 10% du temps de travail de ses collaborateurs (soit environ 20 jours par an) à de la contribution open source laissée au libre choix de chacun.

La dimension open source chez Oslandia constitue à la fois un socle de valeurs communes, un modèle économique et un cercle vertueux qui favorisent l’excellence technique et l’émulation grâce à des modes de fonctionnement comme l’évaluation par les pairs (Peer Review).

« La culture open source façonne un état d’esprit d’humilité car elle encourage la contribution individuelle à un bien commun. Chez Oslandia, cela se traduit notamment par une posture d’ouverture à la discussion, à l’argumentation, et son corollaire : l’écoute et la capacité à se laisser convaincre. »

Libérer l'agilité avec le télétravail

Le télétravail participe aussi pleinement à un cadre de confiance revendiqué par Oslandia. Concrètement, le télétravail s’illustre par une auto-organisation du temps de travail et des horaires flexibles, à travers le forfait jour fixé par accord d’entreprise, qui offrent une grande liberté aux collaborateurs pour concilier leur vie professionnelle et personnelle. Le travail à distance est un aiguillon incitant à défricher et tester sans cesse de nouvelles méthodes de collaboration pour tendre vers l’efficience.

« C’est très stimulant car on invente des modes de fonctionnement adaptés à nos besoins au fur et à mesure qu’ils se dessinent, avec parfois des zones grises juridiques avec lesquelles nous devons composer ! Le télétravail est un défi quotidien à partir duquel nous avons bâti notre modèle managérial. Une hygiène de travail qui nous oblige à penser notre organisation avec le maximum d’attention. »

Chez Oslandia, l’autonomie et la responsabilisation de chacun des collaborateurs et collaboratrices s’adosse à un cadre et des process structurants, au prix d’une exigence forte. L’organisation et l’animation d’une équipe distribuée est synonyme de véritables défis managériaux, parmi lesquels : la cohésion d’équipe au quotidien, ainsi que le partage de l’information et la transparence.

L'attention au service de la dimension humaine et collective

Dans le cadre d’une organisation basée à 100% sur le travail à distance, sans interactions régulières en présentiel, comment permettre de tisser des liens étroits entre les collaborateurs et collaboratrices ? Le premier enjeu pour l’entreprise est donc de souder l’équipe autour de valeurs communes et de créer les conditions d’une interconnaissance approfondie et d’échanges réguliers, formels et informels, pour nourrir l’esprit d’équipe.

Si l’attention à la dimension humaine et collective est au cœur du modèle d’organisation en télétravail d’Oslandia, cette attention cultivée en continu est centrale dans les missions de Jeanne. Cela se traduit par une palette de rendez-vous et rituels aux objectifs complémentaires et structurants.

Les « sessions corpo », des séminaires résidentiels dans des lieux d’exception « au vert » qui réunissent trois fois par an l’ensemble des collaborateurs et collaboratrices, en constituent la pierre angulaire. D’ailleurs, sauf cas de force majeure, personne ne manque à l’appel de ces quatre jours intenses de cohésion et de co-production autour du projet d’entreprise.

« Les « sessions corpo » demandent un gros travail de préparation pour passer au tamis les sujets prioritaires à aborder que ce soit au niveau stratégique, technique, organisationnel… pour stimuler l’intelligence collective et coproduire des feuilles de route opérationnelles sur chacun des thèmes abordés. »

Indépendamment des temps de détente et de convivialité, chaque session se déploie autour de séquences rituelles qui constituent des repères dans la culture du travail en équipe :

Lorsqu’exceptionnellement un collaborateur vient à manquer à l’appel de ce temps fort de la vie de l'entreprise, un binôme se voit confier la mission de réaliser un vlog (courte vidéo) rétrospectif de chaque journée, mémoire vivante du séminaire.

L'équipe Oslandia réunie en "session corpo".

Ces « sessions corpo » sont précieuses pour consolider le sentiment d’appartenance et booster la motivation sur la durée. Pour autant, elles doivent être complétées de rituels de communication interne qui viennent jalonner le quotidien à distance, amplifier la fonction d’écoute et accompagner au jour le jour les besoins de chacun.

« Nous sommes attachés aux rituels quotidiens comme se dire bonjour le matin et au revoir en fin de journée sur le chat de l’équipe ».

Des rituels qui, chez Oslandia, peuvent prendre la forme de « pauses café virtuelles » lancées de façon inopinée par un collaborateur via le chat et auxquelles toute personne peut se joindre en fonction de ses disponibilités, comme nombre de salariés ont coutume de le faire autour de la machine à café…

Comme le souligne Jeanne : « Un des risques clairs du télétravail avec forte autonomie et responsabilisation des collaborateurs est le surinvestissement. Nous devons redoubler d’attention, notamment dans les phases de fin de sprint et de fin projet, où la gestion du temps peut être génératrice de stress, a fortiori quand on est seul devant son ordinateur. La fréquence des pauses café virtuelles est à ce titre un excellent indicateur du niveau de pression et de plan de charge de l'équipe ».

Pour appréhender les éventuels problèmes liés à la charge de travail, ou aborder toute question individuelle relative à l’activité, Jeanne anime tous les vendredis matin les « rendez-vous prise de pouls », un dialogue ouvert d’un quart d’heure avec chaque collaborateur. Menés en visioconférence, ces temps de discussion et d’écoute sont essentiels pour interroger les besoins de chacun et apporter du soutien le cas échéant. Sur les volets connaissance de soi et des autres, et communication interpersonnelle, l’entreprise est par ailleurs accompagnée par une psychologue-coach depuis plusieurs années.

Pour que ces temps d’échanges soient fluides et efficaces, et l’organisation optimisée, Oslandia a sélectionné avec exigence les outils de partage et de communication que sont wiki, chat, visioconférence… Des outils essentiels pour le travail en mode collaboratif et précieux au regard de la politique de transparence totale de l’entreprise tant sur l’activité commerciale que sur l’activité de production.

« Chez Oslandia, tout est très documenté, dans une logique de versioning chère à la production du code informatique et qui s’applique à tout type d’échange documentaire. Une activité qui génère en moyenne 50 à 100 notifications par jour ! On doit donc être très attentifs au « signal bruit » et à la charge mentale générée par ce souci de transparence ».

Au terme de cet entretien avec Jeanne Cartillier, deux mots se sont instantanément imposés pour traduire la nature du modèle organisationnel singulier d’Oslandia : « attention » et « humilité ». Une attention aux processus et aux signaux faibles pour contrecarrer et traiter le plus finement possible les défis quotidiens posés par le travail à distance. Et une humilité incarnée par un effort continu pour remettre le travail sur l’ouvrage, afin d’adresser de façon agile les problématiques d’une organisation vivante comme celle d’Oslandia.

Que vous soyez collaborateur ou manager, vous avez nécessairement éprouvé ce souffle d’énergie positive que procure un acte de reconnaissance. Un sentiment puissant et stimulant qui touche aussi bien l’émetteur que le récepteur et qui confère à la reconnaissance un pouvoir unique. A la frontière entre don et devoir, la reconnaissance s’impose aujourd’hui comme un outil de management à part entière avec ses pratiques et ses règles. Un outil qui mérite d’être lui aussi reconnu par tous les acteurs de l’entreprise et déployé à tous les niveaux hiérarchiques.

« Le pouvoir de la reconnaissance au travail » est admirablement décrit dans un ouvrage signé Jean-Pierre Brun et Christophe Laval. On y découvre que la notion de reconnaissance est bien plus large qu’on ne peut l’imaginer et qu’au-delà des augmentations de salaires ou des primes, il existe une multitude de pistes pour développer la motivation individuelle et la mobilisation collective. Pour les auteurs, il existe peu d’outils RH qui ont un aussi large éventail de retombées positives.
En effet, la reconnaissance :
- agit sur la motivation au travail, sur l'engagement et l'autonomie des personnes ;
- améliore le bien-être ;
- favorise une culture organisationnelle saine ;
- génère de la fierté et un sentiment d’appartenance.

Ce livre a pour objectif de démontrer que la reconnaissance a un pouvoir sur l’estime de soi, le bien-être, la santé, mais également sur l’investissement dans le travail, l’efficacité du travail, la productivité et donc la performance des organisations. Un ouvrage tourné vers l’action qui aborde 30 facettes de la reconnaissance au travail et qui s’adresse tant aux managers, aux employés, aux responsables de ressources humaines qu’aux dirigeants d’entreprises.

« La reconnaissance peut se comparer au couteau suisse du management. »

Pour se sentir reconnu, être bien payé ne suffit pas !

On constate une divergence persistante entre la perception qu’ont les dirigeants et les salariés des facteurs de motivation. Les études montrent que pour les dirigeants, les salariés sont motivés par le salaire, alors que les salariés se disent motivés par l’appréciation du travail accompli. Quand les patrons disent que leurs collaborateurs sont reconnus car ils sont bien payés, il faut leur rappeler que la rémunération est seulement la contrepartie du travail prévue dans le contrat et que la reconnaissance est tout autre chose… Une augmentation de salaire motive quelques semaines seulement ; il faut donc trouver d’autres leviers que la rémunération.

Aujourd’hui, les ressources financières sont plus rares et on observe qu’en entreprise, les incitatifs financiers sont minces, voire nuls ou distribués à tour de rôle. A tel point que le système de rémunération, qui était une source de motivation, devient une source de démotivation pour certains, ou une dimension du travail qui ne suscite aucune attente.

Il est de plus en plus clair que la rémunération est surtout liée à l’idée de s’assurer d’avoir un niveau de vie en rapport avec son travail ; alors que les besoins de reconnaissance, eux, doivent être comblés par d’autres leviers organisationnels. Bien sûr, il faut s’assurer de l’équité interne et externe en matière de rémunération. Mais en plus d’une rémunération acceptable en échange de leur travail, les salariés attendent un management efficace, des perspectives de carrière et de la reconnaissance.

Développer une culture de la reconnaissance

Pour être efficace, la reconnaissance au travail doit donc être partie prenante de la stratégie de l’entreprise et doit faire l’objet d’un investissement humain à tous les niveaux. La reconnaissance est d’abord et avant tout un devoir humain, elle n’est pas liée à un statut ou à une position hiérarchique dans l’entreprise. Elle n’est pas à sens unique, ni réservée à un groupe restreint de personnes que l’on doit motiver alors que d’autres n’en auraient pas besoin. Elle doit concerner tout le monde.

« Le manager doit reconnaître ses collaborateurs, les collaborateurs doivent se reconnaître entre eux ; ils doivent aussi reconnaître leur manager et le dirigeant doit reconnaître ses managers… »

En fait, l’approche doit être systémique :
- tenir compte des besoins personnels des personnes pour prendre soin de leur bien-être ;
- améliorer le climat de l’équipe pour offrir un environnement où il fait bon travailler ;
- encourager le soutien de la hiérarchie et entre collègues ;
- offrir les moyens et les ressources pour permettre aux personnes de bien faire leur travail ;
- faire en sorte que les dirigeants de l’entreprise expriment clairement et avec authenticité de la reconnaissance et de la considération envers leurs salariés.

Reconnaître la reconnaissance au travail

Une entreprise ne part jamais de zéro en matière de reconnaissance. Pour mieux valoriser la reconnaissance au travail dans son organisation, commencer par identifier les pratiques existantes. Il s’agit de cartographier la culture de la reconnaissance au travail. Pour faire cette cartographie, rassembler entre huit et dix personnes qui auront pour mission de faire un premier recensement des pratiques de reconnaissance en fonction des quatre principales formes de reconnaissance dont voici quelques exemples.

Une fois la cartographie complétée par le groupe de travail, la faire valider par un cercle élargi de collaborateurs afin de s’assurer qu’elle fait consensus. Une fois l’inventaire validé, il peut être édité sous la forme d’une plaquette qui sera diffusée à l’ensemble du personnel et remise aux nouveaux arrivants avec le livret d’accueil.

Dans reconnaître, il y a connaître

Pour reconnaître ses collaborateurs, il faut les connaître et donc être capable d’identifier leurs attentes personnelles en matière de reconnaissance. Car la reconnaissance s’exprime à travers des relations humaines et des processus peu formels. Il est préférable de favoriser l’expression de la reconnaissance en face à face et de faire un usage modéré de la reconnaissance publique. Les moments privilégiés entre manager et collaborateur, tels que les entretiens annuels, peuvent être l’occasion de solliciter chaque membre de son équipe sur ses besoins de reconnaissance. Une autre option, consiste à donner à ses collaborateurs l’opportunité d’échanger entre eux sur leurs attentes en la matière.

Pour être authentiques et sonner juste, les gestes de reconnaissance doivent cadrer avec ses propres valeurs. L’impact sera d’autant plus fort, s’ils sont exprimés dans un délai court et s’ils soulignent le plus précisément possible une réalisation, un effort ou un événement particulier.

Utiliser la reconnaissance comme levier de performance

Pour être considérée comme crédible, authentique et donc avoir de l’impact, la reconnaissance doit être manifestée de façon proportionnée. Il est donc indispensable de porter un jugement sur ce qui est bon ou moins bon, bien ou mal, adéquat ou inadéquat, efficace ou inefficace. Il faut viser l’équité, pas l’égalité.

« Reconnaître un salarié, c’est aussi lui dire ce qui ne va pas. »

Parler de ce qui ne va pas, avec bienveillance, favorise l’apprentissage et permet à la personne de s’améliorer. C’est le rôle du manager de poser un jugement critique sur le travail de l’un de ses collaborateurs et de s’assurer de la qualité du travail ou du service. Il est de la responsabilité de l’organisation d’aider les personnes à s’améliorer. Offrir de l’aide, c’est aussi reconnaître la personne. Cela permet de montrer que l’on souhaite investir sur elle et que l’on croit en ses capacités à se développer pour améliorer une situation.

« L’expérience montre que dans tous les cas, il y a un retour de l’ascenseur : une personne qui reconnaît est reconnue à son tour ! »

Les personnes qui font un bon usage de la reconnaissance au travail sont considérées comme possédant des qualités sociales fortes et génèrent un sentiment de confiance, de loyauté et un désir de travailler à leur côté.

Lorsque j’ai lancé mon moteur de recherche sur le sujet de la vérité, sans surprise, j’ai trouvé de nombreux articles sur l’approche philosophique de la vérité, mais aucun sous le registre de l’entreprise. C’est dire si la proposition de Jean-Jacques Montlahuc, dans son ouvrage Se dire la vérité en entreprise, est singulière. Singulière mais frappée au coin du bon sens, à l’heure où les dirigeants doivent s’inscrire dans l’un des plus grands défis de notre société contemporaine : requalifier la place de l’homme dans son rapport au travail, au cœur d’une entreprise bousculée par les nouveaux usages et la nécessité de se transformer toujours plus vite, toujours plus loin. Face aux nombreuses inconnues qui déstabilisent les organisations, l’enjeu pour les dirigeants et les managers est d’instiller la confiance à travers un cap clair, stimuler la fierté d’appartenance et créer les conditions d’une saine coopération. Dans ce contexte, existe-t-il valeur plus forte que la vérité pour mettre en lien et en mouvement les acteurs de l’entreprise ?

Pour Jean-Jacques Montlahuc : « S’intéresser à la vérité, c’est répondre à des enjeux plus que jamais d’actualité : clarifier les contributions, donner du sens, accélérer l’engagement et, par ce biais, augmenter la performance individuelle et collective. »

La vérité n’est pas une finalité mais un cheminement, un véritable cercle vertueux qui sert la performance de l’entreprise. Et si une telle approche naît généralement sous l’impulsion du dirigeant, elle est une démarche puissante pour accompagner des changements au sein d’une organisation.

La vérité, une démarche simple et puissante

« La vérité, c’est ce qui simplifie le monde et non ce qui crée le chaos», Antoine de Saint-Exupéry

Pratiquer la vérité en entreprise est un vecteur de lien et d’opportunités pour tous les acteurs en présence. En premier lieu, être en vérité avec les autres est une ligne de conduite qui engage personnellement, car elle exige du courage, de la détermination et beaucoup d’humilité. C’est oser parler de son expérience personnelle et de sa représentation de la réalité, c’est aussi oser partager son opinion et son ressenti avec sincérité face à une situation.

La vérité d’un système émerge ensuite par la rencontre de vérités individuelles. Nous avons tous déjà expérimenté, dans le cercle professionnel comme dans le cercle privé, combien la vérité de l’un appelle inconditionnellement la vérité de l’autre. Et pour être vertueuse, cette posture requiert des dirigeants, directeurs, managers qu’ils reconnaissent leurs collaborateurs dans leur singularité, leurs forces et leurs faiblesses.

Comme le rappelle J-J. Montlahuc : « Dans la mesure où elle permet des relations directes et franches, une circulation de la parole plus libre, la vérité est également une source réelle d’harmonie dans les relations interpersonnelles. Dire et se dire la vérité favorise une vision partagée et permet de faciliter les relations, de travailler de façon ouverte et de « faire corps » à l’égard des enjeux communs à tous. »

La vérité libère, la parole, les peurs, les émotions. Elle décongestionne et met en lumière la réalité des problèmes rencontrés, voire les dysfonctionnements, parce qu’elle autorise l’expression des besoins, la révélation pour chacun de ses envies et de ses fragilités. La démarche conduit également à une simplification des relations dans la mesure où tout peut être dit, dans la bienveillance et au moment opportun.

« La démarche de vérité conduit les individus à oser. Oser faire des propositions puisque tout est « entendable ». Oser essayer puisqu'il est autorisé d’essayer et de se tromper. Cet alignement et cette absence de peur de se tromper génèrent alors une puissance d’audace et de créativité qui sont au service de l’entreprise et de l’individu. »

Certes, la vérité ne peut pas tout résoudre mais elle est une condition essentielle pour construire et mobiliser l’intelligence collective du groupe, moteur de performance des entreprises, en donnant du sens aux décisions prises et aux actions engagées.

Comment dépasser les obstacles à la vérité en entreprise ?

La vérité est exigeante, elle nous met face à nos rigidités, sources de dysfonctionnement et de souffrance en entreprise ! Agir en vérité impose donc de porter un regard honnête sur soi-même et sur les autres, être lucide face à ses peurs et ses blocages. Le manager doit être exemplaire, s’accepter et accepter les autres dans leur authenticité.
Il est donc essentiel de considérer les résistances de nos collaborateurs comme des informations à prendre en compte, comme l’expression d’un besoin à satisfaire pour créer une relation constructive de coopération.

Pour J-J. Montlahuc : « Nos rigidités sont de véritables protections qu’il ne s’agit pas de nier, mais de chercher à contourner en construisant des espaces de discussion sécurisés, dans lesquels nos vérités, et en particulier nos peurs, peuvent être exprimées et accueillies. Car si elles ne sont pas canalisées, nos rigidités finissent, à plus ou moins long terme, par parasiter la vie de l’équipe. Les jeux de pouvoir deviennent alors l’enjeu numéro un de la vie de l’équipe. »

Les jeux de pouvoir dont nos entreprises sont trop souvent le théâtre, et qui nuisent à l’épanouissement de la vérité, ont un lien direct avec le besoin d’asseoir son autorité, voire de pallier son manque d'autorité. En revanche, plus l’autorité est forte et saine, plus elle autorise l’accès à un espace de vérité. La place de la vérité dans les organisations dépend donc de notre rapport au pouvoir et à l’autorité. Et il n’existe pas de contradiction entre la pratique de la vérité et l’autorité. Au contraire, lorsqu'un manager crée un espace de vérité, il favorise le développement des membres de son équipe. Il est ainsi plus légitime et renforce son autorité.

Comment expérimenter la démarche de vérité en entreprise ?

La démarche de vérité en entreprise est une méthode globale et progressive. Sa réussite suppose un changement de regard sur l’organisation et la mise en œuvre d’un véritable projet managérial. Car moins que l’acquisition de techniques ou de savoir-faire, elle requiert l’appropriation d’une nouvelle posture qui appelle un travail sur son savoir-être relationnel, individuel et collectif.

Pour que cet engagement de vérité ne soit pas qu’une belle promesse ou un effet de communication, il faut proposer un nouveau « contrat social » aux équipes qui remplisse trois conditions. Tout d’abord, une volonté politique portée par le top management, dans un esprit de co-construction avec les équipes. Ensuite, une cohérence entre les enjeux organisationnels et humains. Car le management « en vérité » doit répondre à des enjeux humains tels que les besoins de reconnaissance, de bien-être au travail ou de sentiment de contribution, mais également à des enjeux organisationnels qui sont de partager une même ambition et servir un projet d’entreprise, fidéliser et embarquer les équipes. Enfin, toute démarche de vérité nécessite de s’appuyer sur des instances de régulation sécurisées dans lesquelles l’incarnation du projet pourra se vérifier, voir s’ajuster.

Ce nouveau contrat s’appuie sur une démarche articulée autour de huit principes validés et mis en œuvre :

La relation de vérité se construit dans le temps. Trois années sont nécessaires pour installer le concept et l’intégrer dans une pratique régulière.

La vérité est un chemin et une belle aventure qui relie ceux qui le suivent. Alors, laissez-vous conduire par la vérité. Elle vous surprendra !

Dans sa définition, action de participer à une œuvre commune, la coopération ne traduit-elle pas l’origine même du travail ? Le travail est collectif, il tend vers un projet commun partagé au sein d’une organisation et la reconnaissance de chacun comme participant à cette œuvre commune. Le défi de l’entreprise aujourd’hui est de promouvoir la relation de coopération entre tous les acteurs de son écosystème : ses clients, ses salariés et ses actionnaires.
Telles sont les conclusions du colloque organisé en janvier 2018 par le Collège Supérieur et le cabinet Pleins Talents, dont les Actes ont été publiés dans un ouvrage intitulé L’art de coopérer, manager l’entreprise de demain.

Pourquoi la coopération est-elle indispensable ?

Dans une société faite d’incertitudes et de complexité, où l’environnement de travail est de plus en plus tendu, la coopération s’impose comme un acte de bienveillance entre individus d’une même entité. Elle devient une ressource clé dans un nouveau modèle d’entreprise soucieux de son impact sociétal.

« Quand on considère ces écosystèmes qui sont les organisations de travail, quand on mesure leurs impacts psychologiques, on demande que les systèmes soient plus résilients, et pour qu’ils soient plus résilients, il faut qu’ils soient davantage fondés sur la coopération » souligne Bruno Roche, philosophe et directeur du Collège Supérieur.

Au sein de l’entreprise, le développement des relations de ressemblance s’impose comme une réponse, une réassurance face à un état de changement permanent et des réorganisations successives qui mettent à mal le collectif. Derrière ces relations de ressemblance se développe un sentiment irrésistible d’égalité. Egalité des conditions de travail, égalité des processus de reconnaissance. Avec un besoin de discuter entre égaux et de mettre le débat au-dessus de l’autorité.

Le consentement prend également une place prépondérante dans la société. Dans l’entreprise, dans la famille, dans le couple, on ne peut plus obliger quelqu’un à faire quelque chose en quoi il n’a pas consenti. Un consentement érigé en totem et associé à la question du sens. Désenchantés par un sens introuvable au niveau global de l’organisation, chacun va ainsi produire sa structure de sens localement, dans son collectif de travail.

Pour Bruno Roche : « Coopérer, c’est toujours coopérer localement, donner du sens localement, parce que cela suppose une relation vivante, une étreinte commune du réel. »

Comment créer les conditions de la coopération ?

La coopération ne s’impose pas, elle s’invite. Et le premier fondement de la coopération est le partage d’un objectif commun, une œuvre à bâtir ensemble, une aventure à vivre en équipe.

« Qui dit coopération dit recherche d’une unité de vue, de moyens, d’objectifs, d’aspirations pour arriver à quelque chose » selon François Morinière, président du directoire du Groupe Labruyère.

Cette œuvre commune donne une finalité que l’on peut célébrer. Une réussite collective dans laquelle chacun se reconnaît, dans laquelle chacun identifie sa contribution, exprime ses talents, développe ses compétences, exerce ses responsabilités… Car dans chaque réussite collective, se dévoile une réussite individuelle.

Pour Thierry de La Tour d’Artaise, PDG du Groupe SEB : « L’enrichissement personnel naît de ce qu’on apprend par soi-même en participant à une œuvre collective. »

Cette œuvre commune va renforcer un lien essentiel à la coopération, le lien de confiance. La confiance doit être un prérequis en entreprise. Elle engage et favorise naturellement la coopération entre les collaborateurs dans le sens où elle donne une vision positive et optimiste de l’avenir. La confiance libère le dialogue au sein du collectif et ouvre des perspectives d’innovation et de performance.

Toutefois, la confiance et le dialogue nécessitent des règles de vie. Partageons-nous les mêmes règles pour ajuster nos relations ? Quelles règles nous-donnons-nous pour que nos échanges soient sereins et efficaces ? La coopération se fonde sur des règles claires, sur lesquelles on ne transige pas et partagées par tous.

Quel est le rôle du manager dans la coopération ?

Derrière, la vision, la confiance, les règles et l’équité, il y des managers qui incarnent une autorité et qui orientent dynamiquement les membres d’une communauté humaine vers le bien commun qu’ils poursuivent.

Pour Xavier Cail d’Artemare, fondateur de Pleins Talents : « Le chef, le patron, le manager est celui qui porte la responsabilité de l’équipe et qui veille à créer les conditions pour que chacun donne le meilleur. Celui qui échauffe le désir de ce bien commun. Celui qui guide, entraîne et soutient. Celui qui exerce son autorité pour faire progresser ses collaborateurs. Celui qui crée les conditions de la coopération pour mieux servir les clients. Celui qui institue les règles qui donne intérêt à bien faire. Celui qui reconnaît les services rendus, la contribution singulière, l’engagement du collaborateur, les mérites. »

Cela suppose que le manager connaisse les hommes et les femmes qui constituent le collectif de travail et pour chacun, ses talents et ses limites. Cela suppose également qu’il soit en mesure de discerner le possible du nécessaire.

« Un chef est celui qui n’agit pas seul mais qui agit en collaboration avec les autres. Il n’est pas celui qui fait tout mais il est celui qui veille sur tout » selon Pierre Durrande, philosophe.

La coopération demande une attention permanente et le rôle du manager consiste à la privilégier, l’encourager et la reconnaître pour que tout le monde y gagne.

A la lumière des conclusions de l’étude de l’assureur Malakoff Médéric sur l’absentéisme, je viens de mettre un nom sur un phénomène que nous côtoyons tous, et que nous pratiquons pour certains, le présentéisme.
Le présentéisme désigne un comportement qui prend de plus en plus d’ampleur dans le monde du travail. Cela consiste à venir travailler malgré un état de santé dégradé qui peut être lié à différents facteurs : insatisfaction au travail, fatigue extrême, surinvestissement…et qui aurait mérité de s’arrêter. Ce comportement peut aller jusqu’à l’inobservance des arrêts maladie. Selon Malakoff Médéric, 23% des salariés ont renoncé à leur arrêt de travail en 2018, contre 19% en 2016 ! Le présentéisme touche plus largement les cadres et les dirigeants, par « déni de fragilité », par crainte du regard des autres ou tout simplement pour éviter de reporter le poids de son travail sur les autres membres de l’équipe.

« Le présentéisme est souvent le révélateur de dysfonctionnements organisationnels : définition imprécise ou excessive des missions et objectifs, mauvaise répartition de la charge de travail, organisation des tâches déficiente, effectifs insuffisants...» selon l’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail)

Si venir travailler en étant malade réduit le taux d’absentéisme sur le court terme, les conséquences sur le long terme peuvent être plus lourdes avec le risque de devoir faire face à des pathologies et des épuisements plus graves nécessitant un arrêt maladie supérieur à 30 jours.
Le présentéisme apparaît donc comme les prémisses de l’absentéisme. Pour prévenir ce phénomène, il convient d’en comprendre les caractéristiques et les manifestations, au plus près du terrain, afin d’agir efficacement sur les mécanismes qui conduisent à ce phénomène.

Aux mêmes maux les mêmes remèdes

Pour le présentéisme, comme pour l’absentéisme, le rôle et les conditions de travail ne doivent jamais être sous-estimées, les causes étant toutefois spécifiques à chaque entreprise. Si l’absentéisme génère désorganisation et dysfonctionnements au sein de l’entreprise, il est aussi un révélateur de l’état de santé des salariés et de l’impact des conditions de travail sur celui-ci.
C’est la raison pour laquelle, l’ANACT sensibilise les organisations afin qu’elles fassent de l’absentéisme un objet de préoccupation partagé qu’il devient ainsi possible de prévenir et de réduire.

« L’absentéisme caractérise toute absence qui aurait pu être évitée par une prévention suffisamment précoce des facteurs de dégradation des conditions de travail entendus au sens large : les ambiances physiques mais aussi l’organisation du travail, la qualité de la relation d’emploi, la conciliation des temps professionnel et privé,… »

Définir le profil de l'absentéisme dans l'entreprise

Chaque entreprise présente un profil particulier d’absentéisme que les indicateurs permettent de dresser. Outre le calcul du taux d’absentéisme, il convient donc d’analyser la durée moyenne des absences par salariés pour être pertinent et de vérifier la progression des absences dans les 3 à 5 dernières années. Il est également nécessaire de recouper ces informations avec d’autres critères : âge et sexe des salariés, type de poste et de métier, situation personnelle, distance domicile-travail… Ces hypothèses permettent d’approcher la situation spécifique de l’entreprise.

« Un absentéisme court peut caractériser une entreprise qui fait face à des surcharges de travail ou à des restructurations ponctuelles ou mal vécues. Un absentéisme plus long et avec une fréquence plus faible pourrait indiquer un vieillissement de la population salariée et la possible apparition de pathologies en lien ou non avec l’environnement professionnel. »

Selon l’ANACT, l’absentéisme comporte plusieurs aspects : administratifs, économiques, sociaux et sanitaires. Il est révélateur du fonctionnement de l’organisation, de son attrait pour les salariés mais aussi de l’état de santé global d’une population donnée et de ses caractéristiques. D’où l’importance de recourir à une démarche collective réunissant les acteurs pertinents : la direction, les services RH, les services opérationnels, l’encadrement de proximité, le personnel et ses représentants, la médecine du travail. Pour mener un bon diagnostic et appréhender des solutions concrètes et efficaces, il faut favoriser une démarche participative et pluridisciplinaire en 6 étapes :

  1. Recenser et réunir les acteurs afin d’enclencher une démarche participative,
  2. Mettre en place un groupe de travail paritaire par exemple avec le CHSCT,
  3. Proposer un programme pour ce groupe :
    - Mesurer l’absentéisme à l’aide d’indicateurs pertinents,
    - Analyser les causes, produire et valider des données chiffrées,
    - Proposer un plan d’actions cohérent dans la durée visant à remédier aux causes principales,
    - Informer et sensibiliser régulièrement l’ensemble des salariés sur les résultats du groupe de travail et les actions engagées.
  4. Mettre en mouvement l’ensemble de la chaîne managériale (sensibiliser, former, fixer des objectifs…),
  5. Réunir le groupe de travail avec régularité pour faire le point sur les progrès réalisés,
  6. Communiquer à partir des résultats obtenus et faire bénéficier les salariés des économies réalisées du fait de la baisse de l’absentéisme.

Pour aller plus loin dans la démarche, je vous invite à télécharger le guide de l’ANACT « 10 questions sur l’absentéisme ».

Connaissez-vous la fable du hamster et du (vilain) petit canard ?

Un hamster occupait ses journées en longues siestes et collectes de graines. Toutefois, son activité favorite consistait à courir énergiquement dans une grande roue qui trônait au milieu de sa cage. Curieux de nature, son attention fût un jour attirée par un faible craquement à proximité de sa cage. Là, il découvrit un œuf énorme en train de se fissurer. Au bout de quelques heures, un bec jaune-orangé fit son apparition, puis une tête, et enfin, le corps tout entier émergea de la coquille.

Le hamster n’avait jamais vu un oiseau aussi laid, avec son grand corps et son plumage gris hirsute. Les deux bêtes s’ignorèrent un long moment, le hamster trop occupé à poursuivre sa course folle et l’oiselet épuisé par son éclosion. Finalement, après avoir repris ses esprits, l’oiseau s’adressa au hamster : « Vers quoi cours-tu dans ta roue ? ». Le rongeur, tout à sa course, l’ignora copieusement. Mais l’oiseau insista : « Eh, oh ! Ne t’arrêtes-tu jamais de courir ? ». Et le hamster de lui répondre, haletant : « Tu vois bien que je suis occupé là ! Je n’ai pas le temps de bavarder. » Ainsi rabroué, l’oiselet mis un peu d’ordre dans ses plumes et agita ses ailes naissantes, comme pour en tester l’usage. Et sans cesser de courir, le hamster continua de l’invectiver : « Ne peux-tu pas aller secouer tes plumes ailleurs ? Tu ne vois pas que tu me déranges ? » Et l’oiseau, piqué au vif, de lui répondre : « Te voilà bien agacé ! Oublie ta mauvaise humeur. Sors de ta cage et viens prendre l’air avec moi. » « Mais pour qui te prends tu avec ton cou étroit et tes pattes palmées ? » éructa le hamster. « Tu serais incapable d’aligner deux tours de roue sans trébucher… » Alors même que le hamster enchaînait ses sarcasmes, il fut subitement interrompu par le frottement de dizaines de paires d’ailes. Et l’oiselet prit son envol pour rejoindre une nuée immaculée de cygnes et disparaître au loin dans le ciel, laissant le rongeur perplexe en tête-à-tête avec sa roue.

Alors, la morale de cette histoire…

Evidemment, toute ressemblance avec des personnes existantes n’est pas fortuite… Est-il bien utile de préciser la morale de cette histoire ?

Nombre de managers se reconnaîtront dans la caricature de ce hamster, étourdis par la course effrénée du travail désincarné, vidé de son sens. Et pourtant, il nous reste la possibilité de changer de rôle et de devenir ce majestueux cygne, l’oiseau libre. Ou peut-être vous reconnaissez-vous plutôt dans le petit colibri qui veut faire sa part, ou le grand albatros qui voyage au gré des esquifs… Quel que soit l’oiseau que vous incarnez, il est temps de sortir de votre coquille, de déployer vos ailes et de prendre votre envol vers la Cité du travail libéré.

Cette cité n’est pas une utopie. C’est un espace ouvert à tous les managers qui souhaitent apprendre ou réapprendre la nature du travail « bien fait ». Celui qui inspire, celui qui engage, celui qui relie les collaborateurs de l’entreprise.

Cette cité, je l’ai trouvée par hasard, après m’être perdue… Égarée dans un dédale : baisses de ressources, attentisme, agitations vaines, injonctions contradictoires, injustices organisationnelles... Autant de murailles infranchissables pour un hamster épuisé par sa course sans fin. Mais lorsque l’on change de perspectives… on déploie ses ailes, on prend de la hauteur, et sortir de ce labyrinthe devient possible, comme découvrir, au-delà de ces murailles, le pouvoir de la Cité du travail libéré.

Soyez les bienvenu(e)s et suivez le guide...

Les organisations sont marquées par de nombreuses incertitudes, tant économiques que managériales. Le changement est devenu la règle et il faut s’adapter continuellement. Dans ce contexte, les solutions aux problèmes ne peuvent s’élaborer que dans un effort commun, par le partage de l’information, par un dialogue permanent pour confronter les objectifs stratégiques avec les réalités opérationnelles.

Pourquoi est-il important pour chacun de parler de son travail ?

Parler de son travail est un besoin essentiel dans son activité professionnelle. Cela participe à une meilleure régulation collective, en discutant avec ses collègues et/ou son manager du décalage entre le travail prescrit et le travail réel. Cela favorise la reconnaissance de son travail, ainsi qu’une dynamique de développement professionnel, en prenant conscience des compétences acquises par l’expérience du travail. Et bien évidemment, cela permet de résoudre des problèmes ponctuels.

D’où la mise en place de démarches facilitant l’expression des salariés : les espaces de discussion, avec la volonté de renouer le dialogue autour des problématiques liées au travail. Selon l’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail) les espaces de discussion constituent de formidables leviers de performance pour les salariés, l’entreprise et le travail.

Les espaces de discussion sont la colonne vertébrale d’une démarche de Qualité de Vie au Travail.

Qu’est-ce qu’un espace de discussion ?

C’est un espace collectif qui permet une discussion centrée sur l’expérience du travail et ses enjeux, les règles de métier, le sens de l’activité, les ressources, les contraintes… Cette discussion, dont le vecteur principal est la parole, se déroule suivant un cadre et des règles co-construites avec les parties prenantes. C’est un espace inscrit dans l’organisation du travail, qui vise à produire des propositions d’amélioration ou des décisions concrètes sur la façon de travailler.

Pour en savoir plus sur les finalités pour lesquelles une entreprise peut mettre en place un espace de discussion, sur les facteurs qui favorisent la discussion sur le travail, et comment s’y prendre pour mettre en place un espace de discussion, je vous invite à consulter le guide édité par l’ANACT « 10 questions sur les espaces de discussion ».

Ce livre s’adresse à tous ceux qui cherchent des solutions entre humanisme et performance et à tous ceux qui souhaitent contribuer quotidiennement à la réussite des entreprises dans le respect des personnes.

L’auteur, Olivier Delorme, consultant en organisation et management, part du postulat que les organismes publics et les entreprises privées sont confrontées à une double problématique : assurer leur efficacité, gage de satisfaction client, de pérennité des emplois et de création de richesse, et de garantir le bien-être au travail.

Dans son ouvrage, il s’intéresse aux fondements de l’efficacité des organisations, des méthodes issues des sciences de l’ingénieur, qu’il confronte aux approches sociales du travail issues des sciences humaines. Et en réconciliant ces deux visions, Olivier Delorme fait émerger de nouvelles idées en faveur d’une meilleure compréhension du travail. Il dégage ainsi quatre pistes d’amélioration :

Avec un message porteur d’optimisme en conclusion : « La solution est dans le chemin. […] Il faut juste accepter d’essayer, ou de convaincre l’entourage proche d’essayer avec vous. »

Cette lecture peut être un bon complément du MOOC Manager par le travail réel pour bien comprendre le travail.

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