Systématiquement, lorsque j’anime ma conférence « En leadership, quel est mon meilleur guide, mon ego ou mon intention ? », une personne dans la salle se dresse pour défendre l’ego et soutenir combien il est essentiel pour conforter son leadership… Voilà qui illustre le paradoxe de l'ego. Il est très malin puisqu’il a réussi à se faire une place prépondérante dans la tête de nombre de personnes qui croient qu’il est le socle de leur identité. En réalité, l’ego est un faux ami, un imposteur ! Il est une construction de notre mental faite de nos croyances et de nos peurs. N’est-il pas un peu risqué de bâtir notre leadership à partir de nos peurs ?

L’ego est partout ! Il s’immisce dans nos relations, est en embuscade dans nos postures, prend le dessus dans nos décisions… C’est la raison pour laquelle nous le confondons avec notre identité. Il se manifeste par cette petite voix que nous entendons dans notre tête et qui nous assène encore et encore « tu es trop ci », « tu n’es pas assez ça », en nous comparant en permanence.

Depuis notre plus tendre enfance, nous avons acquis le réflexe de nous comparer aux autres, à nos frères et sœurs, à nos camarades de classe… Ce réflexe s’est ancré avec les années, nous invitant à nous juger et nous conduisant à nous conformer à l’image de ce qui serait bien ou mal. C’est cela l’ego, un filtre que l’on s’est fabriqué pour ne pas se montrer tels que nous sommes vraiment, comme les filtres avec lesquels nous jouons sur notre téléphone pour nous montrer plus beaux, plus jeunes…

L’ego porte en lui la quintessence de nos blessures, de nos peurs et de nos croyances ! C’est une construction mentale, une représentation que l’on a de soi-même, des autres et du monde. L’ego est une fausse identité en quelque sorte, un imposteur né de notre besoin de nous protéger des menaces qui semblent planer comme des ombres sur notre vie.

Notre mental, nourri par nos peurs et nos croyances, nous conduit ainsi à endosser des rôles qui font écran à notre vraie nature, à nous affubler de masques pour nous montrer tels que nous devrions être et non pas tels que nous sommes réellement. Comme une partie de nous qui s’exprimerait à notre place, verrait et entendrait à notre place… Nous ne réalisons pas à quel point notre ego dirige notre vie ! Quand il prend le pouvoir, nous sommes dans notre mental, dans l'illusion, pas dans notre identité. [A lire aussi : « Soigner son intention, c’est dire STOP aux ruminations ! »]

« C’est un peu comme si vous n’habitiez plus votre corps, n’écoutiez plus votre cœur, ne ressentiez plus votre existence : vous interprétez la réalité, le plus souvent en la déformant, vous prêtez aux autres des intentions qui ne sont pas les leurs, vous projetez vos peurs, vos problèmes, vos doutes, vos attentes. Vous réfléchissez les événements au lieu de les vivre. Car le mental ne connaît que le passé et le futur. Le mental vous coupe du présent. » confie Laurent Gounelle dans son roman Et tu trouveras le trésor qui dort en toi.

Ce « moi » qui nous sépare de soi et des autres

Les philosophes, lorsqu’ils parlent de l’ego, le qualifie souvent du « moi ». Le philosophe Pierre Guenancia, dans son ouvrage L’homme sans moi, le dépeint comme ce personnage que nous croyons être, voire que nous jouons, comme un rôle que nous endossons.

Le « moi » est cette force qui tend à ramener tout à soi, ce « moi » tyrannique qui veut tout pour lui-même. Pour se sentir exister, il dépend du regard des autres et de la valeur qu’ils lui reconnaissent ; il se regarde lui-même dans le regard des autres. Avec les années, ce « moi » familier et rassurant, est devenu une sorte d’idole, à laquelle nous nous identifions, supérieure et unique. A tel point que nous venons à penser que si nous ne sommes pas ce « moi », nous ne sommes rien !

Victor Hugo, dans Les Misérables, évoque « le moi si enflé qu’il ferme l’âme ».

L’ego a besoin de se sentir unique et différent. En cela, il nous sépare des autres et nous éloigne de notre vraie nature qui, au contraire, tend à l’union. Notre ego peut même nous pousser à l’opposition, au conflit et à la division pour se sentir exister, comme en témoignent les jeux de pouvoirs auxquelles nous nous adonnons parfois dans nos relations.

En s’aimant lui-même, il s’empêche d’aimer une autre personne que lui, du moins d’un amour désintéressé. Pour le « moi », l’amour qu’il donne à l'autre n'est pas gratuit ; il doit lui revenir majoré du témoignage d’amour et de reconnaissance de la personne aimée.

Né de nos peurs, il exerce sur nous une grande emprise dont nous sommes prisonniers et qui nous empêche d’avoir le recul nécessaire et la liberté de nous voir autrement. Pourtant, il est possible de se libérer de sa tyrannie en comprenant qu’il n’est qu’un imposteur.

Notre ego n’est pas notre identité !

Pour sortir de l’emprise de l’ego, encore faut-il prendre conscience de son existence et des raisonnements erronés dans lesquels il nous confine.

Voici quelques exemples de manifestations de notre ego. Il est à l’œuvre lorsque :

Dès lors que nous avons démasqué notre ego, que nous avons mis à jour ces rôles qu’il nous presse de jouer pour nous montrer « plus ceci » ou « moins cela », ne soyons pas trop durs avec lui. Après tout, il n’a cherché qu’à nous protéger de notre peur d’être rejetés ! Il est incapable de connaître nos besoins profonds, c'est-à-dire ce qui nous rend vraiment heureux, car il n’est qu’une création mentale. Il revisite en permanence les expériences du passé et croit que nous allons toujours vivre la même souffrance dans le futur.

Observer notre vie, comme un témoin extérieur, est un bon moyen d'identifier les masques dont nous nous affublons depuis des années et de ne pas entrer dans son jeu. Lorsque nous détectons les filtres de notre ego à l’œuvre et que nous ressentons une forme de décalage, d’inconfort, le temps est venu de les déjouer. Cela signifie qu’à ce stade nous sommes capables de nous montrer tels que nous sommes vraiment, et prêts à en assumer les conséquences.

Sortir de ce « moi » dans lequel nous sommes restés enfermés toutes ces années demande du courage. Quitter le confort de l’ego pour s’aventurer à la découverte de soi requiert de l’audace et la curiosité d’aller explorer ce que cela fait d’être soi ! [A lire aussi : « En leadership, quel est mon meilleur guide, mon ego ou mon intention ? »]

S’entraîner sans cesse à ramener son attention vers le présent, ce qui se déroule « ici et maintenant », permet de distinguer la réalité, des scénarios inventés de toutes pièces par notre mental. Déconstruire les filtres de notre ego implique que nous les regardions bien en face, en étant à l’affût de nos comportements dissonants et inhibants, ceux-là même qui nous éloignent de notre vraie nature et nous empêchent d’exprimer qui nous sommes. C’est une discipline quotidienne qui nécessite beaucoup de patience et de détermination ; une poursuite de petits pas pour tester des comportements plus alignés, valider leur justesse et les ancrer durablement.

Cet entraînement à dépasser nos peurs et nos croyances pour nous aligner avec nos aspirations profondes est un formidable catalyseur d’énergie. Car l’ego est très consommateur de ressources pour parer aux menaces qu’il perçoit partout et tout le temps. Au fur et à mesure que nous nous libérons de son emprise, nous regagnons en énergie pour construire une vie plus compatible avec nos désirs.

Mes sources d'inspiration :
L’homme sans moi - Pierre GUENANCIA
Et tu trouveras le trésor qui dort en toi - Laurent GOUNELLE
Qui dirige votre vie, vous ou votre ego ? - Ecoutetoncorps.com - Lise BOURBEAU

A l’heure de la sobriété énergétique, je vous propose de vous connecter à une ressource inépuisable et pourtant méconnue, vecteur de joie et d’épanouissement : votre désir ! Il fait partie des ressources encore mal connues car accéder à son désir requiert d’aller explorer au plus profond de son cœur. Et pour la plupart, nous n’avons pas appris à écouter notre cœur, à sonder au-delà du bruit de fond produit par notre ego… Car je ne parle pas ici de notre désir de posséder toujours plus, guidé par notre mental, mais du désir comme moteur de notre vie et guide pour nous réaliser ! Pour vous montrer le chemin, je me suis inspirée des philosophes, car ils ont observé que le désir tient un rôle essentiel dans la vie et que notre bonheur, le nôtre et celui de notre entourage, dépend de sa maîtrise.

Pour vous mettre sur la piste de votre désir, j’ai trouvé un formidable manuel d’éducation au désir signé par le philosophe et sociologue Frédéric Lenoir à travers son dernier livre Le désir, une philosophie.

Frédéric Lenoir est convaincu que nous ne trouverons notre liberté et une joie véritable qu’en cultivant nos désirs les plus personnels et en les orientant vers des objets qui nous font grandir, qui donnent du sens à nos vies, qui nous permettent de nous réaliser pleinement selon notre nature singulière.

En revisitant les philosophes de l’Antiquité d’Orient et d’Occident à aujourd’hui, il pointe deux clés de compréhension du désir humain dont nous faisons tous l’expérience : le désir-manque, qui nous apporte du plaisir, mais qui peut aussi nous conduire à la convoitise, à l’envie et à l’insatisfaction permanente ; et le désir-puissance, qui nous élève jusqu’à la joie parfaite, mais qui peut aussi nous conduire à une forme de domination ou d’excès s’il n’est pas réglé par la raison. Selon F. Lenoir, notre existence oscille bien souvent entre les deux et si nous aspirons à la sérénité et à la joie, il est nécessaire de se concentrer sur le désir-puissance, d’apprendre à le discerner et à bien l’orienter.

Notre cerveau est configuré pour désirer toujours plus

C’est avec Platon, que nous découvrons le désir-manque. Il présente l’être humain comme un perpétuel insatisfait qui ne cesse de désirer ce qu’il n’a pas. Nous sommes tous familiers de ce processus sans fin : nous désirons jusqu’à ce que nous obtenions l’objet de notre désir pour finalement nous en lasser et reporter notre désir sur un nouvel objet à désirer, dont nous allons également finir par nous lasser… Le désir-manque est largement exploité par la société de consommation dans laquelle nous évoluons !

Pour expliciter ce processus, F. Lenoir met en lumière les travaux du chercheur en neurosciences Sébastien Bohler qui propose une synthèse des recherches scientifiques sur le cerveau humain dans son lien avec le désir et le plaisir. Il met en cause une partie archaïque de notre cerveau : le striatum, programmé depuis des millions d’année pour la survie de l’individu et de l’espèce. Chaque fois que notre quête de nourriture, de sexe, de pouvoir ou d’information est couronnée de succès, le striatum libère de la dopamine, la molécule du plaisir. Motivés par notre cerveau, nous sommes donc naturellement en quête de ce plaisir occasionné par la satisfaction de nos désirs.

« Notre cerveau est configuré pour en demander toujours plus, même quand ses besoins sont satisfaits » précise Sébastien Bohler (XXIe siècle)

Le striatum nous pousse ainsi, de manière compulsive, à désirer toujours plus ! Cette tendance au toujours plus est renforcée par la comparaison sociale, inscrite dans nos gènes, qui nous incite à nous comparer à nos semblables et à vouloir posséder davantage qu’eux. Nous désirons ce que les autres désirent (désir mimétique), ce que les autres possèdent (convoitise) et nous comparons notre bonheur au leur (envie).

Dans l’expression de ce désir-manque, conduit par notre striatum vers une insatisfaction permanente, se joue la manifestation de notre ego. Pour enrayer cet appauvrissement du désir et contourner les effets de notre cerveau, il nous appartient de nous connecter à nos désirs profonds, porteurs de notre singularité et de notre élan vital.

Cultiver notre désir pour augmenter notre puissance vitale

C’est le philosophe hollandais Baruch Spinoza qui constate la place centrale que tient le désir dans notre existence. Le désir est une force qu’il faut cultiver pour nous sentir de plus en plus vivants, pour augmenter notre puissance d’action et pour grandir dans la joie. Il définit le désir-puissance comme cet appétit conscient qui nous pousse à persévérer dans notre être et à augmenter sans cesse notre puissance vitale.

« Le désir est l’essence de l’homme » écrivait Spinoza au XVIIe siècle.

L’être humain est selon lui un être désirant qui jouit pleinement de la vie grâce au désir. Un être humain qui ne ressent plus aucun désir est un mort-vivant. Lorsque nous sommes sourds à notre désir, nous diminuons notre puisse d’être et d’action et nous ressentons de la tristesse. Lorsque nous écoutons notre désir, nous augmentons notre puissance vitale et nous ressentons de la joie.

Pour grandir dans la joie, il nous revient d’orienter nos désirs vers des idées, des choses, des personnes, des aliments qui sont bons pour nous et qui s’accordent bien avec notre nature singulière. Pour cela, nous devons soumettre nos désirs au discernement de notre raison, voire de notre intuition si nous l’avons développée. C’est par l’observation minutieuse de nous-même, par l’introspection, par l’expérience de la vie, que nous parvenons à déceler et à nous connecter aux désirs qui sont bons pour nous et font notre bonheur.

Nietzsche, quant à lui, emprunte à Spinoza cette force désirante de l’être humain qui le pousse à grandir, à prospérer et à agir, qu’il baptise « volonté de puissance ». Comme Spinoza, il admet que pulsions, désirs et passions peuvent nous avilir, c’est pourquoi, il convient selon lui de les spiritualiser, de les embellir, de les élever par la raison et par les effets les plus nobles que sont l’amour, la gratitude et la joie.

Nietzsche dépeint l’être humain désirant comme un surhomme qui assume pleinement la vie, qui dit « un grand oui sacré » à la vie, car il l’aime telle qu’elle est, et non pas telle qu’il voudrait qu’elle soit.

« Nietzsche nous invite donc à affirmer notre volonté de puissance, à désirer pleinement, à nous dépasser, à développer notre créativité, mais aussi à acquiescer au monde et à la vie » nous partage F. Lenoir.

Avec le philosophe Henri Bergson, nous continuons à marcher dans les pas de Spinoza et de Nietzsche, à travers sa théorie de « l’élan vital » qui désigne ce mouvement créateur permanent qui accompagne l’évolution de la vie et des êtres. Il permet non seulement à la vie de dépasser les obstacles qui se présentent, mais aussi de migrer continuellement en créant de la nouveauté.

Cet élan de vie se caractérise par une « formidable poussée intérieure ». Nous sommes tous soutenus, traversés, tirés par l’élan vital, qui nous incite à progresser, à grandir, à nous adapter, à évoluer, à créer et à nous inventer.

Pour F. Lenoir, cultiver notre puissance vitale, comme le soulignent Spinoza et Nietzsche, ou cultiver l’élan vital, à l’invitation de Bergson, nous conduit à désirer en nous sentant pleinement vivants. Mais, plus que l’objet du désir, c’est le mouvement même du désir qui importe dans le sens où il nous inspire, nous fait agir, nous rend créatifs.

Oser désirer, avec intensité et détermination

« Malheur à celui qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. » Jean-Jacques Rousseau (1761)

Les philosophent nous engagent ici à oser désirer et à écouter nos désirs. Or, bien souvent, nous n’avons pas conscience de nos désirs profonds et ne savons pas comment nous y connecter. Si nous sommes conscients de notre désir, nous pouvons avoir des difficultés à les exprimer et le chemin vers leur réalisation est donc bloqué. Alors, comment identifier ces désirs qui pourraient nous mettre dans la joie ?

Le médecin et penseur suisse Carl Gustav Jung a placé ces questions au cœur de sa pratique thérapeutique et de sa réflexion. Pour lui, la question du sens de la vie et centrale. Selon Jung, il existe deux grandes voies pour répondre à ce besoin vital de sens : la religion et le processus d’individuation. Une croyance religieuse structurante fournit en effet à l’être humain un dispositif de sens qui l’aide à vivre et qui répond à son besoin fondamental d’avoir une représentation du monde et de son existence qui satisfasse la totalité de son être (conscient et inconscient). Ce besoin peut aussi provenir, pour des individus non religieux, d’un travail psychologique et spirituel, que Jung appelle le « processus d’individuation », et qui consiste à devenir l’individu singulier que nous sommes, à accéder à notre véritable personnalité. Il s’agit d’accueillir et de faire grandir ce qui pousse en soi, de conscientiser le mouvement singulier de notre puissance vitale et d’identifier ainsi nos désirs les plus profonds et personnels. A la suite de Spinoza, Nietzsche et Bergson, Jung est donc convaincu que chaque individu est mû par une force intérieure qui le pousse à s’accomplir, à se réaliser de manière unique, d’où le mot « individuation ».

« Il s’agit de dire oui à soi-même », écrit Jung.

Pour y parvenir, Jung nous invite à écouter les messages de notre inconscient, notamment à travers nos rêves et les synchronicités (les troublantes coïncidences qui se manifestent parfois dans nos vies), à faire tomber le masque social que nous portons et qui dissimule notre véritable personnalité et à identifier nos désirs les plus intimes et les plus forts, ceux qui nous mettent dans la joie.

Jung a ainsi mis à jour une loi universelle de l’être humain : ce besoin de s’accomplir de manière singulière en réalisant sa personnalité, en accomplissant sa vocation profonde. S’aligner avec nos désirs, nous procure une joie et une énergie intenses, et la détermination à aller jusqu’au bout de ce que nous entreprenons.

« Plus l’âme désire avec intensité, plus elle rend les choses agissantes, et le résultat est semblable à ce qu’elle a souhaité » écrivait le grand théologien médiéval Saint Albert le Grand (XIIIe siècle).

Dans sa carrière, F. Lenoir nous confie avoir expérimenté cette vérité absolue : l’univers répond bien souvent aux désirs les plus profonds et les plus justes de notre cœur. J’observe combien ce constat se vérifie, à titre personnel, en osant prendre ma place dans une nouvelle trajectoire professionnelle, et via le chemin parcouru par les personnes que j’accompagne dans la clarification de leur intention. Lorsque nous sommes alignés avec nos désirs, tout s'aligne !

Mettre de la conscience sur nos désirs pour mener une existence juste et bonne

« La manière dont nous orientons nos désirs n’a pas seulement un effet sur notre vie personnelle : elle impacte aussi notre entourage, la société dans laquelle nous vivons et aujourd’hui la planète entière » souligne l’auteur.

En matière de désir, la question essentielle à se poser est la suivante : mon désir s’exprime-t ’il dans « l’être » ou « l’avoir » ? Si nous plaçons essentiellement notre désir dans le domaine de l’avoir, nous demeurons éternellement insatisfaits et restons prisonniers des pulsions de notre cerveau primaire. A l’inverse, si nous sommes mus par un accroissement de notre être, nous ne sommes jamais frustrés car la connaissance, l’amour, la contemplation de la beauté, le progrès intérieur nous comblent.

Dans son livre Avoir ou être. Un choix dont dépend l’avenir de l’homme (1976), le psychanalyste et sociologue américain Erich Fromm affirme que du choix que l’humanité fera entre ces deux modes d’existence dépend sa survie même. « Pour la première fois dans l’histoire, la survie physique de la race humaine dépend du changement radical du cœur humain ».

Un rééquilibrage entre l’avoir et l’être, entre l’extériorité et l’intériorité, entre les besoins du corps et les besoins de l’âme, entre la conquête du monde et la conquête de soi, est plus que jamais nécessaire. Pour mener une existence juste et bonne, nous devons mettre de la conscience sur nos désirs. Cela suppose une très grande soif de vérité. C’est parce que j’ai un très grand désir de vérité que je serai capable de dépasser mes désirs-manque, mes peurs et mes croyances et de les soumettre objectivement à la vérité des faits et du réel. Cette urgence à bien penser est devenue vitale pour F. Lenoir.

« La survie de nos sociétés dépend de cette juste orientation de nos désirs et cela ne peut se faire sans qu’ils soient polarisés par le respect du vivant, le souci d’autrui et la recherche de vérité. Il est donc plus que jamais nécessaire de mettre de la conscience sur nos désirs. Tel est sans doute le plus grand défi de notre époque. »

Personnellement, je m'emploie chaque jour à conscientiser mes désirs et à les expliciter, pour comprendre et me faire comprendre de mon entourage sur ce qui m'anime dans ma vie. Cet entrainement quotidien à cultiver, nourrir et m'aligner avec mes désirs est un processus puissant qui me met en mouvement avec détermination et efficacité, et me procure une joie immense !

Pour diffuser la puissance du désir et stimuler le pouvoir d'agir autour de moi, j'ai choisi de guider les individus et les collectifs qui souhaitent se connecter à leur nature profonde en contribuant à faire émerger leur singularité et à se réaliser dans l'action avec énergie et impact.

Et vous, mettez-vous de la conscience sur vos désir ?

Le besoin de trouver du sens dans son activité professionnelle peut s’exprimer à différents moments de notre vie. Il est très prégnant auprès des jeunes générations qui aspirent de plus en plus à choisir une voie en accord avec leurs valeurs. La question du sens peut également se poser face aux difficultés rencontrées dans le cadre du travail ou à certains moments charnières de l’existence : la crise de la quarantaine, le départ des enfants... Elle n’épargne pas non plus certaines personnes qui ont tout réussi dans leur vie professionnelle et ressentent soudain un besoin de motivation supplémentaire, comme de s’aligner avec de nouveaux challenges.

« La question se pose tout au long de notre vie professionnelle, au moment de notre orientation ou en début de carrière, mais aussi à chaque évolution professionnelle, qu’elle soit voulue ou subie, et de manière plus aigüe lorsque nous ressentons une grande insatisfaction dans notre travail » précise Marguerite Chevreul dans son ouvrage Ta vie est une mission.

Ces questionnements se sont encore accélérés avec la crise sanitaire que nous venons de traverser et les bouleversements qu’elle a suscités à travers l’émergence d’une quête de sens inégalée.

Si ce besoin de sens, inhérent à notre nature humaine, est particulièrement fort aujourd’hui, c’est vraisemblablement parce que beaucoup d’entre nous n’ont jamais pris conscience de l’importance de se connecter à leurs ressources profondes, de connaître leurs talents innés, leurs capacités à réaliser quelque chose dans quoi ils se sentent utiles et qui les rendent uniques. Car nos capacités sont des trésors qui ne demandent qu’à être découverts !

Faire émerger ses talents est essentiel ; c’est une source de joie et d’épanouissement personnel car ils sont une composante importante de l’estime de soi. C’est un véritable cercle vertueux : plus nous exerçons nos talents, plus nous réussissons, plus nous sommes confiants, plus nous osons les développer encore, et plus nous sommes épanouis. La prise en compte de nos talents est donc essentielle dans nos choix professionnels car elle nous aide à déterminer si nous sommes épanouis ou pas dans notre activité.

Cette responsabilité incombe naturellement à tout individu au travail, comme elle peut être assumée par l’organisation elle-même, qui, en challengeant les aspirations personnelles de ses collaborateurs, leur permet de s’illustrer sur des capacités nouvelles à travers de nouveaux rôles par exemple, favorisant ainsi le développent de la polyvalence, de l’engagement et d’une performance durable. Pour nombre d’entre-nous, trouver sa juste place se décline au pluriel et nécessite de se déployer à travers différentes activités, d’exprimer plusieurs talents, de croiser plusieurs disciplines, d’hybrider les champs de compétences...

Dans cet article, je vous propose une chasse aux trésors, une plongée dans les profondeurs de vos capacités, à travers l’éclairage de deux ouvrages très inspirants : Ta vie est une mission de Marguerite Chevreul et Eloge des métiers hybrides d’Audrey Chapot.

Créer un espace de liberté pour déployer TOUS vos talents…

Comme nous le rappelle Audrey Chapot : « Anthropologiquement, nous, êtres humains avons besoin de nous réaliser individuellement ; nous avons aussi besoin de contribuer au groupe, d’être utile pour le collectif, de faire notre part pour la communauté. L’activité professionnelle est à notre époque la manière la plus fréquente et la plus évidente de contribuer socialement ».

Notre travail fait partie intégrante de notre vocation humaine. Il est le premier lieu où nous développons nos talents, pas seulement pour nous mais pour participer à une œuvre de création. Dans son ouvrage, l’auteure souhaite réhabiliter la noblesse du métier, celui pratiqué par nos ancêtres qui combinaient de nombreux rôles car ils maîtrisaient un large éventail de savoir-faire artisanaux, en général très pointus, transmis de génération en génération. Au fil des années, avec l’apparition de la production industrielle, la notion de « travail » a pris le pas sur les métiers, avec une fragmentation des activités professionnelles et le développement d’une hyperspécialisation qui a conduit inévitablement à la perte d’autonomie des individus. Cette hyperspécialisation, bien que favorisant l’intégration de la personne qui travaille à une famille de spécialistes et sa reconnaissance par une communauté de pairs, le réduit également à une simple étiquette. Une étiquette qui peut aussi l’enfermer et la maintenir à distance de ses capacités profondes.

C’est là qu’A.Chapot introduit la question de l’hybridation, en partant d’un constat : « Nombreux sont ceux qui savent faire beaucoup plus que ce que nécessite leur poste. Professionnellement, ils se sentent en sous-régime, limités par leur champ d’action, en manque de sens, et s’en épuisent. Ils se questionnent sur les raisons de ce mal être et de leur insatisfaction chronique. Ils en souffrent pudiquement. Ils vaquent désespérément vers un type d’activité qui les nourrisse suffisamment. Leur quête les guide souvent vers une évolution de poste ou une reconversion. Ils espèrent simplement une activité qui les satisfasse pleinement, où leur potentiel sera mobilisé ».

Si elle n’est pas la norme dans beaucoup d’organisations encore très silotées, l’hybridation des talents est une réalité pour nombre d’individus qui s’y développent. Elle se matérialise à travers quatre qualités : le besoin de diversité, l’appétence de la nouveauté, la stimulation à explorer et la connaissance approfondie de plusieurs domaines. L’hybridation a ainsi la double vertu de nourrir chaque personne qui se voit, de fait, reconnue dans la diversité de ses talents et dans sa singularité, et d’enrichir son activité professionnelle. L’hybridation se traduit donc par :

Bien souvent, l’hybridation de nos talents et de nos capacités se révèle au fil des années et de nos expériences professionnelles. Elle se construit souvent avec ce qui est à disposition et des croisements de compétences inattendus. Elle émerge ainsi imperceptiblement, puis elle nous embarque, suscitant un enthousiasme débordant à être et à faire !

Comme l'évoque A.Chapot : « Les pièces du puzzle sont là, prêtes à s'emboiter pour constituer une identité professionnelle qui fait de plus en plus sens. [...] Ce qui importe est de faire un premier pas, puis un second, et ainsi de suite... Il s'agit de créer ses propres expériences, sa mosaïque, son hybridation, pas à pas. Il s'agit de se trouver ou au contraire de se perdre, plutôt que de se mouler ».

Prêts à découvrir vos trésors de talents ?

Dès notre plus tendre enfance, nos parents et nos enseignants, et par la suite nos dirigeants et managers, nous ont engagés à progresser en insistant sur nos manques et nos limites. Une vision négative qui a eu bien souvent pour conséquence de nous forger des croyances limitantes et de développer un regard très sévère sur nous-même. Par ailleurs, nous avons plus facilement tendance à voir les talents des autres, en cherchant à leur ressembler, plutôt que d’être attentif à nos propres talents.

Selon M. Chevreul, la meilleure façon de découvrir nos talents est de rechercher des exemples de nos réalisations significatives : « Il s’agit de recenser des actions dont nous sommes légitimement fiers – des pépites dans notre parcours – et que nous avons été heureux d’accomplir, que ce soit dans notre vie professionnelle ou dans nos activités personnelles ou associatives ».

A travers ce récit de nos actions marquantes, nous pouvons identifier quels sont les talents qui se sont révélés. Bien souvent, ces forces se répètent d’une action à l’autre. Nos talents sont là, ils se manifestent dans nos réussites et dans le plaisir que nous avons éprouvé à réaliser ces activités. Demander des feedbacks à sa hiérarchie, à ses collègues ou à ses collaborateurs, peut également nous apporter des indications complémentaires sur ce qui est apprécié dans notre contribution à l’organisation.

Pour sa part, A. Chapot propose d’imaginer notre propre archipel, en faisant émerger des îles correspondant à nos talents et capacités ; en imaginant comment ces îles peuvent être reliées les unes aux autres, leur propre écosystème, ce à quoi elles nous invitent… Considérer notre activité professionnelle comme un archipel permet de la réguler et de l’ajuster à l’envi, en jouant sur les variables, les frontières et ce que nous en faisons. « Libre à chacun de renoncer à des savoir-faire, d’en ajouter de nouveaux, d’en approfondir certains, ou d’investir de nouveaux champs d’activité. […] Notre archipel est notre signature unique et modulable. »

La prise en compte de nos talents dans nos choix professionnels est essentielle pour que nous puissions nous épanouir dans notre activité : « Être dans son élément, c’est changer d’état de conscience, être sur une fréquence en totale résonnance avec ce qui est juste pour vous ». Pour trouver la « fréquence juste » et reconnaître si notre activité professionnelle est en pleine résonnance avec nos talents et capacités, nous pouvons nous fier aux signaux suivants :

Se laisser guider par la joie, l’enthousiasme et oser…

Si la recherche de nos talents est déjà en soi une activité qui nous apporte de la joie, plus encore, ce sont nos talents eux-mêmes qui sont source de joie car ils sont une composante de l’estime de soi qui nous est essentielle. M. Chevreul nous invite donc à éprouver de la gratitude vis-à-vis de nos talents, à savoir :

Pour M. Chevreul, la joie grandit lorsque l’on utilise et développe nos talents : « Plus nous exerçons nos talents, plus nous réussissons, plus nous sommes confiants, plus nous osons les développer encore, et plus nous sommes épanouis. »

Cette plénitude que nous procure le développement de nos talents et capacités produit une forme d’enthousiasme selon A. Chapot : « Un carburant infini, une force qui nous donne des ailes et nous permet de tout envisager et de tout accomplir. […] Il facilite les apprentissages, il accélère la maîtrise de la compétence, il nous stimule, il nourrit notre légitimité ».

Toutes deux nous invite donc à OSER ! « Oser bousculer les règles du jeu, oser faire, oser changer la donne. Oser s’accepter et accepter ce qui se présente. Oser se faire plaisir aussi. S’autoriser à concrétiser et matérialiser ce qui nous enthousiasme. »

Il convient donc de défaire ce qui ne nous convient pas pour faire ce qui nous inspire. Pour cela, plusieurs possibilités s’offrent à nous :

En se fixant comme intention suprême d'être « épanoui, dans le sens d'être régulièrement et suffisamment nourri. C'est une voie de liberté. [...] Ce n'est pas uniquement bon pour soi-même, c'est bon aussi pour la société dans laquelle nous vivons ! [...] Ce sont nos actions et nos engagements individuels qui amorcent les évolutions de la société. [...] Oser, c'est aussi ne pas attendre que la société fasse d'abord. C'est proposer un nouveau regard, initier une ouverture, faire sa part ».

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