Dans un monde empreint d’incertitude et d’impermanence, il vous arrive certainement d’éprouver des difficultés à vous orienter dans votre vie professionnelle comme personnelle. Vous vous sentez chahuté(e) dans tous les sens, impuissant(e) face à cette agitation. Vous avez le sentiment de maîtriser peu de choses. Naturellement, pour trouver un peu de sérénité, vous avez tendance à chercher dans votre environnement des perspectives rassurantes, des signaux qui semblent vous indiquer la direction à prendre… Il est cependant superflu de chercher très loin, car vous seul(e) portez le sens qui vous mettra en mouvement avec énergie et impact. La boussole est en vous ; encore faut-il en connaître le mode d’emploi.

Dans le tumulte du monde d’aujourd’hui, gouverné par l’incertitude et une certaine dictature de la vitesse, nous faisons face à de profonds dérèglements, d’ordre écologique, social, économique… et individuel. Nos repères sont ébranlés et il nous est difficile de nous projeter avec confiance dans l’avenir.

Pourtant, au-delà de ce tableau inquiétant, il existe des voix porteuses d’espoir qui discernent d’immenses potentiels dans l’époque que nous vivons. Otto Scharmer, maître de conférences au MIT et cofondateur du Presencing Institute, y voit le berceau de transformations profondes. Pour lui, nous assistons au passage d’un mode de pensée ego-systémique, centré sur le « moi d’abord » et le « toujours plus », à un mode de pensée éco-systémique, plus sobre et incluant le bien-être de tous.

Pour sa part, le sociologue et ethnologue Alain de Vulpian considère que nous avons organisé notre société, nos entreprises, nos systèmes de gouvernance et nos relations de façon rationnelle. Nous avons construit une économie rationnelle dont nous avons été incapables de piloter le développement et qui s’est emballée. En réaction, il voit s’esquisser une société plus fraternelle pour affronter les défis du XXIe siècle. Une nouvelle société, plus organique qu’organisée, pleine de vitalité, douée pour panser ses blessures et prendre soin de son bien-être. Une société qui, en s’épanouissant prépare un futur plein de sens pour l’espèce humaine.

Tous deux évoquent les formidables capacités dont tous les êtres humains sont dotés pour transformer ces obstacles en opportunités et nous invitent individuellement et collectivement à nous connecter aux ressources insoupçonnées que nous procure notre « plasticité du vivant » pour trouver le sens, la direction qui est juste pour chacun d’entre nous.

Mesurez le niveau de vos indicateurs humains

Comment prendre ma place dans ma nouvelle activité ? Comment engager mon équipe dans un nouveau projet, une nouvelle organisation ? Comment retisser des liens avec un collègue, un collaborateur, un ami, un membre de ma famille ? Quelle nouvelle orientation professionnelle envisager ?

Ces interrogations que je vois régulièrement émerger lors de mes accompagnements illustrent le besoin de sens qui nous étreint sur les grandes questions de notre existence. Que l’on soit dirigeant pour s’adapter aux bifurcations des marchés et des règlementations, que l’on soit manager pour accompagner les défis de son équipe, à titre individuel pour prendre sa place dans un nouveau projet…

Dans un environnement instable, complexe, incertain ; face à un horizon bouché, le principal indicateur sur lequel nous pouvons compter, c’est nous-même ! Pour faire le parallèle avec les indicateurs de pilotage ou de qualité en entreprise, nous pouvons mesurer au quotidien quel est le niveau de nos indicateurs humains afin d’apprécier la justesse de nos décisions, de nos actions et se réguler le cas échéant.

Selon Otto Scharmer, nous sommes aveugles à la dimension profonde de notre leadership. Pourtant, comme ses recherches auprès de dirigeants et d’athlètes le montrent, être à l’écoute de l’état intérieur, à la source de nos décisions, de nos actions, permet d’accroître son acuité et donc ses performances. Il nous invite ainsi à mettre en lumière ce « point aveugle » en approfondissant notre expérience de l’écoute « de l’intérieur vers l’extérieur ».

Otto Scharmer nous propose trois chemins pour accéder à nos territoires profonds :

Pour Alain de Vulpian, dans notre environnement vivant, impermanent, fragile et robuste à la fois, nous ne pouvons pas prévoir ni commander les évolutions. Nous pouvons tout juste percevoir les tendances, en cultivant le vivant, et anticiper prudemment des bifurcations. Ce sont les mécanismes naturels du vivant beaucoup plus que les volontés et les initiatives des acteurs qui produisent des changements structurels majeurs.

Ainsi, il nous invite à être à l’affût des réactions du système afin d’ajuster notre intervention, et nous propose d’adopter une « posture tâtonnante ». Pour cela, il nous faut développer notre conscience de nous-même, de la façon dont nous fonctionnons et de notre évolution continue. C’est-à-dire mieux comprendre le vivant en augmentant notre « plasticité du vivant ».

Nous devons apprendre à être en prise directe sur nos émotions, nos sensations et nos intuitions, tout en restant connectés à notre raison. En mobilisant tout notre potentiel humain et en reliant toutes nos intelligences : rationnelle, émotionnelle, sensorielle et spirituelle, nous pouvons faire face aux problèmes complexes de la vie. Nous devenons ainsi plus aptes à repérer les signaux faibles annonçant des blocages ou de opportunités, des fluctuations ou des bifurcations à engager pour avoir plus d’impact dans ce que nous créons et plus d’énergie pour passer à l’action.

En nous découvrant plus grands, plus profonds, plus multiples que nous le croyions, nous prenons conscience de la richesse des ressources dont le vivant nous a dotés. Et nous trouvons la faculté de mieux sentir le sens de notre vie et la voie à suivre. Cette connexion augmentée à nous même et à notre environnement fait de nous des êtes « socioperceptifs », à la fois sensibles et connectés aux autres.

Ressentir, c’est faire l’expérience du sens

Sentir le sens, c’est donc vivre une expérience des sens, de tous les sens. Pas seulement le sens rationnel fabriqué par notre mental, porté par nos croyances, nos habitudes, nos modèles mentaux, nos peurs… mais aussi le sens issu de notre intelligence émotionnelle et corporelle. Car le corps pense et nous ne comprenons une situation distinctement qu’à travers ce que nous ressentons. Notre corps est notre ami intime, notre boussole intérieure, notre indicateur de sens.

Par exemple, la joie nous fait vivre des sensations délicieuses qui courent dans notre sang jusqu’au fond de notre cœur et qui traversent notre esprit le plus pur dans une impression de calme. Notre esprit et notre corps se mêlent en harmonie. La tristesse s’accompagne d’une sensation de rétrécissement intérieur, voire de verrouillage de certaines parties de notre corps. Notre esprit et notre corps se trouvent comme entravés et notre respiration peut être altérée jusqu’à l’apnée. Chacune de ces informations délivrées par notre corps est précieuse pour comprendre notre état intérieur.

Comme l’évoque la psychologue et psychothérapeute Jeanne Siaud-Facchin, ressentir, c’est rendre nos vies pleines de sens, au sens propre et avec tous nos sens. Ressentir, c’est se sentir vivant, c’est donner de la vie à la vie.

C’est avec tous nos sens que l’on discerne clairement ce qui est bon pour nous. Je le sens, je le sais. Nous savons avec nos sens, juste avant de comprendre avec notre tête. Ressentir nous libère du besoin de maîtriser, a fortiori dans un environnement incertain et impermanent. D’ailleurs, nous conservons la trace d’un souvenir, agréable comme désagréable à travers ce que nous avons ressenti, au-delà des mots échangés. Nous sommes un tout, une alchimie.

En ressentant le sens avec tous nos sens, un champ des possibles s’ouvre à nous avec clarté. Ainsi, nos pensées, nos mémoires, nos émotions, nos sensations s’accordent pour entrevoir un futur souhaitable vers lequel se mettre en chemin et faire les meilleurs choix. S’entraîner chaque jour à activer cette « plasticité du vivant », nous permet de développer notre acuité et d’affuter notre discernement en étant pleinement connectés à notre boussole intérieure.

Mes sources d'inspiration :
Théorie U, l'essentiel d'Otto SCHARMER
Eloge de la métamorphose d'Alain de VULPIAN
Happinez.fr - Jeanne SIAUD-FACCHIN - Ressentir
Le ressort invisible ou comment survivre aux situations extrêmes - Philippe SILBERZAHN

Systématiquement, lorsque j’anime ma conférence « En leadership, quel est mon meilleur guide, mon ego ou mon intention ? », une personne dans la salle se dresse pour défendre l’ego et soutenir combien il est essentiel pour conforter son leadership… Voilà qui illustre le paradoxe de l'ego. Il est très malin puisqu’il a réussi à se faire une place prépondérante dans la tête de nombre de personnes qui croient qu’il est le socle de leur identité. En réalité, l’ego est un faux ami, un imposteur ! Il est une construction de notre mental faite de nos croyances et de nos peurs. N’est-il pas un peu risqué de bâtir notre leadership à partir de nos peurs ?

L’ego est partout ! Il s’immisce dans nos relations, est en embuscade dans nos postures, prend le dessus dans nos décisions… C’est la raison pour laquelle nous le confondons avec notre identité. Il se manifeste par cette petite voix que nous entendons dans notre tête et qui nous assène encore et encore « tu es trop ci », « tu n’es pas assez ça », en nous comparant en permanence.

Depuis notre plus tendre enfance, nous avons acquis le réflexe de nous comparer aux autres, à nos frères et sœurs, à nos camarades de classe… Ce réflexe s’est ancré avec les années, nous invitant à nous juger et nous conduisant à nous conformer à l’image de ce qui serait bien ou mal. C’est cela l’ego, un filtre que l’on s’est fabriqué pour ne pas se montrer tels que nous sommes vraiment, comme les filtres avec lesquels nous jouons sur notre téléphone pour nous montrer plus beaux, plus jeunes…

L’ego porte en lui la quintessence de nos blessures, de nos peurs et de nos croyances ! C’est une construction mentale, une représentation que l’on a de soi-même, des autres et du monde. L’ego est une fausse identité en quelque sorte, un imposteur né de notre besoin de nous protéger des menaces qui semblent planer comme des ombres sur notre vie.

Notre mental, nourri par nos peurs et nos croyances, nous conduit ainsi à endosser des rôles qui font écran à notre vraie nature, à nous affubler de masques pour nous montrer tels que nous devrions être et non pas tels que nous sommes réellement. Comme une partie de nous qui s’exprimerait à notre place, verrait et entendrait à notre place… Nous ne réalisons pas à quel point notre ego dirige notre vie ! Quand il prend le pouvoir, nous sommes dans notre mental, dans l'illusion, pas dans notre identité. [A lire aussi : « Soigner son intention, c’est dire STOP aux ruminations ! »]

« C’est un peu comme si vous n’habitiez plus votre corps, n’écoutiez plus votre cœur, ne ressentiez plus votre existence : vous interprétez la réalité, le plus souvent en la déformant, vous prêtez aux autres des intentions qui ne sont pas les leurs, vous projetez vos peurs, vos problèmes, vos doutes, vos attentes. Vous réfléchissez les événements au lieu de les vivre. Car le mental ne connaît que le passé et le futur. Le mental vous coupe du présent. » confie Laurent Gounelle dans son roman Et tu trouveras le trésor qui dort en toi.

Ce « moi » qui nous sépare de soi et des autres

Les philosophes, lorsqu’ils parlent de l’ego, le qualifie souvent du « moi ». Le philosophe Pierre Guenancia, dans son ouvrage L’homme sans moi, le dépeint comme ce personnage que nous croyons être, voire que nous jouons, comme un rôle que nous endossons.

Le « moi » est cette force qui tend à ramener tout à soi, ce « moi » tyrannique qui veut tout pour lui-même. Pour se sentir exister, il dépend du regard des autres et de la valeur qu’ils lui reconnaissent ; il se regarde lui-même dans le regard des autres. Avec les années, ce « moi » familier et rassurant, est devenu une sorte d’idole, à laquelle nous nous identifions, supérieure et unique. A tel point que nous venons à penser que si nous ne sommes pas ce « moi », nous ne sommes rien !

Victor Hugo, dans Les Misérables, évoque « le moi si enflé qu’il ferme l’âme ».

L’ego a besoin de se sentir unique et différent. En cela, il nous sépare des autres et nous éloigne de notre vraie nature qui, au contraire, tend à l’union. Notre ego peut même nous pousser à l’opposition, au conflit et à la division pour se sentir exister, comme en témoignent les jeux de pouvoirs auxquelles nous nous adonnons parfois dans nos relations.

En s’aimant lui-même, il s’empêche d’aimer une autre personne que lui, du moins d’un amour désintéressé. Pour le « moi », l’amour qu’il donne à l'autre n'est pas gratuit ; il doit lui revenir majoré du témoignage d’amour et de reconnaissance de la personne aimée.

Né de nos peurs, il exerce sur nous une grande emprise dont nous sommes prisonniers et qui nous empêche d’avoir le recul nécessaire et la liberté de nous voir autrement. Pourtant, il est possible de se libérer de sa tyrannie en comprenant qu’il n’est qu’un imposteur.

Notre ego n’est pas notre identité !

Pour sortir de l’emprise de l’ego, encore faut-il prendre conscience de son existence et des raisonnements erronés dans lesquels il nous confine.

Voici quelques exemples de manifestations de notre ego. Il est à l’œuvre lorsque :

Dès lors que nous avons démasqué notre ego, que nous avons mis à jour ces rôles qu’il nous presse de jouer pour nous montrer « plus ceci » ou « moins cela », ne soyons pas trop durs avec lui. Après tout, il n’a cherché qu’à nous protéger de notre peur d’être rejetés ! Il est incapable de connaître nos besoins profonds, c'est-à-dire ce qui nous rend vraiment heureux, car il n’est qu’une création mentale. Il revisite en permanence les expériences du passé et croit que nous allons toujours vivre la même souffrance dans le futur.

Observer notre vie, comme un témoin extérieur, est un bon moyen d'identifier les masques dont nous nous affublons depuis des années et de ne pas entrer dans son jeu. Lorsque nous détectons les filtres de notre ego à l’œuvre et que nous ressentons une forme de décalage, d’inconfort, le temps est venu de les déjouer. Cela signifie qu’à ce stade nous sommes capables de nous montrer tels que nous sommes vraiment, et prêts à en assumer les conséquences.

Sortir de ce « moi » dans lequel nous sommes restés enfermés toutes ces années demande du courage. Quitter le confort de l’ego pour s’aventurer à la découverte de soi requiert de l’audace et la curiosité d’aller explorer ce que cela fait d’être soi ! [A lire aussi : « En leadership, quel est mon meilleur guide, mon ego ou mon intention ? »]

S’entraîner sans cesse à ramener son attention vers le présent, ce qui se déroule « ici et maintenant », permet de distinguer la réalité, des scénarios inventés de toutes pièces par notre mental. Déconstruire les filtres de notre ego implique que nous les regardions bien en face, en étant à l’affût de nos comportements dissonants et inhibants, ceux-là même qui nous éloignent de notre vraie nature et nous empêchent d’exprimer qui nous sommes. C’est une discipline quotidienne qui nécessite beaucoup de patience et de détermination ; une poursuite de petits pas pour tester des comportements plus alignés, valider leur justesse et les ancrer durablement.

Cet entraînement à dépasser nos peurs et nos croyances pour nous aligner avec nos aspirations profondes est un formidable catalyseur d’énergie. Car l’ego est très consommateur de ressources pour parer aux menaces qu’il perçoit partout et tout le temps. Au fur et à mesure que nous nous libérons de son emprise, nous regagnons en énergie pour construire une vie plus compatible avec nos désirs.

Mes sources d'inspiration :
L’homme sans moi - Pierre GUENANCIA
Et tu trouveras le trésor qui dort en toi - Laurent GOUNELLE
Qui dirige votre vie, vous ou votre ego ? - Ecoutetoncorps.com - Lise BOURBEAU

En matière de leadership, l’ego et l’intention sont les deux faces d’une même pièce. A qui se fier : côté pile, la voix tonitruante du jugement et des peurs portée par notre ego, ou côté face, la voix du cœur faite de désir et de joie, issue de notre intention ? Si vous laissez le hasard tirer à pile ou face, en faisant une confiance aveugle à votre ego, vous prenez le risque d’être orienté(e) dans la mauvaise direction, ou de prendre la mauvaise décision. Alors que si vous vous connectez à votre intention...

Je discutais récemment avec une ancienne journaliste qui venait de prendre un virage professionnel en accédant à de nouvelles fonctions managériales dans l’accompagnement à l’entrepreneuriat. Elle me partageait ses difficultés à prendre sa place dans une organisation qu’elle avait intégrée au bénéfice d’une création de poste. Comment prendre possession pleinement de ses nouvelles responsabilités sans empiéter sur les missions de son équipe qui était là avant elle ? Comment laisser s’exprimer les capacités pour lesquelles elle avait été recrutée sans faire de l’ombre à ses collaborateurs ? Je l’ai tout naturellement invitée à clarifier son intention dans cette prise de poste et à la partager, en toute sincérité et authenticité avec les membres de son équipe. Sans surprise, ses réflexes de journaliste ont rapidement été mis en éveil pour bien comprendre en quoi consistait cette intention sur laquelle je la challengeais. Elle m’a alors demandé de but en blanc si une intention pouvait être bonne ou mauvaise, faisant référence ici au management toxique dont peuvent souffrir certaines organisations, pilotées par des manageurs pétris de mauvaises intentions. J’avoue avoir été prise de cours par sa question ! Car le propre de l’intention est de libérer son énergie pour avoir un impact positif sur les environnements que nous désirons créer ou changer. Il n’existe pas d’un côté, les bonnes, et de l’autre, les mauvaises intentions. C’est un abus de langage, car une intention est nécessairement portée par un dessein constructif pour soi comme pour les autres.

Alors, qu’est ce qui guide ces managers à adopter des comportements nocifs pour leur collègues, leurs collaborateurs ? Ne serait-ce pas plutôt… leur ego ?

L’ego, cet imposteur qui dirige notre vie !

Mais qui donc est cet ego qui fait tant parler de lui ? C’est une construction mentale, une représentation que l’on a de soi-même, des autres et du monde. L’ego est une fausse identité en quelque sorte, un imposteur né de nos peurs et de nos croyances. Depuis notre plus tendre enfance, nous avons appris à nous comparer aux autres, à nos frères et sœurs, à nos camarades de classes… Ce réflexe s’est ancré avec les années, nous invitant à nous juger en permanence en nous affublant de trop ou de pas assez. Notre ego nous conduit à nous conformer à l’image de ce qui serait bien ou mal.

Notre mental, nourri par nos peurs et nos croyances, nous conduit ainsi à endosser des rôles qui font écran à notre vraie nature. Comme une partie de nous qui s’exprimerait à notre place, verrait et entendrait à notre place, et surtout, voudrait exister de plus en plus en nous… Nous ne réalisons pas à quel point notre ego dirige notre vie ! Quand il prend le pouvoir, nous sommes dans le mental. [A lire aussi : « Soigner son intention, c’est dire STOP aux ruminations ! » ]

« C’est un peu comme si vous n’habitiez plus votre corps, n’écoutiez plus votre cœur, ne ressentiez plus votre existence : vous interprétez la réalité, le plus souvent en la déformant, vous prêtez aux autres des intentions qui ne sont pas les leurs, vous projetez vos peurs, vos problèmes, vos doutes, vos attentes. Vous réfléchissez les événements au lieu de les vivre. Car le mental ne connaît que le passé et le futur. Le mental vous coupe du présent. » confie Laurent Gounelle dans son roman Et tu trouveras le trésor qui dort en toi.

L’ego a besoin de se sentir unique et différent. En cela, il nous sépare des autres et nous éloigne de notre vraie nature qui, au contraire, tend à l’union. Notre ego peut même nous pousser à l’opposition, au conflit et à la division pour se sentir exister, comme en témoignent les jeux de pouvoirs auxquelles s’adonnent nos édiles politiques.

C’est notre ego qui se manifeste lorsque :

Lorsque nous nous sentons misérables, angoissés, querelleurs, jaloux ; lorsque nous sommes effrayés, que nous nous sentons insultés ou flattés, c’est le jeu de notre ego. Alors, que faire puisque se battre contre son ego revient à lutter contre soi-même ?

Accepter que notre ego puisse avoir tort

L’ego étant le fruit de notre mental, il est infiniment difficile de faire taire les ruminations dont il nous affuble. Au contraire, chacune de nos pensées vient l'alimenter et lui donner encore plus de place. Il nous faut donc apprendre à détourner notre attention de ces raisonnements erronés pour se concentrer sur nos désirs, nos valeurs, nos engagements et vivre pleinement la réalité présente.

Le psychologue américain Albert Ellis nous enseigne que tous les êtres humains ont la même valeur, indépendamment de ce qu’ils possèdent et de leurs caractéristiques externes. En conséquence, il nous invite à reconnaître en conscience nos forces et nos faiblesses, notre potentiel, ainsi que nos limites pour mieux les accepter. Il fait de l’acceptation une condition indispensable pour affronter les aléas de la vie avec sérénité et trouver les ressources pour passer à l’action.

L’enjeu est de progresser vers plus de conscience en observant les informations qui proviennent de l’extérieur, tout comme nos pensées et émotions, avec recul et neutralité, sans jugement de valeur. Nous devenons ainsi plus conscients de ce qui nous guide et nous égare pour focaliser notre énergie non pas à lutter inutilement contre les errements de notre ego mais à progresser avec détermination vers notre objectif.

Développer une nouvelle conscience

« Nous vivons à une époque de profonds dérèglements et d’immenses potentiels ; une époque marquée par la fin d’un mode de pensée et de structures sociétales liés au passé ; une époque qui accueille la naissance d’une nouvelle conscience », tel est le constat d’Otto Scharmer, maître de conférences au MIT (Massachussetts Institute of Technology) et cofondateur du Presencing Institute, à l’origine de la Theory U.

Pour lui, ce changement de conscience est capital, au regard des trois fractures que nous connaissons aujourd’hui :

En matière de leadership, O. Scharmer constate que nous assistons au passage d’une conscience ego-systémique, centrée sur notre propre bien-être, à une conscience eco-systémique, c’est-à-dire l’émergence d’une conscience incluant le bien-être de tous portée par l’activation d’une nouvelle intelligence, l’intelligence du cœur. Il observe que les groupes qui se mettent en action à partir de cette conscience peuvent être terriblement efficaces.

Il fait référence ici à ce qu’il appelle l’angle mort du leadership, c’est-à-dire cet état intérieur, à la source de nos actes, de nos paroles, de nos décisions… auquel la plupart d’entre nous est aveugle. Il nous invite à faire émerger cette conscience profonde, cette intention qui nous anime et suscite chez nous des émotions positives.

Le domaine du sport de haut niveau nous donne une grille de lecture de cette dimension intérieure. Tout compétiteur va s’employer à aligner sa volonté (ses forces physiques/mentales, sa capacité à se dépasser…), avec ses émotions (l’enthousiasme à vivre ce défi sportif et l’optimisme quant à ses résultats…), avec ses désirs (de victoire, de nouveaux records…) et son imaginaire (celui de se voir monter sur le podium). Dans le domaine du management, ces dimensions intérieures nous sont relativement inconnues. Il est très rare que soit mise en œuvre cette conscience de l’intérieur vers l’extérieur pour améliorer les performances managériales.

L’intention, catalyseur de notre désir d’être et pouvoir d’agir

Cette nouvelle conscience de l’intérieur vers l’extérieur, est selon O. Scharmer le fruit d’un grand vouloir qui peut être activé sous trois conditions :

En psychologie, ce grand vouloir est ce qui caractérise l’intention. Dans son ouvrage Le pouvoir de l’intention, Wayne Dyer, psychothérapeute américain, désigne l’intention comme « un but ou un dessein clairement affirmé, accompagné de la détermination à obtenir le résultat désiré ». Pour lui, l’intention est « une force que nous portons tous en nous, un champ d’énergie qui se déploie au-delà de nos repères habituels ». [A lire aussi : "Avez-vous pris soin de vous accorder avec votre intention aujourd’hui ?"]

L’intention naît de l’alchimie entre notre désir d’être et notre pouvoir d’agir.

L’intention nous est propre et ne dépend que de nous ! Elle demande donc à être conscientisée, questionnée, explorée pour émerger et devenir claire à nos yeux. Car si l’intention existe déjà en nous, elle a besoin d’être extériorisée pour donner sa pleine puissance. L’intention fait l’action ! Plus souvent nous prenons le réflexe de clarifier notre intention, dans toute situation, mieux nous sommes à même de nous orienter dans l’action.

Pour Claire Rosart, chercheuse en systémique des groupes : « Une intention, c’est un peu comme une balise que l’on jetterait dans la direction que l’on souhaite emprunter et qui donnerait le cap en envoyant des signaux réguliers, nous permettant ainsi de cheminer dans son sens tout en s’adaptant à la réalité du terrain. C’est donc une force invisible qui dirige nos actions en mettant en route des dynamiques qui nous font avancer. […] Lorsqu’on est sur son chemin d’intention profonde, l’énergie déployée est décuplée. »

Il nous revient de choisir le champ d’énergie qui nous permettra d’avoir un impact positif sur les environnements que nous désirons créer ou changer dans notre vie. Cela signifie faire le choix d'ignorer notre ego et à travers lui la voix du jugement, du cynisme et de la peur, pour porter toute son attention sur son intention et écouter à travers elle et en pleine conscience la voix de son cœur et de sa volonté.

Cheminer en se laissant guider par son intention profonde procure l'enthousiasme pour passer à l'action, le cap pour prendre les bonnes décisions, la vision pour porter un projet, le sens pour engager ses parties prenantes et le bon niveau d'écoute pour se comprendre.

Mes sources d'inspiration
Et tu trouveras le trésor qui dort en toi de Laurent GOUNELLE
Le pouvoir de l'intention de Wayne W. DYER
Théorie U, l'essentiel d'Otto SCHARMER
L'intention personnelle en vidéo par Claire ROSART

Ah, ces fichues pensées qui tournent en boucle et nous gâchent l’existence. Elles nous enferment dans des jugements négatifs sur nous-même, sur les autres et sur la vie en général et nous incitent à chercher des coupables ! Imaginez que vous connaissiez les mécanismes qui fabriquent vos pensées... Imaginez que vous ayez en votre possession les clés de votre cerveau pour remodeler ces pensées avec l’intention de vous sentir bien… Ça n’est pas utopique ; le médecin spécialiste en neuropsychologie Bernard Anselem nous livre quelques enseignements issus de la recherche en neurosciences, ainsi que des approches concrètes pour rompre le cercle vicieux des pensées/émotions dans son ouvrage Je rumine, tu rumines, nous ruminons… En finir avec ces pensées qui tournent en boucle.

Outre le plaisir de vous partager la découverte de ce livre ; mon article vise également à mettre en résonnance ces bonnes pratiques avec la question de l’intention : l’intention comme cercle vertueux de bien-être pour endiguer le cercle vicieux des pensées négatives.

Notre cerveau est formé pour notre survie, pas pour être heureux…

Aux origines de l’Homme, notre cerveau a été modelé pour survivre au danger : il en a fait sa priorité. L’énorme capacité de raisonnement dont nous avons été dotés est donc reliée à nos émotions pour enclencher l’action en vue de subsister dans un environnement hostile.

Aujourd’hui, les problèmes relationnels et les incertitudes professionnelles ont remplacé les bêtes sauvages mais la structure profonde de notre cerveau n’a pas évolué à la même vitesse. Cette préférence pour le négatif héritée de nos ancêtres reste la norme ; c’est ce que les psychologues appellent « biais de négativité ». Nous mémorisons donc mieux tout ce qui relève d’une menace pour être capable à nouveau de repérer et traiter les risques. Des groupes de neurones passent leur temps à faire des prédictions, des comparaisons, des anticipations basées sur l’expérience mémorisée de toute une vie, en lien avec les émotions rattachées à ces expériences.

Ainsi, nos ruminations débutent avec l’objectif de résoudre une situation inquiétante ou insatisfaisante. L’attention se concentre sur la situation en cause, mais dans des contextes d’incertitude, de doute de soi, de tensions, le processus déraille et les préoccupations réveillent des souvenirs chargés d’émotions pénibles. Le chemin des pensées se perd, les idées tournent en boucle. Cette spirale de négativité crée une distorsion dans nos perceptions, assombrissant toutes nos pensées. La noirceur de l’humeur vient alors se surajouter au problème initial.

Selon une étude du chercheur américain Matt Killingsworth pour Science, notre esprit divague pendant 47% de notre temps en moyenne. Ce vagabondage mental s’accompagne d’une baisse du bien-être car les pensées concernent le plus souvent des thèmes désagréables, que nous le voulions ou non. Être tracassé par des préoccupations diverses est la règle et non pas l’exception.

Selon B.Anselem : « notre principal ennemi ne provient pas de circonstances extérieures mais de nous-même. Nous sommes notre propre bourreau ».

De surcroît, les ruminations focalisent notre attention sur le ressenti émotionnel douloureux, pas sur les solutions. On pourrait croire qu’en se concentrant sur un problème, on le résout mieux. Mais c’est le contraire qui se produit. En cogitant, nous oublions d’agir et nous alimentons un cercle vicieux destructeur…

Choisir les pensées qui nous font du bien !

Comme le souligne B Anselem, il n’existe pas de bouton marche/arrêt pour les ruminations. Plus nous tentons de les bloquer, plus elles reviennent. En revanche, nous avons des raisons d’espérer car les neurosciences nous ont appris que le cerveau peut se modifier à tout âge. On parle de plasticité cérébrale. Par notre simple volonté, nous avons le pouvoir d’apprendre des comportements bénéfiques tout au long de notre vie et ainsi d’imprimer un changement durable au plus profond de notre cerveau. Il nous revient de choisir les pensées qui nous font du bien !

Mettre à distance ces ruminations ne demande ni talents ni connaissances exceptionnels, mais nécessite un peu d’humilité pour accepter de modifier les raisonnements que l’on a mis si longtemps à construire. B. Anselem propose trois méthodes de travail sur soi pour un résultat durable :

« Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être, mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre. » Marc Aurèle

Accueillir nos émotions douloureuses, comme des observateurs

Il est difficile de ressentir la paix alors que l’on résiste à une émotion. On ne peut d’avantage s’évader d’une souffrance sans la reconnaître. B. Anselem compare les ruminations et les émotions qui y sont associées à des sables mouvants. L’agitation de nos pensées nous enfonce inexorablement et raisonner toujours plus revient à utiliser une pelle pour creuser. On peut éviter de s’enfoncer dans ce bourbier en cessant de s’agiter et de s’opposer, en accueillant nos ressentis tels qu’ils sont, a fortiori lorsque l’on n’a pas le pouvoir de les modifier.

Pour accueillir et dédramatiser une émotion, il convient de se positionner en tant qu’observateur plutôt qu’acteur de ses pensées et de ne pas entrer dans leur jeu. S’entraîner à ramener son attention vers le présent « ici et maintenant » est probablement la pratique la plus puissante contre les ruminations. L’objectif est de progresser vers plus de conscience de ce que nous voyons et ce que nous entendons en provenance de l’extérieur, mais aussi de nos ressentis internes, en toute neutralité. Et ainsi de comprendre que le reste n’est qu’une construction de nos pensées, pas la réalité.

Faire confiance à notre désir pour libérer l'énergie

Comme l’a souligné B. Anselem, les ruminations nous empêchent d’agir. En conséquence, pour éviter de retomber dans le cercle des ruminations, nous pouvons focaliser notre attention sur une action au présent, centrée sur un objectif désirable pour nous. En termes neurologiques, cela revient à s’engager dans un comportement qui alimente les circuits cérébraux de la récompense.

L’enjeu est ici d’agir sur nos forces plutôt que sur nos insatisfactions : capitaliser sur nos émotions positives, renforcer nos capacités à affronter l’adversité, améliorer notre rapport à soi et aux autres.

C’est là qu’entre en jeu l’intention pour inverser la tendance... Si nous considérons que les ruminations se déclenchent lorsqu’une émotion négative surgit et vient déformer nos pensées, cela signifie que nos émotions sont un précieux baromètre pour détecter nos résistances. L’émergence d’une émotion telle que le stress ou l’anxiété est donc le signal d’un besoin de changement qui se manifeste en nous. C’est aussi une invitation à mobiliser notre énergie et trouver les forces pour avancer. Chacune de nos pensées possède une énergie qui peut soit nous affaiblir, soit nous renforcer ; à nous de faire peser la balance du bon côté !

La question à se poser à ce stade pour se sentir bien est : « Qu’est ce qui est important pour moi, ici et maintenant ? ». B. Anselem évoque un engagement qui nous motive en profondeur à agir. L’intention est du même ordre car elle se situe au carrefour entre nos désirs profonds, la condition de tout projet, de tout espoir, de tous les possibles, et de notre pouvoir agir, la somme de nos expériences, connaissances, compétences, qui nous permettent de prendre notre vie en main, en autonomie. Le désir porte l’énergie et le pouvoir agir donne la puissance à l’action. Explorer son intention pour comprendre où se situe notre désir et notre pouvoir agir est déterminant dans la vie de tous les jours comme pour les grandes aspirations existentielles.

Clarifier son intention, au quotidien, pour toutes les choses de la vie, est une pratique extrêmement vertueuse. Car elle permet de rompre le cercle vicieux des ruminations et de se projeter dans l’action, en trouvant le sens, l’inspiration et la détermination qui nous conduiront à avoir un impact positif sur les environnements que nous souhaitons changer ou créer autour de nous !

Pour compléter votre inspiration
EUROPE 1 - Bienfait pour vous - Est-ce qu’on ne se prendrait pas trop la tête, au quotidien ?

Très récemment dans un de mes articles, je vous partageais ma détresse face aux joutes oratoires qui ont gâché les échanges lors des dernières élections présidentielles et mon besoin impérieux que nous nous employions à relever le débat ! [à lire : "Employons-nous à relever le débat ! »] Je me suis donc mise en quête d’initiatives, de pratiques, d’expertises à partir desquelles nous pourrions « inventer des espaces pour discuter, débattre, délibérer et faire avancer les idées ». Vous trouverez l’inventaire de mes recherches à ce stade sur la plateforme collaborative #EtSiNous initiée par le Learning Planet Institute, qui rassemble des communautés de change-makers dans le but de partager aspirations, ressources, idées, et de faire face ensemble aux défis du XXIème siècle. Sur cette plateforme, j’anime la « Chaîne de l’intention » sur laquelle je vous communiquer mes découvertes sur le thème du débat et du dialogue, dans l’onglet « EtSiNous relevions le débat ». Cette plateforme est collaborative ; je vous invite donc vivement à compléter ces contenus avec vos propres actions et inspirations...

Pour aller plus loin, il me semble que la question qui se pose véritablement aujourd’hui, au cœur de nos conversations, est celle de la qualité du lien que nous voulons tisser avec les autres et, par conséquent, du soin avec lequel nous communiquons. « L’incapacité à se parler dans la différence est criante », constate le chercheur, sociologue et sémiologue Olivier Fournout. Il y voit une urgence à trouver des modes de dialogue pour faire émerger les possibilités et agir. « Dialoguer autrement pour agir devient une nécessité absolue, pour ne pas rajouter une couche de problèmes relationnels aux problèmes de fond, déjà suffisamment complexes. »

Œuvrer en faveur d’une écologie relationnelle

Olivier Fournout propose d’œuvrer en faveur d’une écologie relationnelle, en considérant la relation comme le milieu dans lequel prennent racines les solutions collectives face aux problèmes globaux.

Car c’est bien collectivement, dans le dialogue, que l’on échange des idées, que l’on offre des ressources, que l’on crée l’innovation. Le dialogue devient alors « un lieu d’apprentissage collectif d’où peut émerger un sens accru d’harmonie, de camaraderie et de créativité » selon David Bohm, physicien et philosophe américain auteur de l’ouvrage Le dialogue.

Force est de constater que l’art du dialogue n’est pas aisé. Nous avons tous fait l’expérience de réunions dans lesquelles nous perdions notre temps, de conversations qui tournent rapidement au débat, d’entretiens dans lesquels chacun reste campé sur sa position sans volonté sincère d’entendre l’autre. Même si les protagonistes souhaitent véritablement contribuer au dialogue, ils ne savent pas comment s’y prendre !

« Contre les débats stériles et les positions opposées qui ne se rencontrent jamais, il s’agit d’innover dans le traitement sociétal des controverses, tant aux niveaux politiques que médiatiques et citoyens ; monter des dialogues partout, tout le temps, pour tous, sur tous les sujets, pour toutes les décisions, de la manière la plus inclusive possible ; former à l’exercice ; développer un recul réflexif et transverse sur le processus même de dialogue ; s’entraîner à respecter les écarts sans fermer la porte au rapprochement ; et ne pas tomber dans le piège que, bien sûr, au moindre anicroche, c’est toujours l’autre qui ne sait pas dialoguer. », clame O. Fournout.

Car le dialogue requiert avant tout de la pratique, bien plus qu’un ensemble de méthodes. Il s’agit de développer notre capacité à travailler avec les autres et d’aider les autres à mieux travailler ensemble. Et ce n’est pas une science exacte, particulièrement en ces temps de complexité croissante ! C’est sur ce constat que se déploie la pratique de l’Art of Hosting, développée par un large réseau de praticiens dans le monde entier. Le terme « hosting » faire référence à la notion « d’accueillir ». Il s’agit d’accorder une attention et un soin particuliers à tous les aspects qui entrent en jeu lorsque des personnes travaillent ensemble. L’intention est d’accompagner le groupe dans sa réussite, de la même manière qu’une personne qui accueille des invités s’assurera qu’ils ont tout ce dont ils ont besoin pour que leur séjour soit réussi.

Les groupes et les organisations qui utilisent l’Art of Hosting comme mode de fonctionnement constatent une amélioration de leur processus de décisions, un développement plus efficace de leurs compétences et une plus grande réactivité dans leur réponse aux opportunités, aux défis et aux changements. Les participants ont le sentiment d’être plus autonomes, plus responsables et plus à même de contribuer aux réunions et conversations auxquelles ils prennent part et, ainsi, d’aboutir plus efficacement aux résultats escomptés.

Pour D. Bohm, dans un dialogue, il s’agit pour les personnes de faire quelque chose en commun, c’est-à-dire de créer ensemble quelque chose de nouveau.

« Bien entendu, une telle communication ne peut conduire à la création de quelque chose de nouveau que si les individus sont capables de s’écouter librement, sans préjugés, sans chercher à s’influencer. Chacun d’eux doit s’intéresser avant tout à la vérité et à la cohérence et être disposé à abandonner ses idées et buts obsolètes, pour passer à quelque chose de différent, quand il l’estime nécessaire. »

En quelque sorte, D. Bohm nous invite individuellement à nous abandonner, à faire don de soi au dialogue. Le dialogue devient ainsi un voyage dans lequel chaque participant est explorateur de cet inédit qui émerge. En se laissant porter par sa curiosité de l’autre, d’un ailleurs. En prenant plaisir à rebondir d’une idée à l’autre, comme d’une terre à l’autre, pour découvrir où ce nouveau chemin peut nous mener. En fusionnant nos horizons pour découvrir de nouvelles contrées, inexplorées jusqu’ici.

Dialoguer pour créer le monde dans lequel nous vivons

Pour Otto Scharmer, maître de conférences au MIT où il a co-fondé le Presencing Institute, les conversations créent le monde dans lequel nous évoluons au sein des groupes, des organisations et de la société. Dans son ouvrage qui traite du modèle d'innovation et de conduite du changement qu'il a développé : Théorie U, l'essentiel, il parle de « cultiver le sol du champ social ». Le champ social représente ici l’ensemble des relations entre individus, groupes et systèmes donnant naissance à des modes et schémas de pensée, de conversation et d’organisation qui, à leur tour, produisent des résultats pratiques.

On retrouve dans la pratique du dialogue de D. Bohm et d’O. Scharmer les mêmes fondamentaux que ceux décrit par the Art of Hosting :

O. Scharmer a identifié quatre modes de conversation correspondant à quatre qualités d’échange : le mode automatique, le débat, le dialogue et la conversation générative. Le leadership tel qu’il le conçoit consiste à accompagner le passage d’un niveau de conversation à un autre en fonction de ce que requiert le contexte ou la situation.

Pour D. Bohm, l’image du dialogue est « un flux de sens circulant parmi nous, à travers nous et entre nous ». Ainsi, ce flux de sens qui circule dans l’ensemble du groupe permet à une nouvelle compréhension d’émerger.

« Dans un dialogue, personne n’essaie de l’emporter. Lorsque quelqu’un gagne, tout le monde gagne. »

Dans le dialogue, tout le monde gagne !

Etes-vous prêts à vous aventurer dans ce dialogue authentique, à vous laisser guider par une curiosité tranquille, sans préjugés, afin d’avoir sur les choses un regard aussi nouveau et clair que possible ?

Vous sentez-vous suffisamment libre de faire émerger cette pensée collective, cette pensée qui vous permet de tout envisager ? Car dans le dialogue, les personnes pensent ensemble…

Pour D. Bohm : « Penser ensemble, c’est quand une personne à une idée, qu’une autre l’adopte et qu’une autre la complète. On a alors une pensée fluide et non pas des personnes qui essaient de se convaincre les unes et les autres ».

L’objet d’un dialogue n’est pas d’analyser les faits ou les événements, ni d’avoir raison ou d’échanger des opinions. Il s’agit plutôt de « suspendre les opinions et de les examiner », en écoutant les points de vue de chacun, et en observant ce qu’ils signifient. Si nous parvenons à en comprendre le sens, alors nous partageons un contenu commun, même lorsque nous ne sommes pas entièrement d’accord. Nous découvrons peut-être que les opinions ne sont pas si importantes après tout, elles sont seulement des hypothèses. Et en nous donnant la possibilité de toutes les envisager, nous pourrons alors explorer de manière plus créative différentes directions et simplement apprécier ensemble ce qu’elles représentent. « C’est à partir de ce processus que la vérité émergera à l’improviste, sans que nous l’ayons choisie. »

« Dans le dialogue, chaque participant est libre. Ce n’est pas comme dans une foule où l’esprit collectif prend le dessus. Il s’agit de quelque chose qui évolue harmonieusement entre l’individu et le collectif pour aller vers toujours plus de cohérence. »

D. Bohm a imaginé des « cercles de dialogue », des espaces ouverts qui invitent à la communication et au partage de la parole. Le seul enjeu est d'écouter et de laisser émerger les différents points de vue pour se rendre compte de ses différences et réfléchir ensemble. Ces cercles permettent d’apaiser les tensions et de faire émerger la bienveillance, la sagesse et l’intelligence collective. Grâce à l’échange d’expériences, ils participent à créer une relation plus humaine et plus consciente pour penser en confiance.

Si vous êtes curieux(se) de vivre l'expérience d'un « cercle de dialogue », connectez vous à la Place du dialogue dont l'intention est de diffuser dans la société une culture du dialogue respectueuse de chacun, à travers des espaces éphémères. L'idée est simple, partager 30 minutes de conversation avec des inconnus sur une place publique ! Le thème est donné, les règles du jeu sont énoncées, il ne vous reste plus qu'à vous laisser porter au rythme du dialogue...

Quelques références pour poursuivre l'inspiration :
Association culturelle Krishnamurti - Le dialogue selon David Bohm
up-magazine.info - L'urgence à dialoguer autrement pour agir
Learning Planete Insitute - EtSiNous - La Chaîne de l'intention (EtSiNous relevions le débat)
Avant-propos
A l’heure où je rédigeais cet article, fin février 2020, l’épidémie de Covid-19 semblait un phénomène distant pour bon nombre d’entre nous, aveuglés par nos préoccupations quotidiennes. Puis tout s’est accéléré. Emportés par une vague d’urgence, il nous a fallu revoir nos priorités, réorganiser nos activités, distendre nos relations, et accepter de suspendre le temps… Face à cette urgence qui nous étreint encore, distorsion entre la course immobile des confinés pour contenir l’évolution de l’épidémie et la course folle des soignants pour prendre en charge ses victimes, je reste étourdie. Alors, je choisis l’espoir et l’optimisme et je me prends à rêver… à la sortie de cette crise. En publiant cet article, sans en changer le moindre mot depuis son écriture, je prends le risque que tous ceux emprisonnés dans l’urgence du moment ne le lisent pas. Mais peut-être ne l’auraient-ils pas lu en temps normal ! Et je fonde l’espoir que tous ceux qui, comme moi, aspirent à rêver à demain, y trouvent matière à s’inspirer pour des jours meilleurs. Car il y est question de valeurs d’actualité, sécurité, excellence, respect et surtout d’humanisme… Bonne lecture.

J’ai découvert l’entreprise GGB au détour d’une newsletter, inspirée par l’objectif affiché par cette société industrielle, leader mondial dans la fabrication de paliers lisses hautes performances dont le siège français est basé à Annecy : « libérer le potentiel humain afin d’atteindre l’excellence ». Une raison d’être dont l’origine se trouve aux Etats-Unis, berceau d’un groupe industriel coté NYSE : EnPro Industries.

Pour bien comprendre comment une culture d’entreprise développée aux Etats-Unis peut trouver un ancrage local dans des sites de production implantés aux quatre coins du monde, je vous invite à un voyage entre l’Amérique du Nord et les bords du lac d’Annecy. Je vous invite à retracer les liens entre un groupe industriel comptant plus de 6 000 salariés dans le monde, EnPro Industries, et sa filiale, GGB France, un site de production regroupant près de 250 collaborateurs.

Une culture inspirée des standards industriels et portée par une figure humaniste

Revenons aux racines d’une posture made in EnPro Industries. Le groupe s’est structuré autour de valeurs répondant à la fois aux standards industriels internationaux et aux aspirations humanistes de ses dirigeants. Des valeurs contribuant au développement des possibilités de chaque collaborateur, pour atteindre l’excellence et établir des environnements de travail ouverts et créatifs, conformes aux normes de sécurité les plus élevées de l’industrie : la sécurité, l’excellence et le respect.

En introduisant une culture de la sécurité et de la santé dans ses valeurs de base, l’objectif d’EnPro est d’offrir à ses salariés les conditions de travail les plus sûres de l’industrie. Pour sa part, la quête d’excellence se reflète chaque jour dans la pratique des métiers du groupe, aux services client, production, commercial comme à l’innovation, pour construire une entreprise de premier ordre qui soit la meilleure en tout et partout. Enfin, pour EnPro, le respect va de pair avec le développement personnel des individus et des équipes, quelles que soient leurs origines, nationalités ou fonctions, favorisant ainsi la diversité et l’apprentissage entre pairs.

En 2012, cette culture s’est traduite par un mouvement baptisé Dual Bottom Line, porté par un CEO emblématique, Steve E. Macadam, et déployé au sein de chaque entreprise du groupe. Ce programme, basé sur un objectif de Double Résultat, accorde autant d’importance aux résultats financiers qu’aux réalisations et au bien-être de chaque salarié. Partant du constat que les collaborateurs centrés sur leur développement sont déterminés à atteindre l’excellence. Et par extension, que lorsque les salariés visent l’excellence, les résultats financiers de l’entreprise s’améliorent.

« Notre objectif est de créer pour nos employés un environnement propice à l’apprentissage, favorisant l’échange des connaissances et de l’information, afin de promouvoir l’indépendance et la liberté de pensée qui sont indispensables pour libérer le potentiel humain. » Extrait du site www.ggbearings.com

Au-delà d’un affichage très corporate de cette philosophie sur l’ensemble des sites entreprises du groupe, comment se décline-elle de façon très opérationnelle sur le terrain ? Comment ces valeurs trouvent-elles un terreau culturel propice à leur déploiement ?

Quittons les Etats-Unis et le groupe EnPro Industries pour s’immerger dans sa filiale française GGB France, au cœur du siège d’Annecy. Laetitia Bertin, responsable RH, est mon guide. Nous sommes vendredi soir en cette fin février 2020 et l’empreinte du groupe industriel mondial n’est pas loin… A peine passées les portes de l’entreprises, les valeurs mères s’invitent à mon rendez-vous. Sécurité oblige, un flacon de gel hydroalcoolique attend chaque visiteur à son arrivée. L’ombre lointaine du coronavirus plane sur l’entreprise dont le site GGB Suzhou en Chine vient tout juste de rouvrir pour reprendre progressivement son activité. Les valeurs de sécurité et de respect sont bien présentes, immédiatement visibles à mon arrivée. La sécurité est posée en responsabilité personnelle et partagée avec comme enjeu de veiller à son propre bien-être autant qu’à celui des autres.

Mais revenons au cœur du sujet qui m’a amenée à rencontrer Laetitia Bertin : comment s’y prend-on chez GGB France pour libérer le potentiel humain afin d’atteindre l’excellence ?

Une approche systémique de l’apprentissage

Le programme Dual Bottom Line est le socle d’un ensemble d’outils standardisés, une véritable Tool Box favorisant le partage de bonnes pratiques et l’apprentissage tout au long de la vie au service du développement personnel et professionnel de l’ensemble des collaborateurs.

Pour libérer le potentiel humain, la formation est un élément fondateur de la culture d’entreprise EnPro. Elle s’inscrit au cœur d’un système éducatif interne où chacun a la possibilité d’enseigner et d’apprendre des autres.

Dès leur recrutement, les salariés intègrent un plan de formation de deux jours, Building Our Workplace (BOW), pour les acculturer à l’esprit Dual Bottom Line. Depuis 2012, près de 6 000 salariés dans le monde ont ainsi été formés aux savoir-faire et savoir-être requis pour travailler dans les entreprises du groupe EnPro.

La fidélisation de la nouvelle génération d’ingénieurs d’application est au cœur des priorités avec le Strategic Workforce Development Application Engineer project. Ce programme en cours de développement vise à accompagner l’évolution de carrière et ainsi favoriser l’engagement de cette population clé pour GGB. Le projet s’articule autour de quatre grands enjeux. Tout d’abord la reconnaissance et la valorisation de cette catégorie de salariés. Ensuite, le développement de leur carrière et compétences dès l’onboarding à travers du mentorat, du coaching et des formations techniques, comme soft skills. Enfin, ce programme comprend l’animation d’une communauté dédiée aux ingénieurs d’application et la création d’une Leadership Team pour manager cette communauté.

Des modules de formation sont également proposés en interne comme en externe pour permettre à chaque salarié de construire sa carrière et de gérer son évolution au sein de l’entreprise, sur des thèmes très variés : comment bien communiquer, résoudre les conflits, développer l’esprit d’équipe ou encore affirmer son leadership.

Libérer les potentialités de chaque salarié

« La Tool Box nous apporte des réponses opérationnelles et éprouvées pour conduire avec succès le développement de nos collaborateurs. Toutefois, la liberté est donnée à chaque entité du groupe de déployer ces outils en les adaptant à sa propre culture pays » souligne Laetitia Bertin.

Cette notion de liberté est omniprésente dans la culture EnPro ; elle se matérialise à tous les échelons du groupe, au sein des entités comme des individus. Avec comme parti pris que les personnes au plus près du terrain et de l’activité sont les plus à même de définir les axes et les méthodes de travail. Une confiance est ainsi donnée aux individus leur permettant d’exercer leur autonomie et leur pouvoir d’agir, et de s’affirmer au travers de zones de responsabilisation.

« GGB donne à chaque employé la liberté de fixer ses propres objectifs et de décider de ce qu’il souhaite accomplir afin qu’il puisse se réaliser pleinement. » Extrait du site www.ggbearings.com

Chez GGB France comme dans les autres entités du groupe, c’est culturel, les salariés définissent leurs propres objectifs. Concrètement, en amont de l’entretien annuel, chaque collaborateur soumet à son manager les objectifs qu’il s’est défini pour l’année. Ces objectifs sont ensuite discutés et validés lors de l’entretien annuel. Une responsabilisation de l’ensemble des acteurs de l’entreprise qui a indéniablement fait son succès et participé à la création de gains à long terme.

C’est pourquoi, en 2020, avec sa démarche Better Works, GGB France a pris le parti d’abandonner les entretiens annuels au bénéfice de rencontres mensuelles orientées développement personnel. Ces conversations préparées par le collaborateur lui permettront chaque mois d’évoquer avec son manager ses réussites et ses points d’amélioration. Le pas suivant étant d’intégrer à ces échanges ouverts entre salariés et managers la dimension collective du travail, notamment au travers des objectifs d’équipe.

Une politique des petits pas vers le déploiement de l’intelligence collective

« Nous croyons qu’en développant un esprit de communauté, nous pouvons générer un degré d’engagement plus grand, maintenir un environnement ouvert à la discussion, et encourager une plus grande participation individuelle et collective dans les décisions journalières qui impactent notre activité. Privilégier la motivation, la prise de responsabilité et l’appropriation des projets, bénéficie autant à l’individu qu’à GGB. » Extrait du site www.ggbearings.com

La dimension communautaire chère au groupe mondial trouve son expression à travers des activités spécifiques à chaque pays, des challenges sportifs ou encore le soutien d’opérations caritatives. Pour Laetitia Bertin, cet esprit de communauté est moins adapté à la culture française qu’à d’autres nationalités. GGB France a donc choisi d’investir l’intelligence collective pour consolider une dynamique d’équipe porteuse d’innovations et d’amélioration continue, en s’appuyant sur les managers comme courroie de transmission.

Le déploiement de l’intelligence collective au sein de l’entreprise s’inscrit au plus haut niveau de la stratégie comme dans la diffusion de nouvelles façons de coopérer au sein des équipes opérationnelles à travers deux actions phares.

Le premier enjeu visait à associer un collectif de quarante managers à la co-construction du plan stratégique annuel avec le comité de direction. L’exercice, qui a consisté en année 1 à challenger les idées exposées par la Direction, s’est naturellement imposé comme une démarche vertueuse qui a permis d’aller plus loin en année 2, en invitant les managers à être davantage force de proposition sur les axes stratégiques à développer.

Pour Laetitia Bertin : « Nous avançons pas à pas, notre ambition étant d’aller plus loin avec ce collectif, dans un souci d’excellence et de performance, en élargissant cette réflexion stratégique aux collaborateurs. »

Aujourd’hui, GGB fait face à une population en fort renouvellement du fait de nombreux départs à la retraite et avec l’arrivée concomitante dans l’entreprise des nouvelles générations, notamment parmi les ingénieurs. Ces nouveaux acteurs ont de fortes aspirations en termes de compréhension des enjeux de l’entreprise et de coopération. La formation des managers à la facilitation et aux outils d’intelligence collective est une réponse à ce mouvement qui s’opère vers une meilleure auto-régulation du travail et la construction d’une dynamique collaborative. Des sessions de co-développement sont également proposées aux managers d’équipes et de projet. Un groupe de co-développement au féminin s’est même spontanément structuré pour revisiter certains freins ou résistances et explorer de nouvelles perspectives.

Le chemin tracé par le groupe EnPro Industries pour ses filiales est éclairant. Lorsqu’elles sont portées au plus haut niveau et matérialisées dans des actions structurantes et à fort impact pour les salariés, les valeurs irriguent toutes les entités et toutes les strates de l’entreprise, au-delà des frontières. Les moyens déployés par EnPro pour soutenir les capacités d’apprentissage de ses collaborateurs, assortis d’une culture de la confiance porteuse d’autonomie et de responsabilisation, confèrent indéniablement à ses filiales un fabuleux terrain de jeu pour développer leurs talents. Dans un environnement industriel pourtant marqué par de hautes exigences en termes de sécurité et d’excellence, force est de constater que la liberté donnée à chaque individu de se réaliser dans son travail agit comme un exhausteur et stimule les performances.

L’exemplarité en management repose sur une idée simple : s’appliquer à soi-même ce que l’on attend de ses collaborateurs. Mais pour qu’elle agisse pleinement et puissamment sur une équipe ou une organisation, l’exemplarité doit être considérée comme une exigence comportementale majeure à cultiver et à développer. L’exemplarité est indissociable de l’activité managériale, a fortiori dans les environnements incertains et complexes dans lesquels nous évoluons aujourd’hui. Car un comportement exemplaire stimule l’engagement et la volonté de coopérer. A l’inverse, un défaut d’exemplarité peut compromettre projets et performances.

« Il est nécessaire d’apprendre l’exemplarité pour devenir un bon manager. »

Pour bien comprendre les clés de cette attitude essentielle et exigeante, Tessa Melkonian, professeur à emlyon business school, a partagé le fruit de ses recherches dans un ouvrage très pragmatique dans lequel elle s’attache à expliquer Pourquoi un leader doit être exemplaire.

Manager c’est incarner un « modèle » comportemental

Dans son livre, Tessa Melkonian utilise le terme leader pour refléter la pluralité des figures d’autorité concernées par la question de l’exemplarité. Car c’est dans une relation d’autorité que la notion d’exemplarité prend tout son sens. C’est montrer à travers ses propres comportements ce qui est attendu de ses collaborateurs et le chemin à suivre. Cette définition porte l’image d’un modèle qui s’incarne dans l’alignement de ses comportements avec son discours. Une approche qui revient à l’idée simple de ne pas demander aux autres de faire quelque chose tout en montrant l’inverse. Pour être considéré comme digne de confiance par ses collaborateurs, un manager doit donc non seulement faire la preuve de sa compétence professionnelle, mais il doit également démontrer sa capacité à être exemplaire en toute occasion.

A l’heure où les efforts demandés aux salariés sont de plus en plus importants et où les leviers traditionnels de motivation s’amenuisent (rémunération, évolution professionnelle, sécurité de l’emploi…), l’exemplarité managériale n’est plus une option. Suivre les comportements d’une figure d’autorité est un bon moyen de réduire l’incertitude. Dans ce contexte, plus que jamais, les collaborateurs observent les comportements de leur hiérarchie et de leurs dirigeants pour déterminer s’ils répondront aux demandes d’adaptation et de coopération de l’organisation ou si, au contraire, ils ne feront que le strict minimum…

Pour Gaston Courtois, dans L’art d’être chef (1958) : « … la vie du chef parle toujours plus fort que sa voix et si sa vie est en contradiction avec ses paroles, il y a un illogisme qui scandalise les faibles et révolte les forts ».

Les bienfaits de l’exemplarité…

La recherche a démontré l’impact majeur des figures légitimes d’autorité sur les comportements des salariés, notamment sur leur capacité d’apprentissage, leur état d’esprit et leur volonté de coopérer.

… sur l’apprentissage

En observant les figures d’autorité jugées légitimes, les individus identifient les comportements à adopter et ceux à bannir. Ce phénomène est particulièrement marqué en période d’incertitude et de changement. Le leader permet ainsi aux collaborateurs d’être plus rapidement dans l’apprentissage ou l’adoption du comportement attendu dans une situation donnée, avec un coût cognitif associé plus léger.

« Dans le contexte incertain et instable d’aujourd’hui, il faut adopter des comportements inédits, notamment en matière de créativité, d’autonomie et d’influence. Et pouvoir observer une personne adopter un tel comportement dans son environnement permet à l’individu de penser que c’est réalisable. »

… sur la satisfaction

Les études montrent clairement que dans un contexte de changement générateur d’incertitude pour les individus, repérer de l’exemplarité chez les leaders renforce la satisfaction des équipes et leur capacité à voir le changement de manière positive. Du même coup, l’exemplarité permet de réduire les réactions cyniques face au changement. Sans oublier les dirigeants et membres de comités exécutifs, qui ont eux aussi besoin que le président soit exemplaire quand le changement les concerne...

… sur la confiance et la coopération

Si les salariés se sentent justement traités, ils développent de la confiance vis à vis de l'organisation quant au fait qu'ils peuvent coopérer dans le cadre des changements qui se profilent. L'exemplarité du leader joue alors comme un signal sur le fait que la coopération est la meilleure option. Quand un leader légitime adopte des comportements de coopération, les individus sont beaucoup plus enclins à coopérer et à mettre au second plan leur intérêt personnel à court terme.

Comment cultiver et développer son exemplarité ?

Tout leader est exposé en permanence au regard de ses collaborateurs qui vont sonder s’ils peuvent lui faire confiance et capitaliser sur ses comportements ou s’ils doivent se méfier de lui et se protéger. Cette exposition est renforcée par l’incertitude actuelle et la somme des efforts d’ajustements auxquels tout un chacun est soumis dans les organisations. D’autant qu’avec les réseaux sociaux, les collaborateurs partagent de plus en plus rapidement leurs observations sur les comportements non-exemplaires de leurs leaders. Pour développer son exemplarité, un leader doit donc prendre conscience et accepter cette relation de transparence, fortement intensifiée par les réseaux sociaux.

L’exemplarité repose sur le respect des autres, l’exigence vis-à-vis de soi-même et une forme d’humilité qui encourage le leader à se soumettre aux mêmes exigences que les autres. Pour permettre aux leaders de renforcer leur exemplarité auprès de leurs équipes, Tessa Melkonian propose plusieurs leviers. L’idéal étant bien sûr de les combiner pour un effet positif maximum.

Choisir stratégiquement les comportements sur lesquels être exemplaire

Il est important de garder une forme d’humilité dans l’exercice de l’exemplarité : on ne peut pas être exemplaire sur tout. Il est donc vital pour le leader de choisir stratégiquement les comportements particuliers qu’il souhaite promouvoir auprès de ses collaborateurs et s’astreindre à les incarner au quotidien. Le leader doit s’engager uniquement dans les actions qu’il est en capacité de réaliser. Pour ne par perdre en crédibilité, mieux vaut aligner ses paroles avec ses actes et tenir au maximum ses engagements, ou ne pas s’engager.

Maintenir le lien avec le terrain et être à l'écoute de ses collaborateurs

L’exercice du pouvoir peut faire perdre le sens des réalités même aux plus vertueux. En conséquence, il est important pour tout leader de s’assurer de la présence de garde-fous qui lui permettent de maintenir le lien avec la réalité.

Préserver son écologie personnelle pour consacrer l’énergie nécessaire à l’exemplarité

L’exercice de l’exemplarité demande d’importantes ressources énergétiques au leader. Il doit veiller à préserver son écologie personnelle, c’est-à-dire maintenir le juste équilibre entre ses ressources et ses dépenses énergétiques. Il doit donc identifier les leviers à sa disposition pour maintenir cet équilibre délicat et chaque jour menacé.

Comme le disait Albert Schweitzer, Prix Nobel de la paix en 1952, « l’exemplarité n’est pas une façon d’influencer, c’est la seule ».

Il est donc essentiel de sensibiliser managers et dirigeants à l’impact de leurs propres comportements sur leurs collaborateurs et les effets produits en matière d’engagement. Les leaders doivent donner l’exemple de ce qui est attendu de tous, avec humilité et détermination.

L’engagement est au cœur de toutes les attentions dans les organisations car il est l’énergie humaine vitale à la performance de toute entreprise. Pour autant, l’engagement ne va plus de soi. Sa nature et ses moteurs sont en pleine évolution et dessinent les contours d’une nouvelle façon de représenter et de se représenter l’entreprise. Plus sincère, plus humaine et donc plus incarnée…

Il est donc un défi prioritaire auquel doivent s’attacher les dirigeants pour assurer la croissance et la compétitivité de leur entreprise : construire un nouveau modèle d’engagement. Qui réponde à la quête de sens, au besoin d’autonomie des salariés, et qui rayonne par-delà les frontières de l’entreprise pour attirer et fidéliser les talents dont elle a besoin.

La révolution de l’engagement

Aucune entreprise ne peut être performante si les femmes et les hommes qui y travaillent ne sont pas engagés ! Car c’est l’épanouissement du salarié au travail qui rend possible un engagement durable de sa part dans son activité, elle-même source de performance de l’entreprise.

Pour autant, les moteurs de l’engagement ont changé. Et l’entreprise ne se pose plus en « consommateur de ressources » mais en « cultivateur de talents ». La performance économique demande désormais beaucoup de créativité, d’esprit critique, de coopération et de communication. Pour émerger, ces compétences ont besoin d’un environnement sain favorisant la confiance à travers la bienveillance, l’autonomie à travers la responsabilisation et l’intelligence collective à travers le travail collaboratif. Des compétences également stimulées par une raison d’être puissante agissant comme un exhausteur de talent !

Pour Patrick Bouvard, rédacteur en chef de RH info : « L’engagement aujourd’hui est le déploiement d’une force individuelle et collective qui s’approprie un projet d’entreprise pour le porter avec plaisir vers le meilleur, collaborant et coopérant pour accomplir l’ensemble les tâches utiles au projet. C’est une vraie révolution : il ne s’agit plus de demander aux hommes et aux femmes d’être au cœur de l’entreprise, mais de mettre l’entreprise dans le cœur des hommes et des femmes qui y travaillent ».

Développer l’engagement suppose donc une forte adéquation entre les valeurs de l’entreprise et celles du collaborateur, et une cohérence entre les éléments de sens dont elle est porteuse et leur traduction en actes vécus par les salariés. Et c’est là que la question de la marque entre en jeu…

Construire une marque authentique

Si les marques ont toujours été des symboles pour identifier et différencier des produits ou des services, elles incarnent aujourd’hui des valeurs qui justifient leur différence et sont porteuses de sens pour l’ensemble des individus qu’elles adressent : consommateurs/clients mais aussi salariés. La question centrale dans le management de la marque est donc : comment construire une marque qui donne du sens ?

Si l’on s’attache à construire la marque à partir des valeurs fondamentales de l’entreprise et de sa raison d’être, il faut s’intéresser au « pourquoi ». Pourquoi l’entreprise fait ce qu’elle fait ? Quel est le sens de sa mission et sa contribution sur son marché ?

Selon Simon Sinek, auteur de l’ouvrage Commencer par le pourquoi, lorsque l’on communique sur le « quoi » l’information arrive dans la zone de notre cerveau qui traite le rationnel et l’analytique, alors que la communication sur le « pourquoi » sollicite la partie de notre cerveau responsable du ressenti et des émotions. Une zone qui agit aussi sur la prise de décision et qui guide nos comportements.

Des valeurs et un « pourquoi » qui ne s’inventent pas ! Si les valeurs et la raison d’être d’une entreprise sont naturellement personnifiées par son dirigeant, l’implication des salariés dans leur définition est déterminante pour l’appropriation de la marque. Car les collaborateurs sont les garants de la sincérité des valeurs véhiculées par la marque et de la bonne adéquation avec l’expérience qu’ils vivent au quotidien au sein de l’entreprise. Et en partageant des valeurs dans lesquels ils se reconnaissent, leur rôle d’ambassadeurs de la marque n’en sera que renforcé.

De la marque à la marque employeur

Comme l’évoquent les experts de Parlons RH dans le guide Construire et faire grandir sa marque employeur, la marque employeur est née aux Etats-Unis dans les années 1990 d’une initiative visant à appliquer les techniques du management de marque au management des ressources humaines. En France, la marque employeur explose au début des années 2000, alors que la guerre des talents fait rage sur le marché des ingénieurs informatiques. Il s’opère alors un changement majeur dans la communication du recrutement. Il ne s’agit plus seulement pour les SSII de diffuser un profil de poste dans les cahiers recrutement des grands magazines d’informatique mais d’investir dans des campagnes d’image qui les différencient de leurs concurrents en vantant une culture d’entreprise fondée sur l’esprit d’équipe, la formation, l’innovation… Et la frontière s’efface entre campagne de recrutement et communication de marque. Jusqu’à l’arrivée des réseaux sociaux qui vont impacter profondément la relation employeurs/salariés. Avec l’ère de la recommandation, les entreprises découvrent qu’il ne suffit plus d’affirmer que l’ambiance de travail est bonne, les possibilités d’évolutions nombreuses, l’engagement récompensé… Les candidats s’informent et vérifient.

Pour Parlons RH : « La réputation employeur devient aussi importante que la marque employeur ; la crédibilité de la seconde reposant fortement sur la qualité de la première ! »

Aujourd’hui, la marque employeur recouvre des enjeux qui dépassent largement l’attraction des talents. Elle repose sur quatre piliers : la réputation, l’attractivité, la fidélisation et l’engagement et va adresser tout l’écosystème de l’entreprise : les candidats, les collaborateurs et managers, les actionnaires, les clients, les syndicats, les pouvoirs publics…

La marque employeur permet de diffuser une image positive de l’entreprise et de renforcer sa réputation, de favoriser son attractivité et son sourcing, de fidéliser les collaborateurs, de maîtriser et de réduire le turnover et de développer l’engagement et la fierté d’appartenance. Les marques qui réussissent s’en servent pour rendre leur entreprise attractive depuis l’intérieur, et valoriser l’appartenance à la communauté de ses employés pour en favoriser leur fidélité.

Le principal défi des entreprises est de proposer un discours authentique qui reflète l’expérience réellement vécue par les collaborateurs. La sincérité de la promesse faite via la marque employeur n’étant pas négociable. Il en va de la fidélisation des nouveaux talents !

Comme l’indique Thomas Chardin, dirigeant-fondateur de Parlons RH : « Ce que la marque employeur fait à l’intérieur se voit à l’extérieur ».

La marque au cœur de l’Entreprise Incarnée

Une marque est d’autant plus forte qu’elle repose sur des valeurs authentiques et sincères, portées par le dirigeant de l’entreprise comme par ses collaborateurs. La dimension humaine est déterminante dans la définition de la marque car les valeurs ainsi personnifiées créent un lien affectif, une source d’inspiration et une relation de confiance qui suscitent naturellement l’adhésion, voire l’engagement. En humanisant l’entreprise, la marque gagne en profondeur et en proximité.

Le dirigeant, en tant que premier ambassadeur de son entreprise, est l’un des principaux visages de la marque. Son rôle est de l’incarner en lui insufflant ses propres valeurs et en prenant la parole de façon régulière sur l’actualité de son entreprise, ses innovations, ses succès, ses distinctions... Son expression est également une excellente opportunité de se démarquer de ses concurrents. Sur les réseaux sociaux, les publications de dirigeants reçoivent en moyenne dix fois plus de partages que les contenus de marque. Par ailleurs, les réseaux sociaux constituent des médias propices à une certaine liberté de ton pour les entrepreneurs désireux de prendre position sur des sujets moins corporate !

Pour conjuguer sincérité et originalité des messages, rien de tel que de donner la parole aux collaborateurs qui sont eux aussi d’excellents ambassadeurs des valeurs de l’entreprise. Valoriser leurs métiers ou leurs réalisations au travers de portraits sur le site carrières, publier des interviews filmées d’experts sur la chaîne YouTube ou le compte Twitter de l’entreprise… Ou encore poster des photos du dernier séminaire d’équipe témoignant de l’atmosphère d’une marque à laquelle les salariés contribuent tous les jours, sont d’excellents moyens de construire une marque employeur efficace. Des contenus qui pourront être partagés spontanément par tous les ambassadeurs de la marque dans un stratégie d’e-advocacy. L’entreprise est avant tout humaine et vivante. Ce capital humain est le bien le plus précieux de toute organisation. Et pour qu’elle se porte bien et prospère, il est indispensable d’y investir et d’en prendre soin.

Comme l’évoque Yves Clot, psychologue du travail dans son ouvrage Le travail à cœur : « Il importe de passer de la gestion des ressources humaines à la gestion humaine des ressources ».

Des ressources humaines qui sont la réelle valeur ajoutée d’une organisation et qui constituent son ADN. Qu’est-ce qui distingue une entreprise d’une autre si ce n’est les talents qui la fondent et la construisent ? Des forces individuelles et collectives qui portent un projet et œuvrent pour un bien commun.

Et si le bon modèle d’entreprise aujourd’hui n’était ni l’Entreprise Libérée d’Isaac Getz, ni l’Entreprise Horizontale de Frank Ostroff ? Si le bon modèle d’entreprise aujourd’hui était tout simplement le modèle de l’entreprise dans laquelle on se reconnaît ! Celle dont les valeurs nous parlent, par l’expression de son dirigeant ou de ses collaborateurs. Celle dont les messages suscitent l’émotion et la curiosité. Et si le bon modèle était l’Entreprise Incarnée dans toutes ses dimensions ?

Lorsque j’ai lancé mon moteur de recherche sur le sujet de la vérité, sans surprise, j’ai trouvé de nombreux articles sur l’approche philosophique de la vérité, mais aucun sous le registre de l’entreprise. C’est dire si la proposition de Jean-Jacques Montlahuc, dans son ouvrage Se dire la vérité en entreprise, est singulière. Singulière mais frappée au coin du bon sens, à l’heure où les dirigeants doivent s’inscrire dans l’un des plus grands défis de notre société contemporaine : requalifier la place de l’homme dans son rapport au travail, au cœur d’une entreprise bousculée par les nouveaux usages et la nécessité de se transformer toujours plus vite, toujours plus loin. Face aux nombreuses inconnues qui déstabilisent les organisations, l’enjeu pour les dirigeants et les managers est d’instiller la confiance à travers un cap clair, stimuler la fierté d’appartenance et créer les conditions d’une saine coopération. Dans ce contexte, existe-t-il valeur plus forte que la vérité pour mettre en lien et en mouvement les acteurs de l’entreprise ?

Pour Jean-Jacques Montlahuc : « S’intéresser à la vérité, c’est répondre à des enjeux plus que jamais d’actualité : clarifier les contributions, donner du sens, accélérer l’engagement et, par ce biais, augmenter la performance individuelle et collective. »

La vérité n’est pas une finalité mais un cheminement, un véritable cercle vertueux qui sert la performance de l’entreprise. Et si une telle approche naît généralement sous l’impulsion du dirigeant, elle est une démarche puissante pour accompagner des changements au sein d’une organisation.

La vérité, une démarche simple et puissante

« La vérité, c’est ce qui simplifie le monde et non ce qui crée le chaos», Antoine de Saint-Exupéry

Pratiquer la vérité en entreprise est un vecteur de lien et d’opportunités pour tous les acteurs en présence. En premier lieu, être en vérité avec les autres est une ligne de conduite qui engage personnellement, car elle exige du courage, de la détermination et beaucoup d’humilité. C’est oser parler de son expérience personnelle et de sa représentation de la réalité, c’est aussi oser partager son opinion et son ressenti avec sincérité face à une situation.

La vérité d’un système émerge ensuite par la rencontre de vérités individuelles. Nous avons tous déjà expérimenté, dans le cercle professionnel comme dans le cercle privé, combien la vérité de l’un appelle inconditionnellement la vérité de l’autre. Et pour être vertueuse, cette posture requiert des dirigeants, directeurs, managers qu’ils reconnaissent leurs collaborateurs dans leur singularité, leurs forces et leurs faiblesses.

Comme le rappelle J-J. Montlahuc : « Dans la mesure où elle permet des relations directes et franches, une circulation de la parole plus libre, la vérité est également une source réelle d’harmonie dans les relations interpersonnelles. Dire et se dire la vérité favorise une vision partagée et permet de faciliter les relations, de travailler de façon ouverte et de « faire corps » à l’égard des enjeux communs à tous. »

La vérité libère, la parole, les peurs, les émotions. Elle décongestionne et met en lumière la réalité des problèmes rencontrés, voire les dysfonctionnements, parce qu’elle autorise l’expression des besoins, la révélation pour chacun de ses envies et de ses fragilités. La démarche conduit également à une simplification des relations dans la mesure où tout peut être dit, dans la bienveillance et au moment opportun.

« La démarche de vérité conduit les individus à oser. Oser faire des propositions puisque tout est « entendable ». Oser essayer puisqu'il est autorisé d’essayer et de se tromper. Cet alignement et cette absence de peur de se tromper génèrent alors une puissance d’audace et de créativité qui sont au service de l’entreprise et de l’individu. »

Certes, la vérité ne peut pas tout résoudre mais elle est une condition essentielle pour construire et mobiliser l’intelligence collective du groupe, moteur de performance des entreprises, en donnant du sens aux décisions prises et aux actions engagées.

Comment dépasser les obstacles à la vérité en entreprise ?

La vérité est exigeante, elle nous met face à nos rigidités, sources de dysfonctionnement et de souffrance en entreprise ! Agir en vérité impose donc de porter un regard honnête sur soi-même et sur les autres, être lucide face à ses peurs et ses blocages. Le manager doit être exemplaire, s’accepter et accepter les autres dans leur authenticité.
Il est donc essentiel de considérer les résistances de nos collaborateurs comme des informations à prendre en compte, comme l’expression d’un besoin à satisfaire pour créer une relation constructive de coopération.

Pour J-J. Montlahuc : « Nos rigidités sont de véritables protections qu’il ne s’agit pas de nier, mais de chercher à contourner en construisant des espaces de discussion sécurisés, dans lesquels nos vérités, et en particulier nos peurs, peuvent être exprimées et accueillies. Car si elles ne sont pas canalisées, nos rigidités finissent, à plus ou moins long terme, par parasiter la vie de l’équipe. Les jeux de pouvoir deviennent alors l’enjeu numéro un de la vie de l’équipe. »

Les jeux de pouvoir dont nos entreprises sont trop souvent le théâtre, et qui nuisent à l’épanouissement de la vérité, ont un lien direct avec le besoin d’asseoir son autorité, voire de pallier son manque d'autorité. En revanche, plus l’autorité est forte et saine, plus elle autorise l’accès à un espace de vérité. La place de la vérité dans les organisations dépend donc de notre rapport au pouvoir et à l’autorité. Et il n’existe pas de contradiction entre la pratique de la vérité et l’autorité. Au contraire, lorsqu'un manager crée un espace de vérité, il favorise le développement des membres de son équipe. Il est ainsi plus légitime et renforce son autorité.

Comment expérimenter la démarche de vérité en entreprise ?

La démarche de vérité en entreprise est une méthode globale et progressive. Sa réussite suppose un changement de regard sur l’organisation et la mise en œuvre d’un véritable projet managérial. Car moins que l’acquisition de techniques ou de savoir-faire, elle requiert l’appropriation d’une nouvelle posture qui appelle un travail sur son savoir-être relationnel, individuel et collectif.

Pour que cet engagement de vérité ne soit pas qu’une belle promesse ou un effet de communication, il faut proposer un nouveau « contrat social » aux équipes qui remplisse trois conditions. Tout d’abord, une volonté politique portée par le top management, dans un esprit de co-construction avec les équipes. Ensuite, une cohérence entre les enjeux organisationnels et humains. Car le management « en vérité » doit répondre à des enjeux humains tels que les besoins de reconnaissance, de bien-être au travail ou de sentiment de contribution, mais également à des enjeux organisationnels qui sont de partager une même ambition et servir un projet d’entreprise, fidéliser et embarquer les équipes. Enfin, toute démarche de vérité nécessite de s’appuyer sur des instances de régulation sécurisées dans lesquelles l’incarnation du projet pourra se vérifier, voir s’ajuster.

Ce nouveau contrat s’appuie sur une démarche articulée autour de huit principes validés et mis en œuvre :

La relation de vérité se construit dans le temps. Trois années sont nécessaires pour installer le concept et l’intégrer dans une pratique régulière.

La vérité est un chemin et une belle aventure qui relie ceux qui le suivent. Alors, laissez-vous conduire par la vérité. Elle vous surprendra !

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