Plus j’avance dans mon enquête sur le sens, plus je perçois la complexité du sujet. En dehors de la philosophie, j’avoue trouver assez peu de recherches qui éclairent la dimension du sens dans le travail. Cette quête de sens qui s’exprime partout et par tous aujourd’hui, les jeunes comme les moins jeunes, mérite qu’on lui accorde toute notre attention. Pour soi, pour faire les bons choix et initier des actions à impact dans sa vie professionnelle et aussi pour les autres, lorsqu’on est dirigeant ou manager. Car avant d’imaginer donner corps à un projet collectif, encore faut-il avoir approfondi le sens individuel…
Il arrive régulièrement, lorsque j’accompagne des collectifs dans l’exploration du sens et de l’intention qui les anime dans leur travail, leur mission, que l’on me rétorque que c’est « intime ». En effet, le versant personnel du sens dans le travail est trop souvent considéré comme « intime », « privé »… Parce que ce versant a rarement été exposé, par souci de discrétion, par méconnaissance des véritables ressorts individuels, par confusion entre « intimité » et « authenticité ».
Pourtant, j’ai pu observer qu’aucun sens collectif n’est accessible, sans avoir dans un premier temps clarifié le sens individuel. C’est-à-dire, avoir pris le temps d’explorer le sens qui m’anime, moi, dans ce projet, cette action, cette transformation… C’est en faisant résonner entre elles toutes les pistes de sens individuel que l’on est en mesure de trouver le sens commun au collectif. Partir du sens en JE pour tendre vers le sens en NOUS !
Pour avancer dans mon enquête sur le sens au travail, j’ai choisi de m’inspirer d’une structure de sens proposée par Cécile de Lisle et Rodolphe Durand qui codirigent le « Purpose Center » d’HEC Paris. Tous deux ont rassemblé dans le livre « En quête de sens » les témoignages de dirigeants et de futurs dirigeants qui se confient sur le sens qu’ils trouvent à leur action, en tant que personnes et représentants de grandes et moins grandes organisations.
Pour les auteurs, trouver le sens s’apparente à atteindre une voie sur un chemin de crête, entre le versant personnel et intime qu’est l’ubac, à l’ombre, moins souvent éclairé, et le versant organisationnel qu’est l’adret, sous la lumière et l’exposition du collectif.
Dans cet ouvrage, ils nous partagent les pistes de sens incarnées par ces hommes et ces femmes au gré de leurs expériences en entreprise, comme des lignes de crête qui réunissent l’ubac et l’adret. Je trouve intéressante la trajectoire singulière qu’ils nous proposent pour cheminer vers le sens au travail, trois dimensions afin de passer de l’intention à l’action : « être soi », « être avec » et « être pour », en entreprise.
« Être soi », signifie se délester des peurs et des croyances qui nous incitent à nous cacher derrière des masques, à endosser des costumes dont nous pensons qu’ils sont conformes aux attendus du monde du travail. La vie professionnelle nous confronte à des situations difficiles, qu’elles soient d’ordre relationnel ou qu’elles nous enjoignent à prendre des décisions délicates. Elle nous met face à notre réalité d’humain dans toute sa complexité… Reconnaître que nous sommes quotidiennement chahutés par des peurs et des croyances n’est pas un aveu de faiblesse, mais une preuve de robustesse ! Les reconnaître avec lucidité est le meilleur moyen pour les traverser et finalement trouver la force de s’en affranchir.
« Être soi », c’est avoir le courage de regarder en face les marqueurs de notre singularité et oser les assumer pleinement. La comparaison sociale, cette tendance à se comparer aux autres, à nos collègues, à nos pairs, à nos concurrents…, est inscrite dans nos gènes. Ce mécanisme, qui peut nous aider à mieux comprendre notre position dans la structure sociale, peut aussi avoir des effets ambivalents sur notre estime de soi. Prendre conscience des valeurs qui nous sont propres et leur rester fidèle face aux aléas du monde du travail est un gage d’alignement et de confiance dans la durée. En revisitant nos réalisations marquantes, nous révélons la richesse qui est en nous. Ainsi reliés à nos talents, nous nous sentons faire partie de quelque chose de « plus grand ».
« Être soi », c’est rester connecté au cœur vibrant de son leadership, ce cœur vaillant qui, en se heurtant au monde, aux injonctions, aux contradictions, aux incompréhensions, nous amène au dépassement de soi et ouvre le chemin à tous les possibles. La vie professionnelle n’est pas rectiligne ; notre carrière ne suit pas une voie toute tracée. Elle est faite de hauts et de bas, de tâtonnements, de bifurcations, de renoncements parfois… Ce chemin, aussi chaotique soit-il, dessine notre trajectoire d’évolution, c’est un devenir qui nous mène à toucher notre essentiel et notre liberté.
« Être avec » au travail, c’est comprendre que toute victoire est collective ! L’entreprise est un incroyable réservoir de diversité. Elle offre chaque jour l’opportunité de participer à une aventure humaine, en partageant nos convictions et nos interrogations, nos peurs et nos doutes, nos freins et nos élans… En acceptant de ne pas avoir toutes les réponses, nous apprenons à nous décentrer, à nous entourer de personnes qui pensent et agissent différemment, qui nous invitent à élargir notre champ de vision. En s’alignant avec toutes les parties prenantes de l’entreprise, il est possible de dégager une puissance collective extraordinaire ! Chacun doit sentir qu’il existe et qu’il compte pour que l’entreprise puisse faire corps. Connecter les individus à leurs rêves permet de libérer les énergies et la magie humaine.
« Être avec », c’est faire le choix de la confiance. La confiance est une forme supérieure de motivation et d’inspiration. Elle est d’une puissance infinie lorsqu’elle se propage dans les organisations. Pour créer un environnement de confiance optimal dans notre cadre professionnel, il est nécessaire d’être digne de confiance et de savoir construire des relations confiantes à tous les niveaux. Mais c’est notre capacité à « faire confiance » qui est le facteur décisif, car elle donne des ailes à celles et ceux qui en sont gratifiés.
« Être avec », c’est faire grandir et réussir les autres. Un leadership de sens se fonde sur une connaissance approfondie de soi, des autres et du monde. C’est-à-dire être au moins aussi conscient de ses talents que de ses limites. L’exemplarité est moins synonyme de perfection que de lucidité et de sincérité. En étant à l’écoute de ses équipes, un dirigeant, un manager, se met en situation d’éprouver la réalité du terrain de son organisation et de son marché. Connaître et reconnaître les forces vives qui sont à l’œuvre est un formidable vecteur d’accomplissement personnel et collectif. La reconnaissance développe le sentiment d’utilité. Elle favorise l’autonomie et la responsabilisation. Elle encourage le pouvoir d’agir et crée un environnement permettant de donner le meilleur de soi-même, de déployer tout son potentiel.
« Être pour », c’est s’engager, de bout en bout… Pour dépasser les intérêts court-termistes d’une organisation, l’engagement, qu’il soit environnemental ou sociétal, doit être porté par l’ensemble des individus qui la constituent. Se sentir engagé, c’est se sentir lié. Assumer ce lien nécessite de s’assurer que notre activité ne nuit pas aux membres de notre communauté et qu’elle soit bénéfique au maximum d’entre eux. D’un bout à l’autre de l’organisation, tout le monde doit s’accorder et cultiver le même niveau d’engagement, le même niveau d’exigence, partager les bons réflexes, incarner l’ambition collective pour que sa raison d’être devienne sa raison d’agir.
« Être pour », c’est assumer ses responsabilités ! Pour s’engager, encore faut-il se sentir responsable. Le militantisme a sa place dans les organisations. Il est fondamental, en tant que citoyen, de contribuer à développer en leur sein un rôle d’influence sur les réglementations et les standards de bonnes pratiques. Notre responsabilité personnelle consiste à ne pas rester passif, et la responsabilité des organisations à réduire leur impact environnemental au minimum et surtout assumer les conséquences de leurs actions. La deuxième ne sera pas assumée si la première ne l’est pas d’abord… Une action citoyenne et militante en parallèle des logiques marchandes et visant les enjeux institutionnels est indispensable pour faire face à ce qui est vraisemblablement la plus grande crise jamais vécue par l’humanité.
« Être pour », c’est choisir et parfois renoncer… Sanctuariser les décisions n’allant pas nécessairement vers une maximisation du profit à court terme mais visant à créer de la valeur partagée et durable permet de pérenniser la mission de l’entreprise. Il s’agit ici de repenser ses activités cœur de métier à l’aune de leur contribution aux grands enjeux sociétaux et/ou environnementaux. Arbitrer en permanence entre les performances à court terme et les enjeux à long terme est une manière de répondre à l’injonction contradictoire qui pèse sur toutes les entreprises à l’heure actuelle. La mission devient alors un moyen de guider les dirigeants pour tout ce qu’ils font, mais aussi pour tout ce qu’ils décident collectivement d’abandonner. À travers ce prisme, les renoncements d’aujourd’hui sont les profits de demain. Le renoncement est aussi une affirmation. Il est préférable parfois d’avancer à contre-courant plutôt qu’à contrecœur ! Cela nécessite que les parties prenantes de l’entreprise s’accordent sur le sens dans lequel elles souhaitent se diriger.
Ma source d'inspiration :
En quête de sens : Un dialogue entre dirigeants et futurs dirigeants - Cécile de Lisle & Rodolphe Durand
Quoi de plus significatif que l’image des lignes d’eau d’une piscine olympique pour symboliser l’alignement ? Les innombrables exploits des sportifs aux JO2024, notamment les extraordinaires performances de Léon Marchand en natation, ont faire remonter à la surface ce qui se joue dans les profondeurs de ces grandes compétitions et dans le cœur des grands champions. Comme en témoignent les athlètes qui ont marqué les épreuves de leurs prouesses, derrière chaque médaille se cache un travail de titan dans leur discipline, année après année, et aussi un état d’esprit puissant forgé à partir d’une meilleure connaissance de soi et de ses modes de fonctionnement. Cette préparation, bien plus « globale » que « mentale » à mon sens, est indispensable pour dépasser ses peurs, gagner en confiance et aller au-delà de ses limites. Qu’avons-nous à apprendre de ces sportifs de haut niveau pour donner le meilleur de nous-même dans nos activités professionnelles comme personnelles et libérer notre plein potentiel ? Je vous invite à plonger dans le grand bassin de l’alignement…
Dans le domaine du sport, toutes disciplines confondues, lorsque l’on décrypte les fondements de la performance, quatre éléments ressortent significativement aujourd’hui : les prédispositions, l’entraînement sportif, la préparation physique et la préparation dite « mentale », que j’appellerai plutôt « globale ».
Les athlètes qui gravissent les marches du podium, quelle que soit la compétition, possèdent en eux des prédispositions indéniables, génétiques, physiques, psychologiques, cognitives… et certainement un savant dosage de toutes ces capacités complémentaires.
Philippe Lucas, l’ancien entraîneur de la nageuse Laure Manaudou, a commenté les prouesses de Léon Marchand dans la presse. Le coach est dithyrambique. Pour lui, cet exploit n’est « même pas exceptionnel, c’est grandiose ! ». Il considère qu’il a toutes les qualités du très haut niveau et que tous les entraîneurs aimeraient avoir un tel athlète dans leur équipe. Philippe Lucas qualifie le jeune médaillé de « poisson ».
Selon lui : « c’est inné. Il est hyper aquatique ».
C’est indéniable, Léon Marchand a su trouver sa part de génie. Pourtant, la natation ne s’est pas imposée à lui immédiatement. Même s’il se sent très à l’aise dans l’eau dès le plus jeune âge, il s’est d’abord essayé au judo et au rugby et c’est seulement vers 12-13 ans qu’il commence à s’entraîner au club de natation toulousain.
Nous avons tous une part de génie en nous, de façon innée, qu’il nous faut découvrir. Cela ne fait pas nécessairement de nous des êtres d’exception, mais des êtres singuliers. Se connecter à nos ressources profondes, connaître nos talents innés, nos capacités à réaliser quelque chose dans quoi nous éprouvons du plaisir et qui nous rend uniques est de notre responsabilité. Nos capacités sont des trésors qui ne demandent qu’à être découverts et déployés !
Faire émerger nos talents est une source de joie et d’épanouissement personnel car ils sont une composante importante de l’estime de soi. C’est un véritable cercle vertueux : plus nous exerçons nos talents, plus nous réussissons, plus nous sommes confiants, plus nous osons les développer encore, et plus nous sommes épanouis.
Selon Thomas Sammut qui accompagne Léon Marchand et de nombreux sportifs de haut niveau à prendre soin de leur santé mentale, apprendre à se connaître et à s’épanouir en tant qu’individu est le meilleur chemin vers la réussite : « la clé de voute, c’est de participer à l’éveil de leur identité et de renforcer leur personnalité. C’est gagné quand ils se portent un amour inconditionnel ».
Il constate qu’en France, nous avons été éduqués à nous percevoir à travers nos manques et nos prétendus défauts. C’est une erreur. Nous sommes tous différents et uniques.
Pour le coach : « C’est en sublimant nos singularités que, d’abord, on se sent bien, puis que l’on excelle ».
La compétition, Thomas Sammut la voit comme une opportunité d’aller chercher le meilleur en nous. Mieux on se connaît et moins on subit les injonctions des autres qui nous renvoient l’image de ce que devrait être la « perfection ». La pression du résultat et de la première place est usante pour notre système nerveux qui n’est pas fait pour subir ce stress dans la durée. Personne ne peut fournir le meilleur de lui-même s’il subit une pression extrême ou régulière. Alors qu’en se focalisant sur notre plaisir dans la pratique d’un sport qui nous élève, il devient possible de performer durablement. Le plaisir fonctionne alors comme un véritable moteur.
Léon Marchand le répète à l’envi ; son mot clé est le plaisir. En étant focus sur ce qui le fait « kiffer » dans son sport, il vit un véritable « élan du cœur » qui lui permet de voir bien au-delà des médailles et des records. Sa curiosité, dans la vie comme dans son sport, l’incite à se challenger sur de nouvelles manières de faire, à se tester sur d’autres nages, plutôt que de faire la course aux records.
En se concentrant sur la recherche de maîtrise d’une nouvelle nage, plutôt que sur la recherche d’un résultat, l’entraînement peut être vécu comme un plaisir. Les efforts fournis pendant un entraînement régulier et intense favorisent ainsi la réalisation de soi et non la réalisation d’un objectif extérieur à soi.
Si Léon Marchand s’est abstenu de laisser exploser sa joie dès la première médaille, c’est pour conserver l’énergie procurée par cette extraordinaire émotion, intacte pour les épreuves suivantes.
Il évoque souvent l’énergie qui le porte, qu’il va chercher au moment de la compétition, pour prendre du plaisir dans son sport et « se transcender ». Cette énergie qu’il ressent dans son corps lui permet « de partir vite, de se régénérer pendant la course, d’arriver à fond »… Il capte aussi l’énergie qui l’entoure, dans le public, dans le bassin, pour performer, « sans forcer sur les muscles ». En se connectant à « l’ambiance dingue » dans la piscine, il ressent « les vibrations » provoquées par la clameur des supporters, « même sous l’eau » !
Lorsque Léon Marchand parle des bénéfices de son travail avec son coach Thomas Sammut, il confie « avoir grandi en tant qu’humain », avoir appris qui il est en tant qu’humain et pas uniquement en tant que nageur. Être au clair avec ce qui nous anime, au cœur du réacteur, est essentiel pour se connecter à son énergie vitale et s'élever au-delà du petit soi.
Cela implique d’être pleinement focus, « dans sa ligne », pour reprendre l’expression de ce formidable athlète. Une image qui sacralise l’importance d’aligner toutes ses capacités pour donner le meilleur de soi-même. La leçon d’alignement de Léo Marchand illustre parfaitement comment mettre en cohérence tous ses cerveaux : son cerveau rationnel, en définissant la stratégie et les projections pour performer ; son cerveau émotionnel, en capitalisant sur les émotions pour orienter l’énergie au bon endroit et au bon moment ; son cerveau sensoriel, en inscrivant dans chaque parcelle de son corps le plaisir de la nage pour se dépasser ; et enfin son cerveau spirituel, en ciblant son plaisir en direction d’un rêve plus grand que lui.
Après ces incroyables JO2024, Léon Marchand est résolu à s’accorder un mois et demi de vacances, sans nager, même s’il sait que l’appel du bassin va être fort. Cette pause lui permettra de « repartir de zéro » pour préparer les prochaines compétitions.
Même si les efforts consentis pour préparer et vivre une compétition de haut niveau sont sans commune mesure avec les exigences de notre quotidien de travail, il ne faut pas négliger que pour donner le meilleur de soi-même nous avons tous besoin de temps de décompression. S’extraire du rythme effréné, s’accorder du temps, de l’espace, pour sentir où le courant nous porte, laisser notre esprit se couler vers de nouvelles voies… Au-delà des vacances estivales, propices à la déconnexion, s’offrir des bulles de ressourcement et d’inspiration, seul.e ou entre pairs, favorise une reconnexion à soi et à nos aspirations profondes, à notre source.
Mes sources d'inspiration :
Comment le nageur Léon Marchand a travaillé son mental - BRUT
Léon Marchand : "C'est des moments incroyables dans une vie de sportif" - FRANCE.TV
Thomas Sammut, préparateur mental de Léon Marchand : « Quand je parlais du lien entre bien-être et performance, on me riait au nez ! » - COURRIER CADRES
Le sens est un puissant levier d’engagement et de joie… Pourquoi je me lève chaque matin ? Pourquoi j’ai choisi ce métier ? Pourquoi je prends cette décision ? Cette quête de sens qui rythme votre quotidien de travail n’est pourtant pas un long fleuve tranquille car le sens ne se décrète pas ! Ni par votre entreprise, ni par votre manager. Pas davantage par vos clients.
La quête de sens est une chasse au trésor dont vous êtes l’explorateur central. Le sens est une pépite, le carburant qui entraîne votre moteur, l’élan qui vous propulse dans l’action avec énergie et enthousiasme. Cette pépite est nichée dans les profondeurs de votre « mine » intérieure. Vous êtes un gisement de sens et pourtant ne savez pas comment extraire cette matière précieuse. Ne cherchez pas à l’extérieur, vous détenez tous les outils à l’intérieur. Cela demande juste un peu d’apprentissage et d’entraînement. Et surtout de mobiliser toutes vos intelligences… jusqu’à les mettre en cohérence, les aligner en quelque sorte.
En conjuguant toutes vos intelligences, vous êtes capable de percevoir la vie en 4 dimensions et de prendre les décisions les plus justes, celles qui font sens pour vous.
Vous avez toutes et tous déjà fait l’expérience de l’alignement, c’est certain. Souvenez-vous de ce moment intense où vous avez ressenti une incroyable énergie qui a irradié du bout de vos orteils jusqu’à la pointe de vos cheveux et vous a procuré une joie indicible. Un moment suspendu pendant lequel vous vous êtes senti.e puissant.e et porté.e vers l’action.
Vivre de telles sensations reste un événement rare et fugace. Pourtant, tout être humain est doté des ressources dont il a besoin pour sentir le sens dans sa vie et discerner avec clarté ce qui est juste et bon pour lui. Nous le sentions distinctement lorsque nous étions enfant, tout à notre joie de vivre le moment présent. Puis, en traversant l’adolescence, nous avons oublié ; nous avons perdu le contact avec la légèreté, avec la fluidité des émotions. La gravité du cerveau rationnel a pris le dessous jusqu’à nous détourner des autres cerveaux auxquels nous étions connectés dès le plus jeune âge.
Avec les études, le travail, les responsabilités, les contraintes diverses, les expériences de la vie, nous nous sommes forgé un mental fort, car la société met sur un piédestal l’intelligence rationnelle. Depuis l’école, nous avons appris qu’en développant cette intelligence, nous allions accroître nos capacités intellectuelles, obtenir des diplômes, évoluer professionnellement et ainsi réussir dans la vie.
En mettant toute notre énergie à entretenir notre intelligence rationnelle, nous avons fait de notre mental le radar principal pour analyser les situations et prendre des décisions, en nous dissociant des autres intelligences humaines dont nous étions dotés depuis la naissance. Nous avons ainsi occulté des dimensions essentielles pour percevoir distinctement les événements de la vie dans notre monde complexe et incertain.
En ne percevant les situations, qu’à travers notre cerveau rationnel, nous nous limitons à une seule dimension. Alors qu’en conjuguant nos intelligences rationnelle, émotionnelle, sensorielle et spirituelle, nous sommes capables de voir la vie en quatre dimensions !
Les neurosciences ont démontré qu’il n’y a pas de cerveau sans corps. Il est par conséquent impossible de prendre une décision juste sans avoir pris en compte notre ressenti et les émotions qui y sont liées, au niveau corporel.
Nos émotions sont le fruit d’une coopération entre le corps et la tête ! C’est dans notre corps qu’elles se font vibrantes, si nous savons y prêter attention. En se focalisant sur la sensation physique qui fait écho à une émotion, dans les recoins de notre corps, en accueillant et en reconnaissant cette sensation, qu’elle soit agréable ou désagréable, confortable ou inconfortable, nous devenons capables d’en comprendre le sens.
L’intelligence spirituelle, quant à elle, nous permet d’élever notre niveau de conscience sur les événements que nous vivons, c’est-à-dire, les regarder avec l’esprit critique, le recul, la prise de hauteur nécessaires pour les appréhender en toute neutralité, comme un observateur extérieur. Ce cerveau nous autorise également à élargir notre champ des possibles, à voir plus grand et ainsi à nous dépasser. Moins pollués par les peurs, les doutes, les croyances et les limitations de notre mental, nous devenons plus créatifs. Nous nous ouvrons à la nouveauté et à l’inconnue.
Synchroniser tous nos cerveaux nous procure une forme de limpidité intellectuelle qui est littéralement la porte d’entrée de notre intuition.
Nous entraîner régulièrement à solliciter nos quatre cerveaux, en accueillant, écoutant, ressentant profondément, nous permet d’affuter notre perception des signaux faibles et de contacter le sens en nous.
En mettant en cohérence l’ensemble de nos ressources intérieures nous sommes plus à même de faire face aux défis qui nous animent avec énergie, enthousiasme et impact. Nous développons une conscience profonde des choses : sentir et ressentir les événements, les situations, de l’intérieur favorise le développement d’une acuité et d’un discernement très fins.
Dans le monde complexe et impermanent dans lequel nous évoluons, sortir de l’incertitude et avancer dans nos projets avec confiance requiert une grande humilité et beaucoup de tâtonnements. Savoir que l’on ne sait pas nous ouvre à un immense espace de liberté pour s’ajuster, inspirer du nouveau, et ainsi, s’adapter en permanence.
En alignant tous nos cerveaux, nous créons un état de cohérence dans lequel toutes les informations et tous les choix deviennent accessibles, toutes les réponses à nos questions sont disponibles. Avec un entraînement régulier à l’art du discernement, nous sommes en mesure d’ausculter nos mouvements intérieurs pour décoder et comprendre le sens qui est juste pour nous et prendre les décisions en conséquence.
Face à un événement que nous vivons, une situation que nous traversons, un projet que nous construisons, nos intelligences synchronisées se mettent au diapason de notre raison et de notre désir, les conjuguent pour peser leurs poids respectifs chargés de sens. Peser ces pépites de sens nous permet de jauger de quel côté penche notre balance intérieure, de sentir ce qui se qui se manifeste en nous pendant cette pesée, ce qui s’est éventuellement déplacé par rapport à notre position initiale, ou ce qui, au contraire, s’est confirmé.
La décision est prise « du dedans », à partir de notre identité singulière. Il n’y a pas ici de « bon choix en soi », mais un « bon choix pour soi ». La confirmation de ce choix éclot en nous dans un mouvement de paix intérieure, une sensation de stabilité émotionnelle, un élan de confiance. L’action qui en découle est fluide, juste, emprunte d’évidence. Elle ne demande aucun effort, elle ne suscite aucune peur, aussi audacieuse soit-elle.
Harmoniser nos capacités sensorielles et psychiques fait de nous des êtres pleinement incarnés, avec un sens du discernement aiguisé, pour acquérir un haut degré de performance, une maîtrise de soi et une capacité d’adaptation permettant de traverser les difficultés imprévues.
Mes sources d'inspiration :
Et si je libérais mon intelligence intuitive et spirituelle - Valérie SEGUIN
Foi et neurosciences - Thierry MAGNIN
Eloge de la métamorphose - Alain de VULPIAN
Dans un monde empreint d’incertitude et d’impermanence, il vous arrive certainement d’éprouver des difficultés à vous orienter dans votre vie professionnelle comme personnelle. Vous vous sentez chahuté(e) dans tous les sens, impuissant(e) face à cette agitation. Vous avez le sentiment de maîtriser peu de choses. Naturellement, pour trouver un peu de sérénité, vous avez tendance à chercher dans votre environnement des perspectives rassurantes, des signaux qui semblent vous indiquer la direction à prendre… Il est cependant superflu de chercher très loin, car vous seul(e) portez le sens qui vous mettra en mouvement avec énergie et impact. La boussole est en vous ; encore faut-il en connaître le mode d’emploi.
Dans le tumulte du monde d’aujourd’hui, gouverné par l’incertitude et une certaine dictature de la vitesse, nous faisons face à de profonds dérèglements, d’ordre écologique, social, économique… et individuel. Nos repères sont ébranlés et il nous est difficile de nous projeter avec confiance dans l’avenir.
Pourtant, au-delà de ce tableau inquiétant, il existe des voix porteuses d’espoir qui discernent d’immenses potentiels dans l’époque que nous vivons. Otto Scharmer, maître de conférences au MIT et cofondateur du Presencing Institute, y voit le berceau de transformations profondes. Pour lui, nous assistons au passage d’un mode de pensée ego-systémique, centré sur le « moi d’abord » et le « toujours plus », à un mode de pensée éco-systémique, plus sobre et incluant le bien-être de tous.
Pour sa part, le sociologue et ethnologue Alain de Vulpian considère que nous avons organisé notre société, nos entreprises, nos systèmes de gouvernance et nos relations de façon rationnelle. Nous avons construit une économie rationnelle dont nous avons été incapables de piloter le développement et qui s’est emballée. En réaction, il voit s’esquisser une société plus fraternelle pour affronter les défis du XXIe siècle. Une nouvelle société, plus organique qu’organisée, pleine de vitalité, douée pour panser ses blessures et prendre soin de son bien-être. Une société qui, en s’épanouissant prépare un futur plein de sens pour l’espèce humaine.
Tous deux évoquent les formidables capacités dont tous les êtres humains sont dotés pour transformer ces obstacles en opportunités et nous invitent individuellement et collectivement à nous connecter aux ressources insoupçonnées que nous procure notre « plasticité du vivant » pour trouver le sens, la direction qui est juste pour chacun d’entre nous.
Comment prendre ma place dans ma nouvelle activité ? Comment engager mon équipe dans un nouveau projet, une nouvelle organisation ? Comment retisser des liens avec un collègue, un collaborateur, un ami, un membre de ma famille ? Quelle nouvelle orientation professionnelle envisager ?
Ces interrogations que je vois régulièrement émerger lors de mes accompagnements illustrent le besoin de sens qui nous étreint sur les grandes questions de notre existence. Que l’on soit dirigeant pour s’adapter aux bifurcations des marchés et des règlementations, que l’on soit manager pour accompagner les défis de son équipe, à titre individuel pour prendre sa place dans un nouveau projet…
Dans un environnement instable, complexe, incertain ; face à un horizon bouché, le principal indicateur sur lequel nous pouvons compter, c’est nous-même ! Pour faire le parallèle avec les indicateurs de pilotage ou de qualité en entreprise, nous pouvons mesurer au quotidien quel est le niveau de nos indicateurs humains afin d’apprécier la justesse de nos décisions, de nos actions et se réguler le cas échéant.
Selon Otto Scharmer, nous sommes aveugles à la dimension profonde de notre leadership. Pourtant, comme ses recherches auprès de dirigeants et d’athlètes le montrent, être à l’écoute de l’état intérieur, à la source de nos décisions, de nos actions, permet d’accroître son acuité et donc ses performances. Il nous invite ainsi à mettre en lumière ce « point aveugle » en approfondissant notre expérience de l’écoute « de l’intérieur vers l’extérieur ».
Otto Scharmer nous propose trois chemins pour accéder à nos territoires profonds :
Pour Alain de Vulpian, dans notre environnement vivant, impermanent, fragile et robuste à la fois, nous ne pouvons pas prévoir ni commander les évolutions. Nous pouvons tout juste percevoir les tendances, en cultivant le vivant, et anticiper prudemment des bifurcations. Ce sont les mécanismes naturels du vivant beaucoup plus que les volontés et les initiatives des acteurs qui produisent des changements structurels majeurs.
Ainsi, il nous invite à être à l’affût des réactions du système afin d’ajuster notre intervention, et nous propose d’adopter une « posture tâtonnante ». Pour cela, il nous faut développer notre conscience de nous-même, de la façon dont nous fonctionnons et de notre évolution continue. C’est-à-dire mieux comprendre le vivant en augmentant notre « plasticité du vivant ».
Nous devons apprendre à être en prise directe sur nos émotions, nos sensations et nos intuitions, tout en restant connectés à notre raison. En mobilisant tout notre potentiel humain et en reliant toutes nos intelligences : rationnelle, émotionnelle, sensorielle et spirituelle, nous pouvons faire face aux problèmes complexes de la vie. Nous devenons ainsi plus aptes à repérer les signaux faibles annonçant des blocages ou des opportunités, des fluctuations ou des bifurcations à engager pour avoir plus d’impact dans ce que nous créons et plus d’énergie pour passer à l’action.
En nous découvrant plus grands, plus profonds, plus multiples que nous le croyions, nous prenons conscience de la richesse des ressources dont le vivant nous a dotés. Et nous trouvons la faculté de mieux sentir le sens de notre vie et la voie à suivre. Cette connexion augmentée à nous même et à notre environnement fait de nous des êtes « socioperceptifs », à la fois sensibles et connectés aux autres.
Sentir le sens, c’est donc vivre une expérience des sens, de tous les sens. Pas seulement le sens rationnel fabriqué par notre mental, porté par nos croyances, nos habitudes, nos modèles mentaux, nos peurs… mais aussi le sens issu de notre intelligence émotionnelle et corporelle. Car le corps pense et nous ne comprenons une situation distinctement qu’à travers ce que nous ressentons. Notre corps est notre ami intime, notre boussole intérieure, notre indicateur de sens.
Par exemple, la joie nous fait vivre des sensations délicieuses qui courent dans notre sang jusqu’au fond de notre cœur et qui traversent notre esprit le plus pur dans une impression de calme. Notre esprit et notre corps se mêlent en harmonie. La tristesse s’accompagne d’une sensation de rétrécissement intérieur, voire de verrouillage de certaines parties de notre corps. Notre esprit et notre corps se trouvent comme entravés et notre respiration peut être altérée jusqu’à l’apnée. Chacune de ces informations délivrées par notre corps est précieuse pour comprendre notre état intérieur.
Comme l’évoque la psychologue et psychothérapeute Jeanne Siaud-Facchin, ressentir, c’est rendre nos vies pleines de sens, au sens propre et avec tous nos sens. Ressentir, c’est se sentir vivant, c’est donner de la vie à la vie.
C’est avec tous nos sens que l’on discerne clairement ce qui est bon pour nous. Je le sens, je le sais. Nous savons avec nos sens, juste avant de comprendre avec notre tête. Ressentir nous libère du besoin de maîtriser, a fortiori dans un environnement incertain et impermanent. D’ailleurs, nous conservons la trace d’un souvenir, agréable comme désagréable à travers ce que nous avons ressenti, au-delà des mots échangés. Nous sommes un tout, une alchimie.
En ressentant le sens avec tous nos sens, un champ des possibles s’ouvre à nous avec clarté. Ainsi, nos pensées, nos mémoires, nos émotions, nos sensations s’accordent pour entrevoir un futur souhaitable vers lequel se mettre en chemin et faire les meilleurs choix. S’entraîner chaque jour à activer cette « plasticité du vivant », nous permet de développer notre acuité et d’affuter notre discernement en étant pleinement connectés à notre boussole intérieure.
Mes sources d'inspiration : Théorie U, l'essentiel d'Otto SCHARMER Eloge de la métamorphose d'Alain de VULPIAN Happinez.fr - Jeanne SIAUD-FACCHIN - Ressentir Le ressort invisible ou comment survivre aux situations extrêmes - Philippe SILBERZAHN
Je n’ai jamais autant pris la mesure de l’impact des rencontres dans ma vie que depuis que j’en ai changé… Est-ce à dire que les grandes étapes de transformation qui jalonnent notre existence sont émaillées de rencontres clés, voire que ces transformations sont favorisées par les personnes que nous rencontrons sur notre chemin ? Oui, c’est une évidence : la rencontre est au cœur de l’aventure de notre existence. Pourtant, ce que l’on pourrait croire être l’œuvre du hasard, se provoque, en se tenant prêt.e à accueillir les rencontres.
J'ai donc décidé de les ritualiser, de me nourrir aussi souvent que possible du plaisir de la rencontre dans un principe de réciprocité. C’est-à-dire de gratifier mes journées de « rencontres augmentées », ces moments précieux de pleine présence à soi et à l’autre, d’où chacun repart comme « augmenté », plus grand, plus intense, plus profond… En plaçant la rencontre comme centrale dans le déroulement de ma vie, le champ des possibles s’est ouvert, telle une invitation à « sortir de moi », à quitter ma zone de confort. Dans la rencontre, je me suis rendue disponible pour accueillir ce que la vie m’offrait à travers l’autre, et donner à mon tour.
Pourquoi certaines rencontres nous donnent-elles l’impression de renaître ? Cette question que pose l’ouvrage de Charles Pépin : La Rencontre, une philosophie, traduit l’extrême puissance de cette aventure humaine qui peut nous bouleverser au plus haut point.
Charles Pépin nous partage sa définition : le mot « rencontre » vient du vieux français « encontre ». Il exprime « le fait de heurter quelqu’un sur son chemin » et renvoie donc à un choc avec l’altérité. Deux êtres entrent en contact, se heurtent, et voient leurs trajectoires modifiées.
Quelque chose se produit, que nous n’avons pas choisi, qui nous prend par surprise : c’est le choc de la rencontre. Ce trouble qui nous étreint a une double résonance. Il nous porte vers l’autre, cet inconnu qui nous étonne et nous attire à la fois, pour qui nous ressentons perplexité et curiosité. Le choc de la rencontre nous renvoie également vers cette partie de nous-même qui nous échappe. Comme un retour à soi, il nous révèle à nous-même.
Selon le philosophe, dans la rencontre, l’autre m’intéresse, au sens le plus noble ; il m’intéresse même deux fois. Une première en tant qu’autre qui m’éblouit et me questionne. Une seconde en tant qu’occasion de progresser.
Pour Charles Pépin : « Rencontrer quelqu’un, c’est se trouver projeté au seuil d’un monde nouveau, happé par l’envie de l’explorer ; c’est une invitation au voyage. »
La rencontre nous aspire vers un ailleurs, un territoire inconnu et nous élève au rang d’explorateur. Le choc laisse place à une vibration, un désir intense de découvrir l’autre, de déplier le paysage dans lequel il est enveloppé et s’y promener.
Dans ce voyage, nous faisons l’expérience de l’altérité, en découvrant un autre point de vue, en acceptant de se décentrer pour voir les choses à travers son regard. Ce rapprochement d’horizons différents produit une pensée nouvelle et permet à chacun de progresser, de s’ouvrir à la vision de l’autre, sans renier la sienne, mais en l’approfondissant. Il s’agit de faire exister l’autre à ses côtés, dans son altérité. Se donner la chance de voir le monde avec les yeux de l’autre nous autorise à ressentir les choses avec son cœur.
La première rencontre a une saveur toute particulière. Ce moment où nous croisons le chemin de cette personne pour la première fois. Il peut nous sembler que nous la connaissions déjà, que nous avions rendez-vous avec elle. Ce sentiment d’évidence que nous ressentons lorsque l’inconnu nous semble si familier donne à la rencontre une forme de durabilité, l’espoir que l’autre reste un mystère à découvrir sans fin.
Il existe autour de moi quelques « personnes ressources » avec lesquelles je pourrais goûter au plaisir de la rencontre, encore et encore. Les retrouver me procure curiosité et joie, comme une soif inextinguible de les découvrir vraiment. Car chacune de nos rencontres est l’occasion d’approfondir et de croiser nos facettes respectives.
« Nous n’avons jamais fini de faire le tour de l’autre » écrit le philosophe Alain Badiou.
Parfois, une rencontre a lieu pour accompagner une transformation ou impulser la naissance d’un projet. Avoir rencontré l’autre nous donne des ailes. Nous allons additionner nos talents pour écrire une histoire ensemble et créer quelque chose de plus grand que nous, que nous ne pouvions accomplir seul.e.
Le signe que la rencontre a lieu est l’excitation que ce projet provoque en nous, cette envie de s’engager sans tarder, la certitude que nous allons faire équipe et ensemble réaliser de grandes choses. La rencontre permet alors de dépasser nos craintes ou nos angoisses, attachées à notre propre histoire, comme l’autre le fait avec les siennes. Ainsi, s’ouvre un champ des possibles inédits : du seul fait de la rencontre, le pouvoir de l’un s’accroît de celui de l’autre.
Lorsque nous changeons au contact des autres, nous comprenons combien nous avons besoin d’eux pour devenir nous-mêmes.
« Le plus court chemin de soi à soi passe par autrui » nous partage le philosophe Paul Ricoeur.
Si la rencontre est première, marquée par un mouvement hors de soi, où nous restons un temps fasciné par l’autre, vient le moment où nous revenons à nous-même, où nous intégrons cette rencontre dans notre propre histoire, où nous en faisons quelque chose pour nous-même.
Pour Charles Pépin, au fond, c’est comme s’il y avait deux rencontres simultanées : à travers l’altérité de l’autre se révèle l’altérité en nous. En s’aventurant hors de soi pour aller à la rencontre de l’autre, nous éprouvons cet ailleurs pour nous-même, nous goûtons à une nouvelle identité, échappée de notre conditionnement social.
Heureusement, certaines rencontres nous arrachent à ce cadre social dans lequel nous sommes enferrés. Elles produisent un choc capable de fissurer notre carapace et de faire souffler un vent de liberté sur notre identité figée.
Ces rencontres-là se jouent sur une fréquence transformatrice, elles ébranlent toutes nos croyances. Les émotions qu’elles génèrent provoquent un débordement qui abolit les limites ordinaires et laissent place à un espace infini pour exister pleinement.
Le trouble, la curiosité et le désir de se lancer sont les premiers signes de la rencontre en train de se faire. Puis l’expérience de l’altérité et la transformation sont les signes d’une rencontre qui se continue et produit ses effets.
Nous avons tous connu des rendez-vous manqués ! La rencontre n’a pas eu lieu pour une raison ou une autre, avec son lot de déception et de frustration. Pour réussir la rencontre, Charles Pépin relève trois dispositions préalables.
Rencontrer quelqu’un, c’est s’arracher à sa position de sujet autocentré pour s’ouvrir à la perspective de l’autre. C’est provoquer la chance en faisant un pas de côté, rompre avec les habitudes qui nous engourdissent. C’est aussi être prêt à accueillir ce qui se présente, le bon comme le mauvais. Se lancer l’esprit ouvert, moins concentré sur le but qu’attentif à tout le reste.
Notre époque ne nous encourage pas suffisamment à l’action. Comment oser partir à la rencontre de l’imprévu, se jeter dans l’inconnu avec confiance, quand le mot d’ordre est à la prévision, à l’anticipation, au risque calculé ?
« Une vision gestionnaire de l’existence a triomphé des conceptions aventureuses de la vie » selon Charles Pépin.
Avec son mantra « J’y vais-je vois », le philosophe nous invite à la rencontre. Car la vie véritable, essentielle, repose précisément sur ce qui échappe à l’anticipation. Y aller vraiment, c’est y aller sans vraiment être prêt.
Des attentes trop précises risquent de nous faire manquer la rencontre. Développons donc notre disponibilité en goûtant à l’excitation que connaît l’aventurier. Sortons de chez nous, enthousiaste à l'idée de ne pas savoir à quoi nous attendre.
« Plutôt qu’abolir le hasard, embrassons-le et jouons avec lui. […] Laisser le hasard présider à nos destins est souvent la promesse des plus belles rencontres » nous encourage Charles Pépin.
Nous rendre disponible, nous demande d’assouplir nos attentes, nos critères, nos préjugés. Pareils à des œillères, ces derniers restreignent notre champ de vision et nous empêchent d’envisager ce qui pourrait faire notre bonheur. Débarrassons-nous de nos restrictions, remettons en question nos habitudes et nos certitudes. Expérimentons notre aptitude à ne pas savoir.
Moins nos attentes sont précises, plus nous sommes ouverts à ce que le moment peut nous offrir dans le présent. Il ne s’agit pas d’une attention focalisée vers un but précis, mais d’un état général d’éveil. Là s’exprime la vraie disponibilité.
La rencontre exige cette disponibilité-là, être capable de prendre son temps, de la perdre aussi, de s’arracher à la dictature des choses à faire, à la pression de l’urgence. En discutant de tout et de rien, en flânant, nous nous donnons le loisir de rencontrer profondément, de vivre un moment hors du temps. Nous nous autorisons un instant de grâce en nous livrant entièrement à la rencontre.
S’autoriser à tomber le masque, se départir de son « meilleur profil » pour se montrer sous un jour moins lisse, plus sincère. Lorsque nous assumons nos doutes et nos craintes, lorsque nous osons les exprimer ouvertement, sans fard ni faux-semblant, alors s’ouvre un espace où la rencontre devient possible.
Nous croyons que ce masque social dont nous nous affublons nous protège, alors qu’il nous isole et nous éloigne des belles rencontres. Oser se montrer vulnérable permet de briser d’un coup tout un jeu de postures et de rôles qui font barrage à la rencontre.
« Il y a une faille en toute chose, c’est par là qu’entre la lumière » chante Léonard Cohen.
Se montrer vulnérable autorise l’autre à faire de même, à se montrer comme il est, sans craindre d’être jugé, à laisser surgir ses émotions, en écho à sa propre histoire.
Le dénominateur commun à ces trois dispositions à la rencontre est la confiance. Avoir confiance en l’action et son pouvoir de reconfigurer le réel. Avoir confiance dans l’imprévu et dans l’inconnu pour se découvrir autre. Avoir confiance en nous-même pour oser se « mettre à nu ». La meilleure façon de rencontrer les autres est de leur faire confiance.
Dans la rencontre, nous vivons littéralement un choc à retardement ! Un temps pour le choc initial, un temps pour l’assimiler. Un temps pour être désemparé, un temps pour agir et s’aventurer dans sa propre existence. Un temps pour s’oublier, un temps pour revenir à soi.
Nos rencontres nous permettent, en nous tournant vers les autres, d’exister au plus haut point possible par la conscience commune que nous avons l’un de l’autre.
La découverte de l’autre, et plus encore, sa redécouverte permanente dans une rencontre perpétuellement augmentée, est un rendez-vous avec soi, en même temps qu’une exploration du monde.
Honorons ces rencontres qui chaque jour tissent la toile de notre vie !
Les vacances m’inspirent bien souvent des textes plus personnels. Comme si la pause estivale m’invitait au retour sur soi. Évidemment, un livre n’est jamais loin. En l’occurrence, ce livre-ci, je ne l’ai pas choisi ; c’est un cadeau. Il s’intitule « Être à sa place », par la philosophe Claire Marin. Un titre qui sonne très juste alors qu’exceptionnellement cette année, mes vacances d’été ont pour principal décor mon jardin. C’est donc baignée par l’énergie de l’érable argenté trônant au pied de ma maison que j’ai dévoré ce livre qui, pour le coup, m’a fait voyager. Car, comme l’envisage Claire Marin, le propre d’une place est de sans cesse se déplacer ou de déplacer celui ou celle qui croit pouvoir s’y installer…
« Être à sa place », la question se pose bien souvent lorsque nous ressentons un inconfort, le sentiment de se rétrécir et de s’enliser inexorablement dans les sables mouvants de la déchéance. Il peut arriver que la place que l’on s’est pourtant choisie tourne au cauchemar, que l’on s’y trouve coincé.e, empêché.e. Lorsque chaque matin, reprendre le chemin du travail nous fait suffoquer et que la proximité de notre bureau provoque panique et malaise, il faut fuir, fuir pour s’en sortir… Même si la destination n’est pas connue, nous savons combien il est vital d’échapper à ce confinement.
« S'arracher comme on arrache les mauvaises herbes, s'extraire pour ne pas pousser de travers. »
Fuir pour sauver sa peau revient parfois à s’exiler, disparaître du champ, le temps nécessaire pour se refaire – une santé – retrouver la confiance et renaître ailleurs, presque anonyme. Pas facile de disparaître, on y laisse des plumes, des amis, des choses qu’on aimait faire, quand même. Et puis, dans cet espace-temps où notre vie est suspendue, entre l’avant et l’après, dans cette parenthèse de rien, on reprend son souffle. Seul.e avec soi-même, l’imagination fait son œuvre, et dans ce tête-à-tête solitaire, on retrouve une place où créer un ailleurs.
Souvent, cette parenthèse de rien fait peur. Car on ne sait pas être dans le rien, surtout lorsque l’on vient de s’extirper de l’agitation d’un tourbillon de non-sens. Après le vacarme, le silence est assourdissant. Après le monde qui grouille d’esprits difformes, la solitude est effrayante. Alors, on apprend à écouter le silence. On apprend à percevoir les signaux émis par notre corps ; ceux que l’on n’avait pas su entendre jusqu’ici, malgré le corps qui crie. On sent l’inflexion de notre état intérieur, sa douce inclinaison du mode survie au mode vie. La paix reprend sa place.
Dans ce reset complet, nous pouvons nous réinventer. S’envisager autrement, sans nécessairement tirer un trait sur ce que nous étions, simplement se mettre à jour. En se libérant de toute contrainte, de nouvelles possibilités s’offrent à nous, qui n’attendaient que notre pleine et entière attention, dans l’espace créé hors des limites de notre mental et de nos peurs. S’extraire du temps et de l’espace permet d’entrevoir un au-delà du soi, ce soi qui nous était familier jusqu’ici, de dépasser le cadre de référence. Cet état suspendu donne une hauteur de vue pour surplomber le champ des possibles, une forme de souplesse pour s’agrandir et voir à hauteur de ses rêves.
Lorsque le désir d’ailleurs se précise et l’appel du mouvement vibre dans toutes les cellules de notre être, il est temps de se mettre en chemin pour tisser la continuité de notre vie. Cette fois-ci, il ne s’agit plus de fuir, mais de s’ouvrir vers l’extérieur, de créer une brèche pour laisser passer la lumière. En suivant la lumière, comme un guide, le chemin se dessine, notre pas se fait plus sûr, jusqu’à trouver l’élan pour s’aventurer vers cet ailleurs qui nous attire. Dans le même temps, nous faisons la place pour que cet ailleurs s’immisce en nous et prenne ses marques.
Chacun à son rythme. Certains préfèrent arpenter les nouveaux espaces que le hasard a mis sur leur route, tel un pèlerinage. Goûtant avec curiosité les nouvelles saveurs que leur procure ce voyage itinérant en terres inconnues. D’autres préfèrent tracer leur route, avides de conquêtes, près à risquer leur vie « hors de soi », arpentant ces nouveaux territoires comme des opportunités à investir. Cultiver sa disponibilité intérieure permet d’accueillir l’inattendu dans la joie et l’enthousiasme.
« Il faut parfois faire tourner notre vie sur elle-même pour qu’elle s’insère parfaitement dans un lieu tout autre, qu’elle s’offre à un nouvel espace. »
Certaines terres se montrent naturellement hospitalières, nous ouvrant en grand les portes et nous accueillant spontanément dans notre altérité. Là où pour d’autres, il faut « montrer patte blanche », se faire introniser, jouer des coudes, ou finalement renoncer face à une trop forte hostilité. Lorsque l’espace résiste, se pose bien souvent la question de notre adéquation avec cette place. Est-elle réellement faite pour nous ?
C’est là toute la différence entre « faire sa place » et « forcer la place ». Peut-être avons-nous mal visé ! Cette place-là n’était pas bonne pour nous. Pour autant, cette épreuve nous a permis de voir plus juste pour ne pas rater notre cible la prochaine fois.
Attention également aux places en trompe l’œil. Elles ont l’air de nous aller comme un gant, comme taillées sur mesure. En s’insérant parfaitement dans l’espace en creux, comme la pièce manquante du puzzle, nous nous soustrayons à l’expérience d’apprendre de nouvelles choses, de nous jeter à l’eau et de grandir encore. Car être à sa place dans la vie est une évolution permanente.
Paradoxalement, « être à sa place » ne signifie pas élire domicile, poser ses valises et se fixer une fois pour toutes, tel un arbre ou une montagne, immuables. Au risque de se voir rattrapé.e par l’immobilisme, l’isolement et l’habitude, premières causes de notre cécité et de notre surdité.
C’est, au contraire, faire l’expérience de la légèreté ; flotter dans l’existence au gré du mouvement de la vie. Nous découvrons notre place dans le désordre et les perturbations existentielles, en nous adaptant sans cesse aux aléas, aux turpitudes, faisant ainsi émerger nos ressources insoupçonnées.
Nous sommes en réalité des êtres sans cesse déplacés, comme portés par le vent ou les courants, ballottés d’une place à l’autre, loin de notre direction initiale. Tantôt pressés par un vent en rafales, tantôt ralentis par sa chute subite.
« Peut-être n’arrive-t-on jamais quelque part, quand on a tant traversé pour y parvenir. Comme si l’épreuve du trajet s’était substituée au lieu, comme si la dynamique et l’effort du mouvement s’étaient imprégnés en nous plus définitivement, telle une inquiétude caractéristique de notre personnalité, comme si cette oscillation entre le point de départ et d’arrivée était devenue une sorte de mouvement intérieur, une intranquillité impossible à calmer. »
Habiter la vie, c’est se mouvoir avec elle, danser avec elle, se couler dans son rythme, marcher dans ses pas, créer l’harmonie avec sa fréquence. En lâchant la volonté et en faisant confiance à la vie, on cesse de chercher le bon endroit. On n’a plus peur de se perdre. C’est justement là qu’on se trouve.
Habiter la vie, c’est aussi faire corps avec elle car la place est en nous ! Elle est l’empreinte de notre désir d’être et de devenir. Il nous appartient de désencombrer l’espace pour que ce désir puisse s’exprimer clairement en nous et à l’extérieur de nous. Reconnaître ce désir, l’écouter, le questionner, le partager, le mettre à jour, revient à prendre sa place, jour après jour.
Habiter sa vie, c’est habiter son corps. Ce corps qui a conservé les traces, les mémoires du vécu des places antérieures, celles où on s’est abîmé.e, épuisé.e, disloqué.e. Le corps se souvient, des années plus tard, et il se rappelle à nous lorsque l'on prend la mauvaise route, que l’on choisit la mauvaise place, encore. Le corps est pugnace ; il continue à nous parler, quand bien même nous avons été sourd.e et aveugle à ses signaux par le passé. Le corps est malin, il reproduit les mêmes troubles, les mêmes maux ; il réveille les mêmes schémas pour que la tête se rappelle.
Lorsque nous sommes à notre place, le corps s’étire dans sa plénitude, il respire la paix et nous gratifie d’une joie douce. Comme dans un alignement d’énergies, nous ressentons la cohérence et la synchronisation de toutes les fonctions de notre organisme. Notre corps a son propre langage, sa propre musique, qu’il nous faut apprendre à décoder pour entrer en harmonie avec les expériences de la vie.
Être à sa place, c’est danser de tout son être avec la vie, dans un mouvement et une impermanence perpétuels. Tel un funambule en quête d’équilibre, c'est s'entraîner chaque jour à poser un pied devant l’autre sur le fil tendu par l’existence, tantôt lâche, tantôt rigide...
Toute ma vie, j’ai entendu cette phrase : « Tu es trop gentille ! ». Je ne dirai pas que j’en ai souffert, simplement, j’ai régulièrement ressenti de l’inconfort à me voir classée dans la catégorie des « gentils », avec toutes les représentations que cela sous-entend. Aujourd’hui, j’ai compris combien cette forme d’intelligence – car c’est bien ce dont il s’agit – m’a été précieuse tant dans mon évolution personnelle que dans mes relations. Je réalise que mon ouverture du cœur est un cadeau qui me conduit chaque jour à faire les choix qui sont les meilleurs pour moi et à construire des liens solides et puissants avec les autres et le monde.
Rétrospectivement, je vois clairement les manifestations de mon intelligence du cœur car j’ai toujours su décrypter mes désirs profonds. A quatorze ans, j’avais déjà une vision très précise du métier vers lequel je voulais m’orienter. Par la suite, mes choix professionnels ont toujours été dictés par ma sensibilité du cœur. Dans mes relations amicales ou amoureuses, il en a été de même ; j’ai rarement été trompée par mes élans du cœur. Même s’il m’est arrivé de ne pas être en mesure de justifier instantanément d’une attraction ou d’une répulsion, la raison m’est apparue clairement un jour ou l’autre. Cependant, c’est bien là que se trouve la limite de l’intelligence du cœur, me semble-t-il, car si nous savons nous écouter et traduire nos intentions en actes, le motif de ces dispositions et bien souvent inaccessible. Pour permettre à l’intelligence du cœur de se déployer pleinement, nous devons donc faire preuve d’une grande confiance dans nos choix.
Aujourd’hui, l’intelligence du cœur est une capacité reconnue scientifiquement. La recherche en neurosciences a permis de découvrir que le cœur possède son propre système nerveux intrinsèque : un réseau de nerfs fonctionnellement sophistiqués décrit comme le « cerveau du cœur » contenant plus de 40 000 neurones. Ce petit cerveau donne au cœur la capacité d’évoluer de façon indépendante, de traiter l’information, de prendre des décisions, et même de démontrer un type d’apprentissage et de mémoire. Le cœur est donc reconnu comme un système intelligent qui influe directement sur le traitement des émotions et les facultés cognitives, en lien avec le cerveau de la tête et le cerveau du ventre.
Pour comprendre la place centrale qu’occupe notre cœur dans notre système neuronal, je vous invite à vous immerger dans l’ouvrage du psycho-praticien et thérapeute quantique Stéphane Drouet, intitulé L’intelligence quantique du cœur.
Stéphane Drouet, présente notre corps comme un média à part entière, un système d’information qui, sous l’influence de données extérieures, émet des signaux vers le centre de liaison et de coordination qu’est notre cerveau (de la tête) via nos ramifications nerveuses. Ces torrents d’informations qui circulent en nous à chaque instant pour rejoindre notre cerveau sont très majoritairement inconscients puisqu’ils relèvent d’un fonctionnement automatique. En effet, la plus grande partie de notre activité corporelle et psychique échappe à notre conscience qui ignore plus de 99 % des informations captées par nos sens. Cette intelligence automatisée est une merveilleuse mécanique qui nous permet de consommer un minimum d’énergie au quotidien.
Pourtant, les 60 000 à 70 000 pensées quotidiennes inconscientes, que nous ressassons de jour en jour, nous maintiennent dans des schémas du passé, construits sur la base des expériences et des perceptions que nous avons déjà vécues. [A lire : « Soigner son intention, c'est dire STOP aux ruminations ! »] Alors comment actualiser ces informations issues du passé et les mettre à jour sur la base de notre réalité au présent ? Selon l’auteur, c’est en capitalisant sur le 1 % d’espace de conscience, ce canal ouvert à de nouvelles informations, que nous pouvons en permanence créer de nouvelles connaissances, de nouvelles compétences qui, à force de répétition, vont s’ancrer dans l’inconscient, et devenir à leur tour réflexes et automatiques.
Si nous souhaitons sortir des programmes érigés par notre inconscient à partir des empreintes émotionnelles de notre petite enfance, nous devons stimuler notre conscience sur ce que nous captons de la réalité dans le présent.
J’aime beaucoup l’image utilisée par Stéphane Drouet quand il évoque ce phénomène. Il décrit l’inconscient comme « notre bulle d’histoire d’enfant qui nous entoure de manière invisible, comme un halo qui porte toutes nos joies et désillusions, tous nos espoirs et désespoirs. Et surtout, qui nous influence dans l’expression de nos émotions, comme des programmes automatiques qui se déclenchent, et qui nous interdisent de ressentir et penser autrement que par l’intermédiaire de ces informations portées par cette bulle qui nous entoure. Comme une mémoire que nous transportons avec nous et qui nous dit comment agir et réagir, et qui influence nos perceptions, nos interprétations des gestes et comportements des autres ».
Ces programmes de pensées récurrentes associées à nos dépendances émotionnelles constituent seulement le tiers de notre potentiel neurologique. A côté, figure un vide neurologique immense correspondant aux idées, questions, pensées ou émotions que nous n’avons jamais ou quasiment jamais eues. Voilà pourquoi il nous est plus facile de dire ce que nous ne voulons plus mais très difficile d’identifier ce que nous voulons vivre de différent à la place. Car dans ce vide, nos circuits sont débranchés et nous sommes incapables de penser avec les pensées de ce vide car nous n’avons jamais pensé dans ce sens. En conséquence, changer d’avis, de croyance, de valeurs, de modèle du monde, de philosophie de vie, nous demande une énergie considérable, car les circuits ne sont pas créés. Ou plutôt, certaines connexions neuronales se sont débranchées au fil des années. Car à l’âge de deux ans, l’enfant dispose d’un maximum de connexions neurologiques au regard de son potentiel génétique. Puis, en fonction de nos interactions avec nos parents, notre famille, notre environnement scolaire…et des émotions qu’elles génèrent, nous allons privilégier certaines connexions plutôt que d’autres, pour préserver notre sécurité, jusqu’à créer le vide que nous venons d’évoquer.
L’idée est ici de retrouver notre génie d’enfant, en recréant de nouvelles connexions, pour nous reprogrammer dans un sens qui est bon pour nous, dans notre réalité du présent. Cela signifie ouvrir les deux yeux, au lieu d’un seul, pour percevoir l’intégralité des informations de la situation, au-delà de notre vide neurologique du cerveau de la tête.
Pour la plupart d’entre nous, il n’existe qu’un cerveau, celui de la tête. Or, nous savons aujourd’hui que notre plein potentiel émane des connexions neuronales entre nos trois cerveaux.
Dans les années 1960, les docteurs américains Baule et Mac Fee découvraient un nouveau cerveau autonome qu’est celui du cœur, fait de 40 000 neurones. Puis, ce fut le scientifique Michael D. Gershon dans les années 1990, qui mis à jour l’intelligence du ventre, à travers son cerveau entérique, fait de 200 millions de neurones. Certains diront que face aux 100 milliards de neurones du cerveau de la tête, ces intelligences sont bien dérisoires. Pourtant, on sait en neurologie que ce qui fait l’intelligence, ce n’est pas le nombre de neurones, mais le nombre de connexions entre les neurones.
Pour redevenir des êtres complets, nous avons la responsabilité de faire dialoguer entre elles nos trois intelligences.
Nous avons d’abord appris à nous alimenter et penser par le ventre (survie par le cerveau entérique) puis à penser par le cerveau de la tête pour agir et évoluer dans ce monde (évolution personnelle). Il est temps d’apprendre à penser par le cœur pour être en lien avec l’autre (évolution universelle).
Selon l’auteur : « ce n’est pas un hasard si le cerveau du cœur se trouve entre le cerveau des émotions (ventre) et celui des pensées (tête), grâce au nerf vague qui relie les trois. Il permet de les rééquilibrer, de les synchroniser, de les réconcilier. Et réconcilier l’enfant (émotions) et l’adolescent en nous (pensées), pour accéder à l’adulte (lien). Le cœur est le grand réconciliateur. Il permet de mettre en cohérence, en congruence nos pensées et nos émotions, de les mettre en paix ».
Et la nature est bien faite ; tout est conçu en nous pour que ces trois cerveaux soient en lien ! Notre cerveau de la tête, pour communiquer avec les autres cerveaux, présente une « succursale » de chacun des deux cerveaux. Il est non pas le chef d’orchestre général, comme on pourrait le croire, mais le serviteur, soit du ventre, soit du cœur. Le reptilien et le limbique sont les deux « succursales » du cerveau du ventre, le néocortex est propre au cerveau de la tête et le préfrontal est la « succursale » du cerveau du cœur.
Le cerveau du cœur émet nos désirs, le cerveau de la tête les reçoit du champ et les transmet, notre cerveau du ventre les ressent émotionnellement.
Le cerveau originel est celui du ventre car nous sommes intrinsèquement des êtres émotionnels ; nos émotions circulent à une vitesse qui dépasse largement celle de nos pensées.
Comme le rappelle Doc Lew Childre Jr, fondateur du Heartmath Institute : « nos réactions émotionnelles se présentent dans l’activité cérébrale avant même que nous ayons eu le temps d’y penser. Nous évaluons tout d’une façon émotionnelle à mesure que nous le percevons. Si l’énergie émotionnelle est plus rapide que l’énergie mentale, comment pouvons-nous espérer gérer nos émotions avec nos pensées ? La cohérence du cœur aide à équilibrer notre état émotionnel ».
Emotion vient du latin « emovere » qui signifie mouvement. Une émotion est donc une énergie qui nous met en mouvement. En soi, l’énergie émotionnelle est neutre. C’est la sensation générée et la réaction physiologique qui rendent une émotion positive ou négative et ce sont les pensées qu’elle suscite qui lui donnent un sens. Car le cerveau de la tête agit en « miroir » de celui du ventre. Que les émotions soient positives ou négatives, c’est l’affaire du mental. Il va aller chercher les expériences et croyances héritées du passé ou de l’éducation pour étiqueter chaque émotion. Elles sont également des amplificateurs de nos pensées et de nos perceptions. Lorsque nos émotions sont en déséquilibre, notre vision de la vie est déformée.
Le développement de l’intelligence du cœur nous permet d’observer nos émotions, de les accueillir pour les vivre autrement, et en créant de la cohérence, d'équilibrer notre état émotionnel.
Notre cerveau de la tête est une incroyable merveille de technologie. Il a mis des centaines de milliers d’années à se perfectionner pour répondre aux défis changeants de son environnement. Pourtant, paradoxalement, il est animé de forces contraires qu’il n’arrive pas à concilier. En effet, il n’y a rien de commun entre sa partie primaire, le reptilien, qui gère des fonctions essentielles à la survie, et le cortex, qui élabore des représentations mentales, communique avec ses semblables, planifie des actions, conceptualise... Selon Sébastien Bohler, docteur en neurosciences et auteur du livre Le bug humain : « le premier n’a même pas de conscience. Quant au second, il pourrait soulever des montagnes tant sa puissance est immense, mais il n’a pas d’objectif clairement établi. C’est un colosse aveugle ».
Stéphane Drouet considère que les pathologies viennent du conflit entre le cerveau du ventre et le cerveau de la tête, entre les pensées et les émotions. Le cerveau du cœur vient les réconcilier, les synchroniser. Au lieu de les séparer, il les remet en lien.
Très tôt, notre cœur et notre thymus, sa glande associée, subissent une décroissance. Selon Galien, médecin dans l’Antiquité, le thymus est le berceau de l’esprit et de l’âme. Il le décrit comme l’organe de purification du système nerveux. Il fut le premier à observer que de la naissance à la puberté, la taille du thymus augmente. Puis, à la puberté, le thymus subit un processus appelé « involution », qui définit sa décroissance progressive avec l’âge. Stéphane Drouet relie ce processus au fait que, très tôt dans notre vie, nos liaisons neuronales avec le cœur se sont déconnectées. Nous sommes alors séparés de notre cœur qui ne sait plus voir l’amour en tout. Un autre amour prend alors le dessus, celui du ventre, qui aime de manière conditionnée. Notre amour devient alors conditionné à nos attentes envers notre environnement : « Si tu m’aimes comme je l’attends, alors je serai certain que tu m’aimes ».
Tant que nos circuits neurologiques du cœur sont débranchés, nous vivons dans un monde très réduit. Or, c’est le cerveau du cœur qui peut percevoir ce qui est inaccessible pour nous aujourd’hui, dans le vide neurologique du cerveau de la tête ; c’est lui qui peut nous écarter peu à peu de nos dépendances émotionnelles, et construire une civilisation adulte et universelle.
« Seul le cœur peut apprendre à décoder l’insondable, à travers ses formes trompeuses. Il voit le sens à travers le brouillard épais des émotions et des perceptions du ventre qui nous trompent. »
Pour réapprendre à « penser avec le cœur », Stéphane Drouet nous dévoile les rôles du cœur quantique :
Nous sommes responsables de tout ce que nous créons par nos pensées, nos émotions et nos désirs en construisant un champ de cohérence en nous et autour de nous. Pour cela, nous devons faire en sorte que nos trois cerveaux émettent sur la même longueur d’ondes, en cohérence, pour construire des vies fidèles à ce que nous sommes et inspirer ceux qui nous entourent par notre rayonnement. Car une personne en cohérence rayonne et entraîne dans son sillage.
Pour Stéphane Drouet : « la cohérence du cœur est une puissante source de cohésion et de stabilité émotionnelle. Une source de confiance, d’harmonie, de convivialité et de paix intérieure. Un acte civique et responsable ».
Ce champ de cohérence du cœur a également un rôle déterminant dans nos prises de décisions car notre mental, nos émotions et nos sentiments synchronisés s’accordent pour faire les meilleurs choix pour nous dans un discernement et une clairvoyance aiguisés. C’est dans cet état de cohérence du cœur profond que tous les choix deviennent accessibles, que toutes les réponses à nos questions sont disponibles. C’est dans cet état de neutralité, que tout existe, que tout devient possible. [A lire : « Le désir est l'essence de l'homme... sa source est inépuisable ! »]
Lorsque vous respirez en vous concentrant sur votre cœur pendant plusieurs minutes et tous les jours, votre cerveau de la tête se met alors au diapason de cette cohérence et c’est tout votre être qui devient cohérent. A travers leurs ondes électriques, les champs des cerveaux du cœur, de la tête et du ventre se synchronisent. Ils font de même avec les champs électromagnétiques aux alentours, avec lesquels ils s’enchevêtrent, en commençant par vos enfants, votre compagnon, vos parents, vos amis, vos clients… Tout le monde est gagnant. Ils se transmettent de la paix, de la cohérence, de la sérénité.
« Notre chemin est un chemin de transformation par le cœur. »
L’intelligence du cœur se déploie à travers trois pratiques quotidiennes interdépendantes : la cohérence, l’attention et l’intention. Ce trio permet de mettre en lien nos quatre dimensions d’être humain, à savoir les dimensions émotionnelle, mentale, intuitive et corporelle.
C’est la cohérence du cœur qui, par la loi d’entraînement en physique, va entraîner toutes les autres fonctions de notre système vers la cohérence. Donc, c’est le cerveau central du cœur qui entraîne tous les autres vers la performance.
La pratique quotidienne de la cohérence cardiaque permet de mieux gérer ses émotions, apporte sérénité, endurance, confiance, favorise la créativité, l’intuition, et la prise de hauteur face aux aléas de la vie.
Apprenons à nous focaliser sur ce qui est bon pour nous, dans l’instant présent. Cela consiste à la fois à muscler notre concentration, à élever notre niveau de conscience mais aussi, à coordonner tous nos cerveaux, sans oublier notre corps, pour que tout fonctionne ensemble.
C’est la cohérence intérieure, c’est-à-dire apprendre à mettre en adéquation nos actions avec nos désirs, nos pensées avec nos désirs : je fais ce que je suis, je fais ce que j’aime.
Cela nécessite de s’entraîner chaque jour à interroger nos désirs, dans notre cœur, notamment lorsqu’un choix se présente à nous, dans la perspective d’un événement nouveau… pour se mettre en chemin avec joie et détermination et ainsi, avoir un impact positif sur nous, les autres, la vie. [A lire : « Avez-vous pris soin de vous accorder avec votre intention aujourd'hui ? »]
Ce triangle magique cohérence-attention-intention est capital pour notre écologie personnelle, au même titre que manger, dormir… La répétition quotidienne de ces pratiques est essentielle si nous voulons, à côté de nos programmes de survie, développer des programmes de croissance et d’évolution. S’entraîner continuellement afin de créer entre nos trois cerveaux des circuits durables et automatiques qui feront de nous des êtres équilibrés, des êtres de haute cohérence, des êtres de cœur, tout simplement.
Mes sources d'inspiration : L'intelligence quantique du cœur de Stéphane DROUET VIVRE LIBRE - L'intelligence du cœur influence nos pensées
En matière de leadership, l’ego et l’intention sont les deux faces d’une même pièce. A qui se fier : côté pile, la voix tonitruante du jugement et des peurs portée par notre ego, ou côté face, la voix du cœur faite de désir et de joie, issue de notre intention ? Si vous laissez le hasard tirer à pile ou face, en faisant une confiance aveugle à votre ego, vous prenez le risque d’être orienté(e) dans la mauvaise direction, ou de prendre la mauvaise décision. Alors que si vous vous connectez à votre intention...
Je discutais récemment avec une ancienne journaliste qui venait de prendre un virage professionnel en accédant à de nouvelles fonctions managériales dans l’accompagnement à l’entrepreneuriat. Elle me partageait ses difficultés à prendre sa place dans une organisation qu’elle avait intégrée au bénéfice d’une création de poste. Comment prendre possession pleinement de ses nouvelles responsabilités sans empiéter sur les missions de son équipe qui était là avant elle ? Comment laisser s’exprimer les capacités pour lesquelles elle avait été recrutée sans faire de l’ombre à ses collaborateurs ? Je l’ai tout naturellement invitée à clarifier son intention dans cette prise de poste et à la partager, en toute sincérité et authenticité avec les membres de son équipe. Sans surprise, ses réflexes de journaliste ont rapidement été mis en éveil pour bien comprendre en quoi consistait cette intention sur laquelle je la challengeais. Elle m’a alors demandé de but en blanc si une intention pouvait être bonne ou mauvaise, faisant référence ici au management toxique dont peuvent souffrir certaines organisations, pilotées par des manageurs pétris de mauvaises intentions. J’avoue avoir été prise de cours par sa question ! Car le propre de l’intention est de libérer son énergie pour avoir un impact positif sur les environnements que nous désirons créer ou changer. Il n’existe pas d’un côté, les bonnes, et de l’autre, les mauvaises intentions. C’est un abus de langage, car une intention est nécessairement portée par un dessein constructif pour soi comme pour les autres.
Alors, qu’est ce qui guide ces managers à adopter des comportements nocifs pour leur collègues, leurs collaborateurs ? Ne serait-ce pas plutôt… leur ego ?
Mais qui donc est cet ego qui fait tant parler de lui ? C’est une construction mentale, une représentation que l’on a de soi-même, des autres et du monde. L’ego est une fausse identité en quelque sorte, un imposteur né de nos peurs et de nos croyances. Depuis notre plus tendre enfance, nous avons appris à nous comparer aux autres, à nos frères et sœurs, à nos camarades de classes… Ce réflexe s’est ancré avec les années, nous invitant à nous juger en permanence en nous affublant de trop ou de pas assez. Notre ego nous conduit à nous conformer à l’image de ce qui serait bien ou mal.
Notre mental, nourri par nos peurs et nos croyances, nous conduit ainsi à endosser des rôles qui font écran à notre vraie nature. Comme une partie de nous qui s’exprimerait à notre place, verrait et entendrait à notre place, et surtout, voudrait exister de plus en plus en nous… Nous ne réalisons pas à quel point notre ego dirige notre vie ! Quand il prend le pouvoir, nous sommes dans le mental. [A lire aussi : « Soigner son intention, c’est dire STOP aux ruminations ! » ]
« C’est un peu comme si vous n’habitiez plus votre corps, n’écoutiez plus votre cœur, ne ressentiez plus votre existence : vous interprétez la réalité, le plus souvent en la déformant, vous prêtez aux autres des intentions qui ne sont pas les leurs, vous projetez vos peurs, vos problèmes, vos doutes, vos attentes. Vous réfléchissez les événements au lieu de les vivre. Car le mental ne connaît que le passé et le futur. Le mental vous coupe du présent. » confie Laurent Gounelle dans son roman Et tu trouveras le trésor qui dort en toi.
L’ego a besoin de se sentir unique et différent. En cela, il nous sépare des autres et nous éloigne de notre vraie nature qui, au contraire, tend à l’union. Notre ego peut même nous pousser à l’opposition, au conflit et à la division pour se sentir exister, comme en témoignent les jeux de pouvoirs auxquelles s’adonnent nos édiles politiques.
C’est notre ego qui se manifeste lorsque :
Lorsque nous nous sentons misérables, angoissés, querelleurs, jaloux ; lorsque nous sommes effrayés, que nous nous sentons insultés ou flattés, c’est le jeu de notre ego. Alors, que faire puisque se battre contre son ego revient à lutter contre soi-même ?
L’ego étant le fruit de notre mental, il est infiniment difficile de faire taire les ruminations dont il nous affuble. Au contraire, chacune de nos pensées vient l'alimenter et lui donner encore plus de place. Il nous faut donc apprendre à détourner notre attention de ces raisonnements erronés pour se concentrer sur nos désirs, nos valeurs, nos engagements et vivre pleinement la réalité présente.
Le psychologue américain Albert Ellis nous enseigne que tous les êtres humains ont la même valeur, indépendamment de ce qu’ils possèdent et de leurs caractéristiques externes. En conséquence, il nous invite à reconnaître en conscience nos forces et nos faiblesses, notre potentiel, ainsi que nos limites pour mieux les accepter. Il fait de l’acceptation une condition indispensable pour affronter les aléas de la vie avec sérénité et trouver les ressources pour passer à l’action.
L’enjeu est de progresser vers plus de conscience en observant les informations qui proviennent de l’extérieur, tout comme nos pensées et émotions, avec recul et neutralité, sans jugement de valeur. Nous devenons ainsi plus conscients de ce qui nous guide et nous égare pour focaliser notre énergie non pas à lutter inutilement contre les errements de notre ego mais à progresser avec détermination vers notre objectif.
« Nous vivons à une époque de profonds dérèglements et d’immenses potentiels ; une époque marquée par la fin d’un mode de pensée et de structures sociétales liés au passé ; une époque qui accueille la naissance d’une nouvelle conscience », tel est le constat d’Otto Scharmer, maître de conférences au MIT (Massachussetts Institute of Technology) et cofondateur du Presencing Institute, à l’origine de la Theory U.
Pour lui, ce changement de conscience est capital, au regard des trois fractures que nous connaissons aujourd’hui :
En matière de leadership, O. Scharmer constate que nous assistons au passage d’une conscience ego-systémique, centrée sur notre propre bien-être, à une conscience eco-systémique, c’est-à-dire l’émergence d’une conscience incluant le bien-être de tous portée par l’activation d’une nouvelle intelligence, l’intelligence du cœur. Il observe que les groupes qui se mettent en action à partir de cette conscience peuvent être terriblement efficaces.
Il fait référence ici à ce qu’il appelle l’angle mort du leadership, c’est-à-dire cet état intérieur, à la source de nos actes, de nos paroles, de nos décisions… auquel la plupart d’entre nous est aveugle. Il nous invite à faire émerger cette conscience profonde, cette intention qui nous anime et suscite chez nous des émotions positives.
Le domaine du sport de haut niveau nous donne une grille de lecture de cette dimension intérieure. Tout compétiteur va s’employer à aligner sa volonté (ses forces physiques/mentales, sa capacité à se dépasser…), avec ses émotions (l’enthousiasme à vivre ce défi sportif et l’optimisme quant à ses résultats…), avec ses désirs (de victoire, de nouveaux records…) et son imaginaire (celui de se voir monter sur le podium). Dans le domaine du management, ces dimensions intérieures nous sont relativement inconnues. Il est très rare que soit mise en œuvre cette conscience de l’intérieur vers l’extérieur pour améliorer les performances managériales.
Cette nouvelle conscience de l’intérieur vers l’extérieur, est selon O. Scharmer le fruit d’un grand vouloir qui peut être activé sous trois conditions :
En psychologie, ce grand vouloir est ce qui caractérise l’intention. Dans son ouvrage Le pouvoir de l’intention, Wayne Dyer, psychothérapeute américain, désigne l’intention comme « un but ou un dessein clairement affirmé, accompagné de la détermination à obtenir le résultat désiré ». Pour lui, l’intention est « une force que nous portons tous en nous, un champ d’énergie qui se déploie au-delà de nos repères habituels ». [A lire aussi : "Avez-vous pris soin de vous accorder avec votre intention aujourd’hui ?"]
L’intention naît de l’alchimie entre notre désir d’être et notre pouvoir d’agir.
L’intention nous est propre et ne dépend que de nous ! Elle demande donc à être conscientisée, questionnée, explorée pour émerger et devenir claire à nos yeux. Car si l’intention existe déjà en nous, elle a besoin d’être extériorisée pour donner sa pleine puissance. L’intention fait l’action ! Plus souvent nous prenons le réflexe de clarifier notre intention, dans toute situation, mieux nous sommes à même de nous orienter dans l’action.
Pour Claire Rosart, chercheuse en systémique des groupes : « Une intention, c’est un peu comme une balise que l’on jetterait dans la direction que l’on souhaite emprunter et qui donnerait le cap en envoyant des signaux réguliers, nous permettant ainsi de cheminer dans son sens tout en s’adaptant à la réalité du terrain. C’est donc une force invisible qui dirige nos actions en mettant en route des dynamiques qui nous font avancer. […] Lorsqu’on est sur son chemin d’intention profonde, l’énergie déployée est décuplée. »
Il nous revient de choisir le champ d’énergie qui nous permettra d’avoir un impact positif sur les environnements que nous désirons créer ou changer dans notre vie. Cela signifie faire le choix d'ignorer notre ego et à travers lui la voix du jugement, du cynisme et de la peur, pour porter toute son attention sur son intention et écouter à travers elle et en pleine conscience la voix de son cœur et de sa volonté.
Cheminer en se laissant guider par son intention profonde procure l'enthousiasme pour passer à l'action, le cap pour prendre les bonnes décisions, la vision pour porter un projet, le sens pour engager ses parties prenantes et le bon niveau d'écoute pour se comprendre.
Mes sources d'inspiration Et tu trouveras le trésor qui dort en toi de Laurent GOUNELLE Le pouvoir de l'intention de Wayne W. DYER Théorie U, l'essentiel d'Otto SCHARMER L'intention personnelle en vidéo par Claire ROSART
En ce début 2022, à l’heure des vœux et des bonnes résolutions, je fais le choix de me connecter à une intention forte et ambitieuse pour l’année à venir. Parce que j’ai décidé que 2022 serait l’année de l’Intention avec un grand « I ». A la tiède résolution qui « dénoue » et « défait », je choisis l’énergie de l’intention qui « intensifie » et « augmente »… Je me mets en action, guidée par les signaux qui éclairent ce changement d’année et fondent ma conviction que si nous le décidons avec force, nous avons le pouvoir de créer un monde qui nous relie, plutôt qu’un monde qui nous divise !
Et côté signaux, je me trouve plutôt gâtée… Premier signe : la parution du nouvel ouvrage du chercheur François Taddei au titre plein de promesses Et si nous ? Comment relever ensemble les défis du XXIe siècle. Un livre vital qui invite à passer à l’action et qui porte l’ambition de changer d’échelle – et de monde – de coopérer pour prendre soin de soi, des autres et de la planète. Alors que j’avais là amplement matière à élever mon intention, l’algorithme de Twitter eut la bonne idée de sélectionner pour moi un podcast de France Culture diffusé fin 2017 intitulé Nous vivons dans une société liquide, inspiré des travaux du philosophe et sociologue polonais Zygmunt Bauman.
Alors, me direz-vous, en quoi ces ressources font elles écho à mon intention pour 2022 ? Je vous répondrai en trois points : un « optimisme de la volonté » pour citer Z. Bauman, la recherche d’une éthique de la relation et le besoin de changer d’échelle pour « fusionner nos horizons ».
F. Taddei nous rappelle combien la pandémie de Covid-19 a touché l’ensemble de nos vies, à une échelle et dans une temporalité inédites dans l’histoire, en remettant en question ce qui fait de l’espèce humaine une espèce à part : nos interactions. Il forme l’hypothèse que cette pandémie restera dans les livres d’histoire comme un marqueur important de bouleversements que nous ne faisons qu’entrevoir. Selon lui, nous observons la fin d’une époque…
« Nous assistons bien à la fin d’un monde, héritier des Lumières et des révolutions industrielles, qui est caractérisé par des rapports de domination, de compétition, d’exploitation (des êtres humains et de la planète). […] De nouvelles Lumières n’adviendront pas sans que tous ceux qui y aspirent ne se mobilisent dans la durée pour réinventer des manières de vivre ensemble qui soient plus inclusives, plus équitables et plus respectueuses de notre environnement ».
Lorsque Z. Bauman se figure notre époque contemporaine, il la dépeint comme une « vie liquide », une société « en voie de liquéfaction avancée » : un monde en mouvement permanent rythmé par une accélération irrépressible, dans lequel tout est jetable et interchangeable, y compris l’Homme… Nous y sommes exposés à des flux d’information continus et parfois contradictoires qui nous contraignent au zapping et nous soumettent au risque de malentendus et de mécompréhension. Cette société liquide nous détourne de l’autre. Elle génère un épuisement et un besoin de sécurité qui nous incitent à créer de l’entre-soi.
Ce phénomène est alimenté par les politiques de séparation qui sont le lot de notre civilisation contemporaine, encore largement gouvernée par les rapports de compétition et de domination évoqués par F.Taddei. Le spectacle navrant auquel se livrent certains candidats aux élections présidentielles en est la parfaite illustration. L’espace médiatique et internet sont accaparés par ces manipulateurs qui se servent de nos peurs pour nous diviser et brandissent des discours de fracture et de clivage, mettant à mal la confiance vis-à-vis de nos institutions et de la société dans son ensemble. Dans la cacophonie de la campagne, il est difficile d’entendre les voix de rassemblement et d’unité. Notre défi est de ne pas nous abandonner aux simplismes et aux réductionnismes et d’empêcher que de fausses informations puissent s’imposer dans le débat public. Selon le « baromètre de la confiance politique » publié le 24 janvier 2022 par le Cevipof, jamais les Français ne se sont sentis aussi méfiants envers la politique !
« Face à ces récits et manipulations qui s’appuient sur un mélange de faits, de crédulité, de peurs et de perceptions de déclassement […] il faut être capable d’inventer des récits fondés scientifiquement qui redonnent de l’espoir, en s’appuyant sur notre intelligence, notre besoin de vivre ensemble et notre besoin de sens. » suggère F. Taddei.
Il cite l’historien néerlandais Rutger Bregman qui tente de démontrer, dans Humanité. Une histoire optimiste que « la plupart des gens sont bons ». Selon lui, on « fabrique ce que l’on suppose chez l’autre. […] Si nous construisons nos institutions autour de l’idée que les gens sont égoïstes, nous ne devrions pas nous étonner que les gens se comportent ainsi ». Plutôt que d’accuser le public de sotte crédulité, le chercheur propose que nous nous attachions, chacun dans notre activité, à délivrer une information qualifiée et vérifiable, sans tenter d’imposer notre vérité. Dans le même temps, il nous appartient de former les jeunes à scruter les sources fiables et à dénoncer les manipulations d’acteurs peu scrupuleux et d’algorithmes maximisant davantage la recherche du profit que celle de la vérité.
Afin de relever ces défis, F. Taddei comme Z. Bauman en appellent à notre responsabilité, individuelle et collective, de nous mobiliser pour passer à l’action.
Z. Bauman nous invite à mieux penser le monde pour mieux le transformer. Cela demande de mobiliser notre lucidité, d’aiguiser notre regard critique et d’apprendre à mieux voir pour faire que notre modernité soit la plus vivable que possible. Ainsi, le philosophe nous incite à développer notre pensée critique pour nous émanciper et sortir de ce qui nous aliène, donner la place à des micro gestes de résistance pour « renverser l’insoutenable ». Le processus révolutionnaire que revendique Z. Bauman est inspiré du philosophe et théoricien politique italien Antonio Gramsci, qui nous invite à « allier le pessimisme de l'intelligence à l'optimisme de la volonté ».
F. Taddei convient que : « … les révolutions naissent quand la somme des « je n’aime pas » devient intolérable pour un grand nombre de personnes ». Il s’inspire des œuvres du philosophe et sociologue Edgar Morin qui propose de lutter contre « les cécités de la connaissance » en combattant « l’erreur et l’illusion » qui ne cessent de parasiter l’esprit humain. Face au degré d’inconnues auquel nous confronte la période ouverte par la pandémie, « rechercher les ressources et le courage pour changer ce que l’on peut changer, la sérénité pour accepter ce que l’on ne peut changer et la sagesse pour distinguer les deux ». La sagesse s’impose ici pour enseigner la compréhension et nous mettre en posture d’apprendre les uns des autres avec humilité et empathie. A travers la pensée d’E. Morin, il introduit l’idée d’enseigner une « éthique du genre humain ».
Avec la portée inédite de la crise sanitaire et de ses conséquences socio-économiques, nous avons pris conscience que nous étions plus que jamais vulnérables et interdépendants, dans notre sphère personnelle comme professionnelle. En parallèle des personnes ayant contracté le virus, dont le nombre explose aujourd’hui avec les nouveaux variants, la pandémie a donné lieu à l’apparition de phénomènes en cascade – confinements, chômage partiel, télétravail, école à la maison… – qui ont pu être vécus comme des « rites de passage » pour reprendre l’expression de F. Taddei, amenant à cette prise de conscience de notre besoin d’entraide et de solidarité. Cette période de dérèglements a notamment permis d’entrevoir sa relation à l’autre à travers un nouveau prisme, celui du « care ». Une éthique de la relation qui a aujourd’hui largement dépassé le cadre des métiers du soin pour se diffuser plus largement dans la société et impacter les liens qui se nouent dans les organisations.
Si le « care » a été théorisé par Carol Gilligan en 1982 aux Etats-Unis ; je retiendrai ici la définition plus sociale proposée par la philosophe américaine Joan Tronto quelques années plus tard qui aborde l’éthique du « care » comme une manière de rendre le monde habitable par le soin que l’on apporte aux autres. Je trouve très évocatrice de ce que nous vivons aujourd’hui cette vision du « care » en tant qu’éthique de notre relation au monde et donc aux autres.
Entre vertu morale et geste technique, le « care » vu par le philosophe Paul Ricoeur s’apparente à une « sagesse pratique » dont la visée est de redonner une place à la vulnérabilité dans le lien social. Ici, prendre soin ne se résume pas à donner, mais cherche à solliciter la participation, le choix, et finalement l’action d’autrui. Autrement dit, le « care » est une relation entre deux acteurs – et non entre un sujet actif et un sujet passif. Avec le « care », nous offrons à l’autre les conditions d’éprouver sa dignité par davantage d’autonomie et la possibilité de s’émanciper. Pour permettre ce résultat, le « care » s’inscrit dans un processus qui va puiser dans quatre dimensions selon un principe de réciprocité.
Dans cette vision du « care » en tant qu’éthique de notre relation aux autres, nous voyons bien que la parole, le langage et le dialogue tiennent une place prépondérante pour se comprendre et se faire comprendre.
Du fait de son ampleur inédite, la crise se matérialise dans un héritage qui nous réunit. Une histoire commune dans laquelle se raconter, partager son vécu, ses repères, dire ce qui a tangué, individuellement et collectivement, et comment on s’en est sortis ensemble.
« Autant que de biens matériels et de connaissances, nous avons besoin de mots et d’enchaînement de phrases pour réorienter notre monde dans des directions plus soutenables et émancipatrices » selon le théoricien de la littérature, philosophe et essayiste Yves Citton.
Car le langage fait de nous des créateurs. En nous donnant toute latitude pour nous positionner dans l’espace et le temps, convoquer le passé et inventer le futur. Le langage nous rend libres de créer, de faire émerger de nouvelles réalités. En cela, il nous donne une responsabilité considérable, qui peut nous conduire vers le meilleur, … comme le pire. On constate un peu partout une banalisation, voire un « ensauvagement » du langage, y compris dans les sphères diplomatiques les plus civilisées. Cette radicalisation du langage pourrait fait craindre une radicalisation des actes. Car la défaite du langage, c'est la défaite de la pensée ; « à langue molle, intelligence molle ». Et le contraire est vrai : lorsque la langue n'est plus nuancée, elle se délite !
Le langage est une ambition ! Il peut être fondateur de la société en tant qu’agent de liaison, d’échange et d’intégration. Quand il se fait dialogue, il nous donne à « fusionner nos horizons », à se parler au-delà des frontières intellectuelles et disciplinaires. Prendre soin du dialogue, c’est miser sur la créativité par la différence. [à lire aussi : Cultiver son langage, c’est prendre soin de soi et des autres…]
« Si, dans mes propres travaux, je dis qu’il est nécessaire qu’en toute compréhension, l’horizon de l’un se fusionne avec l’horizon de l’autre, il est clair que cela ne signifie pas non plus une unité stable et identifiable, mais quelque chose qui arrive à la faveur d’un dialogue qui se poursuit toujours. » précise le philosophe allemand Hans-Georg Gadamer
Nous devons être vigilants vis-à-vis de ces discours qui excluent, facteurs de division, source de manipulation et de mécompréhension. Pour autant, il ne s’agit pas de refuser le conflit mais de l’institutionaliser, de le rendre possible autrement que de façon violente. En réinventant des lieux pour se rencontrer, partager des savoirs, faire émerger des débats de qualité et inspirants.
Z. Beuman y voit des sphères de « générosité intellectuelle » dans lesquelles nous créons des communs ; nous nous mettons au point sur le monde que nous voulons construire et façonnons ensemble des solutions à notre échelle. Ces « panthéons vivants » que souhaite démocratiser F. Taddei, mettent en « coopétition » toute vérité humaine en reliant les champs du savoir à toutes les échelles. Passer du local au global nécessite pour lui de connecter celles et ceux qui ont des aspirations, des émotions, des rêves communs. Créer un « GPS des rêves » qui indiquerait comment réaliser nos rêves et avec qui. Et passer ainsi du rêve (personnel) à l’utopie (collective), en favorisant l’émergence de collectifs capables de faire ensemble des choses qu’une personne ne saurait faire seule…
Quelques références pour poursuivre l'inspiration FRANCE CULTURE - L'invité(e) des matins du samedi - François Taddei : "La coopération est l'avenir de notre société" FRANCE CULTURE - Conférences - Nous vivons dans une "société liquide" CAIRN.INFO - L'éthique du care. Une nouvelle façon de prendre soin
J’aimerais apporter un éclairage sur une capacité vitale pour tout individu dans sa vie personnelle comme dans sa vie professionnelle : la confiance. La confiance peut tout changer, selon si vous la ressentez ou pas… Elle est, selon moi, un véritable marqueur de notre société. Car la confiance est au cœur des besoins exprimés aujourd’hui, individuellement et collectivement, pour réduire l’incertitude dans notre société et donc le sentiment de risque, et ainsi, permettre à chacun de se projeter sereinement vers un futur qu’il envisage comme possible.
La confiance a pris une dimension toute particulière dès les premières semaines de la crise sanitaire. Dans les entreprises, elle s’est trouvée exacerbée par la nécessité pour les dirigeants et les managers de déployer le travail à distance en responsabilité, en limitant les moyens de contrôle. Dans la société toute entière, elle s’est vue questionnée au regard des nombreuses inconnues qui ont jalonné l’évolution de la pandémie et des décisions prises par le gouvernement pour tenter d’en limiter les effets sur la population. Force est de constater que la confiance ne va pas de soi… Elle n’est pas quelque chose que nous devons considérer comme acquis une fois pour toutes. C’est une œuvre que nous devons consolider, chérir et préserver soigneusement. La confiance est un choix !
Dans le contexte des élections présidentielles, nous voyons chaque jours les dégâts causés par les postures de méfiance, voire de défiance, développées par certaines personnalités politiques, car elles génèrent une véritable crise de confiance vis-à-vis de nos institutions et de la société dans son ensemble. Un fléau que nous avons la responsabilité d’enrayer tant il nous entraîne dans un engrenage délétère et nous enferme dans une vie étriquée, cynique et insatisfaisante. Nous devons prendre conscience que chercher à obtenir des résultats en détruisant la confiance est une stratégie court-termiste car elle s’avère insoutenable dans le temps…
« La confiance est partie intégrante de la trame de notre société. Nous comptons sur elle. Nous la tenons pour acquise jusqu’au moment où elle est altérée ou détruite. Nous réalisons alors, dure prise de conscience, que la confiance est sans doute aussi vitale pour nous que l’est l’eau pour un poisson. Sans confiance, une société se désintègre et finit par imploser. » Stephen M.R. Covey
Fort heureusement, comme toute capacité humaine, la confiance se cultive. Il est à la portée de tout un chacun d’apprendre comment établir, accorder et restaurer la confiance autour de soi. Une « confiance intelligente », synonyme de discernement, moteur de l’action et catalyseur de la relation !
Dans son ouvrage « Le pouvoir de la confiance, l’ingrédient essentiel de l’épanouissement et de la performance », Stephen M.R. Covey, l’homme d’affaires et conférencier américain évoque une « économie de la confiance » à travers une formule simple qui fait de la confiance une variable tangible et quantifiable. Sa formule est basée sur une idée décisive : la confiance affecte toujours deux facteurs, la vitesse et le coût. Quand la confiance baisse, la vitesse baisse aussi et le coût augmente. Quand la confiance augmente, la vitesse augmente aussi et les coûts décroissent.
« L’impact pratique très tangible de l’économie de la confiance se mesure dans beaucoup de relations, dans beaucoup d’interactions, où nous payons un impôt masqué de basse confiance sans même nous en apercevoir ! »
Selon Stephen M.R. Covey, cet impôt basse confiance ne se limite pas à l’activité économique. Il est perceptible dans tous les secteurs, dans toutes les relations, interactions, communications, dans chacune de nos décisions, bref dans tous les aspects de la vie. Dans une entreprise, une confiance élevée améliore la communication, la collaboration, l’exécution, l’innovation, la stratégie, l’engagement, les partenariats et les relations avec toutes les parties prenantes. Dans notre vie personnelle, une confiance élevée améliore nettement notre enthousiasme, notre énergie, notre passion, notre créativité et la joie dans nos relations avec la famille, les amis et la communauté. De toute évidence, les dividendes de la confiance ne se limitent pas à une augmentation de la vitesse et de la rentabilité ; ils se retrouvent dans une satisfaction accrue et une meilleure qualité de vie.
Ce livre vous donne une paire de « lunettes pour la confiance » car pour la plupart des gens, la confiance est une variable invisible. Ils n’ont pas conscience de son impact dans nos relations et notre épanouissement. Mais une fois qu’ils ont chaussé les « lunettes de la confiance », ils détiennent la clé qui va améliorer aussitôt leur efficacité dans tous les domaines.
La confiance est une forme supérieure de motivation et d’inspiration. Rien n’est aussi puissant que l’influence de la confiance quand elle se propage.
Nous avons tous été soumis un jour ou l’autre à des situations de manque de confiance : contrôle tatillon, jugement, rétention d’informations, suspicion… Et nous avons pu éprouver les effets négatifs de ces comportements sur notre engagement, notre enthousiasme, notre créativité et sur le déploiement de notre énergie. A l’inverse, dans des situations où la confiance nous a généreusement été accordée, nous avons pu nous montrer inspirés, libérant le meilleur de nous-même.
Pour créer un environnement de confiance optimal, dans votre famille comme dans votre cadre professionnel, il est bien sûr nécessaire d’être digne de confiance et de savoir construire des relations confiantes à tous les niveaux. Mais c’est votre capacité à « faire confiance » qui est le facteur décisif.
Pour Stephen M.R. Covey : « Accorder sa confiance aux autres régénère l’élan intérieur, aussi bien le leur que le nôtre. Cet acte touche et éclaire la propension innée que nous avons tous à faire confiance et à nous montrer dignes de confiance. La confiance apporte le bonheur dans les relations, les résultats dans le travail et la foi dans la vie. »
Pour apprendre à placer judicieusement sa confiance et développer une « confiance intelligente », deux qualités sont nécessaires : une propension à la confiance et une capacité d’analyse.
Une faculté d’analyse élevée alliée à une forte propension à faire confiance permettent de développer l’intuition nécessaire à un jugement lucide et sage. Cette capacité à la « confiance intelligente » est littéralement effervescente ! Elle stimule une dynamique qui fait émerger sans cesse de nouvelles possibilités.
A l’image d’une onde circulaire à la surface de l’eau, qui se propage de l’intérieur vers l’extérieur par vibrations, la confiance est une force qui se déploie en nous selon cinq vagues. Elle commence au niveau individuel, se propage à nos relations, s’étend à notre cadre professionnel, aux relations professionnelles hors entreprise et jusque dans nos relations sociales en général. La confiance reflète cette approche de « l’intérieur vers l’extérieur » : pour construire la confiance avec les autres, nous devons commencer par nous-mêmes.
1ère vague : la confiance en soi
Le principe de crédibilité
La première vague concerne la confiance que nous avons en nous-même – dans notre aptitude à nous fixer et à atteindre des objectifs, à tenir des engagements, à mettre en accord nos paroles et nos actes – ainsi que la confiance dans notre capacité à inspirer confiance aux autres. L’idée est de devenir pour nous-même comme pour autrui une personne digne de confiance.
La confiance en soi repose entièrement sur la crédibilité, de la racine latine credere, « croire », c’est-à-dire sur votre capacité à développer 4 fondements qui vous rendent crédible à vos propres yeux comme aux yeux des autres :
2ème vague : la confiance relationnelle
L’importance de l’attitude
La confiance relationnelle est centrée de A à Z sur l’attitude… la cohérence de votre comportement. Le principe-clé qui sous-tend cette vague est un comportement cohérent, à savoir la maîtrise du langage et des attitudes adaptées pour instaurer et développer la confiance.
Comme je l’ai évoqué dans mon article [ Cultiver son langage, c’est prendre soin de soi et des autres… Pour tisser des liens sincères et durables ] Parler le langage de la confiance, c’est construire une éthique du dialogue ; un dialogue fondé sur le respect et la dignité de chacun. C’est aussi concevoir le langage comme un agent de liaison, d’échange et d’intégration plutôt qu’un facteur de division. Cette éthique du dialogue ne se résume pas à un simple échange de paroles. Elle suppose que l’on respecte certaines règles, comme être de bonne foi, écouter, accepter l’objection, être prêt à reconnaître ses erreurs… Car le langage de la confiance doit permettre la recherche d’une vérité partagée dans le dialogue.
Selon Stephen M.R. Covey, 13 attitudes améliorent sensiblement votre capacité à instaurer la confiance dans toutes vos relations, aussi bien personnelles que professionnelles :
3ème vague : la confiance organisationnelle
Le principe d’intégration
La confiance organisationnelle montre comment les leaders peuvent susciter la confiance dans tous types d’organisations et d’équipes. Le principe-clé qui sous-tend celle-ci est l’intégration.
La priorité pour tout dirigeant ou manager est de s’attacher à instaurer la confiance en soi et la confiance relationnelle autour de lui, et bien entendu à obtenir la confiance de ses équipes. Pour favoriser la confiance organisationnelle, il doit s’employer à piloter sa structure, sa stratégie, ses processus en s’appuyant sur les 4 fondements et les 13 attitudes que nous venons d’appréhender dans les deux premières vagues. Il s’agit ici d’intégrer les méthodes qui développent la confiance dans tous les rouages de l’organisation.
Procédures bureaucratiques, règles pointilleuses ou inéquitables, attitude inadaptée d’un dirigeant sont autant de symboles, de représentations d’une culture d’entreprise, et de ce qui ne fonctionne pas dans une organisation. Il convient donc pour les responsables d’harmoniser l’organisation et ses méthodes avec les principes qui développent la confiance.
Et, dans votre entreprise, dans votre organisation à vous, qu’en est-il des symboles ? Quel message adressent-ils à vos collaborateurs en interne ? Ces symboles sont-ils en accord avec les principes qui créent un haut niveau de confiance ? Et quels sont les résultats ? Pour améliorer l’intention organisationnelle, assurez-vous que votre mission et vos valeurs reflètent des motivations et des principes qui permettent de bâtir la confiance.
4ème vague : la confiance du marché
Le principe de réputation
La confiance du marché se joue tout entière sur la marque ou la réputation. Elle repose sur un sentiment : celui qui va vous faire acheter des produits ou des services, investir votre argent ou votre temps, ou recommander cette marque à vos relations.
La confiance du marché concerne des acteurs extérieurs. Il s’agit des fournisseurs, des distributeurs et des investisseurs ou des clients, mais le plus simple à ce stade pour vous c’est de les considérer comme vos « clients ».
Si une organisation renforce ses quatre fondements et adopte les treize attitudes avec ses clients, elle sera capable d’accroître sensiblement la valeur de sa marque. Ces fondements et ces attitudes sont les clés de la construction de la crédibilité et de la confiance sur le marché. Et, n’oubliez pas : la confiance que vous serez capables de créer dans votre organisation et sur le marché résultera de la crédibilité que vous aurez d’abord créée en vous-mêmes.
5ème vague : la confiance sociétale
Le principe de la contribution
Une société à confiance élevée est une société d’abondance dans laquelle chacun a plus de choix et de possibilités. L’axiome n° 1 de la confiance sociétale est la contribution. C’est l’intention de créer de la valeur plutôt que d’en détruire, de donner plutôt que de prendre, qu’il s’agisse d’individus qui cherchent à se rendre utiles ou de grandes sociétés qui acceptent de servir non seulement leurs actionnaires, mais toutes leurs parties prenantes à travers leur visée humanitaire ou sociale.
L’essentiel des contributions qui donnent leur âme à nos sociétés est le fait d’individus ordinaires qui, un peu partout dans le monde, apportent leur pierre à l’édifice commun.
Comme nous le confie Stephen M.R. Covey : « C’est vous et moi qui prenons la décision consciente de valoriser et d’investir dans le bien-être des autres. C’est vous et moi qui répercutons cette décision dans tous les aspects de notre vie. »
Nous voyons avec cette cinquième vague combien la confiance rayonne à partir de l’estime de soi, avant de se propager à nos relations, à nos organisations et puis au marché, pour s’étendre à la société dans son ensemble. La citoyenneté est un choix individuel qui engage une vie entière. Et quand nous faisons ce choix dans notre vie, nous incitons celles et ceux avec qui nous travaillons et vivons à faire des choix aussi positifs dans leur propre vie. Ensemble, nous bâtissons des organisations et des familles qui contribuent au bien-être du monde.