Quoi de plus significatif que l’image des lignes d’eau d’une piscine olympique pour symboliser l’alignement ? Les innombrables exploits des sportifs aux JO2024, notamment les extraordinaires performances de Léon Marchand en natation, ont faire remonter à la surface ce qui se joue dans les profondeurs de ces grandes compétitions et dans le cœur des grands champions. Comme en témoignent les athlètes qui ont marqué les épreuves de leurs prouesses, derrière chaque médaille se cache un travail de titan dans leur discipline, année après année, et aussi un état d’esprit puissant forgé à partir d’une meilleure connaissance de soi et de ses modes de fonctionnement. Cette préparation, bien plus « globale » que « mentale » à mon sens, est indispensable pour dépasser ses peurs, gagner en confiance et aller au-delà de ses limites. Qu’avons-nous à apprendre de ces sportifs de haut niveau pour donner le meilleur de nous-même dans nos activités professionnelles comme personnelles et libérer notre plein potentiel ? Je vous invite à plonger dans le grand bassin de l’alignement…
Dans le domaine du sport, toutes disciplines confondues, lorsque l’on décrypte les fondements de la performance, quatre éléments ressortent significativement aujourd’hui : les prédispositions, l’entraînement sportif, la préparation physique et la préparation dite « mentale », que j’appellerai plutôt « globale ».
Les athlètes qui gravissent les marches du podium, quelle que soit la compétition, possèdent en eux des prédispositions indéniables, génétiques, physiques, psychologiques, cognitives… et certainement un savant dosage de toutes ces capacités complémentaires.
Philippe Lucas, l’ancien entraîneur de la nageuse Laure Manaudou, a commenté les prouesses de Léon Marchand dans la presse. Le coach est dithyrambique. Pour lui, cet exploit n’est « même pas exceptionnel, c’est grandiose ! ». Il considère qu’il a toutes les qualités du très haut niveau et que tous les entraîneurs aimeraient avoir un tel athlète dans leur équipe. Philippe Lucas qualifie le jeune médaillé de « poisson ».
Selon lui : « c’est inné. Il est hyper aquatique ».
C’est indéniable, Léon Marchand a su trouver sa part de génie. Pourtant, la natation ne s’est pas imposée à lui immédiatement. Même s’il se sent très à l’aise dans l’eau dès le plus jeune âge, il s’est d’abord essayé au judo et au rugby et c’est seulement vers 12-13 ans qu’il commence à s’entraîner au club de natation toulousain.
Nous avons tous une part de génie en nous, de façon innée, qu’il nous faut découvrir. Cela ne fait pas nécessairement de nous des êtres d’exception, mais des êtres singuliers. Se connecter à nos ressources profondes, connaître nos talents innés, nos capacités à réaliser quelque chose dans quoi nous éprouvons du plaisir et qui nous rend uniques est de notre responsabilité. Nos capacités sont des trésors qui ne demandent qu’à être découverts et déployés !
Faire émerger nos talents est une source de joie et d’épanouissement personnel car ils sont une composante importante de l’estime de soi. C’est un véritable cercle vertueux : plus nous exerçons nos talents, plus nous réussissons, plus nous sommes confiants, plus nous osons les développer encore, et plus nous sommes épanouis.
Selon Thomas Sammut qui accompagne Léon Marchand et de nombreux sportifs de haut niveau à prendre soin de leur santé mentale, apprendre à se connaître et à s’épanouir en tant qu’individu est le meilleur chemin vers la réussite : « la clé de voute, c’est de participer à l’éveil de leur identité et de renforcer leur personnalité. C’est gagné quand ils se portent un amour inconditionnel ».
Il constate qu’en France, nous avons été éduqués à nous percevoir à travers nos manques et nos prétendus défauts. C’est une erreur. Nous sommes tous différents et uniques.
Pour le coach : « C’est en sublimant nos singularités que, d’abord, on se sent bien, puis que l’on excelle ».
La compétition, Thomas Sammut la voit comme une opportunité d’aller chercher le meilleur en nous. Mieux on se connaît et moins on subit les injonctions des autres qui nous renvoient l’image de ce que devrait être la « perfection ». La pression du résultat et de la première place est usante pour notre système nerveux qui n’est pas fait pour subir ce stress dans la durée. Personne ne peut fournir le meilleur de lui-même s’il subit une pression extrême ou régulière. Alors qu’en se focalisant sur notre plaisir dans la pratique d’un sport qui nous élève, il devient possible de performer durablement. Le plaisir fonctionne alors comme un véritable moteur.
Léon Marchand le répète à l’envi ; son mot clé est le plaisir. En étant focus sur ce qui le fait « kiffer » dans son sport, il vit un véritable « élan du cœur » qui lui permet de voir bien au-delà des médailles et des records. Sa curiosité, dans la vie comme dans son sport, l’incite à se challenger sur de nouvelles manières de faire, à se tester sur d’autres nages, plutôt que de faire la course aux records.
En se concentrant sur la recherche de maîtrise d’une nouvelle nage, plutôt que sur la recherche d’un résultat, l’entraînement peut être vécu comme un plaisir. Les efforts fournis pendant un entraînement régulier et intense favorisent ainsi la réalisation de soi et non la réalisation d’un objectif extérieur à soi.
Si Léon Marchand s’est abstenu de laisser exploser sa joie dès la première médaille, c’est pour conserver l’énergie procurée par cette extraordinaire émotion, intacte pour les épreuves suivantes.
Il évoque souvent l’énergie qui le porte, qu’il va chercher au moment de la compétition, pour prendre du plaisir dans son sport et « se transcender ». Cette énergie qu’il ressent dans son corps lui permet « de partir vite, de se régénérer pendant la course, d’arriver à fond »… Il capte aussi l’énergie qui l’entoure, dans le public, dans le bassin, pour performer, « sans forcer sur les muscles ». En se connectant à « l’ambiance dingue » dans la piscine, il ressent « les vibrations » provoquées par la clameur des supporters, « même sous l’eau » !
Lorsque Léon Marchand parle des bénéfices de son travail avec son coach Thomas Sammut, il confie « avoir grandi en tant qu’humain », avoir appris qui il est en tant qu’humain et pas uniquement en tant que nageur. Être au clair avec ce qui nous anime, au cœur du réacteur, est essentiel pour se connecter à son énergie vitale et s'élever au-delà du petit soi.
Cela implique d’être pleinement focus, « dans sa ligne », pour reprendre l’expression de ce formidable athlète. Une image qui sacralise l’importance d’aligner toutes ses capacités pour donner le meilleur de soi-même. La leçon d’alignement de Léo Marchand illustre parfaitement comment mettre en cohérence tous ses cerveaux : son cerveau rationnel, en définissant la stratégie et les projections pour performer ; son cerveau émotionnel, en capitalisant sur les émotions pour orienter l’énergie au bon endroit et au bon moment ; son cerveau sensoriel, en inscrivant dans chaque parcelle de son corps le plaisir de la nage pour se dépasser ; et enfin son cerveau spirituel, en ciblant son plaisir en direction d’un rêve plus grand que lui.
Après ces incroyables JO2024, Léon Marchand est résolu à s’accorder un mois et demi de vacances, sans nager, même s’il sait que l’appel du bassin va être fort. Cette pause lui permettra de « repartir de zéro » pour préparer les prochaines compétitions.
Même si les efforts consentis pour préparer et vivre une compétition de haut niveau sont sans commune mesure avec les exigences de notre quotidien de travail, il ne faut pas négliger que pour donner le meilleur de soi-même nous avons tous besoin de temps de décompression. S’extraire du rythme effréné, s’accorder du temps, de l’espace, pour sentir où le courant nous porte, laisser notre esprit se couler vers de nouvelles voies… Au-delà des vacances estivales, propices à la déconnexion, s’offrir des bulles de ressourcement et d’inspiration, seul.e ou entre pairs, favorise une reconnexion à soi et à nos aspirations profondes, à notre source.
Mes sources d'inspiration :
Comment le nageur Léon Marchand a travaillé son mental - BRUT
Léon Marchand : "C'est des moments incroyables dans une vie de sportif" - FRANCE.TV
Thomas Sammut, préparateur mental de Léon Marchand : « Quand je parlais du lien entre bien-être et performance, on me riait au nez ! » - COURRIER CADRES
Cette période de vacances estivales est propice au lâcher prise, soit parce que le rythme ralentit du fait des personnes en congés, soit parce qu’il est temps de s’accorder un temps de pause prolongé. Pourtant, nous avons un mal fou à ralentir, à réduire la cadence. Je me souviens avoir régulièrement souffert de vertiges la première semaine de mes vacances d’été. Comme si la tension dans laquelle j’avais entraîné tout mon organisme pendant des mois provoquait un choc d’équilibre au moment de m’arrêter pour me reposer. Lancés dans ce mouvement irrépressible de « faire », nous en avons presque oublié comment ne rien faire…
Voilà des mois que je m’entraîne à lâcher prise. Un exercice difficile lorsque l’on est indépendant car les lendemains sont incertains ; on a peu de visibilité. Alors, comme beaucoup, j’ai tendance à m’étourdir dans le « faire », pour être visible, pour susciter l’engagement, pour me sentir exister. Ce phénomène, je le côtoie également auprès des personnes que je rencontre ou que j’accompagne.
En transition professionnelle par exemple, à peine sorties de leur ancienne activité, elles se lancent dans une course effrénée pour rebondir, dans une nouvelle activité, dans un nouveau projet, sans se laisser le temps de se ressourcer, de faire le bilan, de s’inspirer et de faire la place à leur désir émergeant.
Combien de fois je m’entends répondre par mes interlocuteurs en entreprise que, oui, il est crucial d’aller questionner le désir de travail auprès de leurs collaborateurs, en profondeur. Mais dans un environnement en flux tendu, il n’y a pas l’espace, pas le temps… Et on reprend la course folle, la gesticulation incessante, faire toujours plus de la même chose, pour quel résultat ?
Cette semaine, j’ai été frappée par la publication d’un sauveteur en mer qui alertait sur le danger des courants de baïnes à l’océan. Les baïnes sont des bassines d’eau calme en surface, qui masquent des courants sous-marins très puissants emportant les nageurs vers le large sans qu’ils puissent y résister. Les personnes qui se font piéger par une baïne ont tendance à nager de plus en plus fort à contre-courant pour regagner le sable et finissent pas s’épuiser, voire se noyer. La seule solution lorsque l’on est piégé par une baïne est de se laisser porter par le courant, sans faire d’efforts, jusqu’à ce qu’il diminue. Les forces ainsi préservées nous permettent de nager en retour jusqu’à la plage.
Cette situation me touche d’autant plus que je l’ai vécue lorsque j’avais dix ans au Portugal, avec une grosse peur à la clé ! Cette croyance qu’il faut nager à corps perdu pour sortir de l’incertitude est encore profondément ancrée et me poursuit dans ma vie professionnelle. J’ai donc décidé de la remplacer par un sentiment plus puissant à travers cette image : sentir la légèreté de me laisser porter par le courant de la vie que j’ai créée.
À l’aube des vacances, j’ai envie de vous partager cette énergie-là. Je sens qu’il est temps de me reposer sur tout ce que j’ai construit jusqu’ici avec patience, toutes les graines que j’ai semées avec application, toutes les personnes que j’ai rencontrées avec conviction. Moi qui adore profiter de l’été pour nager en mer, j’ai hâte d’y replonger pour sentir combien je suis légère, dans ce courant porteur et puissante à traverser la force des vagues.
C’est ça, apprendre à se laisser porter par le courant de la vie, être dans une tension dynamique entre robustesse et vulnérabilité. Sentir s’il est temps de faire appel à notre robustesse pour se maintenir debout face aux perturbations de notre environnement ou si la vulnérabilité est de mise, pour nous adapter aux événements. En me laissant porter par le courant, je m’adapte aux éléments tout en étant consciente des signaux faibles pour me remettre en mouvement, dans la direction qui est bonne pour moi.
Nous pensons, à tort, qu’être dans l’action, c’est être robuste. Or, si nous oublions d’« être » dans le « faire », nous prenons le risque de nous épuiser, comme le hamster dans sa roue. Récemment, j’ai croisé la route d’une personne en transition professionnelle, très occupée à tester des outils, à se former à de nouvelles applications…, pour rebondir dans sa vie professionnelle. Plus elle se rapprochait de la fin de ses droits à France Travail et plus son appétit de « faire » devenait frénétique. Or, au fil de la discussion, j’ai découvert que pendant cette période de transition, elle avait négligé de se questionner sur qui elle voulait « être » dans sa nouvelle activité.
Pour la plupart, le monde du travail nous a formatés à être performants. La course à la performance nous a ainsi conduits dans des logiques d’optimisation où le temps court s’est imposé. Nous avons appris à être toujours dans le coup d’après, dans une tension du « faire » irrépressible, pour cocher les cases des tableaux de bord, pour être au même rythme que les autres - car il est de bon ton d’être très occupé -, pour être reconnus par un management indifférent…
Bref, en faisant, nous avons l’impression d’exister. Car, aux yeux de la société, plane l’idée qu’être « inactif » revient à être « inutile ». Or, nous avons besoin de vide pour créer. Nous avons besoin d’une page blanche pour imaginer un ailleurs. L’horizon doit être dégagé pour percevoir les signaux faibles. Dans notre course effrénée à faire, tous nos cerveaux sont focus sur l’action en cours. Nous sommes à moitié aveugles et sourds.
Ne craignons pas le vide, le rien. Ils sont nos alliés pour se laisser porter par le courant et sentir où est notre place, s’envisager autrement. S’extraire de l’injonction du « faire » nous permet d’« être » pleinement soi, d’entrevoir un au-delà de soi, de dépasser notre cadre de référence. Cet état suspendu donne une hauteur de vue pour surplomber le champ des possibles, une forme de souplesse pour s’agrandir et voir à hauteur de nos rêves.
Depuis des mois, je me contorsionne pour faire rentrer mes accompagnements dans du temps court. Je me vois ainsi contrainte par mes clients de régler ma mécanique à la seconde près pour produire le maximum d’effets dans un minimum de temps. Car, dans le monde du travail, chaque journée est une course effrénée contre la montre. Le temps doit être géré, optimisé, économisé… Il est devenu un consommable comme un autre au service du productivisme et de la performance. Et si on se trompait ? Serait-il envisageable de reconsidérer le temps, de le voir comme un bien précieux au service de notre créativité, propice à construire des relations solides et au lâcher prise. Et si nous décidions de prendre le temps pour ce qui est essentiel, dans notre travail comme dans la vie ?
Vous rappelez-vous du lapin blanc d’Alice au pays de merveilles ? Il ne poursuit qu’un seul but : être à l’heure à son travail. Il apparaît très responsable face aux autres personnages parfois loufoques qu’il va croiser dans sa course folle. Pour autant, il manque cruellement de caractère et se révèle à plusieurs reprises totalement impuissant à imposer ses volontés, tant il est absorbé par le temps qui file sur sa montre… Comme le lapin blanc, à trop vouloir maîtriser le temps, n’en devenons-nous pas victimes ?
Comme le lapin blanc, j’ai moi aussi couru après le temps, jusqu’à l’absurdie, au point de basculer dans une fuite sans but et sans fin, comme un hamster dans sa roue. Le driver « Dépêche-toi ! » est devenu ma deuxième nature. Ça m’a sauté aux yeux, un mercredi alors que j’accompagnais mes enfants à leurs activités. Je me suis entendue leur répéter comme un leitmotiv : « Dépêche-toi de mettre tes chaussures », « Dépêche-toi de monter dans la voiture », « Dépêche-toi, dépêche-toi… ». J’ai mis un certain temps à réaliser que je conditionnais mes enfants à aller toujours plus vite pour faire rentrer tout mon programme dans cette journée que je leur avais consacrée. C’est effrayant de prendre conscience que chaque mercredi, je reproduisais exactement le même schéma que celui dont j’étais devenue prisonnière dans mon travail… Combler le vide. Remplir mes journées jusqu’à saturation. Un jour, mon fils m’a dit qu’il voulait arrêter la batterie pour être plus tranquille le mercredi. Quelle leçon !
Je constate que nous sommes nombreux à vivre cette fuite en avant. Ce besoin de « faire » pour répondre aux injonctions d’optimisation et de compétitivité qui sont la règle dans les organisations aujourd’hui. Être toujours dans le coup d’après, la course à la performance, pour avoir un temps d’avance sur la concurrence.
Avant toute compétition, les sportifs de haut niveau, s’emploient à se préparer, physiquement et mentalement. Ils observent attentivement le jeu de leurs adversaires, visualisent les conditions de leur réussite. Ils s’entraînent longuement pour répéter leurs gestes encore et encore. Or, on nous demande d’être des sportifs de haut niveau, sans nous octroyer le temps de la préparation et de l’entraînement. On comprend aisément pourquoi nous connaissons un tel niveau de souffrance aujourd’hui dans le monde du travail.
Pour nombre d’entre nous, « faire » c’est exister. Le besoin de reconnaissance est légitime au travail. Alors, en cas d’absence de reconnaissance, nous sommes tentés de démultiplier nos efforts, espérant ainsi rendre notre action plus visible. Derrière cette ligne de fuite se joue bien souvent un phénomène de compensation. On s’étourdit dans un tourbillon de « faire toujours plus » pour pallier le manque de sens ou d’alignement qui nous ébranle, dans une organisation « optimisée » qui a rendu notre travail littéralement invisible.
J’ai aussi rencontré des personnes qui bouillonnaient de mille idées et s’enflammaient en permanence, portées par l’urgence de les mettre en œuvre. Dans ce cas, j’ai pu observer que dans leur course folle à lancer mille projets, peu d’entre eux arrivaient efficacement à leur terme, faute d’avoir pris le temps nécessaire à la clarification de leur intention et à la consultation des parties prenantes. Notre nature « pressante » ne s'avère-t-elle pas être un piège dans certaines situations ? Pourquoi tant d'empressement ?
Au secours, nos agendas nous étouffent ! Nous sommes entraînés malgré nous dans une spirale infernale qui nous pousse à remplir nos agendas jusqu’à l’asphyxie. Il n’existe plus le moindre souffle entre les rendez-vous et autres réunions qui s’enchaînent inlassablement…
J’accompagne régulièrement des managers à « chasser leurs voleurs de temps ». Cela consiste d’une part à identifier ce qui dans leur comportement et dans leur environnement de travail peut être consommateur de temps. D’autre part, je les amène à se centrer sur l’essentiel dans leur activité. In fine, je les invite à devenir leur propre « gardien du temps ».
Entendons-nous bien. Mon rôle ne revient pas à « optimiser », mais à « préserver » le temps ; c’est-à-dire, permettre à chacun de donner le meilleur de chaque minute ! L’idée est ici de séquencer ce temps si précieux, en fonction d'une échelle de qualité, du temps dont nous avons besoin. Avec un prérequis : bannir la notion de « temps mort » qui pollue notre raisonnement.
En effet, nous prétextons l’existence de « temps morts » pour les remplir de tout et de rien. Quelle ineptie ! C’est dans ces moments où l’esprit et le corps sont dans une disponibilité totale que le temps se fait pleinement vivant. Il faut du vide pour laisser germer les idées et donner toute sa place à l’imagination, la création, l’innovation… Le temps, lorsqu’il est entretenu peut être incroyablement fertile.
« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. »
Jean de la Fontaine – Le lion et le rat
Je me souviens d’un échange avec un dirigeant au lendemain du premier confinement imposé par la crise du Covid. Il m’avouait avoir pris la mesure des bienfaits du télétravail pour s’extraire de la spirale des urgences et se donner du temps, au calme, pour prendre de la hauteur de vue et réfléchir aux sujets de fond. Il a d’ailleurs pris la décision de s’accorder une journée de télétravail par semaine afin de se recentrer sur l’essentiel. Voilà une pratique qui me paraît vertueuse.
La dictature du temps qui régit notre vie au travail joue sur nos peurs et notre besoin d’être actif. Laissant planer l’idée qu’être « inactif » pourrait s’apparenter à être « inutile », en tout cas aux yeux de la société.
A titre personnel, j’ai vécu cette peur après avoir pris une nouvelle orientation dans ma vie professionnelle ; un virage qui m’a confrontée à une période de trois mois sans la moindre activité rémunératrice. Trois mois de vide abyssal, c’est vertigineux ! J’ai donc appris à dompter ma peur et à me réconcilier avec le vide.
Surtout, j’ai compris que ce temps m’était offert pour que j’en fasse quelque chose ; je l’ai alors mis à profit pour me consacrer au développement de l’outil qui est aujourd’hui au cœur de mon accompagnement : la Fresque de l’intention. En définitive, je n’ai pas vu passer ces trois mois, entre mes recherches sur le mécanisme de l’intention, le design, puis le prototypage et enfin la phase d’expérimentation de la Fresque. Régulièrement, mon impatience m’a bousculée : aller plus vite dans la mise en œuvre, me lancer sur de nouvelles pistes... Bref, être dans l’action, toujours et encore, sans me laisser le temps d’aller au bout du processus et d’observer ce qui allait émerger. Rétrospectivement, je vois clairement les vertus du rythme pondéré sur lequel j'ai avancé dans mon projet.
Je remarque combien les personnes qui viennent de quitter leur activité se précipitent pour rebondir sur un nouveau projet, sans prendre le temps de se ressourcer, de faire le bilan et surtout, de s’inspirer et d’interroger leur désir profond en matière de travail. Bien souvent, on démarre sa carrière tambour battant. Puis les expériences s’enchaînent sans que l’on se pose de questions existentielles sur notre rapport profond ou notre alignement à notre activité professionnelle. C’est quand les choses se corsent que les questions fusent ! Ces interrogations sont légitimes et essentielles pour construire durablement l’avenir. Et là, encore, le temps consacré à cette réflexion est un investissement sur le futur.
A l’heure de l’immédiateté, nous devons réapprendre la patience. Avez-vous remarqué combien notre vie est semblable à une autoroute ? Aller le plus vite possible d’un point A à un point B ; c’est pratique ! Pourtant, quand on roule à cent à l’heure, les paysages défilent et les détails nous échappent. Personnellement, j’ai appris à ralentir : emprunter les petites routes, traverser les villages pour observer et apprécier les aspérités du voyage. Avoir les deux yeux ouverts, plutôt qu’un seul. Être aux aguets du moindre petit détail qui va faire toute la différence, sur notre trajet, dans notre journée…
Ne pas rester focus que sur l’objectif mais savoir savourer ce qui se passe au fil de l’eau. Voilà qui est d’une richesse absolue pour qui veut bien se donner le temps de ralentir et d'accueillir les apprentissages qui se font jour tout au long du chemin.
Personnellement, j’ai fait le choix, aussi souvent que possible, de sanctuariser des moments centrés sur l’essentiel. Ces instants où le temps s’arrête prennent notamment la forme de « rencontres augmentées », des échanges avec des personnes chères à mon cœur, ou de nouvelles connaissances, avec lesquelles nous partageons sur toutes ces choses qui rendent notre vie si pleine et vibrante. Ces moments de partage sont si riches que nous en sortons invariablement grandis, les uns et les autres.
J’ai décidé que je ne transigerai plus sur le temps ! Nous en avons fait notre ennemi en nous abandonnant au rythme effréné dans lequel la société nous contraint aujourd’hui, vecteur de stress, de frustration et d’insatisfaction. Pourtant, il est notre meilleur allié. Sachons l’apprivoiser, apprenons à le préserver et à honorer sa dimension de calme et de fertilité. Investissons sur lui pour investiguer les dimensions essentielles de notre vie et ne pas se satisfaire de la superficialité.
En matière de leadership, l’ego et l’intention sont les deux faces d’une même pièce. A qui se fier : côté pile, la voix tonitruante du jugement et des peurs portée par notre ego, ou côté face, la voix du cœur faite de désir et de joie, issue de notre intention ? Si vous laissez le hasard tirer à pile ou face, en faisant une confiance aveugle à votre ego, vous prenez le risque d’être orienté(e) dans la mauvaise direction, ou de prendre la mauvaise décision. Alors que si vous vous connectez à votre intention...
Je discutais récemment avec une ancienne journaliste qui venait de prendre un virage professionnel en accédant à de nouvelles fonctions managériales dans l’accompagnement à l’entrepreneuriat. Elle me partageait ses difficultés à prendre sa place dans une organisation qu’elle avait intégrée au bénéfice d’une création de poste. Comment prendre possession pleinement de ses nouvelles responsabilités sans empiéter sur les missions de son équipe qui était là avant elle ? Comment laisser s’exprimer les capacités pour lesquelles elle avait été recrutée sans faire de l’ombre à ses collaborateurs ? Je l’ai tout naturellement invitée à clarifier son intention dans cette prise de poste et à la partager, en toute sincérité et authenticité avec les membres de son équipe. Sans surprise, ses réflexes de journaliste ont rapidement été mis en éveil pour bien comprendre en quoi consistait cette intention sur laquelle je la challengeais. Elle m’a alors demandé de but en blanc si une intention pouvait être bonne ou mauvaise, faisant référence ici au management toxique dont peuvent souffrir certaines organisations, pilotées par des manageurs pétris de mauvaises intentions. J’avoue avoir été prise de cours par sa question ! Car le propre de l’intention est de libérer son énergie pour avoir un impact positif sur les environnements que nous désirons créer ou changer. Il n’existe pas d’un côté, les bonnes, et de l’autre, les mauvaises intentions. C’est un abus de langage, car une intention est nécessairement portée par un dessein constructif pour soi comme pour les autres.
Alors, qu’est ce qui guide ces managers à adopter des comportements nocifs pour leur collègues, leurs collaborateurs ? Ne serait-ce pas plutôt… leur ego ?
Mais qui donc est cet ego qui fait tant parler de lui ? C’est une construction mentale, une représentation que l’on a de soi-même, des autres et du monde. L’ego est une fausse identité en quelque sorte, un imposteur né de nos peurs et de nos croyances. Depuis notre plus tendre enfance, nous avons appris à nous comparer aux autres, à nos frères et sœurs, à nos camarades de classes… Ce réflexe s’est ancré avec les années, nous invitant à nous juger en permanence en nous affublant de trop ou de pas assez. Notre ego nous conduit à nous conformer à l’image de ce qui serait bien ou mal.
Notre mental, nourri par nos peurs et nos croyances, nous conduit ainsi à endosser des rôles qui font écran à notre vraie nature. Comme une partie de nous qui s’exprimerait à notre place, verrait et entendrait à notre place, et surtout, voudrait exister de plus en plus en nous… Nous ne réalisons pas à quel point notre ego dirige notre vie ! Quand il prend le pouvoir, nous sommes dans le mental. [A lire aussi : « Soigner son intention, c’est dire STOP aux ruminations ! » ]
« C’est un peu comme si vous n’habitiez plus votre corps, n’écoutiez plus votre cœur, ne ressentiez plus votre existence : vous interprétez la réalité, le plus souvent en la déformant, vous prêtez aux autres des intentions qui ne sont pas les leurs, vous projetez vos peurs, vos problèmes, vos doutes, vos attentes. Vous réfléchissez les événements au lieu de les vivre. Car le mental ne connaît que le passé et le futur. Le mental vous coupe du présent. » confie Laurent Gounelle dans son roman Et tu trouveras le trésor qui dort en toi.
L’ego a besoin de se sentir unique et différent. En cela, il nous sépare des autres et nous éloigne de notre vraie nature qui, au contraire, tend à l’union. Notre ego peut même nous pousser à l’opposition, au conflit et à la division pour se sentir exister, comme en témoignent les jeux de pouvoirs auxquelles s’adonnent nos édiles politiques.
C’est notre ego qui se manifeste lorsque :
Lorsque nous nous sentons misérables, angoissés, querelleurs, jaloux ; lorsque nous sommes effrayés, que nous nous sentons insultés ou flattés, c’est le jeu de notre ego. Alors, que faire puisque se battre contre son ego revient à lutter contre soi-même ?
L’ego étant le fruit de notre mental, il est infiniment difficile de faire taire les ruminations dont il nous affuble. Au contraire, chacune de nos pensées vient l'alimenter et lui donner encore plus de place. Il nous faut donc apprendre à détourner notre attention de ces raisonnements erronés pour se concentrer sur nos désirs, nos valeurs, nos engagements et vivre pleinement la réalité présente.
Le psychologue américain Albert Ellis nous enseigne que tous les êtres humains ont la même valeur, indépendamment de ce qu’ils possèdent et de leurs caractéristiques externes. En conséquence, il nous invite à reconnaître en conscience nos forces et nos faiblesses, notre potentiel, ainsi que nos limites pour mieux les accepter. Il fait de l’acceptation une condition indispensable pour affronter les aléas de la vie avec sérénité et trouver les ressources pour passer à l’action.
L’enjeu est de progresser vers plus de conscience en observant les informations qui proviennent de l’extérieur, tout comme nos pensées et émotions, avec recul et neutralité, sans jugement de valeur. Nous devenons ainsi plus conscients de ce qui nous guide et nous égare pour focaliser notre énergie non pas à lutter inutilement contre les errements de notre ego mais à progresser avec détermination vers notre objectif.
« Nous vivons à une époque de profonds dérèglements et d’immenses potentiels ; une époque marquée par la fin d’un mode de pensée et de structures sociétales liés au passé ; une époque qui accueille la naissance d’une nouvelle conscience », tel est le constat d’Otto Scharmer, maître de conférences au MIT (Massachussetts Institute of Technology) et cofondateur du Presencing Institute, à l’origine de la Theory U.
Pour lui, ce changement de conscience est capital, au regard des trois fractures que nous connaissons aujourd’hui :
En matière de leadership, O. Scharmer constate que nous assistons au passage d’une conscience ego-systémique, centrée sur notre propre bien-être, à une conscience eco-systémique, c’est-à-dire l’émergence d’une conscience incluant le bien-être de tous portée par l’activation d’une nouvelle intelligence, l’intelligence du cœur. Il observe que les groupes qui se mettent en action à partir de cette conscience peuvent être terriblement efficaces.
Il fait référence ici à ce qu’il appelle l’angle mort du leadership, c’est-à-dire cet état intérieur, à la source de nos actes, de nos paroles, de nos décisions… auquel la plupart d’entre nous est aveugle. Il nous invite à faire émerger cette conscience profonde, cette intention qui nous anime et suscite chez nous des émotions positives.
Le domaine du sport de haut niveau nous donne une grille de lecture de cette dimension intérieure. Tout compétiteur va s’employer à aligner sa volonté (ses forces physiques/mentales, sa capacité à se dépasser…), avec ses émotions (l’enthousiasme à vivre ce défi sportif et l’optimisme quant à ses résultats…), avec ses désirs (de victoire, de nouveaux records…) et son imaginaire (celui de se voir monter sur le podium). Dans le domaine du management, ces dimensions intérieures nous sont relativement inconnues. Il est très rare que soit mise en œuvre cette conscience de l’intérieur vers l’extérieur pour améliorer les performances managériales.
Cette nouvelle conscience de l’intérieur vers l’extérieur, est selon O. Scharmer le fruit d’un grand vouloir qui peut être activé sous trois conditions :
En psychologie, ce grand vouloir est ce qui caractérise l’intention. Dans son ouvrage Le pouvoir de l’intention, Wayne Dyer, psychothérapeute américain, désigne l’intention comme « un but ou un dessein clairement affirmé, accompagné de la détermination à obtenir le résultat désiré ». Pour lui, l’intention est « une force que nous portons tous en nous, un champ d’énergie qui se déploie au-delà de nos repères habituels ». [A lire aussi : "Avez-vous pris soin de vous accorder avec votre intention aujourd’hui ?"]
L’intention naît de l’alchimie entre notre désir d’être et notre pouvoir d’agir.
L’intention nous est propre et ne dépend que de nous ! Elle demande donc à être conscientisée, questionnée, explorée pour émerger et devenir claire à nos yeux. Car si l’intention existe déjà en nous, elle a besoin d’être extériorisée pour donner sa pleine puissance. L’intention fait l’action ! Plus souvent nous prenons le réflexe de clarifier notre intention, dans toute situation, mieux nous sommes à même de nous orienter dans l’action.
Pour Claire Rosart, chercheuse en systémique des groupes : « Une intention, c’est un peu comme une balise que l’on jetterait dans la direction que l’on souhaite emprunter et qui donnerait le cap en envoyant des signaux réguliers, nous permettant ainsi de cheminer dans son sens tout en s’adaptant à la réalité du terrain. C’est donc une force invisible qui dirige nos actions en mettant en route des dynamiques qui nous font avancer. […] Lorsqu’on est sur son chemin d’intention profonde, l’énergie déployée est décuplée. »
Il nous revient de choisir le champ d’énergie qui nous permettra d’avoir un impact positif sur les environnements que nous désirons créer ou changer dans notre vie. Cela signifie faire le choix d'ignorer notre ego et à travers lui la voix du jugement, du cynisme et de la peur, pour porter toute son attention sur son intention et écouter à travers elle et en pleine conscience la voix de son cœur et de sa volonté.
Cheminer en se laissant guider par son intention profonde procure l'enthousiasme pour passer à l'action, le cap pour prendre les bonnes décisions, la vision pour porter un projet, le sens pour engager ses parties prenantes et le bon niveau d'écoute pour se comprendre.
Mes sources d'inspiration Et tu trouveras le trésor qui dort en toi de Laurent GOUNELLE Le pouvoir de l'intention de Wayne W. DYER Théorie U, l'essentiel d'Otto SCHARMER L'intention personnelle en vidéo par Claire ROSART
Très récemment dans un de mes articles, je vous partageais ma détresse face aux joutes oratoires qui ont gâché les échanges lors des dernières élections présidentielles et mon besoin impérieux que nous nous employions à relever le débat ! [à lire : "Employons-nous à relever le débat ! »] Je me suis donc mise en quête d’initiatives, de pratiques, d’expertises à partir desquelles nous pourrions « inventer des espaces pour discuter, débattre, délibérer et faire avancer les idées ». Vous trouverez l’inventaire de mes recherches à ce stade sur la plateforme collaborative #EtSiNous initiée par le Learning Planet Institute, qui rassemble des communautés de change-makers dans le but de partager aspirations, ressources, idées, et de faire face ensemble aux défis du XXIème siècle. Sur cette plateforme, j’anime la « Chaîne de l’intention » sur laquelle je vous communiquer mes découvertes sur le thème du débat et du dialogue, dans l’onglet « EtSiNous relevions le débat ». Cette plateforme est collaborative ; je vous invite donc vivement à compléter ces contenus avec vos propres actions et inspirations...
Pour aller plus loin, il me semble que la question qui se pose véritablement aujourd’hui, au cœur de nos conversations, est celle de la qualité du lien que nous voulons tisser avec les autres et, par conséquent, du soin avec lequel nous communiquons. « L’incapacité à se parler dans la différence est criante », constate le chercheur, sociologue et sémiologue Olivier Fournout. Il y voit une urgence à trouver des modes de dialogue pour faire émerger les possibilités et agir. « Dialoguer autrement pour agir devient une nécessité absolue, pour ne pas rajouter une couche de problèmes relationnels aux problèmes de fond, déjà suffisamment complexes. »
Olivier Fournout propose d’œuvrer en faveur d’une écologie relationnelle, en considérant la relation comme le milieu dans lequel prennent racines les solutions collectives face aux problèmes globaux.
Car c’est bien collectivement, dans le dialogue, que l’on échange des idées, que l’on offre des ressources, que l’on crée l’innovation. Le dialogue devient alors « un lieu d’apprentissage collectif d’où peut émerger un sens accru d’harmonie, de camaraderie et de créativité » selon David Bohm, physicien et philosophe américain auteur de l’ouvrage Le dialogue.
Force est de constater que l’art du dialogue n’est pas aisé. Nous avons tous fait l’expérience de réunions dans lesquelles nous perdions notre temps, de conversations qui tournent rapidement au débat, d’entretiens dans lesquels chacun reste campé sur sa position sans volonté sincère d’entendre l’autre. Même si les protagonistes souhaitent véritablement contribuer au dialogue, ils ne savent pas comment s’y prendre !
« Contre les débats stériles et les positions opposées qui ne se rencontrent jamais, il s’agit d’innover dans le traitement sociétal des controverses, tant aux niveaux politiques que médiatiques et citoyens ; monter des dialogues partout, tout le temps, pour tous, sur tous les sujets, pour toutes les décisions, de la manière la plus inclusive possible ; former à l’exercice ; développer un recul réflexif et transverse sur le processus même de dialogue ; s’entraîner à respecter les écarts sans fermer la porte au rapprochement ; et ne pas tomber dans le piège que, bien sûr, au moindre anicroche, c’est toujours l’autre qui ne sait pas dialoguer. », clame O. Fournout.
Car le dialogue requiert avant tout de la pratique, bien plus qu’un ensemble de méthodes. Il s’agit de développer notre capacité à travailler avec les autres et d’aider les autres à mieux travailler ensemble. Et ce n’est pas une science exacte, particulièrement en ces temps de complexité croissante ! C’est sur ce constat que se déploie la pratique de l’Art of Hosting, développée par un large réseau de praticiens dans le monde entier. Le terme « hosting » faire référence à la notion « d’accueillir ». Il s’agit d’accorder une attention et un soin particuliers à tous les aspects qui entrent en jeu lorsque des personnes travaillent ensemble. L’intention est d’accompagner le groupe dans sa réussite, de la même manière qu’une personne qui accueille des invités s’assurera qu’ils ont tout ce dont ils ont besoin pour que leur séjour soit réussi.
Les groupes et les organisations qui utilisent l’Art of Hosting comme mode de fonctionnement constatent une amélioration de leur processus de décisions, un développement plus efficace de leurs compétences et une plus grande réactivité dans leur réponse aux opportunités, aux défis et aux changements. Les participants ont le sentiment d’être plus autonomes, plus responsables et plus à même de contribuer aux réunions et conversations auxquelles ils prennent part et, ainsi, d’aboutir plus efficacement aux résultats escomptés.
Pour D. Bohm, dans un dialogue, il s’agit pour les personnes de faire quelque chose en commun, c’est-à-dire de créer ensemble quelque chose de nouveau.
« Bien entendu, une telle communication ne peut conduire à la création de quelque chose de nouveau que si les individus sont capables de s’écouter librement, sans préjugés, sans chercher à s’influencer. Chacun d’eux doit s’intéresser avant tout à la vérité et à la cohérence et être disposé à abandonner ses idées et buts obsolètes, pour passer à quelque chose de différent, quand il l’estime nécessaire. »
En quelque sorte, D. Bohm nous invite individuellement à nous abandonner, à faire don de soi au dialogue. Le dialogue devient ainsi un voyage dans lequel chaque participant est explorateur de cet inédit qui émerge. En se laissant porter par sa curiosité de l’autre, d’un ailleurs. En prenant plaisir à rebondir d’une idée à l’autre, comme d’une terre à l’autre, pour découvrir où ce nouveau chemin peut nous mener. En fusionnant nos horizons pour découvrir de nouvelles contrées, inexplorées jusqu’ici.
Pour Otto Scharmer, maître de conférences au MIT où il a co-fondé le Presencing Institute, les conversations créent le monde dans lequel nous évoluons au sein des groupes, des organisations et de la société. Dans son ouvrage qui traite du modèle d'innovation et de conduite du changement qu'il a développé : Théorie U, l'essentiel, il parle de « cultiver le sol du champ social ». Le champ social représente ici l’ensemble des relations entre individus, groupes et systèmes donnant naissance à des modes et schémas de pensée, de conversation et d’organisation qui, à leur tour, produisent des résultats pratiques.
On retrouve dans la pratique du dialogue de D. Bohm et d’O. Scharmer les mêmes fondamentaux que ceux décrit par the Art of Hosting :
O. Scharmer a identifié quatre modes de conversation correspondant à quatre qualités d’échange : le mode automatique, le débat, le dialogue et la conversation générative. Le leadership tel qu’il le conçoit consiste à accompagner le passage d’un niveau de conversation à un autre en fonction de ce que requiert le contexte ou la situation.
Pour D. Bohm, l’image du dialogue est « un flux de sens circulant parmi nous, à travers nous et entre nous ». Ainsi, ce flux de sens qui circule dans l’ensemble du groupe permet à une nouvelle compréhension d’émerger.
« Dans un dialogue, personne n’essaie de l’emporter. Lorsque quelqu’un gagne, tout le monde gagne. »
Etes-vous prêts à vous aventurer dans ce dialogue authentique, à vous laisser guider par une curiosité tranquille, sans préjugés, afin d’avoir sur les choses un regard aussi nouveau et clair que possible ?
Vous sentez-vous suffisamment libre de faire émerger cette pensée collective, cette pensée qui vous permet de tout envisager ? Car dans le dialogue, les personnes pensent ensemble…
Pour D. Bohm : « Penser ensemble, c’est quand une personne à une idée, qu’une autre l’adopte et qu’une autre la complète. On a alors une pensée fluide et non pas des personnes qui essaient de se convaincre les unes et les autres ».
L’objet d’un dialogue n’est pas d’analyser les faits ou les événements, ni d’avoir raison ou d’échanger des opinions. Il s’agit plutôt de « suspendre les opinions et de les examiner », en écoutant les points de vue de chacun, et en observant ce qu’ils signifient. Si nous parvenons à en comprendre le sens, alors nous partageons un contenu commun, même lorsque nous ne sommes pas entièrement d’accord. Nous découvrons peut-être que les opinions ne sont pas si importantes après tout, elles sont seulement des hypothèses. Et en nous donnant la possibilité de toutes les envisager, nous pourrons alors explorer de manière plus créative différentes directions et simplement apprécier ensemble ce qu’elles représentent. « C’est à partir de ce processus que la vérité émergera à l’improviste, sans que nous l’ayons choisie. »
« Dans le dialogue, chaque participant est libre. Ce n’est pas comme dans une foule où l’esprit collectif prend le dessus. Il s’agit de quelque chose qui évolue harmonieusement entre l’individu et le collectif pour aller vers toujours plus de cohérence. »
D. Bohm a imaginé des « cercles de dialogue », des espaces ouverts qui invitent à la communication et au partage de la parole. Le seul enjeu est d'écouter et de laisser émerger les différents points de vue pour se rendre compte de ses différences et réfléchir ensemble. Ces cercles permettent d’apaiser les tensions et de faire émerger la bienveillance, la sagesse et l’intelligence collective. Grâce à l’échange d’expériences, ils participent à créer une relation plus humaine et plus consciente pour penser en confiance.
Si vous êtes curieux(se) de vivre l'expérience d'un « cercle de dialogue », connectez vous à la Place du dialogue dont l'intention est de diffuser dans la société une culture du dialogue respectueuse de chacun, à travers des espaces éphémères. L'idée est simple, partager 30 minutes de conversation avec des inconnus sur une place publique ! Le thème est donné, les règles du jeu sont énoncées, il ne vous reste plus qu'à vous laisser porter au rythme du dialogue...
Quelques références pour poursuivre l'inspiration : Association culturelle Krishnamurti - Le dialogue selon David Bohm up-magazine.info - L'urgence à dialoguer autrement pour agir Learning Planete Insitute - EtSiNous - La Chaîne de l'intention (EtSiNous relevions le débat)
A l’approche des élections présidentielles, avec la multiplication des débats entre candidats et autres interviews dans les médias, me voilà de nouveau en proie à mes vieux démons… Ces combats de mots, ces attaques qui fusent, ces allégations mensongères dont le seul objectif est de faire poser genou à terre à son adversaire, tout cela m’oppresse !
Au lendemain d’un débat très commenté entre deux candidats, j’écoutais un programme à la radio dédié au décryptage de ce qui fût, selon certains chroniqueurs : « un duel et même un combat de catch plutôt qu’un échange, entre deux adversaires qui s’interrompaient et se hurlaient dessus sans s’écouter ». Et là, incroyable, l’émission de radio a pris la tournure d’un débat dans le débat, entre une partie des journalistes considérant qu’il n’y avait pas de débat sans surjouer, sortir les poings et s’invectiver, et les autres pour qui de telles foires d’empoigne finissaient par stériliser le débat, annihiler les idées et au bout du compte contribuaient à perdre les électeurs…
Effectivement, étymologiquement, le mot débattre signifie battre, frapper, rosser avec intensité. Et sans subtilité, ni nuance aucune, c’est bien ce à quoi se prêtent nombre de nos édiles politiques, encore aujourd’hui, et de façon de plus en plus virulente, me semble-t-il.
« Si bien que le débat politique finit par s’apparenter à ces reconstitutions de joutes chevaleresques, où des cascadeurs se livrent à une démonstration d’escrime chorégraphiée en poussant de grands cris rageurs, tout en sachant qu’ils ne courent aucun danger parce que leurs épées sont émoussées. Et pendant que nous nous divertissons devant ces simulacres d’affrontements herculéens, sans cesse rejoués, il y a une chose qu’hélas, nous perdons de vue : le véritable débat d’idée. » comme le souligne Clément Viktorovitch, journaliste à France Info dans son émission Entre les lignes en décembre 2021.
Et si nous nous employions à « relever le débat » ? Façonner une parole noble, forte et utile pour donner à comprendre et faire avancer les idées. Faire preuve d’exemplarité dans notre langage en s’inspirant de virtuoses de l’art oratoire, de champions de l’éloquence, d’amoureux de la parole, qui la portent avec talent dans les prétoires… Dans cet article, je m’inspire de deux ouvrages : Remarques sur la parole de Jacques Charpentier, Bâtonnier du barreau de Paris de 1938 à 1945 et La parole est un sport de combat de Bertrand Périer, avocat et enseignant de l’art oratoire à Sciences Po et HEC.
Alors que J. Charpentier s’amuse à opposer écriture et art oratoire, il est frappant de voir combien ses écrits sont porteurs de sa parole vibrante. Lui qui enseigne que la parole est d’abord un corps en mouvement et une tension. Il nous donne à lire ici un verbe vivant, vigoureux et volontaire.
En 1961, date de la parution de son ouvrage, J. Charpentier se questionnait sur l’avenir de la parole : « En l’an 2000, les hommes parleront ils encore ? ». Il percevait alors que la parole était en voie de régression. Pour lui, l’art oratoire était déjà gagné par la maladie : « Nous ne sommes pas en présence d’un accident, mais d’une affection déjà ancienne et qui a grandi. D’abord un léger voile sur les notes hautes, un peu de laryngite. Une extinction de voix. Puis l’enroulement est devenu chronique. Et un jour, le cancer se généralise ».
J. Charpentier avait également une vision très éclairée de la déliquescence de la parole politique. Il était pour lui évident que l’éloquence politique était en chute verticale. Il constatait depuis un demi-siècle la suppression progressive du débat public. Un constat qui l’amenait à porter un regard très dur et pourtant lucide sur l’impact de cette déliquescence sur la société.
« Dans un monde qui ne s’intéresse qu’à la quantité, les combats de l’esprit ne seront plus que des batailles de chiffres. A tout propos on nous ferme la bouche avec des statistiques. Mais pour rendre les équations accessibles aux foules, on les remplacera par des graphiques, des courbes, des feuilles de température, ou des images violentes qui se graveront dans les mémoires. »
Pour être transparente avec vous, j’avais prévu de donner comme sous-titre à ce chapitre : « Le contre-exemple du débat politique d’aujourd’hui » ! J’ai finalement décidé de l’aborder sous un angle plus positif… Alors pour éviter de biaiser mon analyse, étant donné que les débats politiques actuels m’angoissent littéralement, je préfère vous partager quelques extraits du décryptage du politologue et maître de conférences à Paris II, Benjamin Morel, dont vous trouverez l’intégralité de la chronique dans les ressources en toute fin du présent article.
Il s’agit ici d’entrevoir la portée possible d’un débat politique en partant d’un cas concret, significatif de ce que la campagne présidentielle nous donne à voir. J’ai choisi cet exemple indépendamment de l’identité et du bord politique des candidats qui sont les protagonistes de ce débat. L’objectif consistant simplement à en analyser la forme au regard des enjeux électoraux.
Pour B. Morel, chacun des deux candidats, en perte de vitesse dans les sondages, a cherché à se démarquer de son adversaire en incarnant une posture opposée, en surjouant ses positions pour construire l’autre candidat comme le négatif de lui-même.
Ces postures très tranchées, voire agressives, ont donné lieu à des échanges extrêmement vifs incitant les journalistes à intervenir à plusieurs reprises pour demander aux débatteurs d’arrêter de s’apostropher. Le débat a rapidement tourné à la cacophonie avec des interruptions multiples qui ont pu avoir comme conséquence de dé-présidentialiser chacun des candidats.
Dans ce face à face, on voit clairement que la stratégie de décrédibilisation de l’adversaire adoptée par chacun des candidats, non pas sur le fond des idées mais sur la personne, a conduit à ce qu’ils se neutralisent mutuellement. D’une certaine manière, les rhétoriques qui s’affrontent conduisent à stériliser les échanges. Au bout du compte, cela perd les électeurs et pour les deux candidats, le débat est une occasion manquée.
Voilà un exemple type du discours politique comme instrument de conquête du pouvoir, tel que le dépeint B. Périer. Nous atteignons ici des extrémités qui rendent inaudible toute vision politique, à part peut-être pour les plus avertis. Comment réconcilier les citoyens avec la politique en se donnant en spectacle dans un théâtre de stratégies et de manipulations ? Pour sa part, J. Charpentier considère que toutes les maladies du langage sont des défaillances de la volonté !
Pour toucher une population, un débat ne doit-il pas rentrer dans la société ? Se plonger dans les questions du quotidien ? Aborder avec humilité les crises traversées ? Ecouter avec compassion les besoins exprimés. Explorer avec curiosité les initiatives qui fonctionnent à une petite échelle pour les diffuser à des échelles plus grandes… Porter une parole ancrée dans le réel et dans l’humain, comme l’évoque B. Périer.
J. Charpentier considère qu’il n’y a que deux manières d’apprendre à parler : Parler. Ecouter : « le premier devoir de l’orateur est de connaître – ou de deviner – la vérité de ceux qui l’écoutent. Pour que ses vérités à lui s’incorporent à eux, qu’elles deviennent leur sang et leurs muscles… ».
Telle est l’invitation de B. Périer. Pour lui, le vrai débat d’idées est une façon d’éviter les rapports de force car la violence naît de l’incapacité à confronter les points de vue et à se comprendre...
« L’écoute, plutôt que les coups. Débattre, plutôt que se battre. […] En aidant chacun à exprimer sa pensée de façon plus exacte, plus précise, plus argumentée, en bannissant les invectives et les propos rudimentaires, j’ai la conviction que l’on facilite le débat, et que l’on parvient à faire reculer les violences qui naissent de l’incompréhension. De la même façon que la parole peut diviser, elle doit aussi pouvoir nous réunir. Pas nécessairement dans le consensus mais dans le goût partagé de la controverse. »
La parole est nécessaire à la construction de liens sociaux car elle favorise la communication pour nous amener vers une compréhension mutuelle. La parole permet ainsi d’élaborer un monde commun ; elle s’inscrit dans une relation à travers laquelle chacun peut exprimer des pensées, des émotions, des valeurs, des besoins… et partager des informations, des connaissances, des intentions… En cela, la parole est un mode d’accomplissement privilégié qui nous fait exister pour soi et à travers les autres. [A lire aussi : « Cultiver son langage, c’est prendre soin de soi et des autres… »]
Pour la politologue, philosophe et journaliste Hannah Arendt, « c’est parce qu’ils peuvent parler ensemble sur ce qui les concerne tous que les hommes peuvent partager la même vie et le même monde. Le dialogue est pour elle bien plus qu’une condition de la vie en société, il est un critère majeur d’humanité ».
Parce que la voix humaine est contagieuse, pour J. Charpentier, c’est grâce à la parole que nous pouvons passer à l’action. Pour lui, la parole est action ou n’est rien. Parler, c’est faire du travail. On juge la parole à ses résultats. C’est en passant l’épreuve d’un débat qu’une idée, une théorie révélera sa force ou sa faiblesse et qu’elle mènera ou non à l’action.
Parler, ce n’est pas rien dès lors que l’on met une intention dans le langage ou que l’on partage des intentions mutuelles dans la cadre d’un dialogue. Dans la discussion, parler consiste à chercher la compréhension mutuelle, rendre explicite l’implicite, c’est une réelle entreprise coopérative.
Le pouvoir du langage c’est celui de nommer, de créer et donc de réaliser une réalité. Alors, la parole devient action dans le sens où elle vise à accomplir quelque chose. Et le vouloir dire entraîne le pouvoir agir. Tout l’enjeu est ici d’inventer des espaces pour favoriser cette parole dans laquelle on se comprend et à travers laquelle on décide de se mettre en action.
« Parler, c’est convertir. Au moins convaincre ; ou raffermir des convictions chancelantes ; ou rapprocher des divergences ; ou mettre au monde des opinions embryonnaires ; au moins répandre un sentiment, propager une disposition, jeter la graine au vent, lancer la bouteille à la mer. » clame J. Charpentier.
Dans la même veine, B. Périer convoque une parole qui part à la recherche de ce qui nous rapproche plutôt que de ce qui nous sépare. Cela suppose de se positionner honnêtement et de ne pas caricaturer la pensée de l’autre dans le débat d’idée.
Dans ce chapitre, je vous propose d’étudier trois « espaces », à inventer ou existants, pour apprendre à discuter, débattre, délibérer et surtout, pour se comprendre et faire avancer les idées. Il m’a semblé intéressant d’appréhender trois dispositifs proches dans leur philosophie et complémentaires dans les populations qu’ils adressent : la société, le monde du travail et la famille. Ces systèmes vertueux venant se soutenir les uns les autres.
Pour François Taddei, spécialiste de l’évolution de la coopération qu’il étudie à l’Inserm, et fondateur du CRI devenu Learning Planet Institute, la démocratie du XXIème siècle, si elle veut survivre et se développer, doit devenir participative à tous les niveaux, du plus local au plus global. Il propose de « déployer, à toutes les échelles, des espaces de délibération démocratique qui intégreraient dans leur structure et leur fonctionnement les piliers d’une décision éclairée : la recherche de la compréhension des faits (par la science), la formation permanente des acteurs et l’écoute des oppositions et contre-pouvoirs ».
F. Taddei imagine une démocratie fondée sur un gouvernement humble qui sait qu’il n’a pas toutes les solutions et qu’il va falloir écouter les citoyens pour coconstruire ensemble un avenir souhaitable. Une démocratie capable d’empathie, de compassion, capable d’entendre les besoins, les désirs et les peurs aussi, dans un processus ouvert et pas descendant. Pour éprouver des solutions qui satisfassent tout le monde. Il propose d’inventer de nouveaux systèmes dans lesquels nous sommes encouragés à faire émerger le meilleur de nous-même, en réintroduisant des débats de qualité et en régulant ceux qui manipulent nos émotions. Il rêve de lieux dans lesquels la culture, l’éducation, l’information de qualité et l'inspiration vont pouvoir émerger.
Un rêve qui fait écho à une invitation de J. Charpentier : « Ecouter. Chaque fois que l’occasion s’en présente. Fréquenter les églises, les palais de Justice, les universités, les Parlements. Ecouter les maîtres. Ecouter les médiocres, ne serait-ce que pour apprendre d’eux ce qu’il ne faut pas dire. Et tout en écoutant, étudier le public ».
Un autre défi est d’ouvrir le dialogue dans les organisations ! Un dialogue permanent et à tous les niveaux qui s’inscrit dans les routines de l’entreprise de manière à élaborer ensemble les bases de l’action collective.
Là encore, le dialogue dans le travail s’articule autour de deux dimensions fondamentales : l’écoute et la discussion, pour confronter les objectifs stratégiques avec les réalités opérationnelles. L’enjeu est d’ouvrir le débat au sein des équipes sur les différentes façons d’envisager l’activité et partager sur les critères du travail bien fait. En somme, créer des lieux d’expression sur l’activité dédiés à la coopération, permettant à chacun de développer son pouvoir d’agir dans une optique de résolution de problèmes. [A lire aussi : « Communiquer sur le travail, c’est bien… Communiquer dans le travail, c’est mieux ! »]
Pour coopérer, selon le sociologue Philippe Zarifian : « il faut partager la compréhension des problèmes, confronter leur analyse, se projeter ensemble dans l’avenir et anticiper les actions à mener, voire coélaborer, coécrire en quelque sorte la conception de ce que l’on doit entreprendre ensemble ».
Ces espaces au sein desquels les personnes qui travaillent peuvent faire entendre leur voix pour que les modalités de l’action commune soient mises en délibération sont les Espaces de Discussion sur le Travail, développés par l’ANACT. Cette pratique permet une discussion centrée sur l’expérience du travail et ses enjeux, les règles de métier, le sens de l’activité, les ressources, les contraintes… C’est un lieu essentiel de progrès et d’innovation, car vecteur d’apprentissages individuels et collectifs, au croisement de la performance sociale et économique.
Dans son ouvrage L’entreprise délibérée. Refonder le management par le dialogue, Mathieu Detchessahar, professeur des Universités - Laboratoire d'Economie et de Management Nantes-Atlantique (LEMNA), l'assure : « Quand il est vécu à un bon niveau de dialogue, le travail devient une véritable « école de la citoyenneté » où l’on s’entraîne à examiner des problèmes de façon partagée et critique, où l’on est invité à cultiver les vertus de la dépendance assumée : écoute, prudence, maîtrise de soi, respect d’autrui… ».
L’entreprise n’est pas en dehors de la société, elle est la société ! C’est pourquoi elle a un rôle déterminant à jouer dans l’organisation de la vie au travail. Constituée de femmes et d’hommes animés par des aspirations sociales renouvelées et portés par un élan de vivre ensemble inégalé, l’entreprise est responsable de la qualité du lien social qui s’y inscrit.
La famille est le premier système au sein duquel les jeunes enfants commencent à acquérir les compétences sociales fondamentales qui vont forger leur vie d'adulte. Pour acculturer les plus jeunes à l’art de la discussion et du débat au sein du foyer, j’ai pour ma part expérimenté les Temps d’Echange en Famille (TEF), un outil de discipline positive aux nombreuses vertus. Ces rendez-vous hebdomadaires d'une trentaine de minutes permettent aux membres de la famille d’apprendre à s’apprécier de façon positive en se remerciant et en se faisant des compliments. Un autre objectif consiste à s’aider les uns les autres, à résoudre des problèmes et trouver des solutions sur des préoccupations qui adressent parents comme enfants. Et enfin, bénéfice non négligeable de ces rencontres, elles contribuent à se faire plaisir ensemble et à planifier des activités en famille.
Mes enfants, aujourd’hui jeunes adultes, se souviennent encore de nos Temps d’Echange en Famille qui ont rythmé leurs fins de week-end pendants de nombreux mois. Je me rappelle encore de la joie que j’ai éprouvée à les voir exprimer de plus en plus facilement des manifestations de reconnaissance mutuelle et à trouver des solutions par eux-mêmes à leurs petits tracas du quotidien. Ce type d'espace est parfaitement adapté pour favoriser l'apprentissage de l'empathie et de la conversation à l'école également.
EtSiNous apprenions à fusionner nos horizons à la recherche d’une vérité partagée dans le dialogue, en société, au travail, en famille ?
EtSiNous inventions des espaces pour discuter, débattre, délibérer et faire avancer les idées, avec des chercheurs, des philosophes, des sociologues, des journalistes, des amoureux du langages et tous ceux qui se retrouvent dans ce rêve éveillé…
Quelques références pour poursuivre l'inspiration : FIGARO LIVE - Débat Pécresse/Zemmour : notre débrief FRANCE INFO - Entre les lignes - Quand le débat politique devient une joute chorégraphiée FRANCE CULTURE - Les Chemins de la philosophie - Parler, est-ce agir ? FRANCE CULTURE - L'invité(e) des matins du samedi - François Taddei : "La coopération est l'avenir de notre société" THE CONVERSATION - Portrait(s) de France(s) : où en est le débat public ? SISMIQUE Podcast - David COLON : Nos cerveaux sous contrôle
J’aimerais apporter un éclairage sur une capacité vitale pour tout individu dans sa vie personnelle comme dans sa vie professionnelle : la confiance. La confiance peut tout changer, selon si vous la ressentez ou pas… Elle est, selon moi, un véritable marqueur de notre société. Car la confiance est au cœur des besoins exprimés aujourd’hui, individuellement et collectivement, pour réduire l’incertitude dans notre société et donc le sentiment de risque, et ainsi, permettre à chacun de se projeter sereinement vers un futur qu’il envisage comme possible.
La confiance a pris une dimension toute particulière dès les premières semaines de la crise sanitaire. Dans les entreprises, elle s’est trouvée exacerbée par la nécessité pour les dirigeants et les managers de déployer le travail à distance en responsabilité, en limitant les moyens de contrôle. Dans la société toute entière, elle s’est vue questionnée au regard des nombreuses inconnues qui ont jalonné l’évolution de la pandémie et des décisions prises par le gouvernement pour tenter d’en limiter les effets sur la population. Force est de constater que la confiance ne va pas de soi… Elle n’est pas quelque chose que nous devons considérer comme acquis une fois pour toutes. C’est une œuvre que nous devons consolider, chérir et préserver soigneusement. La confiance est un choix !
Dans le contexte des élections présidentielles, nous voyons chaque jours les dégâts causés par les postures de méfiance, voire de défiance, développées par certaines personnalités politiques, car elles génèrent une véritable crise de confiance vis-à-vis de nos institutions et de la société dans son ensemble. Un fléau que nous avons la responsabilité d’enrayer tant il nous entraîne dans un engrenage délétère et nous enferme dans une vie étriquée, cynique et insatisfaisante. Nous devons prendre conscience que chercher à obtenir des résultats en détruisant la confiance est une stratégie court-termiste car elle s’avère insoutenable dans le temps…
« La confiance est partie intégrante de la trame de notre société. Nous comptons sur elle. Nous la tenons pour acquise jusqu’au moment où elle est altérée ou détruite. Nous réalisons alors, dure prise de conscience, que la confiance est sans doute aussi vitale pour nous que l’est l’eau pour un poisson. Sans confiance, une société se désintègre et finit par imploser. » Stephen M.R. Covey
Fort heureusement, comme toute capacité humaine, la confiance se cultive. Il est à la portée de tout un chacun d’apprendre comment établir, accorder et restaurer la confiance autour de soi. Une « confiance intelligente », synonyme de discernement, moteur de l’action et catalyseur de la relation !
Dans son ouvrage « Le pouvoir de la confiance, l’ingrédient essentiel de l’épanouissement et de la performance », Stephen M.R. Covey, l’homme d’affaires et conférencier américain évoque une « économie de la confiance » à travers une formule simple qui fait de la confiance une variable tangible et quantifiable. Sa formule est basée sur une idée décisive : la confiance affecte toujours deux facteurs, la vitesse et le coût. Quand la confiance baisse, la vitesse baisse aussi et le coût augmente. Quand la confiance augmente, la vitesse augmente aussi et les coûts décroissent.
« L’impact pratique très tangible de l’économie de la confiance se mesure dans beaucoup de relations, dans beaucoup d’interactions, où nous payons un impôt masqué de basse confiance sans même nous en apercevoir ! »
Selon Stephen M.R. Covey, cet impôt basse confiance ne se limite pas à l’activité économique. Il est perceptible dans tous les secteurs, dans toutes les relations, interactions, communications, dans chacune de nos décisions, bref dans tous les aspects de la vie. Dans une entreprise, une confiance élevée améliore la communication, la collaboration, l’exécution, l’innovation, la stratégie, l’engagement, les partenariats et les relations avec toutes les parties prenantes. Dans notre vie personnelle, une confiance élevée améliore nettement notre enthousiasme, notre énergie, notre passion, notre créativité et la joie dans nos relations avec la famille, les amis et la communauté. De toute évidence, les dividendes de la confiance ne se limitent pas à une augmentation de la vitesse et de la rentabilité ; ils se retrouvent dans une satisfaction accrue et une meilleure qualité de vie.
Ce livre vous donne une paire de « lunettes pour la confiance » car pour la plupart des gens, la confiance est une variable invisible. Ils n’ont pas conscience de son impact dans nos relations et notre épanouissement. Mais une fois qu’ils ont chaussé les « lunettes de la confiance », ils détiennent la clé qui va améliorer aussitôt leur efficacité dans tous les domaines.
La confiance est une forme supérieure de motivation et d’inspiration. Rien n’est aussi puissant que l’influence de la confiance quand elle se propage.
Nous avons tous été soumis un jour ou l’autre à des situations de manque de confiance : contrôle tatillon, jugement, rétention d’informations, suspicion… Et nous avons pu éprouver les effets négatifs de ces comportements sur notre engagement, notre enthousiasme, notre créativité et sur le déploiement de notre énergie. A l’inverse, dans des situations où la confiance nous a généreusement été accordée, nous avons pu nous montrer inspirés, libérant le meilleur de nous-même.
Pour créer un environnement de confiance optimal, dans votre famille comme dans votre cadre professionnel, il est bien sûr nécessaire d’être digne de confiance et de savoir construire des relations confiantes à tous les niveaux. Mais c’est votre capacité à « faire confiance » qui est le facteur décisif.
Pour Stephen M.R. Covey : « Accorder sa confiance aux autres régénère l’élan intérieur, aussi bien le leur que le nôtre. Cet acte touche et éclaire la propension innée que nous avons tous à faire confiance et à nous montrer dignes de confiance. La confiance apporte le bonheur dans les relations, les résultats dans le travail et la foi dans la vie. »
Pour apprendre à placer judicieusement sa confiance et développer une « confiance intelligente », deux qualités sont nécessaires : une propension à la confiance et une capacité d’analyse.
Une faculté d’analyse élevée alliée à une forte propension à faire confiance permettent de développer l’intuition nécessaire à un jugement lucide et sage. Cette capacité à la « confiance intelligente » est littéralement effervescente ! Elle stimule une dynamique qui fait émerger sans cesse de nouvelles possibilités.
A l’image d’une onde circulaire à la surface de l’eau, qui se propage de l’intérieur vers l’extérieur par vibrations, la confiance est une force qui se déploie en nous selon cinq vagues. Elle commence au niveau individuel, se propage à nos relations, s’étend à notre cadre professionnel, aux relations professionnelles hors entreprise et jusque dans nos relations sociales en général. La confiance reflète cette approche de « l’intérieur vers l’extérieur » : pour construire la confiance avec les autres, nous devons commencer par nous-mêmes.
1ère vague : la confiance en soi
Le principe de crédibilité
La première vague concerne la confiance que nous avons en nous-même – dans notre aptitude à nous fixer et à atteindre des objectifs, à tenir des engagements, à mettre en accord nos paroles et nos actes – ainsi que la confiance dans notre capacité à inspirer confiance aux autres. L’idée est de devenir pour nous-même comme pour autrui une personne digne de confiance.
La confiance en soi repose entièrement sur la crédibilité, de la racine latine credere, « croire », c’est-à-dire sur votre capacité à développer 4 fondements qui vous rendent crédible à vos propres yeux comme aux yeux des autres :
2ème vague : la confiance relationnelle
L’importance de l’attitude
La confiance relationnelle est centrée de A à Z sur l’attitude… la cohérence de votre comportement. Le principe-clé qui sous-tend cette vague est un comportement cohérent, à savoir la maîtrise du langage et des attitudes adaptées pour instaurer et développer la confiance.
Comme je l’ai évoqué dans mon article [ Cultiver son langage, c’est prendre soin de soi et des autres… Pour tisser des liens sincères et durables ] Parler le langage de la confiance, c’est construire une éthique du dialogue ; un dialogue fondé sur le respect et la dignité de chacun. C’est aussi concevoir le langage comme un agent de liaison, d’échange et d’intégration plutôt qu’un facteur de division. Cette éthique du dialogue ne se résume pas à un simple échange de paroles. Elle suppose que l’on respecte certaines règles, comme être de bonne foi, écouter, accepter l’objection, être prêt à reconnaître ses erreurs… Car le langage de la confiance doit permettre la recherche d’une vérité partagée dans le dialogue.
Selon Stephen M.R. Covey, 13 attitudes améliorent sensiblement votre capacité à instaurer la confiance dans toutes vos relations, aussi bien personnelles que professionnelles :
3ème vague : la confiance organisationnelle
Le principe d’intégration
La confiance organisationnelle montre comment les leaders peuvent susciter la confiance dans tous types d’organisations et d’équipes. Le principe-clé qui sous-tend celle-ci est l’intégration.
La priorité pour tout dirigeant ou manager est de s’attacher à instaurer la confiance en soi et la confiance relationnelle autour de lui, et bien entendu à obtenir la confiance de ses équipes. Pour favoriser la confiance organisationnelle, il doit s’employer à piloter sa structure, sa stratégie, ses processus en s’appuyant sur les 4 fondements et les 13 attitudes que nous venons d’appréhender dans les deux premières vagues. Il s’agit ici d’intégrer les méthodes qui développent la confiance dans tous les rouages de l’organisation.
Procédures bureaucratiques, règles pointilleuses ou inéquitables, attitude inadaptée d’un dirigeant sont autant de symboles, de représentations d’une culture d’entreprise, et de ce qui ne fonctionne pas dans une organisation. Il convient donc pour les responsables d’harmoniser l’organisation et ses méthodes avec les principes qui développent la confiance.
Et, dans votre entreprise, dans votre organisation à vous, qu’en est-il des symboles ? Quel message adressent-ils à vos collaborateurs en interne ? Ces symboles sont-ils en accord avec les principes qui créent un haut niveau de confiance ? Et quels sont les résultats ? Pour améliorer l’intention organisationnelle, assurez-vous que votre mission et vos valeurs reflètent des motivations et des principes qui permettent de bâtir la confiance.
4ème vague : la confiance du marché
Le principe de réputation
La confiance du marché se joue tout entière sur la marque ou la réputation. Elle repose sur un sentiment : celui qui va vous faire acheter des produits ou des services, investir votre argent ou votre temps, ou recommander cette marque à vos relations.
La confiance du marché concerne des acteurs extérieurs. Il s’agit des fournisseurs, des distributeurs et des investisseurs ou des clients, mais le plus simple à ce stade pour vous c’est de les considérer comme vos « clients ».
Si une organisation renforce ses quatre fondements et adopte les treize attitudes avec ses clients, elle sera capable d’accroître sensiblement la valeur de sa marque. Ces fondements et ces attitudes sont les clés de la construction de la crédibilité et de la confiance sur le marché. Et, n’oubliez pas : la confiance que vous serez capables de créer dans votre organisation et sur le marché résultera de la crédibilité que vous aurez d’abord créée en vous-mêmes.
5ème vague : la confiance sociétale
Le principe de la contribution
Une société à confiance élevée est une société d’abondance dans laquelle chacun a plus de choix et de possibilités. L’axiome n° 1 de la confiance sociétale est la contribution. C’est l’intention de créer de la valeur plutôt que d’en détruire, de donner plutôt que de prendre, qu’il s’agisse d’individus qui cherchent à se rendre utiles ou de grandes sociétés qui acceptent de servir non seulement leurs actionnaires, mais toutes leurs parties prenantes à travers leur visée humanitaire ou sociale.
L’essentiel des contributions qui donnent leur âme à nos sociétés est le fait d’individus ordinaires qui, un peu partout dans le monde, apportent leur pierre à l’édifice commun.
Comme nous le confie Stephen M.R. Covey : « C’est vous et moi qui prenons la décision consciente de valoriser et d’investir dans le bien-être des autres. C’est vous et moi qui répercutons cette décision dans tous les aspects de notre vie. »
Nous voyons avec cette cinquième vague combien la confiance rayonne à partir de l’estime de soi, avant de se propager à nos relations, à nos organisations et puis au marché, pour s’étendre à la société dans son ensemble. La citoyenneté est un choix individuel qui engage une vie entière. Et quand nous faisons ce choix dans notre vie, nous incitons celles et ceux avec qui nous travaillons et vivons à faire des choix aussi positifs dans leur propre vie. Ensemble, nous bâtissons des organisations et des familles qui contribuent au bien-être du monde.
Le besoin de trouver du sens dans son activité professionnelle peut s’exprimer à différents moments de notre vie. Il est très prégnant auprès des jeunes générations qui aspirent de plus en plus à choisir une voie en accord avec leurs valeurs. La question du sens peut également se poser face aux difficultés rencontrées dans le cadre du travail ou à certains moments charnières de l’existence : la crise de la quarantaine, le départ des enfants... Elle n’épargne pas non plus certaines personnes qui ont tout réussi dans leur vie professionnelle et ressentent soudain un besoin de motivation supplémentaire, comme de s’aligner avec de nouveaux challenges.
« La question se pose tout au long de notre vie professionnelle, au moment de notre orientation ou en début de carrière, mais aussi à chaque évolution professionnelle, qu’elle soit voulue ou subie, et de manière plus aigüe lorsque nous ressentons une grande insatisfaction dans notre travail » précise Marguerite Chevreul dans son ouvrage Ta vie est une mission.
Ces questionnements se sont encore accélérés avec la crise sanitaire que nous venons de traverser et les bouleversements qu’elle a suscités à travers l’émergence d’une quête de sens inégalée.
Si ce besoin de sens, inhérent à notre nature humaine, est particulièrement fort aujourd’hui, c’est vraisemblablement parce que beaucoup d’entre nous n’ont jamais pris conscience de l’importance de se connecter à leurs ressources profondes, de connaître leurs talents innés, leurs capacités à réaliser quelque chose dans quoi ils se sentent utiles et qui les rendent uniques. Car nos capacités sont des trésors qui ne demandent qu’à être découverts !
Faire émerger ses talents est essentiel ; c’est une source de joie et d’épanouissement personnel car ils sont une composante importante de l’estime de soi. C’est un véritable cercle vertueux : plus nous exerçons nos talents, plus nous réussissons, plus nous sommes confiants, plus nous osons les développer encore, et plus nous sommes épanouis. La prise en compte de nos talents est donc essentielle dans nos choix professionnels car elle nous aide à déterminer si nous sommes épanouis ou pas dans notre activité.
Cette responsabilité incombe naturellement à tout individu au travail, comme elle peut être assumée par l’organisation elle-même, qui, en challengeant les aspirations personnelles de ses collaborateurs, leur permet de s’illustrer sur des capacités nouvelles à travers de nouveaux rôles par exemple, favorisant ainsi le développent de la polyvalence, de l’engagement et d’une performance durable. Pour nombre d’entre-nous, trouver sa juste place se décline au pluriel et nécessite de se déployer à travers différentes activités, d’exprimer plusieurs talents, de croiser plusieurs disciplines, d’hybrider les champs de compétences...
Dans cet article, je vous propose une chasse aux trésors, une plongée dans les profondeurs de vos capacités, à travers l’éclairage de deux ouvrages très inspirants : Ta vie est une mission de Marguerite Chevreul et Eloge des métiers hybrides d’Audrey Chapot.
Comme nous le rappelle Audrey Chapot : « Anthropologiquement, nous, êtres humains avons besoin de nous réaliser individuellement ; nous avons aussi besoin de contribuer au groupe, d’être utile pour le collectif, de faire notre part pour la communauté. L’activité professionnelle est à notre époque la manière la plus fréquente et la plus évidente de contribuer socialement ».
Notre travail fait partie intégrante de notre vocation humaine. Il est le premier lieu où nous développons nos talents, pas seulement pour nous mais pour participer à une œuvre de création. Dans son ouvrage, l’auteure souhaite réhabiliter la noblesse du métier, celui pratiqué par nos ancêtres qui combinaient de nombreux rôles car ils maîtrisaient un large éventail de savoir-faire artisanaux, en général très pointus, transmis de génération en génération. Au fil des années, avec l’apparition de la production industrielle, la notion de « travail » a pris le pas sur les métiers, avec une fragmentation des activités professionnelles et le développement d’une hyperspécialisation qui a conduit inévitablement à la perte d’autonomie des individus. Cette hyperspécialisation, bien que favorisant l’intégration de la personne qui travaille à une famille de spécialistes et sa reconnaissance par une communauté de pairs, le réduit également à une simple étiquette. Une étiquette qui peut aussi l’enfermer et la maintenir à distance de ses capacités profondes.
C’est là qu’A.Chapot introduit la question de l’hybridation, en partant d’un constat : « Nombreux sont ceux qui savent faire beaucoup plus que ce que nécessite leur poste. Professionnellement, ils se sentent en sous-régime, limités par leur champ d’action, en manque de sens, et s’en épuisent. Ils se questionnent sur les raisons de ce mal être et de leur insatisfaction chronique. Ils en souffrent pudiquement. Ils vaquent désespérément vers un type d’activité qui les nourrisse suffisamment. Leur quête les guide souvent vers une évolution de poste ou une reconversion. Ils espèrent simplement une activité qui les satisfasse pleinement, où leur potentiel sera mobilisé ».
Si elle n’est pas la norme dans beaucoup d’organisations encore très silotées, l’hybridation des talents est une réalité pour nombre d’individus qui s’y développent. Elle se matérialise à travers quatre qualités : le besoin de diversité, l’appétence de la nouveauté, la stimulation à explorer et la connaissance approfondie de plusieurs domaines. L’hybridation a ainsi la double vertu de nourrir chaque personne qui se voit, de fait, reconnue dans la diversité de ses talents et dans sa singularité, et d’enrichir son activité professionnelle. L’hybridation se traduit donc par :
Bien souvent, l’hybridation de nos talents et de nos capacités se révèle au fil des années et de nos expériences professionnelles. Elle se construit souvent avec ce qui est à disposition et des croisements de compétences inattendus. Elle émerge ainsi imperceptiblement, puis elle nous embarque, suscitant un enthousiasme débordant à être et à faire !
Comme l'évoque A.Chapot : « Les pièces du puzzle sont là, prêtes à s'emboiter pour constituer une identité professionnelle qui fait de plus en plus sens. [...] Ce qui importe est de faire un premier pas, puis un second, et ainsi de suite... Il s'agit de créer ses propres expériences, sa mosaïque, son hybridation, pas à pas. Il s'agit de se trouver ou au contraire de se perdre, plutôt que de se mouler ».
Dès notre plus tendre enfance, nos parents et nos enseignants, et par la suite nos dirigeants et managers, nous ont engagés à progresser en insistant sur nos manques et nos limites. Une vision négative qui a eu bien souvent pour conséquence de nous forger des croyances limitantes et de développer un regard très sévère sur nous-même. Par ailleurs, nous avons plus facilement tendance à voir les talents des autres, en cherchant à leur ressembler, plutôt que d’être attentif à nos propres talents.
Selon M. Chevreul, la meilleure façon de découvrir nos talents est de rechercher des exemples de nos réalisations significatives : « Il s’agit de recenser des actions dont nous sommes légitimement fiers – des pépites dans notre parcours – et que nous avons été heureux d’accomplir, que ce soit dans notre vie professionnelle ou dans nos activités personnelles ou associatives ».
A travers ce récit de nos actions marquantes, nous pouvons identifier quels sont les talents qui se sont révélés. Bien souvent, ces forces se répètent d’une action à l’autre. Nos talents sont là, ils se manifestent dans nos réussites et dans le plaisir que nous avons éprouvé à réaliser ces activités. Demander des feedbacks à sa hiérarchie, à ses collègues ou à ses collaborateurs, peut également nous apporter des indications complémentaires sur ce qui est apprécié dans notre contribution à l’organisation.
Pour sa part, A. Chapot propose d’imaginer notre propre archipel, en faisant émerger des îles correspondant à nos talents et capacités ; en imaginant comment ces îles peuvent être reliées les unes aux autres, leur propre écosystème, ce à quoi elles nous invitent… Considérer notre activité professionnelle comme un archipel permet de la réguler et de l’ajuster à l’envi, en jouant sur les variables, les frontières et ce que nous en faisons. « Libre à chacun de renoncer à des savoir-faire, d’en ajouter de nouveaux, d’en approfondir certains, ou d’investir de nouveaux champs d’activité. […] Notre archipel est notre signature unique et modulable. »
La prise en compte de nos talents dans nos choix professionnels est essentielle pour que nous puissions nous épanouir dans notre activité : « Être dans son élément, c’est changer d’état de conscience, être sur une fréquence en totale résonnance avec ce qui est juste pour vous ». Pour trouver la « fréquence juste » et reconnaître si notre activité professionnelle est en pleine résonnance avec nos talents et capacités, nous pouvons nous fier aux signaux suivants :
Si la recherche de nos talents est déjà en soi une activité qui nous apporte de la joie, plus encore, ce sont nos talents eux-mêmes qui sont source de joie car ils sont une composante de l’estime de soi qui nous est essentielle. M. Chevreul nous invite donc à éprouver de la gratitude vis-à-vis de nos talents, à savoir :
Pour M. Chevreul, la joie grandit lorsque l’on utilise et développe nos talents : « Plus nous exerçons nos talents, plus nous réussissons, plus nous sommes confiants, plus nous osons les développer encore, et plus nous sommes épanouis. »
Cette plénitude que nous procure le développement de nos talents et capacités produit une forme d’enthousiasme selon A. Chapot : « Un carburant infini, une force qui nous donne des ailes et nous permet de tout envisager et de tout accomplir. […] Il facilite les apprentissages, il accélère la maîtrise de la compétence, il nous stimule, il nourrit notre légitimité ».
Toutes deux nous invite donc à OSER ! « Oser bousculer les règles du jeu, oser faire, oser changer la donne. Oser s’accepter et accepter ce qui se présente. Oser se faire plaisir aussi. S’autoriser à concrétiser et matérialiser ce qui nous enthousiasme. »
Il convient donc de défaire ce qui ne nous convient pas pour faire ce qui nous inspire. Pour cela, plusieurs possibilités s’offrent à nous :
En se fixant comme intention suprême d'être « épanoui, dans le sens d'être régulièrement et suffisamment nourri. C'est une voie de liberté. [...] Ce n'est pas uniquement bon pour soi-même, c'est bon aussi pour la société dans laquelle nous vivons ! [...] Ce sont nos actions et nos engagements individuels qui amorcent les évolutions de la société. [...] Oser, c'est aussi ne pas attendre que la société fasse d'abord. C'est proposer un nouveau regard, initier une ouverture, faire sa part ».
Pour compléter avec quelques lectures inspirantes CAPITAL - Et si cumuler plusieurs métiers était la clé pour s'épanouir dans sa vie professionnelle ? HBR - Se manager soi-même CADREMPLOI - CV : faut-il un profil T-shaped pour se distinguer en 2021 ?
Cet article est le fruit d’une belle rencontre avec Agnès Mazenc, praticienne et coach certifiée en neurosciences appliquées. Nos chemins se sont croisés juste avant que la Covid-19 ne fasse son apparition. Nous savions alors qu’allait naître une belle collaboration au sein de notre communauté d’acteurs de la transformation sociale ACT4 TALENTS, sans en connaître encore les contours… Près d’une année s’est écoulée. La crise sanitaire s’est installée avec son lot de déconvenues et d’opportunités, d’incertitudes et de prises de conscience. Chacun a cheminé à la lumière de cette nouvelle réalité. Et l’accompagnement proposé par Agnès au sein de la NeuroAcademy se fait encore plus prégnant aujourd’hui pour conduire les transformations individuelles et collectives qui s’invitent dans cette nouvelle réalité. Sa démarche s’est nourrie de sa propre expérimentation : grâce aux neurosciences, s’entraîner à libérer son plein potentiel pour réaliser ses ambitions les plus grandes et tendre vers une performance durable. Agnès accompagne les hauts potentiels (HPE, HPI), sportifs de haut niveau, entrepreneurs et managers qui sont une vraie source d'inspiration pour ces travaux de recherche.
« Au regard des responsabilités qui m’ont été confiées pendant ces 25 années de management d’équipes et de projet, j’ai appris à me montrer forte en toute circonstance. Et puis, un jour, je me suis retrouvée coincée dans une situation inextricable. Cette situation m’a challengée dans ce schéma « sois forte » jusqu’au bout… Jusqu’à ce qu’un matin, je ne puisse plus me lever. C’était le 9 juin 2016. Aussi étrange que cela puisse paraître, dans un contexte où tout semblait s’écrouler, je me suis sentie libérée. Je n’avais alors pas d’autre alternative que de quitter mon entreprise ; pour autant, j’ai accueilli ce départ comme un cadeau. Pendant 6 mois, j’ai pris soin de moi. J’ai fait beaucoup de sport, et j’ai cheminé en toute liberté, en laissant parler mes envies. Sans le savoir, j’ai mis en route une rééducation cérébrale dont les effets sur mon bien-être et ma créativité allaient être époustouflants ! C’est en cherchant d’où provenait cette libération émotionnelle que j’ai compris qu’il s’était passé quelque chose dans mon cerveau. Mon appétence pour les sciences et les signes de la vie – je crois aux synchronicités ! – ont fait le reste. Je me suis laissée guidée et au fil de rencontres, de lectures, de mes recherches, je me suis tout naturellement orientée vers les neurosciences. Une discipline qui donne à voir les processus issus du cerveau. Une découverte pour quelqu’un comme moi, qui pendant toute sa carrière s’est intéressée aux processus. J’ai alors décidé de suivre la formation de « praticien certifié en neurosciences appliquées » délivrée par le neuroscientifique canadien Mario Beauregard. »
« J’ai découvert la neuroplasticité : la capacité du système nerveux à se modeler et à se réorganiser lorsqu’il subit un changement. Notre cerveau est comparable à un ordinateur, constitué de hardware (structure cérébrale et neuronale), de software (programmes qui organisent nos pensées, émotions et comportements) et de stockage des données (mémoires et croyances). Toutefois, le cerveau a de singulier qu’il modifie en permanence sa structure et ses programmes, au gré de nos expériences et de nos apprentissages.
Ça a été un véritable « waouh » ! Tout devenait possible. J’ai compris, que comme pour une radio, si on se branchait sur la bonne fréquence de son cerveau, on pouvait choisir le programme aligné avec nos envies. Et lorsque le programme ne nous convient plus, nous pouvons changer de fréquence… La clé est de tenir compte des indicateurs que sont nos pensées et nos émotions pour prendre conscience du changement à engager et d’aborder cette transformation avec discipline et plaisir. Car la bonne nouvelle, c’est que le cerveau apprend par le plaisir ! Les neurosciences nous offrent la liberté de choisir le changement lorsque nous le décidons plutôt que d’être en réaction face à notre environnement ou d’attendre une situation de crise pour se transformer. »
« J’aime parler de « rééduquer notre mindset » pour illustrer l’importance de manager nos neurones lorsque l’on éprouve le besoin de se transformer durablement. Pour traiter nos 60 000 pensées journalières, le cerveau a deux circuits d’exploitation : un circuit automatique avec des programmes alimentés par notre hérédité, nos expériences et apprentissages passés, et un circuit adaptatif utilisé pour intégrer les nouveaux apprentissages et corriger les modes de fonctionnement qui ne sont plus adaptés pour réaliser nos objectifs. Par défaut, nous faisons confiance à notre système automatique. Mais nous devons garder à l’esprit que ce mode est celui du passé, et que dans une perspective de changement, il est de notre responsabilité de sortir du mode automatique pour passer en mode adaptatif.
On s’engage alors dans un véritable processus d’amélioration continue de notre base de données cérébrale. Ceci passe par une rééducation de notre mode de pensée et par le renforcement de notre intelligence émotionnelle. Nos pensées sont des stimuli électriques qui déclenchent des réactions chimiques (à la base de nos émotions) et des actions (à la base de nos comportements). Nos pensées créent ainsi notre réalité : ce que nous ressentons et vivons ou la représentation que nous nous en faisons. Changer notre réalité revient donc à changer nos pensées. Pour cela, nos émotions sont des indicateurs bien utiles, puisqu’elles sont la traduction chimique de nos pensées. Avouons qu’il est plus facile d’observer nos émotions que nos pensées ! C’est là que l’intelligence émotionnelle joue un rôle déterminant car elle nous permet d’observer en conscience nos émotions, d’en comprendre le message, de décoder le programme ayant créé la pensée (nos croyances et nos mémoires) pour le mettre à jour le cas échéant.
C’est au prix de répétitions et d’entrainement que nous pouvons abandonner ces informations périmées pour ancrer une nouvelle façon de penser. Rien ne résiste à la répétition car le cerveau apprend et désapprend par la répétition. Comme pour l’entraînement sportif, entraîner son cerveau revient à pratiquer des exercices réguliers et en conscience pour entretenir et améliorer ses performances. »
« Pour conserver le parallèle avec le sport, je dirais que pour prendre conscience de la justesse de ses mouvements et des éventuels besoins de correction, l’effet miroir est important. Soit on se corrige devant un miroir, soit à travers les conseils d’un entraîneur. Il en va de même pour le cerveau. Personnellement, pour accompagner la haute performance, j’utilise le neuro-coaching et aussi le neurofeedback, un outil d’apprentissage et d’entraînement qui appréhende l’activité électrique du cerveau comme un ensemble d’ondes que l’on peut entraîner et développer à partir du moment où l’on dispose d’un retour (feedback) et donc d’une boucle d’apprentissage. Le neurofeedback est beaucoup utilisé en Amérique du Nord, à des fins thérapeutiques, mais aussi par des sportifs de haut niveau et des CEO. Pour rendre tangible notre activité cérébrale, je réalise tout d’abord une « échographie » de nos ondes cérébrales à l’aide d’un moniteur et logiciel de neurofeedback, le Mind Mirror. Ce dispositif est né des travaux des chercheurs américains Anna Wise et Maxwell Cade, qui ont étudié le profil des ondes cérébrales de sportifs de haut niveau, de CEO et d’artistes afin de modéliser un profil type des ondes cérébrales de ces esprits performants et un protocole d’entrainement vers la haute performance. Il permet à une personne de visualiser les ondes de son cerveau au cours d’une tâche et de mettre en œuvre un entrainement personnalisé pour installer cette symphonie d’ondes, clé de la haute performance. Le Mind Mirror mesure les ondes cérébrales et la cohérence cardiaque. On l’utilise pour la gestion du stress, le développement de l’intuition et de la créativité. Il a reçu, aux Etats-Unis, en 2016 et 2017, le prix Transtech pour sa contribution innovante et scientifique à la santé mentale et émotionnelle de l’humanité.
Les potentialités de ce dispositif sont particulièrement intéressantes pour le monde de l’entreprise et le neuromanagement que j’envisage comme un processus en 3 temps. La première étape invite à mieux se connaître : comprendre ses mécanismes cérébraux et prendre conscience de sa responsabilité et de son pouvoir dans la réalisation de ses objectifs personnels. La deuxième étape met en mouvement pour mieux se transformer grâce à une feuille de route visant à libérer ses blocages et son potentiel, les deux faces d’une même médaille, au service de la réalisation d’un « super » objectif. La troisième et ultime étape conduit à mieux transformer autour de soi, à être un vecteur inspirant de transformation collective, à polliniser le bien-être et la performance au travers de la créativité et de la coopération. C’est un cercle vertueux. »
« Ce parcours, baptisé « Brain training », est dédié aux personnes à haute responsabilité, dirigeants, top-managers, qui souhaitent, tout comme un grand sportif, s’entrainer pour améliorer leurs capacités mentales et émotionnelles : avoir une vision claire sur les prises de décision, accroître sa créativité, développer son intelligence émotionnelle, relationnelle et situationnelle, optimiser sa dépense d’énergie, améliorer sa santé mentale et physique.
Une opportunité unique et exaltante de devenir l’architecte de son cerveau pour maîtriser sa réalisation et ses performances en toute conscience ! »
La période que nous traversons est incroyable ! Jamais nos modes de vie n’ont connu autant de remises en question, à travers nos interfaces privées comme professionnelles. La crise sanitaire, subordonnée à un contrôle de nos mouvements et relations, ainsi qu’à une privation de libertés jamais vue dans notre société contemporaine, constitue un révélateur à très grande échelle du pouvoir de la contrainte sur la transformation. Car, à n’en pas douter, le corollaire de cette crise sera notre capacité à s’adapter à ces contraintes et à apprendre de ces nouvelles conditions de vie et de travail.
C’est pour comprendre ces mécanismes de transformation que nous avons entrepris d’analyser les dispositions des organisations et des individus à apprendre de leurs situations de travail pour s’adapter aux mutations qui les bousculent. Au sein d’Act4 Talents, nous avons ainsi créé l’Observatoire des mutations du travail avec une première étude inédite sur la crise de la Covid-19 !
Pendant plus de 15 semaines, du mois d’avril au mois de juillet 2020, nous nous sommes immergés au sein de 24 TPE-PME de la région Auvergne-Rhône-Alpes afin d'appréhender comment leur organisation et leur management étaient impactés à l’épreuve de la crise.
Pour bénéficier d’une perception la plus réaliste possible des situations vécues dans les entreprises, nous sommes allés chercher les regards croisés de dirigeants, de managers et de collaborateurs pour confronter leurs perceptions. Nous les avons invités à prendre un peu de hauteur de vue sur l’enchaînement des événements et leurs conséquences. Des paroles vibrantes d’un contexte exceptionnel et d’émotions exacerbées que nous retraçons dans cet observatoire et à la lumière desquelles nous avons identifié 5 enjeux pour se projeter positivement et initier des transformations porteuses de valeurs pérennes dans les organisations.
Pour aller plus loin dans la compréhension des enjeux, nous vous invitons à télécharger l’étude complète sur notre site Act4 Talents.
Au moment de nos échanges avec les entreprises, entre fin mars et juillet, personne ne pouvait présager de la durée et de l’impact de la crise. Il était impossible alors de considérer si les adaptations mises en place par les organisations pendant le confinement allaient contribuer à des transformations durables ou être vite oubliées au bénéfice d’un retour à la normale. Nous portions un espoir collectif que la situation d’état d’urgence que nous venions de traverser ne pouvait qu’être temporaire, que l’été balayerait les effets du virus et que progressivement, nous pourrions revenir à une activité quasi-normale en septembre…
La « trêve » a été de courte durée ! Si dans notre espace privé nous avons pu relâcher un peu les contraintes pendant les vacances estivales, se retrouver en famille, se dépayser et savourer une forme de liberté retrouvée ; dans la sphère professionnelle, point de relâchement. La plupart des entreprises ont dû maintenir un mix présentiel/distanciel pour répondre aux exigences de distanciation sociale, avec l’obligation du port du masque au bureau lors des échanges interpersonnels. Et très rapidement, fin septembre, le spectre d’une deuxième vague a été confirmé avec le durcissement des mesures sanitaires et pour finir l’annonce d’un retour au confinement…
Dans nombre d’organisations, la rentrée de septembre a été vécue comme une « gueule de bois ». Après des vacances en demi-teinte, sans liberté de voyager à notre gré, à moitié masquées, bercées par de nombreuses inconnues… Le retour au travail a été froid et atone, en présentiel, amputé d’une partie des collègues ou en distanciel sans la possibilité d’échanger autour d’un café sur les plaisirs de vacances… Dans un de ces récents articles, Pierre-Yves Gomez, économiste et professeur à EM Lyon, voit dans cette période les signes d’une dépression collective : « Le fait que les choses ne reprennent pas « comme d’habitude » est déroutant. La société semble perdre ses repères ».
Une dépression en cascade avec des salariés perdus et démotivés, des managers désemparés par l’ampleur de la tâche, et des dirigeants fragilisés par de longs mois de bataille pour maintenir leur entreprise à flot et engourdis par le poids des responsabilités à faire respecter les mesures barrières dans les bureaux. Car toutes ces contraintes qui entravent notre autonomie, ce contrôle de nos moindres faits et gestes pour endiguer l’épidémie, contribuent in fine à bloquer notre énergie. Après de années d’une course effrénée vers le « toujours plus », nous avons été brutalement stoppés dans notre élan le 17 mars 2020. Nous avons alors fait l’expérience de l’immobilisme, du sur place. Un changement de rythme déstabilisant qui nous a amenés à nous questionner sur les fondamentaux de la condition humaine et à observer, grâce à la prise de recul qui nous était offerte alors que nous étions confinés, la vacuité de notre vie en mode accéléré. Sept mois plus tard, alors que la crise s’éternise, nous sommes réduits à un mouvement fatalement ralenti et de plus en plus sujets à l’inconfort de la privation de liberté. Une nouvelle réalité qui vient percuter la réalité antérieure, celle de l’exhortation au mouvement.
Face à cette perte de repères qui peut être synonyme d’angoisses, Pierre-Yves Gomez nous engage à nous focaliser sur les habitudes prises dans cette nouvelle réalité. Comme nous vous y invitons dans notre étude Regards croisés : observer comment les circonstances ont fait évoluer nos pratiques de travail et créer l’espace pour un dialogue ouvert et sincère dans lequel chacun pourra exposer son expérience du travail pendant cette période de crise. Dresser le bilan de ce que l’on a perdu et de ce que l’on a gagné individuellement et collectivement à travers cette épreuve. Tirer les enseignements de ce qui a fonctionné et de ce qui ne fonctionne plus aujourd’hui dans nos pratiques de travail pour construire ensemble un futur souhaitable.
Selon Pierre-Yves Gomez, « Pour accompagner le changement, il faut ne pas se concentrer sur ce que l’on perd, le monde frénétique d’hier. Il faut rendre la nouveauté du monde désirable, appétissante. On n’assiste pas à l’effondrement du monde d’avant – d’ailleurs beaucoup de choses vont perdurer – mais à l’émergence de comportements nouveaux et intéressants. A ce que nous ferons des occasions qui nous sont offertes. »
Les 5 enjeux qui ressortent de notre étude qualitative, constituent le socle de ce processus de dialogue qu’il nous semble impérieux d’animer au sein des équipes afin de favoriser l’expression des humanités du travail. De quoi parle-t-on lorsque l’on évoque les humanités du travail ? Pour comprendre quel est l’impact de cette crise sur les individus au travail, il faut développer une compréhension de la sensibilité des humains à l’égard des autres dans cette période exceptionnelle. Sans l’intégration de cette compréhension dans les modèles de management, aucun dirigeant ou manager ne sera en mesure d’appréhender l’explosion des émotions suscitées par ce contexte contraignant.
Boris Cyrulnik nous explique que donner l’occasion d’exprimer ses émotions, ses ressentis, modifie les perceptions du passé. Quand on est vulnérabilisé par un événement de la vie ou une situation particulière, on a la possibilité de remanier la représentation du réel par le récit que l’on en fait. On trouve ainsi la liberté d’agir par nos récits pour remanier intentionnellement le réel et mieux vivre ensemble. Lorsque ces récits sont collectifs, partagés avec quelqu’un ou un groupe en qui on a confiance, la parole a une fonction affective et socialisante. Cette parole est d’autant plus précieuse aujourd’hui, alors que nous travaillons dans un mix distanciel/présentiel et que nous ne communiquons plus avec nos collègues que derrière un écran ou à travers un masque. Des filtres à émotions particulièrement efficaces ! Il nous faut donc aller chercher les émotions masquées à travers le récit collectif et réapprendre à travailler ensemble en permanence.
Les entreprises ont la responsabilité d’investir pleinement ces territoires d’engagement que sont le management et l’organisation pour permettre à leurs collaborateurs de transformer l’épreuve qu’ils traversent actuellement en expérience dont chacun pourra tirer du positif. Pour commencer ce travail de co-construction, un temps de prise de recul s’impose. Un temps pour libérer la parole et écouter les besoins de chacun. Un temps pour permettre au collectif de se retrouver et à la coopération de reprendre corps sereinement. C’est sur le terrain de l’échange que l’on pourra explorer les impacts de la crise et tirer les enseignements sur ce qui a fonctionné et ce qui ne fonctionne plus. Reconsidérer et réajuster nos anciens modèles pour imaginer d’autres alternatives. Et enfin, accepter de désinvestir le superflu et de se recentrer sur l’essentiel.
A la lumière de nos 5 enjeux, quelles sont les questions à se poser collectivement pour se projeter positivement et initier des transformations porteuses de valeurs pérennes dans nos organisations ?
Ce que nous révèle l’étude Regards croisés en premier lieu, c’est le formidable regain d’humanité qui a transcendé les organisations au travers de cette crise. Cohésion, adaptation, créativité, intelligence relationnelle, vouloir agir, sens, sentiment d’appartenance, liens, confiance… sont autant de termes qui illustrent ces vécus collectifs et témoignent de l’amorce d’un changement culturel vers plus d’entraide et de solidarité. Le prolongement de notre étude nous conduira à réinterroger dirigeants, managers et collaborateurs afin de déceler les apprentissages profonds qui se seront matérialisés au fil des mois. Nous serons ainsi en mesure de confirmer ou d'infirmer la tendance selon laquelle cette crise pousse vers une plus grande humanisation de la gestion des organisations.
Nous vivons aujourd’hui un véritable renversement de valeurs ! Alors que la plupart des pays d’Europe se mettent en situation de sacrifier leur économie pour sauver des vies humaines, comment ne pas réinterroger la place des hommes et des femmes dans les organisations. Cette crise « existentielle » qui impacte respectivement l’existence des entreprises et celle des humains, peut-elle être le terrain d’une réconciliation entre performance économique et réalisation humaine autour de nouvelles valeurs de travail ?
Quelques lectures et une vidéo inspirante : L'OBS - Comment la crise du Covid a sonné la fin du « toujours plus » THE CONVERSATION - Transformation numérique : comment ne pas manquer la phase qui s’ouvre dans le travail ? YOUTUBE - Boris Cyrulnik - Le récit de soi